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Pour les Russes, et d’abord pour Vladimir Poutine, qui vient de le répéter, le doute désormais n’est plus permis : la contre-offensive ukrainienne, qui bientôt entrera dans son quatrième mois, est un échec avéré. Ils n’entendent pas par cette affirmation, chez eux il est vrai ancienne, que cette même contre-offensive est terminée, ou que les Ukrainiens l’ont arrêtée, notamment pour s’épargner des pertes inutiles, tant en hommes qu’en matériel. Il faut comprendre qu’elle se poursuit au contraire, même si elle en est encore aujourd’hui à peu près au même point qu’au moment où elle commençait, début du mois de juin. En d’autres termes, si pour les Russes cet échec est patent, il ne l’est pas encore pour les Ukrainiens, pour qui tout espoir de percer les lignes de défense ennemies n’est pas encore perdu. Cela du moins pouvait-on encore le soutenir avec quelque assurance avant que Volodymyr Zelensky ne limoge Oleksii Reznikov, son ministre de la Défense tout au long de ces longs mois de guerre, et personnage fort prisé en Occident, où il a toujours fait figure de numéro 2.
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Maintenant que Reznikov a été remercié et remplacé, il serait plus difficile tant du coté ukrainien que celui de leurs alliés d’affirmer que la contre-offensive n’a pas encore échoué. Pourtant c’est ce moment que Kiev a choisi pour annoncer des progrès significatifs sur la partie sud du front. Des propos réitérés que les Américains tentent d’accréditer sans y mettre beaucoup de conviction, mais que les Russes démentent en affectant un certain détachement, comme si leur fausseté parlait d’elle-même. Mais que les Ukrainiens ne veuillent pas reconnaître un échec, serait-il en soi évident, on peut le comprendre de la part de gens en guerre, qui d’une part ont besoin de garder le moral, la première des armes en leur possession, et qui de l’autre n’ont aucune envie de voir l’ennemi en tirer gloire. On le comprend moins de la part d’alliés qui s’entendent pour donner de l’éviction de Reznikov une explication relevant du temps de paix non de celui de la guerre. Reznikov aurait été d’après leurs médias un responsable à ce point impliqué dans des affaires de corruption au sein des forces armées qu’il avait fini par tomber. Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse, en quelque sorte. En fait, il s’agit surtout d’éviter de voir un lien entre cette éviction et l’échec de la contre-offensive.
Si au lieu du ministre ukrainien de la Défense qui avait été limogé, ç’avait été son homologue russe, les Occidentaux y auraient vu sur-le-champ l’aveu non seulement d’un échec particulier mais de la défaite russe dans toute la guerre. Il ne fait pas de doute que Reznikov a été limogé en ce moment précis pour lui faire porter la plus lourde responsabilité dans l’échec de la contre-offensive, et par là même pour que celle du président Zelensky s’en trouve allégée d’autant. Une façon de dire que si la contre-offensive a échoué, c’est parce qu’elle a été mal planifiée ou mal dirigée par celui dont la fonction était au premier chef de la réussir.
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Jusque-là, on pensait naïvement que la conduite de la contre-offensive, comme d’ailleurs de la guerre en entier, relevait d’abord du président Zelenky. C’est qu’on avait perdu de vue un détail essentiel : elle n’en relevait que dans le cas où elle tournait à l’avantage de l’Ukraine. Dans le cas contraire, le responsable est nécessairement quelqu’un d’autre. Mais cela on se garde bien de le dire, pour ne pas avoir à prononcer le terrible mot d’échec. D’où la brusque transformation de Reznikov, qui de héros est devenu un corrompu.
Mohamed Habili
Le Jour d’Algérie, 05/09/2023
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