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« Le Roi d’Algérie », Omar la Fraise, une comédie sombre, hilarante et speedée, Elias Belkeddar suit le parcours de deux voyous dans les limbes, Omar (Reda Kateb) et Roger (Benoît Magimel)
Ces deux seigneurs du crime étaient rois à Paris. Des voleurs respectés au-delà des frontières françaises, y compris dans leur patrie algérienne. Après une transaction mouvementée et sanglante, à laquelle ils survivent de peu, les bandits se retrouvent coincés dans une immense villa de la campagne algérienne. Deux canapés en cuir et une gigantesque télé peinent à combler les vides de la propriété, et les protagonistes du film.
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Le film sera projeté dans le cadre de l’AIFF, à 18h, le vendredi 19 août, au Taj Cinema.
Avec « Le Roi d’Alger », Elias Belkeddar dresse le portrait d’un gangster algérien, montrant les paradoxes, et la dualité d’un tel individu. Bien que le film s’inspire en grande partie du canon du film de gangsters, son cadre et ses personnages uniques lui confèrent une sensation unique et de nombreux moments uniques.
Son film devient inclassable. L’impitoyable se mêle au rire, la grande criminalité se mêle au dérisoire de la routine, le romanesque s’invite dans la violence, la flamboyance se confronte au crépuscule, la poésie fantasque se niche dans la cruauté. Ce n’est pas seulement un film de gangsters, et ne suit pas le trope habituel de « commencer par le bas », nous les voyons après leur chute, essayant de vivre léthargiquement des vies ordinaires, à la retraite et ennuyées. La virtuosité avec laquelle tout cela est mêlé est le trait le plus séduisant du film. Tout comme les personnages qu’il met en scène, la singularité du film réside dans cette position d’entre-deux qu’il occupe.
Le film de gangsters
Au niveau de ses inspirations criminelles « Le Roi d’Algérie » pourrait être un Tarantino mais sans briser le quatrième mur, ça pourrait être Guy Ritchie mais sans le farfelu.
Le roi d’Algérie donne le ton dès le générique d’ouverture. Les coups de couteau sont nombreux et viennent jusqu’aux chemises blanches ensanglantées, tandis qu’un parpaing est lourdement écrasé sur un visage. Un massacre qu’Omar et Roger assistent de loin, et d’en haut, avec détachement et avançant nonchalamment dans les ruelles avant de récupérer leur colis tant convoité avec tout autant de décontraction.
Héritier de Scarface, Goodfellas et The World is Yours, Belkeddar parvient à trouver sa propre voix dans le vaste paysage des films de gangsters. Une voix pleine d’humanité dans toute sa beauté et son horreur. Alors que la plupart des films de gangsters s’éloignent des thèmes de la beauté, craignant la façon dont ces thèmes pourraient interagir avec la prédominance du crime et de la saleté dans le film, les crimes les plus importants appartiennent au passé dans cette image. La position du film dans la liminalité fait qu’il ne craint pas une telle beauté, il garde aussi une distance avec les crimes dominants géographiquement, puisque ces deux personnages étaient des criminels en France, ici en Algérie une histoire beaucoup plus personnelle est racontée.
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La jubilation de Kateb et Magimel
Omar et Roger sont les meilleurs amis, presque frères, et les deux personnages s’ennuient, et donc toujours à la recherche de plaisir, dont nous avons le privilège de voir une grande partie. Et ce plaisir est là où Kateb et Magimel brillent en tant qu’acteurs, ça rayonne, et vous pouvez dire qu’ils apprécient le vu tout comme leurs personnages. Mais alors qu’Omar n’a aucun mal à s’acclimater et met en place ses petits trucs et astuces pour s’occuper joyeusement, Roger erre et s’ennuie.
Elias Belkeddar propose des scènes tour à tour aériennes, où la photographie magnifie les paysages, puis devient brutale dès que les deux bandits se lâchent dans une boîte de nuit. Dans les deux cas, tous ces moments ne servent qu’à décrire leur relation passionnée et leur fidélité, ainsi que la dualité de leurs positions. King of Algeria est filmé avec un style que l’on pourrait qualifier de poseur mais qui s’accorde parfaitement avec les protagonistes démesurés.
Un film d’amour : Meriem Amiar le héros
Mais un moment vient où Omar doit trouver un métier, « un business propre » pour avancer. Il accepte donc le poste de directeur associé d’une usine de pâtisserie. Au cours de ce travail, il révélera son tempérament plus enfantin et rencontrera Samia (Meriem Amiar) dont il tombera amoureux. Leur complicité et leur idylle représentent à la fois une éclaircie et une issue inattendue pour l’anti-héros, et sont surtout à l’origine de certaines des plus belles scènes du long-métrage, Meriem Amiar volant la vedette à ses deux partenaires et même réussissant à éclipser Benoît Magimel pourtant monstrueux.
Samia donne une conscience à un grand enfant pour qui le crime a toujours payé. Mais Bekdar navigue habilement dans l’archétype de la femme innocente, sauvant l’homme coupable. Cela passe en grande partie par la nuance de l’écriture du personnage et de la performance de l’acteur, mais aussi par sa relation tout aussi vivante avec le meilleur ami d’Omar, Roger. Le trio est flamboyant mais profondément attachant, permettant au film d’ajouter de la complexité à sa romance. Les moments où tous les trois sont unis sont des scènes brèves mais déterminantes, où les sentiments de liberté que les deux gangsters ont toujours recherchés atteignent leur paroxysme. Inévitablement, après leur arrivée au sommet vient la descente.
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La fin
Elias Belkeddar mélange toutes ses idées et livre une sorte de tragi-comédie entre amertume, éclat terni et amusement décalé. Avec un look de buddy movie approche ces deux voyous unis de leurs beaux jours à Paris à leur nouvelle existence oisive d’exilés en Algérie.
Quelque chose de terre à terre se dégage des nouvelles aventures de ces deux complices vivant désormais de petits projets. Les criminels sérieux font des tours pour amasser de l’argent, mais quand il s’agit d’en profiter, ils s’ennuient et manquent leurs vies passées. La retraite leur va très mal, tout comme leur immense cabane avec piscine au soleil. Un duo de personnages terriblement attachants, tout aussi attachants que les deux comédiens complémentaires qui les incarnent avec jubilation. Un film qui dépeint un bonheur au coeur de l’Algérie, et superbement filmé avec authenticité.
#Algérie #Cinéma #RedaKateb #BenoîtMagimel
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