Tags : Maroc, pédophilie, pédocriminalité, tourisme sexuel, prostitution, Marrakech,
Le commerce du sexe se hisse au 3e rang des commerces illégaux les plus florissants. Deux nouveautés aggravantes: le portrait-robot du voyageur sexuel est de plus en plus diversifié. Et un nombre croissant de mineures se retrouvent enceintes d’un client de passage.
La faiblesse d’une réglementation dissuasive et un niveau de vie en dessous de 1 dollar par jour de moyenne par personne, dans certaines régions du monde, poussent les familles à solutionner leur situation de précarité en répondant aux demandes sexuelles de “prédateurs ” occidentaux. Sur 1,2 milliard de touristes en 2015 (soit 38 arrivées par seconde), 13% choisissent leur destination en fonction de l’offre en matière de sexe, certaines agences peu scrupuleuses se spécialisant même dans les “prestations ” touristiques. Les pays les plus fréquemment visés sont les Philippines et la Thaïlande, mais aussi la République dominicaine, ainsi que certains pays d’Afrique du Nord, et plus récemment Cuba. Certaines destinations “phares ” sont par ailleurs étiquetées selon les “spécialités ”. Grand Baie (île Maurice), la partouzeuse; Marrakech (Maroc), la perverse (Maroc); Cape Town (Afrique du Sud) l’homosexuelle; Banjul (Gambie), la pédophile; Hammamet (Tunisie), l’opulente; Riga (Lettonie), la débauche; ou encore Kribi (Cameroun), la libertine… Les pays industrialisés sont également partiellement touchés. Ce sont généralement ceux où la prostitution est légalisée, comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Allemagne, les Pays-Bas et les pays de l’Est européen. Selon les chiffres officiels de l’Ecpat, une ONG qui milite pour la fin de la prostitution infantile, le touriste sexuel est majoritairement masculin : 7% ont moins de 30 ans; 18% entre 30 et 40 ans; 33% entre 40 et 50 ans; 24% entre 50 et 60 ans et 18% plus de 60 ans. En volant à l’autre bout de la planète, ce client de l’amour low-cost s’imagine atterrir dans un espace où les êtres humains n’auraient pas les mêmes droits. Derrière les frontières et à l’abri des regards, il s’ “éclate ” sans crainte et profite de son séjour pour braver les interdits qu’il respecte habituellement chez lui (voyeurisme, exhibitionnisme, pédophilie). Il s’autorise même le délit. Ainsi par exemple, à Prague, 20% des délits du week-end sont causés par des touristes sexuels. Même si bon nombre de gouvernements se refusent à l’admettre, dans certains pays, des enfants sont également sacrifiés pour satisfaire cette quête d’exotisme.
3 millions d’enfants abusés
Sur les 12,3 millions de personnes soumises au travail forcé dans le monde, 40% d’entre elles sont des mineurs victimes d’exploitation sexuelle. Ce sont donc plus de 3 millions d’enfants, de 13 à 15 ans, qui sont largués par leurs familles sur des plages touristiques ou emmenés de force à la ville. Ils s’y retrouvent esclaves de proxénètes, pour le compte de maisons closes ou de réseaux hôteliers. Un rapport récent de l’Unicef rappelle que la lutte contre la précarité reste la meilleure arme pour contrer ce fléau.
L’organisation forme les filles mineures à éviter les pièges de la prostitution, tout en leur faisant prendre conscience qu’un bagage scolaire suffisant leur permettra de trouver un travail dans l’industrie du tourisme, mais différemment, en devenant réceptionniste, secrétaire ou interprète par exemple. Et surtout, que la panacée n’est pas de trouver un mari de race blanche. La police locale étant aux premières loges du vice, Interpol s’emploie également, depuis plusieurs années, à édicter des recommandations et à favoriser la coopération policière et judiciaire internationale, un travail qui n’est toutefois pas facilité par la corruption qui sévit au sein même des institutions locales.
« Je te retrouverai et tu assumeras, papa! »
Dommage collatéral aux conséquences désastreuses, de très jeunes femmes se retrouvent enceintes d’un client de passage, exigeant des rapports intimes sans protection. Comme nous l’explique l’Institut international des Droits de l’Enfant, aux Philippes par exemple, ces enfants, issus du tourisme sexuel, sont appelés “poissons de lait ” car ils ont la peau plus blanche que la population locale. Ils font l’objet d’insultes, de discriminations et d’isolement dès la prime enfance à l’école. Doublement stigmatisées, les jeunes mères prostituées, abandonnées par leur propre famille qui les a plongées dans l’enfer du sexe, commencent depuis peu, aidées par des ONG locales, à se lancer dans des recherches à l’international pour tenter de retrouver le père “voyageur sexuel ” de leur enfant. Le but: lui faire assumer ses responsabilités (abandon d’enfant et pension alimentaire) dans son pays d’origine.
