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L’Assemblée française a adopté, jeudi dernier, une résolution reconnaissant et condamnant le massacre des Algériens du 17 octobre 1961 à Paris. Porté par la franco-algérienne Sabrina Sebaihi (Ecologiste) et signé par le président du groupe Renaissance, Sylvain Maillard, le texte de la résolution, voté par 67 voix contre 11, « souhaite l’inscription d’une journée de commémoration du massacre du 17 octobre 1961 à l’agenda des journées nationales et cérémonies officielles ».
Cette résolution vise selon ses initiateurs à faire la lumière sur le massacre du 17 octobre 1961, longtemps occulté de l’histoire officielle et contribuer ainsi au travail de mémoire. « L’histoire n’est pas un bloc. C’est un ensemble. Elle a ses parts d’ombre et de lumière », a notamment déclaré lors des débats la première signataire du texte, Sabrina Sebaihi qui rend hommage aux « oubliés de l’histoire de France », en ne manquant pas, bien entendu, de revenir en détails sur la manifestation organisée pour protester contre la mise en place d’un couvre-feu appliqué aux seuls « Français musulmans d’Algérie », et réprimée dans le sang sous les ordres du préfet de police de la capitale, Maurice Papon.
La résolution « condamne la répression sanglante et meurtrière des Algériens, commise sous l’autorité du préfet de police, Maurice Papon, le 17 octobre 1961 ». Sans valeur contraignante pour l’exécutif, mais à forte valeur symbolique, le texte souhaite, en outre, « l’inscription d’une journée de commémoration du massacre » à l’agenda des journées officielles et des cérémonies nationales.
Le texte, adopté par l’Assemblée française et également soutenu par le gouvernement français, a été signé par des députés des groupes de gauche et quelques députés du parti présidentiel dont le président du groupe Renaissance, Sylvain Maillard. « Cela démontre la volonté de notre groupe de confronter l’histoire de notre pays, même dans ses pages les plus sombres », a soutenu Julie Delpech (Renaissance) à la tribune, déchirant le « voile d’omission qui a tenté de couvrir l’ampleur de cette tragédie ».
Pour sa part, la ministre déléguée, Dominique Faure, représentant le gouvernement, a pour sa part rappelé les actions menées par Emmanuel Macron depuis 2017 pour « travailler à la pacification de la mémoire de la guerre d’Algérie ». Notamment via la mise en place d’une commission mixte d’historiens indépendants, Français et Algériens, qui s’est réunie quatre fois en un an. « Il est important de laisser faire ce travail avant d’envisager une nouvelle journée commémorative spécifique », a cependant jugé la ministre, rappelant que trois dates liées à la guerre d’Algérie étaient déjà fixées dans le calendrier.
Plusieurs députés de gauche ont, au contraire, appelé à aller plus loin en condamnant un « crime d’Etat ». « Le crime du 17 octobre n’est pas la bavure d’un chef ; c’est le crime de l’institution policière », a soutenu Paul Vannier (La France insoumise). Le Rassemblement national (RN) a, comme à son habitude, versé son venin sur l’Algérie et n’a pas manqué l’occasion de tirer à boulet rouge sur les initiateurs de cette résolution historique qualifiée par ce parti raciste de « repentance à outrance », des déclarations conspuées par les orateurs de gauche qui ont succédé aux députés RN.
Elsa Faucillon (Gauche démocrate et républicaine) a ainsi tancé le « racisme rance, xénophobe et décomplexé du Rassemblement national », tandis que Sabrina Sebaihi a fait part de son « effroi quant aux propos de certains révisionnistes décomplexés de l’Histoire ». « Ici, certains s’inscrivent dans la lignée des saboteurs des accords d’Evian », a-t-elle poursuivi, accusant les élus du Rassemblement national de vouloir « effacer 132 ans de colonisation, de privation de terres, d’accaparement de biens, de crimes et de tortures ».
Examiné dans une ambiance houleuse, le texte avait notamment provoqué un échange très vif entre sa rapporteuse, Michèle Tabarot, fille d’un dirigeant de la tristement célèbre organisation terroriste, l’OAS, et Sabrina Sebaihi, qui avait renvoyé sa collègue de droite à son histoire familiale. Mercredi, la députée écologiste s’est tournée vers ceux qui « ne versent ni dans la glorification aveugle, ni dans la repentance perpétuelle, mais dans la vérité ».
