Le Parlement européen, la risée de tous ? Qatargate prouve que ces temps sont révolus

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Qatargate, le scandale entourant les politiciens PS Marc Tarabella et Marie Arena, ne reçoit pas l’attention qu’il mérite dans les médias flamands. Non pas parce que ce serait onctueux ou parce que le PS pourrait être impliqué, mais parce que le pouvoir du Parlement européen est terriblement sous-estimé.

La presse flamande parle trop peu du Qatargate au Parlement européen. C’est un fait et un (auto-)reproche. Les journaux francophones publient quotidiennement des pages entières d’articles sur les « liaisons dangereuses », comme les décrit Le Soir, des députés européens PS Marc Tarabella et Marie Arena.

Jeudi dernier, le numéro 389 y a suscité une attention excessive. C’est le nombre de contacts téléphoniques qu’Arena a eu, selon des documents juridiques, avec Antonio Panzeri, l’un des pivots de toute l’affaire européenne. Tarabella a déjà reçu une suspension du groupe socialiste. Arena a dû se retirer temporairement. Le Parlement européen souhaite également lever l’immunité parlementaire de Tarabella.

Dans les médias flamands, même en cette période de vacances de Noël sans nouvelles, les articles sur les méfaits présumés des deux députés PS sont sporadiques. Et ceux-ci se trouvent beaucoup plus souvent dans la seconde moitié du journal que dans la première.

VALISE PLEINE D’ARGENT

Ce manque d’intérêt pourrait s’expliquer par le fait que deux francophones et aucun flamand sont impliqués dans le Qatargate. D’ailleurs, les socialistes flamands du Vooruit se sont distancés vite et remarquablement fort de leurs camarades du Parti socialiste. Le président Conner Rousseau les a même appelés « crapuul » et « pipos » dans Humo.

Mais ce n’est pas la cause principale de l’intérêt mitigé pour l’affaire. Le Kazachgate avec Armand De Decker ou le Samusocial avec Yvan Mayeur portaient également sur des hommes politiques francophones, mais ont été très diffusés. La scène du crime – le Parlement européen – de ce scandale, c’est pourquoi on en parle si peu.

Ce manque d’attention est un problème car il s’agit de l’un des plus grands scandales que le Parlement européen ait jamais connu. Il y a les faits, qui apparaîtraient grotesques et invraisemblables dans un film. Le père de la députée grecque Eva Kaili, prise en flagrant délit avec une valise pleine d’argent. L’organisation à but non lucratif Fight Impunity, qui s’avère être une couverture pour des opérations frauduleuses. Ou les espions marocains, les sacs à main coûteux et les enveloppes d’argent.

Mais sous cette couche onctueuse, il y a aussi la conclusion que ce scandale de corruption a des ramifications larges et profondes dans le groupe socialiste du Parlement européen ainsi que dans la fédération syndicale internationale. La justice belge, pas moins, examine toute l’affaire, mais même cela ne semble pas être une raison pour y prêter une grande attention dans la presse.

DOUBLE SCANDALITIS

La presse ferait également bien de s’intéresser plus souvent à Qatargate en raison de l’implication du Parti socialiste. Ne pas faire de liens faciles avec le passé « scandaleux » du parti, avec le Samusocial, Publifin ou Agusta-Dassault. Ni de faire remarquer que les présidents du parti, Elio Di Rupo et Paul Magnette, aussi propres soient-ils, n’arrivent pas à se débarrasser de cette odeur d’affairisme.

C’est parce que les socialistes francophones sont le plus grand parti de la coalition fédérale de sept membres. Plus ce scandale européen s’étend, plus il est probable que le PS voudra faire ses preuves dans d’autres domaines et continuera donc à faire de l’obstruction au gouvernement fédéral. Le Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld) ou les présidents de parti Sammy Mahdi (cd&v), Egbert Lachaert (Open Vld) et Conner Rousseau (Vooruit) peuvent continuer à rêver et à défendre un paquet de réformes pour le marché du travail, les pensions et la fiscalité. Si le PS n’a aucun sens, rien ou presque ne fera des étincelles à Pâques – la nouvelle échéance pour un accord fédéral majeur.

