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Jeune Afrique – Deux jours après avoir accusé le Maroc d’avoir « bombardé » un convoi de camions civils algériens, les autorités algériennes évoquent un « armement sophistiqué meurtrier », comprendre un drone. Les deux voisins se sont dotés ces dernières années de nombreux appareils sans pilote.
Dernier rebondissement dans l’affaire des trois routiers algériens tués, selon la présidence algérienne, le 1er novembre, lors d’un bombardement marocain dans une zone contrôlée par le Polisario : le ministère algérien des Affaires étrangères annonce avoir saisi plusieurs instances internationales (ONU, UA, Ligue arabe et OCI) pour les informer de « la gravité extrême de l’acte de terrorisme d’État en question » et leur faire part de la volonté et de la capacité de l’Algérie « d’assumer ses responsabilités en matière de protection de ses ressortissants et de leurs biens en toutes circonstances ».
Le communiqué du département de Ramtane Lamamra évoque l’usage d’un « armement sophistiqué meurtrier » sans pour autant fournir de précisions sur sa nature.
Le site algérien menadefense, qui a le premier fait état de l’attaque, estime dans un billet publié le 5 novembre que celle-ci aurait été menée par un drone, plus précisément un Bayraktar TB2 acquis auprès de la Turquie.
Si aucune source officielle marocaine n’a confirmé l’attaque rapportée par menadefense, l’affaire relance le débat sur la multiplication dans la région de ces appareils sans pilote. La course à l’armement entre les deux voisins a ainsi connu une forte accélération depuis le début des années 2000.
Armement sophistiqué meurtrier
Dans la région, l’Algérie a été pionnière dans le domaine des drones et de la surveillance aérienne. Grâce une coopération accrue avec l’Afrique du Sud, elle a acquis et déployé dès le début des années 2000 des drones de surveillance Seeker I, puis Seeker II.
Face au succès des drones d’attaque américains au Pakistan et au Yémen, les autorités algériennes ont ensuite décidé de miser sur des drones de combat à long rayon d’action.
Aujourd’hui, l’armée aligne une vingtaine de drones d’attaque El-Djazaïr 54 et 55, de conception émiratie et reconstruits localement, une douzaine de drones CH-4 et au moins cinq drones de reconnaissance CH-3, de fabrication chinoise. Elle maintient également un régiment d’une douzaine de drones tactiques Seeker sud-africains destinés à la surveillance.
Le succès commercial et militaire du drone de combat turc Bayraktar TB-2 et son efficacité en Syrie, en Libye et dans le conflit du Nagorno-Karabakh suscitent l’intérêt de l’institution militaire.
Des négociations sont engagées en 2020 avec le fabricant turc pour renforcer rapidement la flotte de drones d’attaque algériens. Mais celles-ci ont été abandonnées en raison des sanctions canadiennes sur certains équipements utilisés à bord du Bayraktar. L’Algérie se résignera en 2021 à commander 24 drones d’attaques chinois Wing Loong II, qui entreront en service en fin d’année.
Allié majeur non-membre de l’OTAN depuis 2004, le Maroc a dû attendre 2020 pour que l’administration Trump allège le régime d’exportation permettant ainsi au royaume de commander quatre drones MQ-9B Reaper, qui seront livrés dans les mois ou années à venir.
Rabat a également bénéficié du redéploiement américain après les attaques terroristes du 11-Septembre pour accéder à quelques drones GNAT utilisés pour la surveillance. Ils ont été vus pour la première fois lors des événements de Gdeim Izik, à Laayoune, en novembre 2010.
En 2019, le Maroc se tourne vers la Turquie pour acquérir 12 drones d’attaque Bayraktar TB2, capables de porter des missiles. Le Royaume a réceptionné une première livraison des drones trucs en septembre, les autres unités devant arriver courant 2022.
La normalisation des relations entre le Maroc et Israël en décembre 2020 se manifeste également dans le domaine des avions sans pilote. L’armée marocaine a ainsi acquis 5 drones Hermes 900 auprès du constructeur israélien Elbit Systems. Elle possède également 2 à 3 drones Hermes 450 acquis en décembre 2020 auprès de la même entreprise.
Tentation du drone
Ce drone est utilisé pour des missions de reconnaissance, de surveillance et de relais de communications. En janvier 2020, trois drones Harfang, conçu par Airbus Group et Israël Aerospace Industries (IAI), ont été réceptionnés par Rabat.
Le drone Harfang, développé sur la base du drone israélien Heron, est un système destiné au renseignement, à la surveillance et la reconnaissance de cible.
Selon des sources militaires marocaines, ces drones sont uniquement utilisés pour les écoutes, la surveillance et les repérages, et non pour des attaques. Mais certains drones d’observation achetés par le Maroc auprès d’entreprises israéliennes disposent d’une option pour porter de petites charges explosives.
Mohamed Shkeir, expert militaire marocain, évoque dans la presse la livraison de 4 drones Hermes 900 « kamikaze » ou « suicide » dans le courant de l’année 2021. Il s’agit de drones capables de s’écraser sur les cibles visées.
Dans le contexte d’intensification des tensions entre les deux voisins, que la perspective d’un conflit ouvert coûteux en vies humaines n’enchante guère, un recours accru aux drones pourrait être tentant. Surtout si l’Algérie décide de faire bénéficier le Polisario de son expertise en la matière, comme l’a fait l’Iran avec les rebelles yéménites Houthis face à l’Arabie saoudite.
Par Jeune Afrique
CRIDEM, 06/11/2021
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