Maroc Confidentiel

Industrie automobile, quelle politique pour l’Algérie?

Industrie automobile, quelle politique pour l’Algérie? – voitures, véhicules,

Face au bouleversement mondial de la filière voitures, quelle politique   pour l’Algérie face à cet interminable blocage : dix axes directeurs ?

L’actuel ministre de l‘industrie annonce en cette fin du mois de décembre 2021, pour bientôt une voiture algérienne à 100%.Cela ne va pas sans rappeler les déclarations fracassantes à la télévision publique ENTV le 27 août 2009 de l’ancien ministre de l‘industrie suivi par d’autres responsables du gouvernement qui avaient annoncé qu’, entre 2009/2014, nous aurons une voiture à 100% algérienne annonçant parfois des contrats avec l’Italie Fiat , puis avec l’Iran, puis avec la Chine, , puis avec l’Allemagne, puis avec la France , puis avec la Corée du Sud et même avec FORD pour les USA . sud-coréenne. Même comportements, même culture qui a conduit le pays à l’impasse que nous connaissons actuellement.. Mais n’étant pas spécialiste dans ce domaine, le plus grand ignorant n’est-il pas celui qui prétend tout savoir, j’ai demandé à plusieurs de mes amis algériens et étrangers de m’éclairer et ce afin d’éclairer, à mon tour, l’opinion algérienne et la réponse est claire , « aucun pays du monde en 2021 ne fabrique une voiture à un taux d’intégration de 100%

2.-.Qu’en est-il pour l’Algérie ? Le parc roulant national est évalué à 6.577.188 véhicules en 2019 contre 6.418.212 véhicules à la fin de l’année 2018, soit une hausse de 158.976 unités (2,47%),.Selon l’ONS, concernant la répartition des immatriculations et ré-immatriculations durant le 2ème semestre 2019, selon le type de véhicules, le parc automobile se compose de 598.644 véhicules de tourisme (69,46% du chiffres globale 861.837), de 137.795 camionnettes (15,99%) et 64.311 motos (7,46%). Le parc national compte aussi 28.751 camions (3,34%), 9.219 tracteurs agricoles (1,07%), 7.806 remorques (0,91%), 6.804 autocars-autobus (0,79%), 7.644 tracteurs routiers (0,89%) et enfin 863 véhicules spéciaux (0,10%). Pour ce qui concerne la répartition régionale, les cinq premières wilayas qui ont enregistré le plus grand nombre d’immatriculation et de ré-immatriculation durant le 2ème semestre 2019, sont celles d’Alger avec 97.624 unités (11,33% de la totalité), suivie de Blida avec 61.388 (7,12%), Constantine avec 37.728 unités (4,38%), M’sila avec 31.624 unités (3,67%) et Sétif avec 29.061 (3,37%).

Les années 2020/2021 sont des années blanches, sans compter des milliers d’emplois perdus , certaines estimations donnant uniquement pour la distribution 100.000 emplois. Les consommateurs algériens assistent donc à un feuilleton interminable , ne croyant plus les différentes déclarations où le ministre de l’industrie est assimilé à « Monsieur voitures » alors que son rôle est de dynamiser la production industrielle, et que toute importation relève normalement du ministre du commerce. Il faut un langage de vérité pour redonner de la crédibilité car l’objectif a été dès le départ d’économiser les réserves de change , le besoin annuel étant selon les experts à environ 250.000 unités/an ce qui équivaudrait à plus de 2,5 milliards de dollars/an , ayant permis donc d’économiser environ 5 milliards de dollars entre 2020/2021 . Face à cette politique, nous ne parlons de la restriction drastique d’autres produits, au gré de la conjoncture sans vision stratégique, qui ont paralysé tout l’appareil de production, le dernier feuilleton étant la poudre de lait, restriction qui vient d’être levée, contribuant à accélérer le processus inflationniste, le prix des voitures d’occasion ainsi les pièces détachées avec la pénurie ont connu une hausse variant selon les catégories entre 50 et 100%, en plus des accidents de voitures, laminant le pouvoir d’achat des camionneurs, des taxieurs et des consommateurs.

La voiture n’est pas un luxe du fait de la faiblesse des moyens de transports, les bureaucrates qui ont des voitures de services et donc faisant supporter toute la maintenance sur le trésor public étant insensibles aux préoccupations des citoyens. .Ainsi une révolution culturelle s’impose afin que certaines responsables s’adaptent aux arcanes de la nouvelle économie . Dans ce cadre, il faut poser les véritables problèmes afin d’éviter de mauvaises solutions.

