Maroc Confidentiel

« L’Algérie un acteur majeur en Afrique du Nord » (Ambassadrice américaine)

Etiquettes : Algérie, Elizabeth Moore Aubin, Etats-Unis, Afrique du Nord, Maroc, Sahara Occidental,

A quelques mois de la fin de sa mission en Algérie, l’ambassadeur des Etats-Unis, Mme Elizabeth Moore Aubin, revient, dans cet entretien accordé au Jeune Indépendant, sur son passage en Algérie, le second dans sa carrière de diplomate, sur la coopération bilatérale tous azimuts entre Alger et Washington, sur les consultations sur des sujets dans lesquels les deux pays ne sont pas toujours sur la même longueur d’onde. Elle a saisi cette occasion pour préciser la position de l’administration américaine s’agissant du conflit au Sahara occidental qui oppose le Maroc et le Front Polisario. Une position qui demeure conforme aux principes de l’ONU et appuie la mission de l’envoyé spécial de l’organisation tout en rappelant aussi que son pays concoure à un règlement du conflit qui soit endossé par la communauté internationale. A cet effet, la diplomate américaine souligne que l’Algérie est un acteur majeur en matière de sécurité et de stabilité en Afrique du Nord.

Le Jeune Indépendant : Pourriez-vous nous faire part de votre appréciation des relations algéro-américaine depuis votre arrivée en Algérie ?

Mme Elisabeth Moore Aubin : Je suis fière des avancées que nous avons accomplies pour consolider les liens entre les États-Unis et l’Algérie. Ensemble, nous avons renforcé les compétences entrepreneuriales des Algériens, boosté les opportunités de formation en langue anglaise et favorisé un dialogue ouvert et bénéfique sur la sécurité régionale. Sur le plan économique, nous avons exploré et conclu divers accords mutuellement avantageux dans plusieurs régions d’Algérie.

Les visites effectuées en Algérie par le secrétaire d’État, le secrétaire d’État adjoint, le commandant de l’USAFRICOM ainsi que plusieurs secrétaires adjoints témoignent de l’importance des relations entre nos deux pays. L’Algérie siégeant au Conseil de sécurité de l’ONU, le secrétaire Antony Blinken et le ministre des Affaires étrangères Ahmed Attaf se sont fréquemment consultés sur plusieurs questions régionales et internationales et se sont engagés à coordonner étroitement leurs efforts diplomatiques en faveur de la paix et de la sécurité dans le monde. Nous continuons à progresser dans notre lutte commune contre le terrorisme. D’ailleurs. Cette année, nous avons également multiplié nos sessions de formation et nos échanges avec les services de sécurité.

Si vous devez choisir un segment, sur quel plan les relations entre Alger et Washington ont-ils le plus avancé ?

Les États-Unis et l’Algérie entretiennent aujourd’hui des liens sécuritaires, économiques et culturels plus forts que jamais. Sur le plan commercial, les échanges commerciaux sont passés de 1,2 milliard de dollars en 2020 à 2,6 milliards de dollars en 2021, puis à plus de 4 milliards de dollars en 2022. Plus de 100 entreprises américaines sont déjà implantées en Algérie, créant des emplois et de la croissance économique, non seulement dans les secteurs du pétrole et du gaz, mais aussi dans les secteurs pharmaceutique, technologique, des télécommunications, des énergies renouvelables, de la défense, et de l’agriculture.

Nous sommes fiers de coopérer avec l’Algérie sur un large éventail d’initiatives en matière d’enseignement supérieur et culturelle, allant de la langue anglaise comme langue d’enseignement aux projets visant à faire progresser l’entrepreneuriat et les compétences de recherche, sans oublier les projets visant à préserver le patrimoine culturel de l’Algérie.

Dans le domaine sécuritaire, l’Algérie est un acteur majeur dans la lutte contre le terrorisme et la promotion de la stabilité en Afrique du Nord et au Sahel. Nous travaillons en étroite collaboration avec l’Algérie dans la lutte contre le terrorisme et la sécurité régionale afin que nous puissions apprendre les uns des autres et renforcer nos capacités respectives.

