La question du Sahara occidental met à mal la diplomatie marocaine et sa mission à l’ONU au point de recourir à des pratiques mafieuses pour tenter de diaboliser le Front Polisario.
La diplomatie marocaine est-elle pourrie jusqu’à l’os? Il faut le croire si l’on se réfère à l’article qui répond à cette interrogation par un quotidien péruvien. «Des documents secrets du ministère marocain des Affaires étrangères sur le Sahara occidental, ayant été révélés en octobre 2014 par un hacker prénommé Chris Coleman, continuent de mettre à mal Rabat, notamment sa mission diplomatique à l’ONU», a écrit le 15 juin le journal. Le WikiLeaks marocain a mis au grand jour les pratiques «malsaines» d’un royaume affolé par le dossier sahraoui. «Le Maroc a eu recours pour atteindre son objectif, celui de maintenir sa domination sur le Sahara occidental et discréditer le Front Polisario, le représentant légitime du peuple sahraoui, reconnu par les Nations unies», souligne le média sud-américain. «Les révélations du hacker Chris Coleman dépassent de loin celles de WikiLeaks Assange et Snowden… et renseignent sur le pourrissement dans lequel évolue la diplomatie marocaine concernant la question sahraouie», assène l’auteur de l’article. La diplomatie royale brasse très large et graisse la patte à tous ceux qui plaident en faveur du Maroc dans le conflit qui l’oppose au Front Polisario. Journalistes, politiciens, intellectuels, membres du Congrès US et de certains gouvernements ont trempé dans cette vaste opération de corruption qualifiée de «coulée de lave de volcan» par le journaliste péruvien qui revient sur la manière dont procède la diplomatie du royaume pour acheter les consciences, décortiquée par le WikiLeaks marocain. «La politique de l’argent» et «la diplomatie du phosphate» sont adoptées par le Maroc pour pousser des pays à «rompre leurs relations diplomatiques avec le Sahara occidental ou alors ne pas le reconnaître» indique Sanchez Serra. Même les instances onusiennes n’y ont pas échappé. Les documents rendus publics par Coleman «ont montré comment la mission diplomatique marocaine à l’ONU, conduite par Omar Hilale, a pu corrompre le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et des hauts responsables onusiens.» rapporte une dépêche de l’APS datée
du 16 juin. Les révélations livrées du Hacker marocain, font en outre état d’une affaire d’espionnage qui a ciblé les services du secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon. En 2014 les autorités marocaines n’ont pas hésité à mettre sous surveillance tous les faits et gestes de l’envoyé spécial de l’ONU pour le Sahara occidental, Christopher Ross jugé proche des revendications sahraouies. Le Palais royal avait juré d’avoir sa tête. «Il s’agirait donc, au stade actuel, d’évaluer la situation dans son ensemble, et de mesurer le prix politique des événements à venir en considérant éventuellement, la possibilité pour notre pays de désavouer l’actuel Envoyé personnel du secrétaire général…», préconisait une note interne du ministère marocain des Affaires étrangères portant la référence DG/7/6/N°/2014. Celui qui a été chargé de cette sale besogne n’est autre que l’ambassadeur du Maroc auprès des Nations unies à Genève. Il a été chargé non seulement de collecter des informations sur la démarche que compte adopter le diplomate américain pour trouver une solution au conflit sahraoui, mais aussi à en fournir sur sa vie privée et ses contacts. «Une manoeuvre de Christopher Ross pour remplacer le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU pour le Sahara occidental serait en préparation», avait écrit Omar Hilale le 11 avril 2012 dans une lettre confidentielle adressée à Mohammed VI (L’Expression du 4 Novembre 2014).Un remue ménage qui n’a pas empêché le Comité spécial de la décolonisation de l’ONU à réaffirmer le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination. Le «Comité des 24» s’est montré profondément inquiet quant au statu quo dans lequel se trouve le processus de paix piloté par les Nations unies au Sahara occidental. Le conflit au Sahara occidental est une question de décolonisation qui «ne peut trouver d’issue sans l’exercice par le peuple sahraoui de son droit à l’autodétermination» a déclaré le représentant de l’Algérie auprès de l’ONU, Sabri Boukadoum au cours de la session ordinaire du comité qui se tient à New York. Rabat n’a pas fini d’en baver et Coleman de prendre son pied.
L’Expression, 18 juin 2016