Le bâillonnement des libertés au Maroc montre « la vulnérabilité » de la monarchie et risque de provoquer une « implosion sociale » dans un pays déjà agité par plusieurs mouvements de protestation, selon Aziz Chahir, enseignant universitaire et chercheur marocain.
Dans un article d’opinion paru mardi sur le site Middle Est Eye, Aziz Chahir a souligné qu’ »au Maroc, les libertés sont de plus en plus réprimées et la monarchie de plus en plus vulnérable ». « Le bâillonnement systématique » des libertés et les derniers jugements prononcés contre les défenseurs des droits de l’homme, les journalistes critiques ainsi que les intellectuels engagés « confirment la dérive autoritaire » du régime de Mohammed VI, a-t-il analysé.
« Une dérive dangereuse susceptible de conduire à une implosion sociale », prévient le chercheur.
D’après lui, le risque de l’implosion sociale est déjà palpable au Maroc, où « les indicateurs socioéconomiques du royaume sont dans le rouge et où les manifestations se multiplient pour protester contre la cherté de la vie et l’injustice sociale ».
Il rappelle qu’en février, des manifestations ont éclaté à Rabat et dans d’autres villes contre la hausse des prix des produits de première nécessité, les inégalités sociales « grandissantes » et la corruption. Et fin février, les transporteurs routiers ont mené une grève de plusieurs jours pour protester contre la hausse des prix du carburant.
L’auteur rappelle encore que le 11 mars, plus de 40 enseignants ont été condamnés à deux mois de prison avec sursis pour avoir réclamé de meilleures conditions socio-professionnelles.
Quelques jours auparavant, le journaliste Omar Radi a été condamné en appel à six ans de prison ferme dans une double affaire d’ »espionnage » et de « viol ». Il s’agit du deuxième journaliste indépendant marocain condamné en une semaine à une lourde peine de prison pour des accusations à connotation sexuelle : un autre journaliste, Imad Stitou, 32 ans, a lui été condamné à un an de prison, dont six mois ferme, dans la même affaire de « viol », comme en première instance, précise le docteur en sciences politiques dans son article.
Le 24 février, la justice marocaine a confirmé en appel une peine de cinq ans de prison ferme à l’encontre du journaliste indépendant Soulaiman Raissouni, pour « agression sexuelle ». La veille, l’avocat marocain et ex-ministre des Droits de l’homme, Mohamed Ziane, a été condamné à trois ans de prison ferme à la suite d’une plainte déposée par le ministère de l’Intérieur. En janvier, l’Association marocaine des droits humains (AMDH) a recensé 170 cas de poursuites judiciaires ou d’incarcérations visant des journalistes, blogueurs et militants de mouvements sociaux l’an dernier.
D’après Aziz Chahir, auteur de « Qui gouverne le Maroc : étude sociologique », « les autorités continuent de dénigrer les rapports attestant de la détérioration des droits de l’homme dans le royaume, à l’instar de la dernière publication de Human Rights Watch dénonçant notamment les poursuites judiciaires des opposants inspirées par des motifs politiques ».
« Le pouvoir tente par tous les moyens de réduire au silence les détracteurs les plus récalcitrants : intimidation, persécution, lynchage médiatique, amendes, détentions arbitraires et condamnations », dénonce-t-il, ajoutant qu’ »au début des années 2000, le régime a tout fait ou presque pour museler une presse dite indépendante, dont la plupart des pionniers ont été poussés à l’exil après l’interdiction de leurs publications, souvent à la suite de condamnations abusives ».
A cet égard, il regrette que « vingt ans plus tard, la justice n’arrive toujours pas à marquer son indépendance vis-à-vis du pouvoir, en statuant dans des affaires à charge souvent fomentées par les services de renseignement ».
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