NOUAKCHOTT, Mauritanie, 12 juil. 2023 (IPS) – Au cœur du sud-est de la Mauritanie se trouvent le district et la ville de Bassikounou, nichés à la frontière avec le Mali voisin, à plus de 1 200 kilomètres de la capitale Nouakchott.
La frontière entre les deux pays est à peine visible, mais les communautés de chaque côté restent étroitement liées par leurs liens familiaux communs, leurs relations commerciales et leurs traditions religieuses.
Les vastes prairies de Bassikounou ont longtemps fourni de la nourriture aux troupeaux de bétail, mais ces dernières années, la région a connu une baisse des précipitations et des pâturages, ce qui a rendu la vie plus difficile pour les communautés et leurs animaux.
Outre les tensions causées par le changement climatique, la Mauritanie a connu en 2022 un afflux de nouveaux réfugiés, dont des Mauritaniens rapatriés du Mali en raison de la détérioration de la situation sécuritaire.
À la fin de l’année dernière, près de 83 000 réfugiés résidaient dans le camp de Mbera à Bassikounou et plus de 8 000 dans de petits villages à l’extérieur du camp.
Cet afflux de réfugiés avec leur bétail a accru la pression sur les pâturages et les points d’eau ; et a conduit à un accroissement des conflits et de la concurrence entre les communautés pour l’accès à l’eau et aux pâturages.
En plus de cela, les troupeaux d’éleveurs de retour sont estimés à 800 000 ; exacerbant davantage la rareté des ressources et suscitant des inquiétudes quant aux tensions avec la population hôte concernant l’accès à l’eau.
Cohésion et autonomisation économique
Dans le cadre de mon nouveau rôle de Coordonnateur résident en Mauritanie, j’ai visité le district de Bassikounou en janvier 2023 pour voir comment l’équipe de pays des Nations Unies sur le terrain utilisait le Fonds pour la consolidation de la paix (PBF) du Secrétaire général pour favoriser la prévention des conflits, promouvoir la cohésion sociale et lutter contre les effets dévastateurs du changement climatique sur les communautés d’accueil, les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDI) et les réfugiés.
L’investissement du PBF en Mauritanie remonte à 2018 lorsque la FAO, le PNUD, l’UNICEF et le HCDH ont collaboré pour mettre en œuvre un projet pionnier visant à gérer les ressources naturelles rares, à renforcer le développement économique et à aider les comités villageois à résoudre les conflits.
Bien que le projet soit terminé, des effets durables peuvent encore être observés. Par exemple, la radio locale qui a été mise en place avec l’appui du PBF est maintenant gérée par les locaux et est devenue un outil essentiel pour promouvoir l’harmonie sociale entre les communautés d’accueil et les réfugiés.
Comme me l’a dit le chef de la cellule de coordination du Hodh El Charugui lors de la visite, « la radio est un bijou, à travers ses émissions et ses talk-shows radio, elle a permis de renforcer la cohésion sociale et la coexistence pacifique entre les réfugiés et les communautés d’accueil » y compris les jeunes les gens et les femmes.
Lors de ma visite, j’ai également eu le privilège de rencontrer des femmes et des jeunes filles inspirantes qui ont partagé leurs parcours vers une plus grande autonomie économique. Le réseau des femmes de Bassikounou, qui a été appuyé par le premier projet du PBF dans la région, est composé de 49 points focaux genre, de comités villageois et de 20 associations féminines. Le réseau est maintenant pleinement institutionnalisé avec un statut juridique.
Les femmes ont parlé du changement transformationnel qu’elles ont apporté à leurs communautés grâce à ce réseau en mettant en œuvre des règles simples pour lever les barrières structurelles concernant la participation et les droits des femmes.
L’une de ces règles consiste à garantir qu’à chaque fois qu’un homme parle, une femme ait la possibilité d’exprimer son opinion. Aujourd’hui, le réseau Bassikounou est la branche technique du nouvel Observatoire National des Droits de la Femme et de la Fille (ONDFF), ce qui en fait une force puissante pour l’égalité des sexes en Mauritanie.
Pendant mon séjour à Bassikounnou, j’ai également eu l’honneur de rencontrer les Mourchidates, un groupe de cinquante femmes guides religieuses mauritaniennes, qui travaillent à déconstruire les arguments de la rhétorique radicale utilisés par les groupes extrémistes à Néma et à prévenir l’extrémisme violent.