De plus, le PS souffre de scandalitis dans deux parlements. Au parlement wallon, le président du parlement Jean-Claude Marcourt (PS) a dû démissionner après un voyage à Dubaï aussi luxueux qu’inutile et des frais de rénovation exubérants du bâtiment du parlement. Le PTB/PVDA continuera à haranguer le PS à ce sujet dans toutes les assemblées, ce qui risque de diminuer encore l’appétit du PS pour les réformes.

EXPLORER

Mais le manque de copie sur ce scandale de corruption est particulièrement un gros problème car le Parlement européen est incroyablement puissant. La presse flamande adopte généralement l’attitude des hommes politiques flamands à l’égard de ce parlement, qui – à quelques exceptions près – le traitent avec dédain et en riant.

Il ne s’agit pas d’un phénomène exclusivement flamand ou belge. Dans la plupart des pays européens, les gens se moquent de ce Parlement européen peu maniable et de son processus décisionnel opaque. Les partis des autres États membres y envoient donc des novices en politique, qui peuvent ainsi apprendre le métier dans l’anonymat le plus complet.

En Belgique, c’est le contraire qui se produit. Les politiciens qui ont fait leurs preuves sur la scène nationale se voient confier un emploi dans la sphère par leur parti. Ou comme l’a dit Bart De Wever à propos de son adversaire Kris Peeters en 2019 : « Les Romains auraient dit : ‘Rentre chez toi, remplis ton bain et ouvre tes veines, on n’a plus besoin de toi’. Maintenant, vous êtes envoyé au Parlement européen. »

En effet, à l’origine, le Parlement européen avait peu d’influence sur la hiérarchie européenne, mais cette époque est révolue. Les 705 députés européens ont depuis longtemps cessé de peupler une tente à gouttière, comme le rappelle souvent à juste titre le professeur Hendrik Vos.

Le grand tournant s’est produit dans les années 1990 avec le traité de Maastricht, qui a donné au Parlement européen des droits de codécision. Depuis 2009, date du traité de Lisbonne, le Parlement a le pouvoir de modifier et d’approuver les lois. Sur toute la législation européenne, le Parlement européen a désormais le dernier mot.

On ne dispose pas de chiffres concrets, mais des universitaires comme M. Vos supposent que 80 % de notre législation belge est influencée d’une manière ou d’une autre par les lois européennes. Pour l’agriculture, cette influence est très directe ; pour d’autres pouvoirs, comme la culture ou l’éducation, elle est plus indirecte ou subtile.

En matière de politique étrangère, le Parlement européen n’a fondamentalement pas beaucoup de pouvoir. Par conséquent, les résolutions du Parlement européen sur la politique étrangère n’ont jamais été prises trop au sérieux. Ils ont une signification politique, mais ne sont pas assortis de conséquences réelles ou de réglementations concrètes.

EUROPE SUPER-ÉTATIQUE

Or, il s’avère que les Qataris et les Marocains disposaient de beaucoup d’euros sûrs pour influencer précisément ces « éternuements » du processus décisionnel européen. En effet, Eva Kaili et consorts auraient reçu des sacs d’argent et des cadeaux de luxe pour que le Parlement européen vote plus favorablement sur ces deux pays par le biais d’interventions sur ces résolutions.

Si ces résolutions « impuissantes » valent déjà tant d’argent aux yeux des étrangers, n’est-ce pas la preuve de la puissance du Parlement européen ? Et certainement sur les pouvoirs sur lesquels il a un réel pouvoir ?

En fait, l’Europe est un super-État, comme l’écrit Annemie Turtelboom dans son livre The Money of Europe. Un super-État doté d’un parlement supranational, dans tous les sens du terme, sur lequel la presse ferait bien de braquer davantage les projecteurs. L’attention du quatrième pouvoir pourrait en fait limite r le pouvoir des lobbyistes astucieux et réduire l’appétit pour les pots-de-vin.

De Morgen, 07/01/2023

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