L’Algérie a décidé le rappel de son ambassadeur à Madrid pour consultations, avec effet immédiat, suite aux déclarations des plus hautes autorités espagnoles constituant un « brusque revirement » de position concernant le dossier du Sahara occidental, a indiqué hier, un communiqué du Ministère des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger.
« Très étonnées par les déclarations des plus hautes autorités espagnoles relatives au dossier du Sahara occidental, les autorités algériennes, surprises par ce brusque revirement de position de l’ex-puissance administrante du Sahara occidental, ont décidé le rappel de leur ambassadeur à Madrid pour consultations avec effet immédiat », souligne le communiqué.
Cet incident diplomatique intervient dans un mauvais moment, alors que le contexte international, marqué par la guerre russo-ukrainienne, observe avec appréhension les imprévisibles développements du conflit.
Le revirement espagnol est-il en relation avec ce conflit ? Certainement oui, même indirectement. Le timing indique de lui-même la manœuvre. Même les journalistes espagnols en sont à la fois étonnés et embarrassés. Nous avions hier, tenté d’avoir un commentaire de la part de Rosa Meneses Arenda, responsable Desk Maghreb, au quotidien El Mundo, et grande experte du dossier maghrébin, en vain ; de même nous avions essayé d’arracher un mot à Carla Fibla, ex-journaliste à La Vanguardia, toujours sans succès.
Le Maroc avait, rappelez-vous, daigné voter contre la Russie au début de la guerre en Ukraine. Rabat tentait par ce coup d’atteindre deux objectifs : montrer à la Russie toute « sa bonne volonté » vis-à-vis des Russes, et c’était là un clin d’œil pour le Plan d’autonomie au Sahara occidental, mais surtout afficher sa colère aux Européens, qui n’ont été à la vitesse souhaitée concernant le même volet, et pis encore, ont montré pour certains un visage bienveillant aux Sahraouis.
L’Europe, englué dans la guerre qu’elle sous-traite à son corps défendant au profit des Etats Unis, devait prévoir tous les scénarios d’une guerre qui menace de se diluer. De ce fait, le Maroc est un élément de la démarche, du fait de sa position à la pointe de la Méditerranée, à l’embouchure de l’Atlantique. Comme les pays d’Europe, conscients de leur grande fragilité face aux deux blocs Russie-Chine et USA-GB, tentent de trouver la parade.
Concernant le Maroc, c’est apparemment l’Espagne qui a été envoyée au charbon, pour une question de proximité et d’indécision sur le dossier sahraoui.
De toute évidence, l’Algérie est comptée parmi les soutiens potentiels de Moscou, malgré la neutralité qu’elle observe depuis le début de la guerre.
L’Espagne est bel et bien la source du problème du Sahara occidental, en l’abandonnant de la sorte en 1975. Depuis lors, elle a fait des efforts pour rattraper ses erreurs ; elle a eu tantôt des positions honorables, tantôt moins. Mais contribuait certainement à un équilibre dans ce dossier épineux de décolonisation.
De ce fait, les conséquences peuvent s’avérer désastreuses dans l’avenir. Le rappel de l’ambassadeur d’Algérie en Espagne en est une. Commis en pleine guerre ukrainienne, l’acte madrilène est préjudiciable autant pour l’Espagne elle-même que pour ses partenaires les plus sérieux. On attendra la réaction officielle de Madrid sur le sujet.
L’Express, 20/03/2022
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