Economie algérienne en 2023, conditions de la relance socio-économique 2024/2030

Etiquettes : Economie, Algérie, relance socio-économique 2024/2030, paix sociale, pétrole, gaz, rente, PIB,

Abderrahmane MEBTOUL*

Toute correction des erreurs du passé, dans le cadre d’une planification stratégique, les tactiques devant se mouler au sein de la fonction stratégique, implique de dresser un bilan serein de l’économie algérienne sans complaisance évitant cette sinistrose mortelle que certains veulent propager alors que le pays a d’importantes potentialités. Cette contribution à partir des données officielles du gouvernement algérien et du Fonds Monétaire International FMI/Banque mondiale, présente une brève synthèse des principaux indicateurs de l’économie algérienne 2022/2023, à savoir, l’évolution du PIB, du taux de croissance, la balance commerciale, le taux d’inflation, face à la pression démographique le niveau du taux de chômage et du salaire, le niveau du déficit budgétaire, les réserves de change et le niveau d’endettement de l’économie algérienne, devant reconnaître une action importante de l’Etat pour assurer la cohésion sociale mais dont la pérennité suppose de profondes réformes.

1-Le FMI commentant les rapports que lui a fournis l’Algérie qui a réévalué le PIB d’environ, 30% incluant la valeur ajoutée de la sphère informelle, prévoit un PIB à prix courant de 270 milliards de dollars en 2024, 326 en 2026, 370 en 2028 contre 243 milliards de dollars en 2023. Ces projections ne sont valables que sous réserve de profondes réformes, une rationalisation des choix budgétaires, une lutte contre la corruption et d’’un accroissement des recettes d’hydrocarbures durant cette période qui devront être affectées aux secteurs productifs.

Le taux de croissance pour 2023 a été de 4,2% avec une prévision de 3,8%, en 224 et 3,1% en 2025 soutenue en partie par d’importantes dépenses budgétaires. Non inclus les importations de services figurant dans la balance des paiements, document beaucoup plus significatif que la balance commerciale, ayant varié entre 6/7 milliards de dollars/an entre 2022/2023 montant qui doit s’ajouter à la valeur des importations de biens, actualisant les données de mars 2024, pour l’ONS les exportations de marchandises ont été évaluées à 5 554,5 milliards de DA durant les neuf mois de l’année 2023 contre 6753,2 milliards de DA sur la même période de l’année 2022, soit une baisse de 17,8% et des importations évaluées à 4 289,1 milliards de DA pour les neuf mois de l’année 2023 contre 4 202,4 milliards de DA durant la même période de l’année 2022, soit une hausse en valeurs courantes de 2,1% pour la clôture de l’année 2023, les données des échanges extérieures de marchandises enregistrées montrent un recul de l’excédent commercial qui passe de 3.668,8 milliards de DA en 2022 à 1.612,3 milliards de DA en 2023, soit une diminution de 56,1%.

Ainsi, pour 2023 les exportations ont été de 55,27 milliards de dollars pour un cours moyen de 134 dinars un dollar contre 68,70 milliards de dollars en 2022 soit une baisse d’environ 13,43 milliards de dollars alors que les importations en 2023 ont été de 43,24 milliards de dollars contre 41,34 milliards de dollars en 2022. Cette « désagrégation de l’indice de valeurs unitaires » étant due à une diminution des prix des hydrocarbures de 21,7% mais également à la baisse du volume et les prix des « exportations des produits hors hydrocarbures qui ont connu une baisse de plus de 20% par rapport à l’année 2022, les statistiques douanières officielles donnant 6,8 milliards de dollars en 2022 d’exportation hors hydrocarbures et 5 milliards de dollars pour 2023 mais dont 67% selon les statistiques officielles de la douane (source APS) sont des dérivées d’hydrocarbures. Et selon le Ministère du commerce dans une déclaration en date du début avril 2024 (source APS) la part de l’Afrique dans les exportations algériennes en 2023 ont été de 2,7 milliards de dollars dont 650 millions hors hydrocarbures, (1,85% du total et la valeur du commerce intra maghrébin moins de 3%) et une valeur des importations de 43,5 milliards de dollars. Le taux d’emploi, c’est une loi universelle, étant fonction du taux de croissance et des structures des taux de productivité, avec la forte pression démographique, 46 millions en 2024 et plus de 50 millions d’habitants horizon 2030 et selon les projections des Nations Unies, la population mondiale, étant estimée à 8,045 milliards, en 2023, devrait atteindre 9,7 milliards en 2050 et serait proche de 11 milliards de personnes vers l’an 2100 (hypothèse moyenne) et cette même tendance, l’Algérie atteindrait à ces dates 59.8 en 2050, il s’ensuit que le taux de chômage aurait été en 2023 d’environ 14% touchant surtout la tranche d’âge de 20/30ans et paradoxalement les nouveaux diplômés.