Le 17 octobre 1961, les forces de l’ordre françaises réprimaient violemment une manifestation contre l’instauration, par le tristement célèbre préfet de police d’alors, Maurice Papon, d’un couvre-feu à Paris et en banlieue parisienne pour les seuls Algériens. Manifestation pacifique à laquelle a appelé le Front de libération nationale (FLN). C’était un mardi et en pleine guerre d’Algérie, des Algériens et Algériennes manifestent pacifiquement à Paris contre le couvre-feu décrété par le préfet de police, Maurice Papon.
Cette mobilisation, organisée à l’appel du FLN, sera très violemment réprimée. Selon diverses sources rapportées par les historiens, ce sont «des centaines de morts et autant de blessés, des manifestants emprisonnés dans des centres de détention spécialement mis en place dont le palais des sports, le stade Coubertin, le parc des expositions…» et les manifestants emprisonnés «ont subi des traitements atroces et des tortures»
Comme le ridicule ne tue pas, le lendemain des massacres, Maurice Papon publie un communiqué de presse où il minimise la répression en évoquant officiellement…trois morts et accuse les manifestants de violence envers les forces de l’ordre !!! Si quelques journaux tentent de contester cette version, c’est néanmoins ce communiqué qui va incarner la version « officielle », Le Figaro en tête titrait, au lendemain de la manifestation, en grande manchette à la Une : «Deux morts, 44 blessés graves, 7.500 Nord Africains arrêtés».
Il convient de rappeler que cette manifestation intervient quelques mois après la suspension des négociations avec le FLN, le 13 juin 1961 et le putsch d’Alger d’avril 1961, qui a échoué, et ayant permis au général De Gaulle d’appliquer l’article 16 de la Constitution et de décréter un cessez-le-feu de trois mois. Papon justifiait cette répression aveugle par la présence de «groupes armés mobilisés pour encadrer la manifestation mais aussi pour la précéder», une vertébrale assertion mensongère de d’Etat, puisque le FLN avait donné des instructions ferme «pour revêtir la manifestation du caractère pacifique», nous dira un militant du FLN présent le 17 octobre à Paris.
Et à notre interlocuteur de renchérir qu’il «était strictement interdit de porter des armes, même des armes blanches», en donnant comme preuve tangible les consignes du FLN «d’aller manifester en famille, avec femmes et enfants». Selon Ali Haroun, le seul but recherché par cette action est «de briser le couvre-feu qui défend aux Algériens de sortir le soir, c’est pratiquement arrêter toutes les activités organiques, les éléments du FLN étant pratiquement tous des travailleurs qui ne peuvent militer qu’après les heures d’usine». Le préfet de police de Paris, Maurice Papon, qui a reçu carte blanche des plus hautes autorités, dont De Gaulle, a lancé, avec 7.000 policiers, une répression sanglante.
Il y aura 11.730 arrestations, et peut-être beaucoup plus de 200 morts, noyés ou exécutés, parmi les Algériens. Ce jour-là, des centaines d’Algériens ont été noyés dans la Seine ou massacrés par la police française à Paris. Depuis le 17 octobre 1961, entre Paris et Rouen, il y a eu le repêchage dans la Seine de plus de 150 cadavres d’Algériens.
Parmi ces victimes, Fatima Bedar, une jeune collégienne de 15 ans, qui faisait partie de ces centaines de morts du massacre du 17 octobre 1961 et plus de 2.300 blessés. Le 31 octobre, son père est appelé par le commissariat de Police pour aller identifier un cadavre repêché dans le canal de Saint-Denis. Il s’agit bien de Fatima qui gît au milieu d’une quinzaine d’autres dépouilles et qu’il ne reconnaît que grâce à ses longs cheveux noirs. Comble du cynisme, le père se voit obligé de signer un procès-verbal fumeux selon lequel sa fille se serait suicidée.
Plus de soixante ans après, ces massacres perpétrés le 17 octobre 1961 à Paris contre des manifestants algériens pacifiques ne sont autres qu’un crime contre l’humanité, commis au nom de la 5e République Française.
Source : Le Carrefour d’Algérie
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