Maroc Confidentiel

L’Algérie atténuera-t-elle le froid d’un hiver européen imminent?

Tags : Algérie, Union Européenne, Ukraine, Russie, Gaz, hiver, froid,

L’Algérie pourrait réchauffer l’Europe pendant la saison glaciale

Le monde se relevait à peine d’une pandémie mondiale que le chaos géopolitique a éclaté au début de l’année 2022. Une invasion russe de l’Ukraine, et la rupture de l’Europe avec Moscou perturbent actuellement l’ordre mondial. Entre les sanctions de l’Union européenne contre la Russie, et la suspension indéfinie par cette dernière des exportations de pétrole, de charbon et de gaz naturel vers l’ouest du continent, des craintes d’un hiver froid sans précédent planent pour les Européens. Actuellement en proie à une crise énergétique, l’Europe est désormais contrainte de réévaluer sa chaîne d’approvisionnement énergétique, et de réduire sa dépendance vis-à-vis de la Russie.

Dans le contexte de ces relations internationales incertaines, un pays d’Afrique du Nord apparaît comme un sauveur potentiel qui pourrait réchauffer l’Europe pendant l’hiver. Membre de l’OPEP, l’Algérie bénéficie d’une importante richesse en ressources naturelles. Elle possède les dixièmes plus grandes réserves prouvées de gaz naturel au monde, est le sixième plus grand exportateur de gaz, et possède les troisièmes plus grandes réserves de gaz de schiste. L’Algérie se classe également au seizième rang mondial pour les réserves prouvées de pétrole ; ce qui en fait une option attrayante pour l’Europe, et une alternative pratique à la Russie.

Cependant, l’Algérie est-elle réellement capable de compenser la pénurie d’approvisionnement en gaz russe de l’UE ? Est-elle prête à coopérer?

La situation Algéro-Européenne

Les tensions entre Bruxelles et Moscou augmentent alors que l’Europe occidentale tente d’imposer de nouvelles sanctions contre le Kremlin. Au milieu de cette pression géopolitique à prendre parti, l’Algérie s’est bien gardée de mécontenter la Russie, son alliée historique. De toute évidence, le pays d’Afrique du Nord a adopté la même neutralité subjective et la même approche non alignée qu’il a affichées à l’époque de la guerre froide. Pendant ce temps, les relations hispano-algériennes se sont détériorées, en raison du soutien de l’Espagne au Maroc dans l’affaire du Sahara occidental. Par conséquent, l’Algérie a réduit le pourcentage de ses exportations globales de gaz vers l’Espagne de 45 % à 22 % en juillet, tout en transférant l’approvisionnement de l’Espagne vers l’Italie.

Néamoins, le dialogue énergétique entre l’Algérie et l’Union européenne a été fructueux, et l’Algérie a accepté d’augmenter ses approvisionnements en gaz. Le Premier ministre italien Mario Draghi et le président français Emmanuel Macron se sont rendus en Algérie, dans l’espoir de consolider le partenariat avec leur désormais deuxième fournisseur d’énergie après la Norvège. Il s’avère que l’Italie aurait la plus grande part. Depuis le début de 2022, des rapports montrent que l’Algérie a fourni à l’Italie 13,9 milliards de mètres cubes de gaz, soit une augmentation de 113 % par rapport aux prévisions initiales.

Toutefois, l’Algérie peut-elle réellement remplacer la Russie comme alternative aux problèmes énergétiques de l’Europe ? Pour répondre à cette question, il faut se pencher davantage sur la capacité énergétique de l’Algérie.

Les enjeux de la dépendance de l’Algérie aux Hydrocarbures

L’Algérie est le premier exportateur africain de gaz vers l’Europe, ayant exporté près de 19 milliards de mètres cubes de gaz naturel en 2021 seulement ; il possède également un important potentiel de gaz de schiste. Le secteur des hydrocarbures, marqué par des ressources massives de pétrole brut et de gaz naturel, a longtemps été le pilier de l’économie du pays. Cependant, cela laisse le pays à la merci de la volatilité des prix mondiaux du pétrole et du gaz. En d’autres termes, une baisse des prix du pétrole pourrait facilement affaiblir l’économie algérienne.

Avec les dernières confrontations géopolitiques mettant en lumière le potentiel énergétique de l’Algérie, des questions ont été soulevées quant à savoir s’il peut réellement compenser la Russie. L’Algérie a fourni environ 11 % du gaz européen importé en 2021, tandis que la Russie en a fourni environ 45 %.