Grâce à une initiative pilote innovante soutenue par le PBF et mise en œuvre par l’UNOSSC et l’UNESCO, ces femmes ont reçu une formation sur la manière de repérer les signes avant-coureurs de la radicalisation chez les individus et les communautés et sur la manière d’intervenir tôt pour empêcher la violence d’éclater.
Renforcer la résilience aux chocs climatiques
Investir dans des mesures d’adaptation et renforcer la résilience aux effets du changement climatique est une autre priorité essentielle pour les communautés d’accueil, les déplacés internes et les réfugiés du district de Bassikounou.
Le territoire mauritanien, majoritairement désertique, est très sensible à la déforestation et à la sécheresse, avec des températures dépassant régulièrement les 40°c pendant la saison sèche de septembre à juillet ; ce qui signifie que les feux de brousse sont devenus un phénomène de plus en plus fréquent menaçant les réfugiés et les communautés d’accueil, leurs troupeaux et leurs moyens de subsistance.
Grâce au soutien de l’équipe de pays des Nations Unies et aux investissements du PBF, les communautés se rassemblent pour gérer et atténuer les risques de tels feux de brousse.
Lors de ma visite dans le district, j’ai pu constater de visu les réalisations des volontaires des sapeurs-pompiers de Mbera. Fondé par des réfugiés, ce groupe de pompiers entièrement volontaires a éteint plus de 100 feux de brousse depuis 2019 et planté des milliers d’arbres pour préserver la vie, les moyens de subsistance des communautés d’accueil et des réfugiés et l’environnement local.
Ces interactions entre les réfugiés et les populations hôtes ont conduit à une gestion plus inclusive, équitable et durable des ressources naturelles à Mbera. Le courage et la ténacité des pompiers dans la sauvegarde des vies, des moyens de subsistance et de l’environnement leur ont valu le titre de lauréat régional africain du prix Nansen pour les réfugiés 2022.
Ailleurs au cours de notre visite au camp de Mbera et dans les villages environnants, nous avons vu des initiatives inspirantes dirigées par des jeunes et des femmes pour renforcer la résilience des communautés au changement climatique et promouvoir la cohésion sociale, notamment par la régénération du couvert végétal.
Grâce à la plantation de 20 000 plants cultivés sur cinq sites de reboisement, les femmes sont désormais en mesure de vendre des légumes produits dans les champs communautaires pour subvenir aux besoins de leurs familles, d’investir dans de petites entreprises et d’économiser pour des initiatives conjointes. En outre, une start-up dirigée par des jeunes pilote la production de biogaz à Bassikounou en employant des jeunes pour fournir du gaz naturel aux familles vulnérables.
Vers la paix et la prévention
Au-delà de Bassikounou, le Fonds a investi dans des initiatives transfrontalières pour faire face aux risques de fragilité, y compris en Mauritanie en raison de ses frontières poreuses et des menaces sécuritaires telles que le trafic et le terrorisme.
Entre le Mali et la Mauritanie, avec l’appui du PBF, la FAO et l’OIM renforcent les capacités de prévention et de gestion des conflits des communautés transfrontalières en créant, formant et équipant 24 comités villageois situés sur la zone frontalière mauritano-malienne.
Dans un monde souvent en proie à des conflits et à des conflits, le besoin d’initiatives de consolidation de la paix n’a jamais été aussi grand. Le Fonds pour la consolidation de la paix du Secrétaire général est un outil unique qui peut prévenir efficacement l’escalade des conflits et soutenir les efforts de consolidation de la paix en cours.
Ma visite à Bassikounou m’a permis de constater de visu les changements et la transformation sur le terrain soutenus par le PBF et mis en œuvre conjointement par l’équipe de pays des Nations Unies et les partenaires nationaux et les communautés de réfugiés.
Du renforcement de la cohésion sociale à l’autonomisation d’un plus grand nombre de femmes et de jeunes dans la gestion des conflits et des ressources naturelles, l’impact de ces initiatives ne cesse de croître.
Je suis plus que jamais convaincu que nous devons continuer à soutenir de telles initiatives et à investir dans la consolidation de la paix – ce n’est qu’alors que nous pourrons espérer créer un avenir meilleur pour tous.
Lila Pieters Yahia est coordonnatrice résidente des Nations Unies en Mauritanie. Cet article a été rédigé avec le soutien du Département des affaires politiques et de consolidation de la paix (DPPA) et du Bureau d’appui à la consolidation de la paix (PBSO).
Source : Bureau de coordination du développement des Nations Unies (UNDCO), New York.
Etiquettes : Mauritanie, prévention des conflits, cohésion sociale,
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