Maroc Confidentiel

Les défis du futur président : Faire de l’Algérie un pays émergent

Etiquettes : Elections présidentielles, Algérie, pays émergent, économie, croissance. développement, PIB, dinar, euro, dollar, hydrocarbures,

Abderrahmane MEBTOUL*

1.-La gestion volontariste, les enjeux internes et les contraintes externes de plus en plus pesantes ont abouti à des changements menés parfois à la hussarde, qui ont révélé une réalité bien amère : la faiblesse d’une véritable stratégie nationale d’adaptation à ce phénomène total et inexorable que sont les nouvelles mutations tant internes que mondiales. La conjonction de facteurs endogènes et exogènes et l’intervention massive – parfois directe et par moment insidieuse – d’acteurs internes et externes a abouti à une transition économique allant vers une économie de marché productive à finalité sociale qui traîne en longueur depuis des décennies et non pas seulement pour la période actuelle.

Il s’agira de relever le niveau de la croissance économique et donc le niveau de production et de productivité par le renouveau de la gouvernance et notamment la restructuration notamment du secteur public et la dynamisation du secteur privé productif. Un rapport officiel du premier ministère algérien repris par l’APS en 2020, montre que durant les trente dernières années l’assainissement des entreprises publiques a coûté au trésor plus de 250 milliards de dollars alors que de 80% sont revenues à la case de départ. Pour la Banque mondiale dans son rapport du 22 mai 2024, le PIB de l’Algérie a atteint 239,9 milliards de dollars avec un PIB par habitant de 5.260 dollars, avec une prévision de 256,7 milliards de dollars en 2024 à 265,8 milliards en 2025 et à 275,4 milliards de dollars en 2026 alors que pour le FMI, données légèrement différentes, le PIB de l’Algérie devrait s’élever à 270 milliards de dollars contre 243 en 2023 propulsant l’Algérie au troisième rang des économies africaines derrière l’Afrique du Sud et l’Egypte et devant le Nigeria.

Reconnaissons qu’à l’heure actuelle, le niveau du PIB algérien est largement irrigué directement et indirectement par le financement des autres secteurs par la rente des hydrocarbures, 92% des recettes en devises et en incluant les dérivées inclus dans la rubrique hors hydrocarbures pour 67%, donnant entre 97/98% et que toute baisse ou hausse de recettes des hydrocarbures qui tiennent la cotation du dinar à environ, 70% influe tant sur le niveau du PIB que sur la cotation du dinar.

La dépréciation officielle du dinar outre son impact inflationniste, 85% des matières premières et équipements des entreprises publiques et privées étant importés, le taux d’intégration ne dépassant pas 15% en 2023, permet d’atténuer le déficit budgétaire qui en référence à la loi de finances 2024, le budget de l’Etat prévoit des dépenses à 15.275,28 milliards DA et des recettes de 9.105,3 milliards de DA, soit un déficit budgétaire d’environ 46 milliards de dollars. Le cours officiel est passé (cours achat) en 1970 à 4,94 dinars 1 dollar, en 1980 à 5,03 dinars 1 dollar et selon la banque d’Algérie le cours le 24 mai 2024 est de 134, 5025 dinars un dollar et 145,5990 dinars un euro avec un écart par rapport au marché parallèle de plus de 65%.

Concernant la cotation au niveau de la sphère informelle, le 23 mai 2024, l’euro à la vente est de 242 dinars et pour le dollar qui connaît une petite appréciation, à la vente est de 225 dinars contre 222 à la vente courant mars 2024. Aussi, il s’agira d’intégrer, non par des mesures administratives mais par de profondes réformes la sphère informelle, sphère amplifiée par la fraude fiscale et la corruption à travers les surfacturations, les trafics aux frontières des marchandises subventionnées, qui se répercutent sur le prix final des biens et accroît le processus inflationniste.