De nombreux dossiers régionaux et internationaux font l’objet de concertations assidues entre Alger et Washington notamment la question du Sahara Occidental, et du Sahel. L’administration actuelle que vous représentez semble moins tranchante sur la question du Sahara occidental que la précédente ? Et quelle appréciation fait Washington de la situation au Niger et au Mali ?

Nous partageons les préoccupations du gouvernement algérien quant à la présence déstabilisante de groupes terroristes et d’acteurs non étatiques comme le groupe Wagner au Sahel, et nous convenons de l’importance de promouvoir la sécurité et la prospérité dans la région.

Concernant le Mali, nous regrettons le retrait du gouvernement de transition de l’Accord d’Alger, lequel, s’il avait été pleinement mis en œuvre, aurait apporté plus de stabilité à tous les Maliens et à l’ensemble de la région. Nous sommes préoccupés par la reprise des hostilités entre les groupes armés signataires de l’Accord d’Alger et le gouvernement de transition.

Concernant le Niger, nous partageons l’objectif de l’Algérie d’aider le pays à reprendre le chemin de la démocratie. Nous sommes d’accord sur le fait que la bonne gouvernance est la clé d’une lutte efficace contre l’extrémisme et nous saluons les efforts de l’Algérie pour apporter une aide au développement des États sahéliens.

Concernant le Sahara occidental, les États-Unis soutiennent fermement les efforts de l’envoyé personnel du Secrétaire General des Nations Unis, Staffan de Mistura, pour mener le processus politique de l’ONU pour le Sahara occidental. La priorité de l’Administration est de soutenir un processus politique crédible menant à une solution au conflit au Sahara occidental qui soit durable, digne et soutenue par la communauté internationale. Aussi, nous consultons en privé les parties, les Etats voisins et les partenaires internationaux sur la meilleure manière de prévenir de nouvelles violences et de parvenir à une solution durable.

Après Pizza Hut, on a assisté récemment l’ouverture à Alger d’une franchise de KFC qui ne semble pas enthousiasmer les Algériens voir suscité du rejet en raison de la situation dans les territoires palestiniens. Le moment n’était-il pas mal choisi pour lancer cette franchise ?

Les relations entre les États-Unis et l’Algérie témoignent d’une vision commune de paix, de sécurité et de prospérité pour la région. C’est dans cet esprit que nos deux pays partagent le même objectif pour une solution à deux États concernant le conflit israélo-palestinien. Notre relation s’est élargie pour favoriser un développement économique inclusif, améliorer les opportunités pour les jeunes et garantir l’accès à la technologie et à l’expertise américaine tout en faisant la promotion des liens commerciaux.

Parce que les franchises font progresser tous ces objectifs économiques communs, j’étais ravie de voir KFC ouvrir un restaurant à Alger. Les franchises constituent un moyen direct et précieux pour transférer les standards internationaux de qualité et de service sur différents marchés pour servir les consommateurs, aider à la création d’emplois et à l’investissement pour les populations du monde entier. C’est une excellente opportunité pour permettre une croissance économique équitable, qu’il s’agisse d’entreprises américaines qui investissent en Algérie ou d’entreprises algériennes qui se développent à l’international. J’espère que KFC réussira ici, car il profite aux Algériens.

Il y a de nombreux algériens qui ont bénéficié des programmes de formation et d’échanges initiés principalement par le département d’Etat. Quel est le nombre des Algériens ayant bénéficié à ce jour de ces programmes et combien étaient-ils durant les quatre dernières années ?

Chaque année, environ 250 Algériens se rendent aux États-Unis pour participer à des programmes d’échanges officiels et à des formations dans divers domaines. Environ 6 000 Algériens de tout le pays ont déjà participé à nos programmes d’échanges éducatifs et culturels. En outre, les États-Unis sont fiers de financer, à hauteur de de près de 800 000 dollars sur une période de trois ans, un projet de collaboration entre le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique et Columbia University Teacher’s College, basé à New York. Dans ce cadre, des experts algériens et américains dans le domaine de l’éducation travaillent ensemble à concrétiser l’objectif de l’Algérie de faire de l’anglais une langue d’enseignement dans les universités algériennes.

