Etiquettes : Union Européenne, Pegasus, rapport de la Commission des affaires juridiques et des Droits de l’Homme, espionnage, Candiru, Predator, logiciels espions,
Selon un rapport de la Commission des affaires juridiques et des Droits de l’Homme, les révélations sur Pégasus et les enquêtes qui ont suivi ont fourni des preuves que Pégasus et des logiciels espions similaires (par exemple, Candiru, Predator) ont été utilisés comme outils de piratage et de surveillance contre des journalistes, des avocats, des politiciens et des militants des droits de l’homme dans plusieurs États membres du Conseil de l’Europe et au-delà.
Étant donné le niveau d’intrusion sans précédent de ce logiciel, qui permet un accès à distance non autorisé (« zero-click ») et illimité au téléphone mobile et à toutes ses données personnelles et privées, son utilisation a des implications graves pour les droits humains fondamentaux des personnes ciblées et de tous leurs contacts, y compris leur droit à la vie privée et leur droit à la liberté d’expression, ainsi que plus généralement pour la liberté de la presse et les institutions démocratiques.
Il a été soutenu que son utilisation ne pourrait guère satisfaire les exigences de proportionnalité que toute ingérence dans ces droits devrait remplir, compte tenu précisément de son niveau d’intrusivité et de discrétion. Je tends à être d’accord avec ceux qui ont exprimé ces préoccupations, y compris la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et le Contrôleur européen de la protection des données.
En tout état de cause, les autorités d’enquête nationales et les tribunaux des pays concernés doivent encore faire toute la lumière sur la question de savoir si ces ingérences hautement intrusives dans les droits des individus concernés poursuivaient un but légitime (sécurité nationale, prévention du crime) ou étaient principalement basées sur des considérations politiques, et si elles étaient nécessaires et proportionnées pour atteindre ce but dans le cas spécifique, comme l’exigent la Convention et d’autres normes internationales.
Espionner des politiciens, des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme à des fins purement politiques ne respecte manifestement pas les valeurs du Conseil de l’Europe, les droits de l’homme, l’État de droit et les principes démocratiques. Cela a non seulement un effet dissuasif sur l’exercice des droits fondamentaux par les acteurs de la société civile, les politiciens et les journalistes, mais cela affecte également l’essence et l’intégrité des processus électoraux et du débat public.
Les victimes devraient avoir accès à des recours efficaces dans tous les cas de surveillance ciblée illégale, ce qui suppose d’avoir accès aux informations pertinentes une fois la mesure de surveillance terminée. Cependant, dans de nombreux pays concernés, les victimes ont rencontré des obstacles pour prouver que leurs appareils étaient infectés ou ciblés, en partie à cause du manque de transparence et de coopération des autorités nationales, qui invoquent des raisons de secret et de sécurité nationale. Les cadres législatifs et les systèmes de surveillance des activités de surveillance dans certains États membres sont faibles ou inefficaces, et il est clair qu’il faut une réglementation et des garanties plus strictes, ainsi qu’une meilleure mise en œuvre et un meilleur suivi.
L’Assemblée devrait adresser des recommandations spécifiques aux États membres qui ont acquis et utilisé Pégasus ou un logiciel espion équivalent, y compris la Pologne, la Hongrie, la Grèce et l’Espagne. Elle devrait également adresser des recommandations générales à tous les États membres, dont beaucoup ont utilisé ou utilisent encore des logiciels espions similaires, en s’inspirant des normes établies par la Cour européenne des droits de l’homme dans ce domaine.
Les États devraient s’abstenir d’utiliser des logiciels espions à moins que leur cadre législatif, leurs mécanismes de surveillance et leur système de recours soient pleinement conformes à ces normes. À cet égard, l’Assemblée devrait inviter tous les États membres à faire rapport aux organes compétents du Conseil de l’Europe (soit le Comité consultatif de la Convention 108+ une fois le protocole modifiant entré en vigueur, soit la Commission de Venise) sur la question de savoir si leurs cadres réglementaires et leur mise en œuvre sont conformes aux normes du Conseil de l’Europe et à partager leurs meilleures pratiques. Jusqu’à ce qu’une telle évaluation soit effectuée, les États membres devraient appliquer un moratoire immédiat sur l’acquisition et l’utilisation d’outils de surveillance hautement intrusifs tels que Pégasus.
Le Comité des Ministres devrait également être invité à élaborer une recommandation aux États membres sur la surveillance et les droits de l’homme, avec un accent particulier sur l’acquisition, l’utilisation, l’exportation et le transfert de logiciels espions, en tenant dûment compte de toutes les normes juridiques du Conseil de l’Europe et internationales. Toutes ces normes bénéficieraient d’être regroupées sous une forme consolidée pour des raisons de clarté.
Cette recommandation codifierait également les normes les plus élevées dans ce domaine, s’inspirant par exemple des textes existants de l’ONU et du Conseil de l’Europe sur les droits de l’homme et les entreprises (Recommandation CM/Rec(2016)3) et les adaptant au contexte de l’industrie des logiciels espions.
À un stade ultérieur, le Comité des Ministres pourrait examiner la faisabilité de rédiger une nouvelle Convention du Conseil de l’Europe sur l’acquisition, l’utilisation, l’exportation et le transfert de logiciels espions, avec un mécanisme de suivi.
Rapporteur: Mr Pieter OMTZIGT, Pays Bas, Groupe du Parti Populaire Européen
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