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Afrique : Macron en tournée pour contrer l’expansion russe
L’objectif du voyage du président est de réaffirmer la présence française dans une zone déjà influencée par d’autres puissances
Le président français Emmanuel Macron, parti hier pour un voyage en Afrique centrale qui le conduira au Gabon, en Angola, en République du Congo et en République démocratique du Congo (RDC) jusqu’au 5 mars, premier geste concret après la fin de l’opération Barkhane pour réaffirmer la présence française dans un terrain déjà touché par d’autres puissances. Macron se rendra dans quatre pays où il n’a jamais mis les pieds, avec la motivation officielle de participer au One Forest Summit de Libreville, un sommet international sur la conservation des forêts tropicales, mais la volonté affichée de renouer avec le continent qui ces derniers temps années ont subi pas mal de soubresauts.
Après le retrait forcé des forces françaises du Mali, de la République centrafricaine et du Burkina Faso – pays attirés par l’orbite russe -, sur le continent Paris risque désormais de perdre son emprise même sur des destinations stratégiques d’un point de vue économique : c’est le cas du Mozambique, où Total Energies a été contraint de suspendre pendant deux ans les travaux de construction d’une usine de liquéfaction de GNL en raison de violences liées aux djihadistes, ou l’Angola, où Total a également récemment lancé trois projets dans les secteurs du gaz, du pétrole et de l’énergie solaire. Un voyage d’autant plus nécessaire compte tenu de l’événement électoral impliquant deux des pays prévus, le Gabon et la République démocratique du Congo (RDC), et de la montée à Kinshasa du ressentiment anti-français qui a animé ces derniers mois des manifestations à répétition contre le présence de militaires envoyés de Paris et employés par la Mission des Nations Unies dans le pays (MONUSCO). Pour Macron, agir maintenant sur ces « deuxième palier ».
La première étape du voyage sera Libreville, la capitale du Gabon, où Macron organisera ce soir un dîner de travail avec le président Ali Bongo, au pouvoir depuis 2009. Aujourd’hui, Macron rencontrera dans la matinée la communauté scientifique et ses compatriotes résidant dans le pays dans l’après-midi, avant de prendre la parole au One Forest Summit.
Si la visite au Gabon peut avoir pour objectif de resserrer les liens avec un pays récemment entré dans le Commonwealth, sur le plan politique, la scène s’annonce délicate : dans quelques mois, le Gabon organisera des élections présidentielles, et la société civile locale soupçonne Paris de vouloir en quelque sorte apporter son soutien au président sortant contesté. Macron s’envolera donc ce soir pour l’Angola, où il rencontrera vendredi matin son homologue João Lourenço, avant de repartir en début d’après-midi pour Brazzaville, la capitale du Congo. Il y sera reçu au Palais du Peuple par le président congolais Denis Sassou-N’Guesso, à la tête du pays depuis 1997, avant de tenir avec lui un entretien bilatéral. Dans la soirée, Macron s’adressera à la communauté française résidant au Congo, où la dernière visite d’un président français remonte à 2009. Le conflit en Ukraine devrait être l’un des sujets de discussion entre les autorités, compte tenu également de l’abstention constante de Brazzaville à l’ONU dans les résolutions condamnant les discussions alors qu’à l’ONU le gouvernement de N’Guesso s’est toujours abstenu de condamner l’invasion russe en Ukraine. Peu avant 22 heures, le président français décollera à nouveau, cette fois pour la République démocratique du Congo, dernière étape de sa tournée et théâtre dans l’est du pays d’une guerre entre la rébellion tutsies pro-rwandaise du M23 et l’armée congolaise qui pour Macron « ne doit pas être oubliée ».
Présenté par la presse française comme une « opération séduction » et une visite « dans un champ de mines », le voyage en Afrique a été annoncé par Macron lui-même dans un discours d’ouverture prononcé lundi soir en présence de divers organes de presse. Beaucoup ont associé l’intervention à celle qui s’est tenue en 2017 à Ouagadougou, au Burkina Faso. Si à cette occasion le président français avait admis que « ce n’est pas seulement un dialogue franco-africain qu’il faut reconstruire ensemble, mais un projet entre nos deux continents, une relation nouvelle », on reproche depuis cinq ans à Macron d’avoir laissé ces engagements lettre morte, menant une politique « entrepreneuriale » en Afrique peu soucieuse du territoire et un héritage post-colonialiste.
