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La Tunisie glisse vers l’autocratie en suivant un schéma bien trop familier. Le néopopulisme a entraîné un recul démocratique et une culture de la paranoïa. Les avocats tunisiens se rassemblent lors d’une manifestation appelant les autorités à garantir l’indépendance du système judiciaire.
Platon affirmait dans La République que la démocratie pure, sans mécanismes de contrôle, mène inévitablement au populisme, à la démagogie, au nativisme et au mépris des experts. Alexander Hamilton a également noté une tendance similaire dans les Federalist Papers, en spéculant qu’en l’absence d’institutions solides et de cohésion culturelle, le populisme aboutirait à un coup d’État autocratique et potentiellement à la fin d’une République naissante.
La Tunisie post-printemps arabe a suivi à la lettre les trajectoires de Platon et Hamilton. La Tunisie était autrefois le grand espoir du printemps arabe : francophone, avec un mouvement syndical fort et imprégnée de plus de cent cinquante ans de constitutionnalisme. En raison de ces avantages et de sa transition pacifique vers une véritable démocratie multipartite, l’Occident l’a soutenue en lui fournissant des fonds pour la société civile et une assistance contre le terrorisme. Pourtant, près d’une décennie après qu’un vendeur ambulant se soit immolé par protestation contre les réglementations étouffantes et la corruption d’une oligarchie enracinée, ces problèmes étaient de retour, facilitant l’ascension d’un homme fort néo-populiste, Kais Saied.
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Et il a véritablement copié chaque page du manuel néopopuliste. Comme Trump, il a tenté un « coup d’État autonome ». Contrairement à Trump, il y est parvenu avec succès, en suspendant le parlement, en modifiant la constitution, puis en limogeant promptement des dizaines de juges. Cette situation laisse Saied en mesure de jeter en prison ses opposants avec une audace démesurée, y compris le lauréat du prix Chatham House 2012, Rached Ghannouchi.
En 2019, Saied prétendait se présenter à la présidence avec pour seul objectif d’éradiquer la corruption de la classe politique. En tant que candidat, il était favorable à la criminalisation de l’homosexualité, qualifiant les personnes LGBT de « déviants ». Il a affirmé que « l’objectif non déclaré » de l’immigration illégale était de faire de la Tunisie « un pays purement africain sans affiliation avec les nations arabes et islamiques ».
Malgré son statut de professeur de droit constitutionnel, il a suspendu le Conseil supérieur de la magistrature, provoquant la protestation de nombreux juristes éminents. Saied laisse libre cours à son côté Monsieur Tout-le-Monde en fulminant contre le FMI et en affirmant que son plan de sauvetage proposé équivaut à de l’impérialisme occidental. En réponse à l’attaque d’un garde national tunisien contre la plus ancienne synagogue d’Afrique à la mi-mai, qui a tué deux pèlerins juifs, il a rejeté les accusations d’antisémitisme en Tunisie en citant la prétention selon laquelle sa propre famille aurait sauvé des Juifs pendant l’Holocauste.
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Je suis arrivé à Tunis au début du mois de mai pour intervenir lors d’une foire du livre pour le lancement de la traduction arabe de mon livre, « La Libye et le désordre mondial durable ». Malgré la présence malheureuse d’un homme fort anti-occidental, la Tunisie reste une société assez ouverte avec un haut niveau d’éducation et peu de censure – un seul livre a été interdit, sans surprise il s’agissait d’une biographie de Saied.
À mon hôtel, le magnifique Movenpick Gammarth au bord de l’océan, j’ai été témoin de la chute d’un jardinier depuis une échelle reposant sur un palmier dont il essayait de couper les palmes. Tombant de plus de 12 mètres sans équipement de sécurité, il est tombé face contre terre et a cessé de bouger. Ses collègues se sont précipités pour voir ce qui s’était passé, mais personne n’a essayé de le réanimer. Ils se sont simplement contentés de le regarder. Dix minutes plus tard, le personnel est revenu faire des cafés et disposer les chaises longues autour de la piscine. Lorsque je me suis rendu boitant à la réception pour exiger qu’ils appellent une ambulance, on m’a dit qu’il n’y avait pas besoin de s’inquiéter, que tout était sous contrôle.
Il s’est écoulé presque une heure avant que l’équipe de sécurité civile du gouvernement n’arrive pour l’emporter sur une civière, déjà décédé. La métaphore de la démocratie tunisienne était trop appropriée. Trop peu, trop tard.
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