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Après la polémique, c’est la division. Au Maroc, la question de normalisation tout azimut avec l’entité sioniste est en train de créer un véritable conflit entre le palais royal et le parti politique islamiste, le PJD (justice et développement).
La semaine dernière, un communiqué du PJD a souligné que le parti « condamne la récente position du ministre des Affaires étrangères dans laquelle il semble défendre l’entité sioniste… à un moment où l’occupation israélienne poursuit son agression criminelle contre nos frères palestiniens ».
L’attaque était dirigée directement contre Nasser Bourita, le ministre des Affaires étrangères, mais indirectement, elle touche principalement la prérogative exclusive du Roi Mohamed VI. Et cela ne semble pas plaire au makhzen, dont le Roi est absent depuis des mois et dont le pouvoir réel est entre les mains d’un noyau restreint, constitué autour de son principal conseiller de confession juive, André Azoulay, chargé de la communication, le patron des services de renseignements et l’archi-milliardaire actuel chef de l’exécutif.
Rapidement, le palais royal a mis en garde le parti PJD suite à ces critiques qu’il a formulées contre la diplomatie pro-sioniste du Makhzen. Dans un communiqué, diffusé ce mercredi, le palais royal a insisté sur le fait qu’il ne serait pas « soumis au chantage » après avoir demandé au plus grand parti islamiste du pays, le PJD, de cesser de critiquer ses liens avec Israël.
Pire encore, le makhzen plus offensif que jamais contre ses détracteurs de l’intérieur, a lancé une campagne via les réseaux sociaux pour diaboliser le parti islamiste et lui rappeler que la normalisation s’est faite sous sa gouvernance.
En effet, c’est Saad Dine El Othmani, alors Premier ministre marocain (2017-2021) issu du PJD, qui a signé l’accord de normalisation avec l’entité sioniste. Cependant, pour de nombreux observateurs, le parti a été mis devant le fait accompli, et il n’a jamais été associé aux négociations, ni au contenu de cet accord de normalisation.
Même l’information sur une éventuelle signature n’a pas été divulguée à la direction politique de ce parti, qui dirigeait à l’époque une coalition gouvernementale.
L’accord de normalisation a été signé le 22 décembre 2020 par Saad Dine El Othmani, alors Premier ministre marocain (2017-2021) issu du Parti de la justice et du développement, sous l’égide du roi Mohamed VI dont relève la politique étrangère du royaume.
En fait, les islamistes marocains ont traîné ça comme une humiliation de plus de la part du régime. Aujourd’hui, la posture est intenable après les violations caractérisées de l’armée sioniste contre les populations civiles palestiniennes.
Partout à travers le monde, l’opinion internationale s’est indignée des tueries, des destructions des biens et des arrestations massives des israéliens contre les civils palestiniens. Et comme les islamistes sont les chantres de la défense des Palestiniens et de la Mosquée Al Aqsa, la position est plus qu’intenable.
Le PJD ne pouvait que réagir, même timidement, poussé certainement par sa base militante, qui n’a jamais gobée une telle normalisation qualifiée de contre-nature. De plus, même le Roi, qui est officiellement président du comité Al Qods, est resté silencieux et n’a émis aucune critique envers ses nouveaux alliés de Tel Aviv et surtout son gouvernement le plus extrémiste de l’entité sioniste.
La question est toute simple : Est-on crédible en se présentant comme un soutien à la cause palestinienne, alors qu’en parallèle on poursuit une normalisation à grands pas, ponctuée par des accords de défense sans précédent dans le monde arabe ?
Au Maroc, l’unité supposée sur cette normalisation vient de s’écrouler définitivement et les divisions sont devenues profondes, en dépit de l’hypocrisie des milieux islamistes marocains, qui rappelons le avaient invité, juste après l’accord avec Israël, le chef du Hamas palestinien, Ismail Hania, comme pour se dédouaner. Il faut bien souligner ici qu’en septembre 2021, El Othmani a quitté son poste de chef du gouvernement après une défaite cuisante de son parti PJD aux élections législatives, dont la cause principale n’est que sa caution directe à cette normalisation, rejetée par l’électorat marocain.
Le débat qui s’est installé dans la société marocaine a suscité les craintes du palais royal, qui non seulement est paralysé par la crise sociale et économique (inflation, chômage, précarité) mais aussi par l’éclatement des scandales de corruption, d’espionnage et de chantage opérés contre les institutions européennes et internationales, et même contre des milliers de personnalités politiques, des hommes d’affaires, des intellectuels et des journalistes, des acteurs de la société civile et des ONG.
C’est cela qui explique l’intervention ferme du palais royal contre le PJD accusé de tous les maux. L’actuel secrétaire général du PJD, Abdelilah Benkirane, prédécesseur d’El Othmani au poste de Premier ministre (2011-2017), n’a jamais contesté ou critiqué les accords avec les sionistes. Il avait fait profil bas. Aujourd’hui, il montre une autre envergure en s’en prenant à Bourita, l’accusant de défendre la cause d’Israël.
Pour le cabinet du Roi M VI, la cause palestinienne demeure une « priorité » pour Rabat qui la place au même rang que « l’intégrité territoriale du royaume », et elle ne peut « être soumise aux surenchères politiciennes et aux campagnes électorales étriquées ». Le communiqué du palais qualifie le discours de Benkirane de « précédent dangereux et inacceptable » l’instrumentalisation de la politique extérieure du pays pour servir « un agenda partisan ». Surtout, il rappelle à Benkirane que la politique étrangère relève exclusivement du roi et que du reste, la décision de normalisation avait été acceptée par les principales composantes de la classe politique.
Reste à savoir pourquoi le palais royal fait une mise au point sévère contre Benkirane quand ce dernier critique la normalisation avec Israël, dont l’accord est devenu sacré et sacralisé, alors qu’il reste muet quand le même quidam s’est rendu coupable d’un grave dérapage à l’égard de l’Algérie en appelant, il y a juste un mois et demi les marocains à la mobilisation contre l’Algérie ?
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