Pour atténuer les tensions sociales, il sera nécessaire de créer 350.000/400.000 emplois nouveaux nécessitant sur plusieurs années un taux de croissance de 8/9% qui s’ajoute au stock du taux de chômage, le calcul actuel de la création d’emplois incluant les emplois rente et les sureffectifs dans les administrations et entreprise publiques car l’emploi ne se crée pas décret et dépend de la croissance des entreprises publiques et privées dont le taux d’intégration en Algérie en 2022 ne dépasse pas 15/20%. Rapporté au PIB, le revenu brut par habitant est selon le FMI de 325 dollars entre 2022/2023 et le revenu brut annuel de 3900 dollars mais le ratio global n’étant pas forcément significatif pour déterminer les inégalités, on doit éclater la moyenne pour déterminer la répartition du revenu national par couches sociales où l’inflation joue comme facteur de concentration des revenus au profit de rentes spéculatives au détriment des revenus fixes.

Le taux d’inflation en 2023 selon la Banque d’Algérie, en glissement annuel a été de 9,32 %, données proches de celles de l’Office national des statistiques (ONS) de février 2023 à janvier 2024/février 2022 à janvier 2023) a été de 9,1% mais selon le FMI devant baisser à 7,6% en 2024 et 6,5% en 2025 mais restant donc toujours très élevée, ce qui a impliqué en 2023 un important montant de transferts sociaux plus de 5000 milliards de dinars, pour 134 dinars un dollar, 37,31 milliards de dollars pour assurer la cohésion sociale.

2- Dans la loi de finances 2024, le budget de l’Etat prévoit des dépenses de 15.275,28 milliards de dinars et des recettes qui devraient s’établir à 9105,3 milliards de dinars, soit un déficit budgétaire au cours de 134 dinars un dollar de 46 milliards de dollars -17,4% du produit intérieur brut. Du fait que selon les bourses internationales, l’embrasement au Moyen Orient après les tensions Israël/Iran est peu probable après avoir dépassé les 90 dollars, le cours pétrole a été coté le 23 avril 2024 à 86,50 dollars le Brent et 81,36 dollars le Wit, le prix de cession du gaz connaissant également une baisse substantielle variant en ce mois d’avril 2024 entre 27 et 32 dollars le mégawatt heure où selon le FMI pour 2024 pour l’équilibre budgétaire, l’Algérie a besoin d’un baril dépassant les 140 dollars le baril, le prix du marché et fiscal de 60 et 70 dollars de la loi de finances 2024 n’étant qu’un artifice comptable.

Certes, en ce mois d’avril 2024, l’Algérie a une relative stabilité macro financière mais qu’il s ‘agit de transformer en une dynamique sur la sphère réelle pour une économie diversifiée dans le cadre des avantages comparatifs mondiaux en, intégrant la sphère informelle et en revoyant la fonctionnent du système fiscal en rappelant que trop d’impôts peut tuer l’impôt. Selon le rapport de conjoncture de la Banque d’Algérie, le montant de la circulation fiduciaire hors circuit bancaire a atteint 8023,19 milliards de dinars à fin septembre 2023, soit au cours de 134 dinars un dollar,61,41 milliards de dollars contre 6712 milliards de dinars à fin décembre 2021, 50,08 milliards de dollars, 7392,8 milliards de dinars à fin décembre 2022, 55,17 milliards de dollars et en plus selon la direction générale de la fiscalité 6000 milliards de dinars n’ont pas été recouvrés pour l’année 2022 soit 44,77 milliards de dollars (source APS), ces dysfonctionnements renvoyant tant à la sphère économique que politique et donc au mode de gouvernance.

