Le 23 mai 1975, Chronique des années de braise de Mohamed Lakhdar-Hamina obtenait la Palme d’or du Festival de Cannes

Chronique des années de braise s’ouvre sur un paysan pauvre et acculé (Yahia Ben Mabrouk) qui se rend, malgré les prières des villageois, jusqu’à un poste de recrutement de l’armée française pour s’enrôler et espérer ainsi nourrir sa famille. Nous sommes à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Bientôt, à cause de la sécheresse, c’est au tour d’Ahmed (Yorgo Voyagis) d’emmener les siens vers la ville à la recherche d’un travail. Une épidémie de typhus achève de décimer les populations autochtones.

Miloud connaîtra l’enrôlement forcé et la guerre en Europe. A son retour au pays, les idées d’indépendance ont fait du chemin. Les élections de 1947 se terminent dans le sang et Ahmed est envoyé au bagne avant de s’évader et de rejoindre le maquis. Le film prend fin sur les images de Smaïl, le fils d’Ahmed devenu un jeune homme (Malik Lakhdar-Hamina), qui court vers l’avenir et la liberté.

D’un bout à l’autre, Chronique des années de braise est traversé par les tirades de Miloud, avec Mohammed Lakhdar-Hamina lui-même dans le rôle du fou du village à la lucidité prophétique, dont les harangues n’épargnent personne et jusqu’aux morts du village qu’il prend à témoin et convoque.

Vaste fresque aux accents épiques et d’une grande puissance visuelle, le film “écoute l’histoire aux portes de la légende”, pour reprendre les mots du cinéaste. Chronique des années de braise est structuré en six tableaux, de la veille de la Seconde Guerre mondiale au déclenchement de l’insurrection de novembre 1954.

S’il ne peut faire l’unanimité au plan historique, -le cinéaste assume le fait que son film “n’est qu’une vision personnelle même s’il prend appui sur des faits précis”-, il reste un remarquable document au plan humain dans son éclairage de la séquence historique qu’il dépeint, une période marquée par la sécheresse et la paupérisation de la paysannerie algérienne déjà dépossédée des terres fertiles par la colonisation et réduite le plus souvent à l’exode vers la périphérie des villes, la percée des idées d’indépendance jusqu’au déclenchement de la lutte armée pour la libération du pays.

“Avec ce film, ajoute Mohamed Lakhdar Hamina, j’avais eu envie d’expliquer pour la première fois comment est arrivée la guerre d’Algérie. Cette révolte, qui est devenue la révolution algérienne, est non seulement contre le colonisateur, mais aussi contre la condition de l’homme”.
Chronique des années de braise est enfin habité par le souffle et le verbe de Miloud, le fou du village. Des tirades, dans la veine d’une belle tradition poétique populaire, qui éclairent le propos et structurent le film.

Récompensé par une Palme d’or à Cannes en 1975, où il était en compétition avec Profession : Reporter (Professione : reporter) de Michelangelo Antonioni, Parfum de femme (Profumo di donna) de Dino Risi, L’énigme de Kaspar Hauser (Jeder fur sich und Gott gegen alle) de Werner Herzog ou Lenny de Bob Fosse, sélectionné pour l’Oscar du film étranger l’année suivante à Los Angeles, Chronique des années de braise est rapidement consacré comme le film de référence sur les origines de la guerre d’Algérie. Il n’en a pas moins suscité une levée de bouclier au pays à cause de son budget jugé faramineux.

Chroniques des années de braise (Chronicle of the Years of Fire | Waqa-i’ sinin el-djamr | وقائع سنين الجمر)
un film de Mohammed Lakhdar-Hamina
(175 min., Alg, 1974)

Avec Yorgo Voyagis (Ahmed), Mohammed Lakhdar-Hamina (Miloud le fou), Sid Ali Kouiret (Saïd, le cousin), Leïla Shenna (la femme d’Ahmed), Keltoum (la mère d’Ahmed), Nadia Talbi (la sœur d’Ahmed), Malik et Merwan Lakhdar-Hamina (les enfants), Cheikh Nourredine (Akli le forgeron), Larbi Zekkal (Larbi, le militant assigné à résidence), Hassan El-Hassani (l’épicier militant), Taha El-Amiri (le cadre du parti envoyé d’Alger), Yahia Ben Mabrouk (le paysan pauvre qui s’engage), Abdelhalim Rais, Brahim Hadjadj, Hadj Smain, Hamid Habati (militants), François Maistre (le contremaître de la carrière), Mohammed Sissani (le caïd), Mustapha El-Anka (le crieur public)

Scénario et dialogues : Tewfik Farès, Rachid Boudjedra et Mohammed Lakhdar-Hamina
Image : Marcello Gatti, Andreas Winding
Musique : Philippe Arthuys
Montage : Youcef Tobni
Sortie : 26 novembre 1975

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#Algérie #France #Colonisation

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