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Si le problème qui oppose les indépendantistes du Sahara Occidental au Royaume du Maroc est trop souvent occulté dans les media, la mise en jeu de la vie de militants doit pourtant interpeller.
C’est le cas de trois d’entre eux : Mohammed Dadda, Abdelmoula El Hafidi et Al-Hussein Al-Bachir Ibrahim.
Les faits remontent à janvier 2016 lors d’une manifestation à l’Université Cadi Ayyad à Marrakech. Faute d’université au Sahara occidental, les Sahraouis s’inscrivent dans les universités marocaines, notamment dans les facultés de droit.
Mais les relations entre étudiants marocains et sahraouis sont très tendues, ces derniers subissant discrimination et harcèlement vu leur engagement pour le droit à l’auto-détermination de leur pays.
La police marocaine arrête une quinzaine de Sahraouis.
Détenus dans la prison de Ait Melloul, au Maroc, à 20kms d’Agadir, ces militants sont torturés pour signer des aveux et soumis à des traitements inhumains. Le procès prévu en juillet 2016 sera reporté 9 fois pour finalement commencer en mai 2017.
Mohammed Dadda et Abdelmoula El Hafidi sont condamnés à 10 ans de prison. Lors d’un autre procès, Al-Hussein Al-Bachir Ibrahim sera condamné à 12 ans de prison.
Le groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire s’est saisi de l’affaire qualifiée de « mouvement étudiant » de janvier 2016. Le 7 février 2020, le rapport qu’il publie est consternant.
Preuves à l’appui, on apprend que Mohammed Dadda, Abdelmoula El Hafidi et Al-Hussein Al-Bachir Ibrahim n’étaient pas présents lors des émeutes du 23 janvier 2016. Mohammed Dada s’est même vu refuser de produire pour sa défense une attestation comme quoi il passait un examen ce jour-là. Ces trois militants ont été arrêtés plus tard, El Hafidi ayant d’ailleurs déjà été détenu précédemment pour son appartenance à l’Association sahraouie pour la défense des Droits de l’homme.
Quant à Al-Hussein Al-Bashir Ibrahim il a été arrêté 3 ans plus tard, en janvier 2019 quand il fut expulsé d’Espagne où il avait demandé l’asile.
Par ailleurs, les policiers qui ont arrêté ces activistes n’avaient pas de mandat d’arrêt et ne les ont pas informé des raisons de leur arrestation, ce qui constitue une violation de l’art 9 de la Déclaration Universelle des Droits de l’homme.
Les accusés n’ont pu bénéficier de l’assistance d’un avocat lors de leur arrestation et lors de leur procès, ce qui constitue une violation de l’art 10 de la DUDH.
Enfin, les observateurs internationaux et les ONG n’ont pas été autorisés à suivre le procès et les familles n’ont pu assister qu’à 3 audiences sur les 14 prévues à raison d’une personne par famille.
Il est donc clair que ces étudiants sahraouis ont été condamnés pour leur engagement pour le droit à l’auto-détermination du Sahara occidental et pour l’exercice de leur droit à la liberté d’expression et d’association comme stipulé dans l’art 19 de la DUDH.
Mohammed Dadda, Abdelmoula El Hafidi et Al-Hussein Al-Bachir Ibrahim sont des prisonniers politiques qui par leur décision d’une ultime grève de la faim lancent un cri d’alarme à l’opinion publique internationale sur les violations flagrantes des droits humains au Maroc.
Ancienne colonie espagnole, le Sahara occidental est occupé depuis près de 50 ans par le Maroc. Le premier mouvement de libération est organisé dès 1973 par le Front Polisario qui le 27 février 1976 proclame la République arabe sahraouie démocratique (RASD) non reconnue par l’ONU.
80% du territoire sahraoui est sous contrôle marocain séparé de la zone libre par un mur de sable et de mines anti-personnelles sur près de 2700 km.
Si le Maroc n’envisage qu’un statut d’autonomie « dans le cadre de la souveraineté du Royaume » pour l’ex-colonie espagnole qu’il a annexée, pas question d’autoriser un référendum qui déboucherait sur l’indépendance.
Certes des motifs économiques, comme la zone de pêche de Dakhla avec ses côtes très poissonneuses ou le sous-sol riche en phosphate motivent le Maroc à poursuivre son occupation du territoire sahraoui. Mais le droit à l’auto-détermination des peuples garanti par la Charte des Nations unies ne serait-il respecté que s’il n’entrave pas les aspirations économiques et politiques des États ? Le jeu des alliances diplomatiques, dans la politique de « deux poids deux mesures » a validé l’indépendance du Kosovo, reconnue par 111 États sur les 193 membres de l’Onu . Certains États européens, comme l’Espagne en 2014, ont reconnu l’État de Palestine ? Et pourquoi pas la République arabe sahraouie démocratique ?
Il est urgent que les démocraties occidentales prennent conscience que l’aspiration du peuple sahraoui à la reconnaissance de son indépendance n’est rien d’autre que le respect d’un droit inaliénable des peuples à disposer d’eux-mêmes.
C’est le message que Mohammed Dadda, Abdelmoula Al-Hafidi et Al-Hussein Al-Bachir Ibrahim en grève de la faim illimitée dans la prison de Ait Melloul font passer.
L’implication marocaine dans le scandale du Qatargate pour corrompre ou influencer certains députés européens dans leur prise de position a été récemment révélée. Il est grand temps pour nos élus de voir la réalité des faits au Maroc et d’ignorer la mise en scène que certains peuvent présenter.
Le 6 mars dernier, la 52ème session du Conseil des Droits de l’Homme des Nations unies à Genève a réaffirmé son ferme soutien au droit du peuple sahraoui à l’auto-détermination et à l’indépendance.
Volker Türk, le Haut-Commissaire des Nations unies aux Droits de l’homme, a annoncé vouloir se rendre au Sahara occidental.
Des paroles aux actes ?
Maryvonne Maes
#Sahara_Occidental #Maroc #Répression