Algérie-UE : Ce qui est reproché à l’accord d’association – Mal négocié, déséquilibré et très éloigné des attentes de l’Algérie. Les qualificatifs ne manquent pas pour qualifier l’accord d’association liant l’Algérie à l’Union européenne
Mal négocié, déséquilibré et très éloigné des attentes de l’Algérie. Les qualificatifs ne manquent pas pour qualifier l’accord d’association liant l’Algérie à l’Union européenne. Officiels et experts s’accordent à pointer du doigt un bilan défavorable à la partie algérienne. Le président de la République annonce la volonté d’Alger de revoir ses dispositions « clause par clause ». Une position que l’Algérie avait déjà eu à expliquer à son partenaire européen lors de la tenue du 12e conseil d’association tenu en décembre dernier.
Nawal Imès – Alger (Le Soir) – À sa signature en avril 2002 puis lors de son entrée en vigueur en 2005, l’accord d’association Algérie-Union européenne était brandi tel un trophée arraché par une Algérie qui sortait d’une décennie de terrorisme. Il devait alors signer pour l’Algérie le retour d’un partenaire qui se voulait désormais fiable alors que pour la partie européenne, il devait acter une coopération permettant d’accéder à un vaste marché où presque tout était encore à faire.
Dans son premier article, l’accord d’association Algérie-Union européenne se fixait pour objectifs d’« assurer l’essor de relations économiques et sociales équilibrées entre les parties, et fixer les conditions de la libéralisation progressive des échanges de biens, de services et de capitaux ». Mais c’est justement cet équilibre-là jamais atteint qui est à l’origine de toutes les critiques faites à cet accord.
La toute récente émane du chef de l’État qui, en Conseil des ministres, a donné des instructions afin de « revoir les dispositions de l’accord d’association avec l’Union européenne, clause par clause, en fonction d’une vision souveraine et d’une approche gagnant-gagnant, en tenant compte de l’intérêt du produit national, en vue de créer un tissu industriel et des emplois ».
Mais que reproche-t-on réellement à cet accord ? Depuis son entrée en vigueur, il n’a que très rarement été évoqué positivement. Pourtant, à lire les articles qui le composent, c’est un concentré de bonne volonté.
En effet, il devait « favoriser les échanges humains, encourager l’intégration maghrébine en favorisant les échanges et la coopération au sein de l’ensemble maghrébin et entre celui-ci et la Communauté européenne et ses États membres et promouvoir la coopération dans les domaines économique, social, culturel et financier ». Entre ce qui était écrit noir sur blanc et la réalité du terrain, l’écart s’est vite creusé et les premières critiques ont rapidement fusé. Elles concernent très souvent le volet purement économique.
L’accord prévoyait, en effet, l’instauration d’une zone de libre-échange des produits industriels et la libération progressive des produits agricoles et agro-alimentaires mais également un démantèlement tarifaire devant arriver jusqu’à 0% de droits de douane pour plusieurs listes de produits. À mi-chemin déjà, le bilan était déjà mitigé et l’Algérie a dû négocier le report de l’échéance de la mise en place de la zone de libre-échange à 2020. Arrivée cette échéance, la partie algérienne a profité de la tenue de la 12e session du Conseil d’association avec l’UE pour, encore une fois, se plaindre du caractère non équilibré de l’accord. Ce n’est pas une simple vue de l’esprit puisque les chiffres le démontrent clairement.
Le total des exportations algériennes hors hydrocarbures vers l’UE n’a pas dépassé les 14 milliards de dollars en dix ans alors que les importations algériennes auprès de l’UE s’élèvent à 220 milliards de dollars, avec une moyenne annuelle de 22 milliards de dollars. Mais ce n’est pas le seul reproche puisque les dispositions de l’accord d’association ont engendré un manque à gagner de plus de 700 milliards de dinars aux recettes douanières algériennes durant la même période.
À cela s’ajoutent les reproches faits au sujet des investissements européens en Algérie. Ils sont qualifiés de faibles par la partie algérienne qui reproche également à son partenaire européen d’avoir négligé, tout au long de la durée de l’accord, le volet lié à la circulation des personnes. Un dossier sur lequel Bruxelles aime souvent rappeler que l’octroi des visas faisait partie de la souveraineté de chaque pays membre. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, l’Union européenne, considérée par la partie algérienne comme le plus gros bénéficiaire de l’accord, n’en est pas satisfaite à 100%.
Au lendemain de la tenue de la 12e session du Conseil d’association Algérie-Union européenne, cette dernière a en effet livré sa propre évaluation de l’accord dans un rapport dans lequel elle se dit « affectée par les mesures restrictives aux échanges introduites par le gouvernement algérien en contravention avec l’accord d’association », rappelant que « depuis 2015, l’Algérie a introduit une série de mesures protectionnistes, invoquant la détérioration de la balance de paiements à cause de la chute du prix du pétrole ».
Bruxelles reproche à Alger d’avoir instauré le régime des licences d’importation pour certains produits mais également l’application de droit additionnel provisoire de sauvegarde sur d’autres produits. C’est dire que lors du prochain conseil d’association, les deux parties auront beaucoup de choses à se dire…
Nawal Imès
Le Soir d’Algérie, 03/11/2021