Cette embellie financière due en grande partie aux cours élevés des hydrocarbures. Selon les rapports mensuels de l’Opep, l’Algérie a produit, la consommation intérieure représentant environ 45% et 55% l’exportation, renvoyant au dossier épineux des subventions, en 2021 une moyenne annuelle de 913 000 bpj, en 2022 -1,017 million de bpj et en 2023 – 977000 bpj devant tenir compte des réductions de production décidées par l’OPEP. En 2022, selon les données officielles de la banque d’Algérie, le cours du pétrole a été de 106 dollars en moyenne et le prix du gaz, qui représente environ 33% des recettes de Sonatrach a été entre 15/16 dollars le MBTU (entre le gaz naturel et le GNL prix légèrement supérieur de 2 à 3 dollars) donnant une recette de 60 milliards de dollars.

Pour une moyenne annuelle de 80 dollars baril en 2023 et un prix moyen du gaz qui connaît d’importantes fluctuations entre 30 et 50 dollars le mégawattheure, un cours moyen de 10/11dollars le MBTU les recettes d’hydrocarbures de Sonatrach ont été d’environ 50 milliards de dollars et en ajoutant les exportations hors hydrocarbures constituées elle-mêmes de 67% de dérivées d’hydrocarbures (source statistiques douanières), la recette globale, comme montré précédemment a été d’environ 55 milliards de dollars en 2023. Grâce à ces recettes mais également aux restrictions des importations sans ciblage, qui ont eu parfois un effet négatif sur l’appareil de production et accéléré les tensions inflationnistes, l’Algérie a un endettement extérieur faible avec moins de 2% du PIB, un endettement public global qui a évolué de 45,6% du PIB en 2019 à 51,4% en 2020, à 56,1% pour 2021, à 55,6% 2022, 49,5% en 2023 et selon le Ministre des finances étant prévu en 2024 à 47% du PIB.

Les réserves de change sont évaluées à 73 milliards de dollars fin 2023 et 82/83 milliards de dollars en tenant compte des 173 tonnes d’or, dont l’once connaît d’importantes fluctuations. En effet, les données de la Banque d’Algérie, du 22 avril 2024 pour la cotation du dinar dont l’amélioration est conditionnée par l’élévation de la production et de la productivité interne, donnent un taux de 143,2799 dinars algériens, tandis que le dollar américain affiche un taux de 134.4846 dinars, permettant artificiellement de limiter le déficit budgétaire, une des raisons avec l’inflation importée et la faiblesse de la productivité interne du processus inflationniste, les taxes s’appliquant à la douane sur un dinar dévalué. Sur le marché parallèle avec un écart d’environ 65% par rapport à l’euro, contre 50% en 2022, un euro s’échange le 22 avril 2024 au prix de 239.00 DA à la vente, contre un cours de 241.00 à l’achat, soit, 100 euros s’échange contre 24.100 DZD. 100 dollars s’échangent contre 22.100 DA à l’achat. La même somme vaut 22.300 DZD à la vente.

En conclusion, l’Algérie n’a pas besoin de louanges contre-productives en contrepartie de la distribution de la rente, mais d’un bilan objectif, sans sinistrose, ni autosatisfaction, afin de corriger les erreurs du passé et permettre la relance socio-économique sur des bases durables entre 2024/2030. Aussi, l’Économique étant fonction du Politique, de profondes réformes s’imposent face tant aux tensions budgétaires internes qu’aux nouvelles mutations géostratégiques mondiales (Pr A. Mebtoul-plusieurs contributions entre 1980/2024 récemment revue mensuelle Politis El Moudjahid de septembre 2023 et American Herald Tribune 2018). Car l’impact dans les relations internationales de tout pays est fonction surtout son poids économique afin de faire face à la nouvelle configuration du monde 2024/2030/2050, de lutter contre les impacts du réchauffement climatique (la nécessaire transition énergétique) et les nouvelles technologies dont les cyber attaques et de l’intelligence artificielle, ayant des implications militaires, économiques, sociales et culturelles, l’Algérie se doit d’élaborer des stratégies afin d’éviter sa marginalisation dans la nouvelle économie mondiale et elle en a les potentialités.

*Professeur des universités, expert international, docteur d’Etat 1974- ademmebtoul@gmail.com

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