par El Yazid Dib
Il faut savoir quitter le continent quand il n’y a sur la table que la résistance, les coups révolutionnaires, l’éveil populaire et l’ardeur d’être enfin libre et indépendant.
Avant il y avait la colonisation directe et expéditive. Peu après, le temps était aux rythmes de la décolonisation frileuse et nonchalante. Le néo-colonialisme s’était vite chargé de suppléer à son ancêtre. Il y avait du désenchantement, de la frustration, de la dépendance étouffante. Comme à chaque ère ses repères, à chaque nation ses ambitions, ne sommes-nous pas en temps balbutiant d’une néo-décolonisation ?
Avec cette «épidémie de putchs» dixit un gamin fan-oligarque, l’Afrique va-t-elle connaître une instabilité politique ou une rédemption salutaire ? Cette «épidémie» n’est-elle pas une thérapie d’ensemble pour un continent en quête de bonne santé dans la liberté de ses actes, la ferveur de ses espoirs, l’accomplissement de ses projets ? Pour ces pays là, un putch a toujours été une révolution. Entérinée et bénie par le peuple. Une propre façon de faire fonctionner la notion de démocratie de l’import que par les urnes de l’imposture. Et puis, pour un pays qui avait été, des années durant, sous asphyxie par des puissances occidentales, ne lui laissant qu’une respiration artificielle, un coup d’Etat libérateur est toujours bien accueilli, tant il reste néanmoins effectué et géré par les siens.
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L’Afrique est une réserve nourricière, une grange d’où se puisent les richesses qui font l’opulence des autres. Elle alimente les autres rives au moment où ses autochtones sont délestés, dépouillés, inaffranchis, au pire des cas meurent de faim et de misère virale.
Pour un Africain, gabonais ou nigerien, burkanabé ou malien ou autre, la démocratie ne rime à rien. Il l’a prend pour un produit exotique indésirable dont le supposé épanouissement n’est ni égalitaire ni partagé. On le leurre de packs chimériques, tout en creusant à l’abus son sol jusqu’à le rendre rachitique, en l’anesthésiant jusqu’à lui donner la sensation illusoire d’être heureux. Cette démocratie qu’on lui impose, est comme une voiture hybride qu’on lui offre sans qu’il n’ait de bornes à énergie électrique.
Cet éveil dans la voie «épidémique» des putchs ne semble pas être perçu comme un coup de force militaire contre des pouvoirs légitimement établis, il se fait dans le palais par le cri silencieux et résilient des chaumières et des huttes, des pieds-nus et des sans-voix, des affamés et des migrants. L’on sait comment s’installe à distance un régime dans certaines contrées de ce continent sous télécommande et manipulable à satiété. Parfois, il ne réalise que le rôle d’un concierge dans son propre pays, un gardien de privilèges de ses mentors aux dépens de ses concitoyens. Ce sont ces présidents fantoches conçus à l’Elysée qui ont fait allonger l’état de déliquescence de certains pays. Heureusement que dans le lot, il y en a ceux qui ont compris toutes les leçons finales d’un système colonial. Maintenant qu’arrive une nouvelle génération de «jeunes léopards» rageux qui aspire à plus de liberté, plus d’autonomie et qui agit pour une terre africaine libérée de toute base étrangère, voilà que les manitous du monde brandissent le droit, la menace et l’intervention musclée. L’on refuse même l’expulsion signifiée à l’ambassadeur de France, comme quoi on cherche en prétexte un autre coup d’éventail, un retour à une colonisation vengeresse, cette fois-ci au nom du droit international. Pourquoi toute une masse d’OQTF demeure exécutable à outrance seule une est sujette à entêtement voire à un défi ? En voilà une présence de force malgré son caractère de persona non grata. Il finira par quitter les lieux d’une façon ou d’une autre et ça restera un fait regrettable consigné dans les pages de l’Histoire et influera les futures relations bilatérales. Aucun «bruit» par ailleurs ne réhabilitera le sénile président placé par un règne familial d’un demi-siècle.