3.-Tenant compte du constat que la majorité de la société algérienne est irriguée par la rente des hydrocarbures dont l’évolution des cours détermine fondamentalement le pouvoir d’achat des Algériens. l’on devra répondre à dix questions reposant sur des études de marché sérieuses, afin d’éviter le gaspillage des ressources financières et les erreurs du passé.

Premièrement, qu’en sera-t-il avec l’épuisement inéluctable des hydrocarbures en termes de rentabilité économique et non de découvertes physiques sur le pouvoir d’achat des Algériens? Dans ce cas par rapport au pouvoir d’achat réel, (alimentaires, habillement notamment plus les frais de loyer et téléphone) et avec le nivellement par le bas des couches moyennes, que restera –il en termes de pouvoir d’achat réel pour acheter une voiture, le niveau d’endettement ayant une limite ?

Deuxièmement, comment ne pas renouveler les erreurs du passé les risques de surfacturation (corruption) et le risque d’aller vers l’épuisement des réserves de change, d’autant plus qu’il y aura forcément l’importation des collections CKD destinées à l’industrie de montage des véhicules de tourisme qui avait a atteint près de 3 milliards de dollars en 2018, sans compter les importations des parties et accessoires (pièces détachées) et les importations des pneumatiques. Il faut dresser dresser pour tout projet y compris pour la santé et autres, la balance devises , aux économies d’’importations devant soustraire les matières premières et les services importés en devises.

Troisièmement, le marché local a-t-il les capacités d’absorption et ces opérateurs, seront- ils capable d’exporter pour couvrir la partie sortie de devises et donc quelle sera la balance devises des unités projetées ? D’autant plus que la majorité des inputs (coûtant plus cher avec le dérapage du dinar plus de 40% entre 2018/2021 et devant s’accélérer entre 2022/2024 selon le projet de la loi de finances 2022 ) seront presque importés devant inclure le coût de transport, également la formation adaptée aux nouvelles technologies et les coûts salariaux. Sans compter le manque à gagner de l’Etat de toutes les exonérations fiscales et bancaires qui par le passé n’ont pas permis la baisse des prix.

Quatrièmement, les normes internationales, du seuil des capacités au niveau mondial se situent entre .00.000 à 400.000/an pour les voitures individuelles, environ 150.000/200.000 et plus unités/an pour les camions/ autobus et évoluent avec les récentes grandes concentrations. La comptabilité analytique distingue les coûts fixes des coûts variables quel est donc le seuil de rentabilité pour avoir un coût compétitif par rapport aux normes internationales et aux nouvelles mutations de cette filière ? La carcasse représentant moins de 20/30% du coût total c’est comme un ordinateur, le coût ce n’est pas la carcasse (vision mécanique du passé), les logiciels représentant 70/80%, ces mini projets seront –ils concurrentiels en termes du couple coûts/qualité dans le cadre de la logique des valeurs internationales ?

Cinquièmement, quelle est la situation de la sous-traitance en Algérie pour réaliser un taux d’intégration acceptable qui puisse réduire les coûts où la part du secteur industriel représente moins de 6% du PIB en 2020 dont plus de 95% des micro unités familiales ou Sarl peu innovantes ? Le nombre d’entreprises sous-traitantes recensées en Algérie est actuellement insignifiante dominées par des petites entreprises (TPE) avec moins de 10 employés et qu’ environ 9000, soit 1%, activent pour le secteur industriel, le reste opérant soit dans le secteur commercial, la distribution, les services, le BTPH.

Sixièmement, dans une vision cohérente de la politique industrielle tenant compte de la forte concurrence internationale et des nouvelles mutations technologiques dans ce domaine, ne faut–il pas par commencer de sélectionner deux ou trois constructeurs algériens avec un partenariat étranger gagnant/gagnant maîtrisant les circuits internationaux avec un cahier de charges précis leur donnant des avantages fiscaux et financiers en fonctions de leur capacité. Ainsi pour un taux d’intégration variant entre 10/20% les avantages doivent être limités au maximum et devant leur fixer un seuil de production afin d’éviter que durant cette période certains opérateurs soient tentés dans une logique de rente, d’ accroître là, la facture d’importation en devises des composants.

Septièmement, construit-on actuellement une usine de voitures pour un marché local alors que l’objectif du management stratégique de toute entreprise n’est –il pas ou régional et mondial afin de garantir la rentabilité financière face à la concurrence internationale, cette filière étant internationalisée avec des sous segments s’imbriquent au niveau mondial ? Comment dès lors ces micro-unités souvent orientés vers le marché intérieur, réaliseront le taux d’intégration prévue de 40/50% au bout d’environ cinq années , risquant de fermer (faillite ne pouvant faire face à la concurrence internationale) après avoir perçu tous les avantages qui constituent des subventions supportées par le trésor public d’où l’importance d’une régulation stricte de l’Etat pour éviter des transferts de rente au profit d’une minorité rentière?

