Liban : Union sacrée -Michel Aoun, Hezbollah,
L’alliance stratégique qu’entretient depuis des années le Hezbollah avec le parti chrétien maronite du Président Michel Aoun est-elle sur le point de rompre ? Pas si sûr, mais des débuts de crispations se font sentir après l’intervention du président libanais et ses accusations à peines voilées sur la responsabilité du parti chiite dans la situation de blocage que connaît le pays. Aoun, le candidat favori du Hezbollah, a été élu président en 2016, occupant un poste vacant depuis plus de deux ans. L’alliance Aoun-Hezbollah a été scellée en 2006 après son retour d’exil suite à la fin de la guerre civile au Liban. Depuis son entrée en fonction, l’alliance a été mise à l’épreuve alors qu’Aoun a dû faire face à une crise économique sans précédent, pataugeant dans la politique sectaire souvent conflictuelle du Liban.
Ainsi, le président vient d’appeler à la fin d’une impasse de 11 semaines qui a empêché le gouvernement de se réunir, sapant davantage les institutions de l’État dans le pays au milieu d’un effondrement économique. En effet, le pays du Cèdre est en proie à une crise économique décrite comme l’une des pires au monde au cours des 150 dernières années. Les institutions financières internationales appellent cela une dépression délibérée accusant l’élite politique, au pouvoir depuis des décennies, de mal gérer les ressources du pays.
Connu pour ces crises multiformes et multidimensionnelles, cette fois le Liban se doit de réagir afin d’éviter une implosion à tous les niveaux qui balaierait le fragile équilibre politique existant jusqu’à présent. Le Président Michel Aoun a implicitement reproché à son puissant allié, le Hezbollah, d’avoir empêché le gouvernement de se réunir. Lors d’un discours télévisé, Aoun a également énuméré une litanie d’autres obstacles qui ont fait dérailler la législation et les réformes nécessaires, critiquant son rival de longue date, le président du Parlement Nabih Berri, mais sans le nommer.
Pour rappel, le gouvernement du Premier ministre Najib Mikati n’a pas pu se réunir depuis le 12 octobre après que le Hezbollah et ses alliés ont demandé la destitution du juge principal enquêtant sur l’explosion massive dans le port de Beyrouth l’année dernière. Le Hezbollah accuse le juge de partialité et ses alliés au sein du gouvernement ont refusé d’assister aux réunions du Cabinet jusqu’à ce que le gouvernement trouve un moyen de le destituer. «Paralyser les institutions de l’État est devenu une norme et le résultat est la destruction de l’État», a déclaré Aoun. «Dans quelle loi, logique ou constitution le Cabinet est-il entravé et invité à prendre une décision qui ne fait pas partie de son autorité ?»
Nommé au poste de Premier ministre en septembre à la suite d’une nouvelle impasse sur l’équilibre des pouvoirs au sein du gouvernement, M. Mikati avait réussi à survivre aux feux nourris de certains partis politiques et devait gouverner au milieu de la crise. La classe politique est également divisée sur les plans de réforme, les négociations avec le Fonds monétaire international et les relations régionales. Le discours du Président a exprimé à la fois sa frustration envers le puissant allié, et remet également en question l’objectif de créer des tensions avec les pays du Golfe. L’Arabie saoudite, suivie par d’autres pays du Golfe, a boycotté le Liban en octobre à la suite des commentaires critiques d’un ministre allié au Hezbollah. Le ministre a refusé de démissionner pendant des semaines. Pour ne pas compliquer davantage la crise que traverse le pays, Michel Aoun a tenter l’exercice de souffler le chaud et le froid indiquant que l’alliance avec Hassen Nasrallah tenait… bon. Une sorte d’union sacrée qui vient d’être réaffirmée.
Mourad Termoul
El Moudjahid, 29/12/2021
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