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Dans chaque histoire d’un pays il y a des soubresauts, de la léthargie, de la somnolence et aussi du soudain réveil, de la table rase, du fait accompli et du bris des obédiences. Ce qui se passe en Afrique n’est qu’une remise en cause d’un ordre injuste imposé par la puissance coloniale d’hier. Cette domination qui se dissimule, sous différents sobriquets de coopération ou de partenariat, est arrivée à un point où elle n’est plus tolérée. La prise de conscience des peuples soumis à longueur de décennies, à la volonté étrangère qu’exercent par procuration certains nababs indigènes, s’est accélérée aux rythmes des changements que connaît le monde. C’est dans cette mouvance de bipolarité que les deux blocs et leurs vassaux se disputaient le continent africain, comme un gibier d’une chasse gardée. Par la semence des zizanies tribales et conflits ethniques, une nouvelle approche de dislocation des Etats africains était bien entretenue pour faire perdurer l’hégémonie. Le terrorisme ou la lutte contre, l’Etat islamique était l’alibi créé à bon escient pour s’enraciner davantage. Il n’y a que les autres qui meurent pas plus. On s’ingénue à leur éjecter, en mode d’emploi, la mal gouvernance, le népotisme, la corruption généralisée, le détournement impuni des deniers publics, d’où les faramineuses villas en Côte d’Azur, les luxueux appartements parisiens et les cartes de clients de l’industrie française du luxe dont jouissent les valets.
Enfoncées jusqu’au bout de l’impossible, accablées de dettes, forcées à la dépendance ces nations ne trouvaient nul salut que de pouvoir combler un creux d’estomac omettant du coup la spoliation, à ciel ouvert, de leurs richesses naturelles. Elles ont tout ce dont les pays développés ont besoin pour tourner fours et machines. Des matières premières de tous les règnes minéral, végétal et animal à l’installation de sites militaires d’intervention rapide. L’on ne peut se développer ou voler de ses propres ailes sans avoir à recouvrer totalement ses libertés. La tutelle, si elle vous apporte un certain confort, elle va aussi vous émasculer à la limite de vous rendre inopérant et toujours en quête d’un souteneur. Il est évident que la pire des colonisations n’est pas celle qui conquiert des espaces, mais celle qui tient les esprits en laisse et occupe tous les territoires de leur réflexion. Celle qui tend à enraciner l’habitude de la colonisabilité. L’on oublie toute idée d’indépendance comme si elle n’existait pas et l’on se laisse complaire dans le vœu du maître, ce civilisateur bienfaiteur.
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Cet occident européen notamment conserve une vision mais vraiment bridée sur l’avenir d’une Afrique qu’il refuse de le voir émerger au grand jour. Il la veut soumise et viscéralement au service de ses voracités. Sous plusieurs programmes d’aide et d’assistance, il lui distille quelques brides d’euros, juste pour la maintenir en vie. Il la sussure à coups de plans de financement juste pour l’obliger à maîtriser cette évasion massive de migrants. Ces jeunes candidats à la mort, disent ne rien risquer qu’une pauvre vie. Vaux mieux tenter que subir. Ils perçoivent, à leur corps défendant que leur avenir ne se trouve que dans une Europe africanisée. Cette Europe qui les a dépouillés, qui a freiné l’éclosion de leur devenir, voilà des siècles. Leur aïeux étaient déportés malgré eux, de force dans des négriers vers de maudits horizons que convoitent actuellement leur progéniture. Paradoxe des temps. Une chaloupe de fortune suffit à leur volonté de prendre le large. Ce sont les néo-autodéportés.
Ainsi ne faudrait-il pas les laisser tranquilles chez eux et (ceci vous arrange), construire leurs rêves, faire leurs putchs, leur marmelade sans s’immiscer dans leur sauce et restituer leur âme à leur corps ? Il faut surtout savoir quitter ce continent quand l’amour, l’intérêt via la lâcheté, la complaisance, le faire-valoir ou la traîtrise locale ne sont plus servis.
Le Quotidien d’Oran, 08/09/2023
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