Cinq membres du gouvernement fédéral sont au Maroc pour conclure des accords sur le retour des ressortissants épuisés et condamnés. En échange, ils promettent, entre autres, une coopération économique. Un gagnant-gagnant ?
La caravane belge parcourra mardi 90 kilomètres vers le sud le long de la côte marocaine : de la capitale Rabat à Casablanca. Pancartes présentes pour le gouvernement : le Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld), les ministres de l’Intérieur Annelies Verlinden (CD&V), des Affaires étrangères Hadja Lahbib (MR), le juge Paul Van Tigchelt (Open Vld) et le secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration Nicole de Moor (CD&V). Environ la moitié du gouvernement belge. 25 chefs d’entreprise voyagent dans leur sillage.
Les enjeux sont élevés. Après consultations, le Maroc a promis, selon des sources gouvernementales, de délivrer davantage de laissez-passer (document permettant de rentrer au Maroc) pour les compatriotes en séjour irrégulier en Belgique. Cela inclut les criminels marocains qui se trouvent dans une prison belge. Il y en a actuellement environ 900, sur un total de 12 000 détenus. Le délai de traitement administratif d’un laissez-passer serait raccourci. De Moor a informé les journalistes présents à Rabat qu’elle bénéficie d’un « engagement fort » de la part du Maroc.
« Nous ne pourrons pas renvoyer des centaines de détenus. Mais chaque détenu, c’est un de moins », a déclaré le cabinet Van Tigchelt.
Pendant des années, les relations entre les deux pays ont été modérées, mais ces derniers mois, elles se sont à nouveau réchauffées. Depuis janvier, notre pays a déposé 63 demandes de renvoi de Marocains dans leur pays d’origine. Dans 48 cas, nous avons reçu un laissez-passer, ce qui a entraîné le retour de 37 personnes. L’intention est que ces chiffres augmentent encore.
La demande du gouvernement belge inclut également la fin de l’impunité des criminels marocains en Belgique. Actuellement, beaucoup fuient souvent au Maroc pour éviter leur peine. Certaines bandes belgo-marocaines jouent un rôle crucial dans le trafic de cocaïne à Anvers. En principe, le Maroc ne livre pas ses ressortissants à d’autres pays. C’est pourquoi la question se pose : les renvoyer pour que la Belgique les juge, ou les juger sur place.
Il est également remarquable que la Belgique demande la confiscation des biens immobiliers acquis par ces criminels au Maroc. « Ces hommes gagnent beaucoup d’argent ici et mènent ensuite une vie de luxe au Maroc dans leur villa avec piscine », explique Van Tigchelt.
Selon Het Laatste Nieuws, grâce à l’accord, la Sûreté de l’État belge pourrait également stationner un officier de liaison à Rabat, capable de demander des informations aux services de sécurité locaux.
Bien sûr, la Belgique doit offrir quelque chose en retour. C’est pourquoi la mission marocaine va bien au-delà de la question de la migration. L’entourage du Premier ministre indique qu’un « mémorandum d’entente » a été signé pour renforcer la coopération dans le domaine de l’hydrogène vert.
« Le Maroc est un partenaire stratégique pour notre pays, disposant de nombreuses ressources pour la production d’hydrogène. Plusieurs entreprises belges y sont déjà actives. Mais beaucoup plus reste à faire », précise-t-il. De même, la Belgique est un partenaire commercial important pour le Maroc, qui cherche à attirer à la fois des investissements et des connaissances.
CAMPAGNE ÉLECTORALE
Les ministres belges parlent d’un « momentum » que les deux pays souhaitent saisir. Le fait que ce momentum tombe juste avant les élections soulève néanmoins des questions. L’opposition parle de manœuvre de campagne.
Selon l’ancien secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration Theo Francken (N-VA), la visite à Rabat intervient bien trop tard dans cette législature. « Après des années de taux de retour désastreux et de chaos en matière d’asile », écrit-il sur X.
Francken avait déjà conclu un accord similaire avec le Maroc en 2016, après les attentats de Bruxelles. Cela incluait notamment l’échange électronique d’empreintes digitales. Cependant, la coopération s’était ensuite estompée.
Qu’aurait à gagner la Belgique avec un nouvel accord ? Beaucoup, selon Hanne Beirens, directrice de l’Institut de politique migratoire Europe. « Le retour effectif est un pilier de tout système migratoire fonctionnel. Sans cela, la crédibilité et l’intégrité de tout le système sont remis en question. » C’est une sorte de pression constante.
La nature de compromis de cet accord est devenue claire fin 2022 aux Pays-Bas. Il est apparu que le gouvernement avait conclu un accord secret avec le Maroc pour le retour des demandeurs d’asile causant des problèmes.
Le gouvernement néerlandais s’était engagé à soutenir la création d’un centre culturel marocain à Amsterdam. De plus, il ne commenterait plus les affaires intérieures marocaines. Les critiques ont estimé qu’il cédait trop facilement aux autorités marocaines.
« Le gouvernement de ce type de pays ne dira évidemment pas simplement : ‘C’est bon, renvoyez-les' », explique Beirens. « Ils comptent en partie sur l’argent que les migrants envoient depuis l’Europe à leurs familles et communautés locales. Pour cette raison, leurs propres citoyens ne sont souvent pas heureux d’apprendre que leur gouvernement participe au retour forcé. » Des accords supplémentaires sur la coopération économique ou la migration légale peuvent alors faciliter l’accord.
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