Maroc, Algérie, Israël, Sahara Occidental – Maroc-Algérie: Un Maghreb de plus en plus armé
-Le Maroc et l’Algérie ont considérablement augmenté leurs budgets de défense au cours de la dernière décennie
-Les deux pays maintiennent un pouls diplomatique qui s’est détérioré avec la normalisation des relations entre le Maroc et Israël
L’arrivée d’Israël au Maghreb, après la normalisation des relations avec le Maroc, a mis la région à rude épreuve et aggravé le pouls diplomatique entretenu par les autorités marocaines et algériennes. Au cours des dix dernières années, les deux pays voisins ont considérablement augmenté leurs dépenses de défense, une course militaire et aux armements dans laquelle Rabat et Alger se regardent avec méfiance tout en modernisant leurs armées.
« C’est une avancée importante pour le Maroc, le pays va gagner dès le départ, de la technologie et des connaissances », estime Mohammed Masbah, président de l’Institut marocain d’analyse des politiques (MIPA), à propos de l’accord militaire signé ce mercredi avec Israël. Selon cet expert, le Maroc cherche à se positionner et à prendre du poids dans la région, tandis que l’Algérie perçoit cette approche comme une menace.
« Nous devons connaître les détails de cette visite », dit Masbah. Les experts consultés n’osent toujours pas prédire quel sera l’effet dans la région des pactes de renseignement, de sécurité et d’entraînement signés à Rabat entre le ministre israélien de la Défense, Benny Gantz et son homologue marocain, Abdellatif Ludiyi. Les deux pays coopèrent dans ce domaine depuis des années, mais jusqu’à présent ils ne l’avaient pas officialisé publiquement.
Ce jeudi, le président du Conseil de la nation algérien, Salah Goudjil, a déclaré que « les ennemis se mobilisent de plus en plus pour nuire à l’Algérie », en réponse au pacte entre Israël et le Maroc, selon l’agence de presse d’Etat du pays. Alger a décidé en août de rompre les relations diplomatiques avec son voisin, l’accusant d' »actes d’hostilité » et d’espionnage.En représailles, elle a également fermé son espace aérien aux avions marocains et coupé le gazoduc qui achemine le gaz algérien vers l’Espagne via le nord du Maroc.
Budget de défense record
L’Algérie investit actuellement environ 7% de son Produit Intérieur Brut dans la défense et le Maroc 5%. Des chiffres qui, par exemple, triplent les dépenses militaires espagnoles par rapport à son PIB, qui s’élevait l’année dernière à 1,4%, selon les données de la Banque mondiale.
« C’est une compétition destructrice pour les deux parties », déplore Masbah. « Au cours des cinq dernières années, il y a eu une forte augmentation des dépenses militaires, à un moment où ce type d’investissement devrait être orienté vers le développement, les hôpitaux, etc. », témoigne le président de la MIPA.
Dans les budgets que le gouvernement marocain gère pour l’année prochaine, le poste dédié à la défense approchera les 50 milliards de dirhams (près de 5 000 millions d’euros), le plus important de l’histoire dédié aux dépenses militaires. Les autorités attribuent cette ascension record au processus de modernisation de leurs forces armées. L’Algérie a également augmenté ses dépenses militaires, notamment au cours de la dernière décennie, en 2019 elle a consacré 9,2 milliards d’euros, un montant qui reste bien supérieur au marocain.
Hégémonie militaire algérienne
Les analystes considèrent que l’armée algérienne est l’une des plus puissantes de tout le continent. « L’Algérie a soutenu des dépenses de défense plus élevées pendant des décennies, puisque son économie est plus forte que le Maroc, ce scénario ne changera pas mais le Maroc comble l’écart », explique Yago Rodríguez, directeur de Political Room.
Cet expert de la défense remarque que les armes israéliennes sont réputées chères et surtout à la portée des pays qui ont du pétrole ou des revenus importants, « Le Maroc, en revanche, a beaucoup compté sur les dons du Golfe », explique-t-il. C’est pourquoi il est un peu sceptique quant aux possibilités du Maroc d’acquérir de grandes quantités d’équipements militaires israéliens, « même si oui, Israël va ouvrir les portes de ses entreprises pour que le Maroc puisse acheter ce qu’il veut », conclut Rodríguez.
Le poids des drones
« Nous avons déjà vu que les drones turcs ont changé les règles du jeu sur le terrain. Le Maroc contrôle désormais la situation beaucoup mieux qu’avant », remarque Masbah. Ces derniers jours, les médias marocains ont spéculé sur l’éventuelle acquisition de drones israéliens par Rabat, information que les sources officielles n’ont pas confirmées.
Les drones jouent un rôle de plus en plus déterminant dans les conflits d’aujourd’hui. Le Front Polisario a dénoncé que le Maroc utilise des drones pour attaquer ses positions au Sahara occidental. L’Algérie a également accusé Rabat d’avoir bombardé et tué « avec des armes sophistiquées » trois chauffeurs de camion algériens alors qu’ils traversaient l’ancienne colonie espagnole.
Face à ces accusations, les autorités marocaines gardent un strict silence et évitent de commenter ce qui se passe au Sahara occidental, par ailleurs le roi Mohamed VI a appelé au « bon voisinage » entre les pays du Maghreb dans son dernier discours au début du mois.
El Periodico, 28/11/2021
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