Yahiaoui Nacera, professeur à l’université Mohamed Bouguerra à Boumerdes et directrice du laboratoire de recherche sur l’avenir de l’économie algérienne hors hydrocarbures, expose à travers cet entretien réservé à notre rédaction, la situation économique algérienne ainsi que les différents objectifs à venir au vue de la situation géopolitique actuelle.
Parlez-nous de votre laboratoire ?
Le laboratoire de l’avenir de l’économie algérienne hors hydrocarbures, est un consortium d’études regroupant des enseignants et d’étudiants de l’université de Boumerdes, soucieux de l’avenir et du développement de l’économie nationale. Nous œuvrons à trouver des solutions fiables et concrètes permettant à l’économie algérienne de se diversifier et de ne plus être dépendante de la rente des hydrocarbures.
Quelle est votre vision de l’économie algérienne ?
Mon point de vue au sujet de notre économie nationale, est qu’en plus qu’elle est dépendante des hydrocarbures, elle souffre de la lenteur dans la prise de décision pouvant faire évoluer notre économie ce qui a causé une énorme stagnation de l’activité de l’économie algérienne ainsi que son développement.
En plus de cela, je constate le non développement de nombreuses infrastructures dans divers domaines et ce bien qu’elles étaient en avance par rapport à d’autres nations. Je citerai pour exemple la création de l’institut de formation d’Arzew dans la wilaya d’Oran, qui a été crée au vue du grand potentiel gazier du pays, mais nous constatons aujourd’hui que le leadership en termes d’exportation gazière est détenu par un grand nombre d’autre pays. Cet exemple est applicable à bien d’autres secteurs tel que le tourisme ou l’agriculture. Je plaiderai également en faveur d’une révision du système fiscale afin qu’il puisse être en adéquation avec les critères économiques de notre pays.
Qu’encourt notre économie en étant dépendante des hydrocarbures ?
Il est vrai que 97% des ressources budgétaires de notre pays sont issues du secteur des hydrocarbures. Cette principale rente est considérée comme le baromètre de l’économie algérienne. Pour cela le gouvernement algérien doit impérativement s’orienter vers le développement d’autres secteurs d’activité tout en renforçant la production pétro-gazière étant donné que les facteurs de cette production sont des éléments déjà connus de l’équation économique algérienne.
Selon vous comment pouvons-nous diversifier notre économie ?
Afin de diversifier nos sources de revenu national, nous devons nous orienter vers d’autres secteurs tel que le tourisme, l’agriculture ainsi que celui de l’énergie solaire et ce au vue du grand potentiel dans jouit notre pays.
Dans ce contexte, l’agriculture qui, comme nous l’avons remarqué durant ces dernières années, a connu un énorme développement en termes de production et d’exportation. De ce fait, le Gouvernement a pour mission de pousser davantage à l’émancipation de ce secteur en mettant en place une série de reformes et de directives afin de replacer l’Algérie sur l’échiquier mondial des exportations agricoles.
Par ailleurs, le secteur du tourisme devra être mis au premier plan de la stratégie de développement du pays, de part le fort potentiel naturel que possède l’Algérie et qui est placé au 4e rang des destinations les plus populaires en Afrique, après la Maroc, la Tunisie et l’Afrique de sud (selon l’Organisation mondiale du tourisme OMT). De plus, ce secteur peut être considéré comme la seule source de revenus en devises, et ce sans effectuer la moindre opération d’exportation.
Le président Tebboune a qualifié l’année 2022 d’année économique par excellence, pour vous que seraient les axes majeurs pour y parvenir ?
Afin de pouvoir concrétiser cette vision du président de la République, nous devons tout d’abord réviser les textes de lois relatifs à l’investissement en Algérie, dans le but de faciliter l’activité économique dans le pays. S’ajoutant à cela, une restructuration de la chaine logistique doit être entreprise afin de permettre une liaison tant bien au niveau national qu’international des différents operateurs économiques. Je plaiderais également pour une gestion juste et raisonnable des aides et des subventions de l’Etat dédiés aux investisseurs.
Causant une hausse des cours du pétrole, quel serait l’impact du conflit Russo-ukrainien sur l’économie algérienne ?
Nous avons constaté que l’annonce faite par le président russe Vladimir Poutine concernant l’opération militaire menée par la Russie en Ukraine, a fortement impacté le marché pétrolier mondial avec un baril atteignant les 105 dollars et qui est amené à connaitre de nouvelles hausses dans les jours à venir.
Pour ce qui est de l’économie algérienne, nous pouvons décrire ce conflit comme étant une arme à double tranchant. D’un coté la hausse des prix du pétrole qui peut être considéré comme étant bénéfique pour notre économie en termes de rente pétrolière. D’autre part cette crise qui engendre également une hausse mondiale des prix des produits de première nécessité telle que le blé, un produit dont l’Algérie est fortement dépendante pour sa consommation ce qui pourrait fortement impacter le pouvoir d’achat des algériens dans les mois à venir.
Le chiffre d’affaires, 26/02/2022
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