Dans certains pays, comme le Maroc, le tourisme sexuel représente une part significative du PIB. Cette “consommation locale ” est pourvoyeuse de devises et apporte une bouffée d’oxygène certaine à l’économie. De ce fait, les procédures judiciaires enclenchées par les autorités locales contre les “sexotouristes ” restent encore trop rares. Mais, s’il est compréhensible que les pays pauvres n’imaginent pas de limiter d’initiative le phénomène sans compromettre, dans leur esprit, leur survie financière, une réflexion éthique s’invite à nos consciences: si tout peut se vendre, peut-on impunément tout acheter ? Comme le précise, en réponse, la Charte du “Guide du Routard ”, la bible du globetrotteur à la recherche de bons plans : «Tant que le tourisme sera le fait des pays riches visitant des pays pauvres, il sera porteur d’un profond déséquilibre entre hôtes et visiteurs. Pratiquons donc un tourisme dans le respect de l’autre et dans la dignité de chacun, un tourisme qui conserve à l’hôte le plaisir de nous recevoir», tout en gardant à l’esprit que passer une frontière, ce n’est pas accéder à un monde sans limites et sans règles.
Des poursuites en Belgique
Certains pays, dont la Belgique, ont adopté des lois d’extra-territorialité (loi belge du 13 avril 1995 relative aux abus sexuels à l’égard des mineurs), permettant de punir eux-mêmes leurs ressortissants pour des abus sexuels commis sur mineurs, même si ceux-ci ont eu lieu à l’étranger. C’est ainsi par exemple, que huit ans après des faits d’attentats à la pudeur sur de jeunes Marocaines, Philippe Servaty, surnommé le “pornographe d’Agadir ” a été condamné, en février 2013, par le tribunal correctionnel de Bruxelles, à 18 mois de prison avec sursis pour attentat à la pudeur. L’homme, qui a pratiqué le tourisme sexuel entre 2001 à 2004, a par ailleurs été reconnu coupable de détention et de diffusion d’images à caractère pédopornographique. Le 17 mars 2016, Pieter Ceulen, un pédophile anversois, a été cueilli par la police à son arrivée à l’aéroport de Zaventem. Ce sexagénaire avait été condamné en janvier de cette année par le tribunal correctionnel d’Anvers, à 19 ans pour abus sexuels sur des enfants au Cambodge et aux Philippines, ainsi que sur ses propres filles adoptives. 750 gigabytes de matériel pédopornographique ont été collectés à son domicile lors d’une perquisition. Un accord ordonnant son extradition immédiate, après son arrestation, a été conclu entre les autorités cambodgiennes et le parquet général d’Anvers.
Depuis dix ans, le 2 juin est consacré “Journée mondiale pour un Tourisme responsable ”. Cette date marque l’engagement de tous les professionnels de la chaîne touristique (tour-opérateurs, compagnies aériennes, hôtels) de soutenir les efforts des ONG qui luttent contre le trafic des êtres humains. En Belgique, un groupe de travail, composés de représentants de Child Focus, Plan Belgique, Ecpat, la SNCB, Febetra (Fédération des Transporteurs belges) le ministère des Affaires étrangères, le ministère de la Défense et la cellule “Traite des êtres humains ” de la Police fédérale a lancé une campagne publique commune “Stop Prostitution Enfantine ”, adressée à tous les Belges en déplacement professionnel ou privé à l’étranger. L’appel au boycott est simple : que vous soyez touriste, homme d’affaires, fonctionnaire d’une ambassade, expatrié, personnel hôtelier, accompagnateur de voyage, chauffeur de car, «ignorez la prostitution enfantine à l’étranger. Mais si vous voulez sauver un enfant, captez toutes les images et ne fermez pas les yeux, témoignez!». Cette campagne s’inscrit dans le cadre d’un projet plus large lancé à l’échelle du continent européen : “Ne détournez pas le regard! ” Si vous souhaitez signaler un abus ou une anomalie à votre retour de vacances, vous pouvez contacter : la Police fédérale ( www.polfed-fedpol.be/); le point de contact de Stop Prostitution Enfantine (www.jedisstop.be) ; l’Ecpat (tél. 02-522.63.23); Child Focus (tél. 116.000).
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