Par conséquent, il serait difficile pour l’Algérie de répondre aux demandes du marché mondial, notamment en pleine explosion de la consommation d’énergie domestique.

La dépendance excessive du pays aux hydrocarbures dans la production d’électricité a gravement nui à ses capacités d’exportation, entraînant une baisse des recettes d’exportation. En fait, le secteur énergétique algérien a été négligé jusqu’à présent, car les réserves s’épuisent et la production stagne.

Le potentiel en énergie renouvelable

Avec une superficie totale d’environ 2,3 millions de kilomètres carrés et plus de 1 600 km de côtes, l’Algérie est le dixième plus grand pays du monde, le plus grand d’Afrique et du monde arabe. Le désert du Sahara constitue une grande partie de sa surface, et plus de 3 000 heures d’ensoleillement annuel permettent à l’Algérie de construire l’un des plus grands champs solaires du monde.

Pourtant, malgré cela, la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique global de l’Algérie reste faible. En 2021, 99 % de la production d’électricité était basée sur le gaz. Bien qu’elle dispose d’un grand potentiel d’énergies renouvelables, l’Algérie manque malheureusement d’infrastructures. Seules des mesures minimes ont été prises pour renforcer la capacité des énergies renouvelables ; car l’État reste focalisé sur l’augmentation des investissements dans les hydrocarbures. Cela rend le pays incompatible avec un marché européen du gaz qui évolue rapidement vers les énergies renouvelables.

Cependant, l’Europe peut-elle aider l’Algérie à rénover son secteur énergétique ?

Coopération UE-Algérie

Lors du récent dialogue Algérie-UE sur l’énergie, le commissaire européen à l’énergie, Kadri Simson, a salué la coopération, la considérant de « partenariat stratégique à long terme ». Fondamentalement, il est crucial que ce partenariat se concentre sur l’augmentation des investissements énergétiques.

Cependant, la politique étrangère de l’Algérie permettra-t-elle des investissements étrangers, même si elle veut travailler avec l’Europe et moderniser son secteur énergétique ?

Dans les appels d’offres publics en Algérie, les entrepreneurs étrangers devaient trouver des partenaires locaux ; car la participation des investisseurs étrangers était plafonnée à 49 % jusqu’en 2019. Cependant, en 2020, le gouvernement a abrogé la règle restrictive « 51/49 », bien qu’elle reste applicable pour certains secteurs stratégiques, tels que les hydrocarbures, les mines, la défense et les produits pharmaceutiques.

Même si Sonatrach, la compagnie pétrolière publique algérienne, conserve toujours le contrôle des activités d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures en Algérie, une nouvelle loi sur les hydrocarbures promulguée en décembre 2019 a introduit la possibilité de partager la production avec des groupes étrangers. Le cadre contractuel actuel permet plus de flexibilité, et une répartition équitable des bénéfices aux opérateurs étrangers. Par la suite, Sonatrach a signé un gros contrat de «partage de production» de pétrole et de gaz de 4 milliards de dollars avec des partenaires européens en juillet dernier, un accord qui devrait contribuer à augmenter le volume de gaz disponible à l’exportation.

Bien que l’augmentation des exportations de gaz algérien reste une priorité absolue pour l’UE, la coopération énergétique bilatérale vise également à tirer parti du grand potentiel de ressources renouvelables inexploitées et abondantes en Algérie.

L’augmentation des investissements dans le domaine des énergies renouvelables serait cruciale et également bénéfique pour les deux parties, avec une énergie renouvelable libérant potentiellement des volumes de gaz, et augmentant éventuellement la capacité d’exportation internationale. À cet égard, le gouvernement algérien entend atteindre 15 000 MW d’énergie solaire d’ici 2035. Un appel d’offres est lancé pour installer des centrales solaires dans plusieurs régions.

Conclusion

Cette profonde mutation de la géopolitique de l’énergie a placé l’Algérie sur le devant de la scène énergétique internationale. Et si l’Algérie est prête à s’engager dans le « partenariat stratégique à long terme », elle ne souhaite pas offenser la Russie, son partenaire de longue date. Dans l’ensemble, les dialogues énergétiques réussis, et les discussions sur de nombreux investissements étrangers, et un transfert de technologie efficace marqueront une nouvelle ère de développement énergétique et de revenus diversifiés pour l’Algérie.

Global Voices, 24/11/2022

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