Huitièmement, une politique industrielle sans la maîtrise du savoir est vouée inéluctablement à l’échec avec un gaspillage des ressources financières. Aussi l’industrie automobile étant devenue capitalistique, (les tours à programmation numérique éliminant les emplois intermédiaires) quel est le nombre d’emplois directs et indirects créés, renvoyant à la qualification nécessaire tenant compte des nouvelles technologies appliquées à l’automobile ? Et quel sera le coût et la stratégie des réseaux de distribution pour s’adapter à ces mutations ?

Neuvièmement, ces voitures fonctionnent-elles à l’essence, au diesel, au GPLC, au Bupro, hybride ou au solaire, renvoyant d’ailleurs à la politique des subventions généralisées dans les carburants qui faussent l’allocation optimale des ressources ? Selon le Ministère de l’Energie entre 2015/2020 ( 2020, étant à prendre avec des précautions du fait de l’épidémie du coronavirus) nous avons une hausse de consommation de l’essence sans plomb de 1,25 à 1,55 millions de tonnes. En parallèle, la consommation de l’essence super est passée de 2,04 millions de tonnes à 1,29 millions, a-t-il indiqué, expliquant ce recul par l’effet de substitution de l’essence super à l’essence sans plomb. Quant à la consommation de l’essence normale, elle a pratiquement stagné à un million de tonnes, La consommation du gasoil entre 2018 jusqu’à 2020, nous avons les volumes respectifs de 14,29 millions de tonnes, 14,41 millions de tonnes et 12,58 millions de tonnes..La consommation en GPLc était de l’ordre de 1 millions de tonnes en 2020, contre 859.257 tonnes en 2019 et 649.977 tonnes en 2018. Quant aux voitures électriques, c’est encore un rêve.

Dixièmement, comment pénétrer le marché mondial à terme avec la règle des 49/51% qu’il s’agit impérativement d’assouplir ayant servi de rente à certaines oligarchies sous le couvert trompeur du « nationalisme »,(voir- Abderrahmane Mebtoul www.google 2010), aucune firme étrangère de renom ne pouvant accepter cette règle rigide dans le cadre des exportations mondiales et donc avec le risque que l’Algérie supporte tous les surcoûts..

En conclusion, étant une question de sécurité nationale, selon l’avis de la majorité d’analystes internationaux et de rapports reçus d’experts algériens travaillant sur ce sujet dans de grands laboratoires ou firmes, l’actuelle politique industrielle, sans cohérence, conduit à terme le pays droit au mur – endettement/dépendance (ratio de balance devises et technologique). Il y a urgence que les autorités politiques la corrigent impérativement, ne pouvant continuer dans cette trajectoire, avec un discours de vérité, car assistant à un dépérissement du tissu productif,. Il semble bien que certains responsables algériens oublient que la mondialisation est bien là avec des incidences politiques et économiques, voulant perpétuer un modèle de politique industrielle dépassé des années 1970/1990 largement déconnectées des réalités mondiales Je ne rappellerai jamais assez que le moteur de tout processus de développement réside en la recherche développement, que le capital argent n’est qu’un moyen et que sans bonne gouvernance centrale et locale, l’intégration de l’économie de la connaissance, aucune politique économique n’a d’avenir, en ce XXIème siècle , face à un monde turbulent et instable où les innovations technologiques sont en perpétuelle évolution.

L’Algérie doit investir tant dans les institutions démocratiques que dans des segments où elle peut avoir des avantages comparatifs : l’agriculture, le tourisme important gisement, les nouvelles technologies et dans des sous segments de filières industrielles tenant compte des profonds changements technologiques et une importante restructuration de cette filière qui est internationalisée. C’est l’entreprise dans le cadre des valeurs internationales, sans aucune distinction publique, privée nationale et internationale qui crée la richesse. La crise actuelle devrait entraîner un profond changement à la fois géopolitique, socio-économique, managérial et technologique à l’ horizon 2021/2025/2030. Donc , s’impose une stratégie d’adaptation de la future politique du gouvernement ballottée entre deux forces sociales, la logique rentière épaulée par les tenants de l’import, et de la sphère informelle malheureusement dominante, et la logique entrepreneuriale minoritaire. En bref, l’avenir de l’économie algérienne et intimement liée à une véritable stratégie tenant compte des nouvelles mutations mondiales impliquant forcément, une nette volonté politique d’approfondissement de véritables réformes politiques, macro-économiques, macrosociales, micro-économiques et institutionnelles solidaires. . ademmebtoul@gmail.com

Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane MEBTOUL

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