L’ambassade des États-Unis en Algérie travaille également avec le ministère de la Culture et des Arts sur une série de projets de préservation culturelle totalisant plus d’un demi-million de dollars américains. Ces projets permettront de préserver et de protéger le riche patrimoine culturel de l’Algérie en tirant profit de l’expertise américaine en matière de gestion et de sécurisation des sites, d’archivage numérique, de législation sur la préservation du patrimoine culturel et de restauration d’objets et de structures archéologiques. Ces projets découlent d’un accord officiel signé entre le Département d’État américain et le ministère algérien de la Culture et des Arts à Washington D.C. en 2019.

Nous travaillons également avec l’Algérie pour accroître les échanges scientifiques, la résilience au changement climatique, la production agricole durable et le commerce bilatéral. Par exemple, chaque année, le ministère américain de l’Agriculture finance jusqu’à cinq programmes destinés à des représentants du gouvernement algérien, du secteur de l’éducation et du secteur privé, pour qu’ils prennent part à des échanges scientifiques et de recherche visant à faire progresser la sécurité alimentaire et la durabilité de l’agriculture en Algérie.

Cette année, cinq algériens se rendront aux États-Unis pour améliorer leur expertise sur l’efficacité des aliments destinés au bétail et sur les engrais afin de stimuler la productivité agricole. Nous sommes également fiers que l’université de Bordj Bou Arreridj en Algérie ait conclu un protocole d’accord consacré à des recherches et des projets communs avec l’université de Langston dans l’Oklahoma brassant un éventail de disciplines dont l’agriculture et les affaires.

Y a-t-il des projets qui n’ont pas encore été concrétisés ou qui sont sur le point de l’être à l’exemple du secteur de l’agriculture qui semble bénéficier d’une attention particulière de la part des opérateurs américains ?

Nous discutons actuellement de la création d’un cadre pour le lancement d’un vol direct entre les États-Unis et l’Algérie. Ce vol direct propulsera nos relations à un niveau supérieur, renforçant notre travail commun grâce à plus de liens économiques et culturels, et consolidera le rôle de l’Algérie en tant que pôle régional de transport et d’aviation. Par ailleurs, cela va donner encore plus confiance aux Américains pour venir investir en Algérie. De plus, cela réduira le temps de voyage nécessaire pour qu’ils viennent négocier sur place avec leurs amis algériens et, en cas de succès, pour qu’ils fassent régulièrement le point sur leurs projets communs. Et vice versa. Les vols directs renforceront également les liens de la diaspora algérienne avec l’Algérie en facilitant les déplacements.

De même que plusieurs projets ont été mis en œuvre dans le secteur agricole, et nous continuons à travailler avec nos collègues algériens pour en concrétiser d’autres. Je suis fière de dire que depuis septembre 2023, nous disposons de deux certificats sanitaires bilatéraux en génétique bovine entre le département américain de l’agriculture et le ministère algérien de l’agriculture. La présence de la génétique bovine américaine en Algérie, avec un marché de la génétique bovine totalement ouvert au commerce, marque une nouvelle ère de collaboration agricole entre nos deux pays. Cela donnera lieu à un énorme potentiel de croissance pour l’industrie algérienne de l’élevage et, bien entendu, pour la production algérienne de produits laitiers et de viande.

Les États-Unis sont ravis d’être un fournisseur clé et fiable d’intrants agricoles de qualité pour les secteurs de la transformation et de la fabrication de produits alimentaires en Algérie – tels que les œufs d’incubation de dindes et de poulets – qui créent des emplois et garantissent une sécurité alimentaire à long terme pour les citoyens algériens. Nous travaillons actuellement avec le ministère algérien de l’agriculture pour obtenir un certificat d’importation de viande bovine. Le bœuf américain viendrait compléter les efforts déployés par l’Algérie pour développer les activités de transformation alimentaire, de restauration et même de tourisme, ce qui nous permettrait d’aller encore plus loin dans la réalisation de nos objectifs communs.

L’administration américaine vient de désigner Monsieur Joshua Harris comme Ambassadeur des Etats Unis en Algerie, avez-vous une date approximative de sa prise de fonction ?

La procédure de nomination peut parfois prendre beaucoup de temps et je n’ai pas d’informations sur le calendrier prévu. En attendant, je me réjouis de continuer à travailler avec le gouvernement algérien et de voyager dans ce merveilleux pays. J’ai déjà visité 43 wilayas et j’espère en visiter plusieurs autres.

Source : Le Jeune ndépendant, 05 mai 2024

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