Ainsi, pour tenter de préparer les pays hôtes à son arrivée, Macron a déclaré lundi que l’Afrique « n’est pas le terrain de la concurrence », qu' »il faut passer d’une logique d’aide à celle d’investissement » et a appelé à la construction d’une relation « équilibrée » avec les pays partenaires africains. En ce qui concerne la présence militaire sur le continent, le président a expliqué que « la transformation commencera dans les prochains mois avec une réduction visible de nos effectifs et une augmentation des bases de nos partenaires africains », esquissant une nouvelle phase de collaboration où il appartiendra aux mêmes gouvernements africains de « demander s’ils le souhaitent » le soutien des forces françaises « et d’autres partenaires » et a appelé à la construction d’une relation « équilibrée » avec les pays partenaires africains.
Le président a promis que cette évolution s’accompagnerait « d’un plus grand effort de la France en matière de formation et d’équipement », et s’est dit prêt à faire preuve d’une « profonde humilité face aux enjeux du continent africain », une situation qu’il a qualifiée de « sans précédent dans l’histoire » et avec « une quantité vertigineuse de défis ». De la sécurité à la croissance démographique, jusqu’à l’arrivée des jeunes en Europe « à qui nous devons offrir un avenir », Macron a invité les partenaires africains à construire « des États et des administrations consolidées », capables d’investir « massivement dans l’éducation, la santé, l’emploi, formation et transition énergétique ».
Dans son allocution de lundi, Macron a également annoncé la présentation prochaine au parlement d’une loi pour le retour des oeuvres d’art aux pays africains qui en sont propriétaires, souhaitant que « cette démarche s’inscrive dans une dynamique plus large et aussi d’une dynamique européenne ». Dans le communiqué de presse présentant la tournée, l’Elysée a à son tour insisté sur la « position d’écoute et d’humilité » que le président Macron entend adopter vis-à-vis des pays qu’il visitera ces jours-ci, avec la volonté affichée de « construire ensemble de vrais partenariats ». Le gouvernement souligne que ce qui a commencé est le 18ème voyage de Macron en Afrique et que sur la tournée il sera accompagné de différentes délégations françaises et européennes, promouvant des partenariats visant à mettre en valeur les « humains, entrepreneuriaux, scientifiques, universitaires, militaires, artistiques et sportifs » des pays.
La perte d’influence désormais consolidée en Afrique et au Sahel inquiète beaucoup Paris et de ce point de vue la visite de Macron en Afrique sera également importante pour donner un signal décisif de la présence des institutions dans les zones qui pourraient bientôt être affectées par les bouleversements des pays voisins. Des opérations ont été achevées en juin qui prévoient de réduire de moitié d’ici 2023 les forces françaises opérant au Mali dans les désormais anciennes missions Barkhane et Takuba, de plus de 5 à environ 2.500 hommes, et de les transférer vers une autre destination, principalement au Niger, pays dont elle dépend largement pour les approvisionnements en uranium qui alimentent les 58 réacteurs atomiques installés sur le territoire français.
Pour tenter d’endiguer l’expansion d’une orbite pro-russe qui comprend désormais la République centrafricaine et le Mali, mais aussi le Soudan et en partie le Burkina Faso – théâtre d’un double coup d’État l’an dernier qui a amené la junte militaire de Ouagadougou à Moscou – la ligne française consiste désormais à se déplacer progressivement vers l’ouest, pour tenter de renforcer sa présence au Bénin, au Ghana et en Côte d’Ivoire, où la menace djihadiste est encore contenue mais connaît une expansion rapide et nécessite un soutien économique et militaire accru. Paris doit également faire face à la tendance régionale à reprendre la lutte contre le terrorisme avec le soutien de la communauté internationale, mais avec une barre résolument africaine. Ainsi, ces derniers mois, plusieurs organisations régionales ont prévu d’envoyer des missions militaires pour la résolution de conflits, comme c’est le cas de la Communauté des pays d’Afrique australe (SADC) au Mozambique, de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) en République démocratique du Congo et de la Communauté économique des pays de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), qui a récemment annoncé la création d’une force régionale qui « interviendra en cas de besoin, que ce soit pour la sécurité, le terrorisme ou la restauration de l’ordre constitutionnel dans les États membres ».
Source : Agenzia nova, 02/03/2023
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