La Banque d‘Algérie dans sa note de conjoncture de février 2024 indique que la circulation fiduciaire hors banques représente 33,35% de la masse monétaire globale en Algérie, soit quelque 7395 milliards de dinars à fin septembre 2022, contre 6712 milliards de dinars à fin décembre 2021, au cours de 137 dinars un dollar 53,98 milliards de dollars, reflétant un état de sous-bancarisation alors que dans les pays développés les plus bancarisés, la part de la circulation fiduciaire ne dépasse guère les seuils de 4 à 5% de la masse monétaire globale (voir étude sous la direction du professeur Abderrahmane Mebtoul- Institut Français des Relations internationales IFRI Paris « ,les enjeux stratégiques de la sphère informelle -2013-reproduite en synthèse réactualisée dans la revue Stratégie IMDEP du ministère de la défense nationale octobre 2019. La directrice générale des Impôts a fait état, le 04 avril 2023, de 6000 milliards de dinars d’impôts non recouvrés soit au cours de 137 dinars un dollar 43,79 milliards de dollars.

Pour lutter contre la sphère informelle, le gouvernement a décidé d’accélérer la numérisation mais supposant un système d’information fiable en temps réel, de favoriser les bureaux de change qui devront être alimenté en grande partie par la Banque d’Algérie, dont l’écart de vente entre l’officiel et le parallèle doit être inférieur à 10/15% et d’introduire la monnaie numérique, ne devant pas la confondre avec les crypto-monnaies qui circulent sur Internet hors de toute institution bancaire. L’Algérie a de larges marges de manœuvres avec 69 milliards de dollars de réserves de change et environ 80 avec les 173 tonnes d’or au 31/12/2023, la dette extérieure faible 1,6% du PIB, donc un cadre macro-financier stabilisé.

2.-. L’Économie étant avant tout politique comme nous l’ont enseigné les classiques de l’Économie et de la Sociologie, notamment Ibn Khaldoun, Adam Smith David Ricardo, Ibn Khaldoun, Karl Marx, Joseph Schumpeter et plus près de nous les institutionnalistes prix Nobel et la structure des sociétés modernes s’est bâtie d’abord sur des valeurs et une morale qui a permis la création de richesses permanentes d’où l ’importances de profondes réformes institutionnelles et micro économiques supposant une nette volonté politique de changement et une large cohésion sociale. Les réformes de la transition socio-économique renvoient à la refondation de l’Etat qui implique de saisir les tendances réelles de la société algérienne face aux mutations tant internes que mondiales.

La refondation de l’Etat passe nécessairement par une mutation profonde de la fonction sociale de la politique. Le passage de l’État de « soutien » à l’Etat de justice est de mon point de vue un pari politique majeur, car il implique tout simplement un nouveau contrat social et un nouveau contrat politique entre la Nation et l’Etat. L’Algérie ne peut revenir à elle-même que si les faux privilèges sont bannis et les critères de compétence, de loyauté et d’innovation sont instaurés comme passerelles de la réussite et de promotion sociale.

La refondation de l’Etat ne saurait se limiter à une réorganisation technique de l’autorité et des pouvoirs, car la gouvernance est une question d’intelligence et de légitimité réelle et non fictive. Cela suppose de poser la problématique stratégique du futur rôle de l’Etat largement influencé par les effets de nouvelles mutations mondiales dont la transition énergétique, numérique (attention aux cyber attaques) des effets du réchauffement climatique et de la recomposition du nouveau pouvoir économique, politique et militaire mondial à travers un monde multipolaire en devenir. Il y a urgence dans cette trajectoire de refondation de l’Etat de se poser cette question : est-ce que les formations politiques algériens sont dans la capacité aujourd’hui de faire un travail de mobilisation et d’encadrement efficient, évitant les logiques d’affrontement, et donc de contribuer significativement à la socialisation politique et donc d’apporter une contribution efficace à l’œuvre de redressement national ?

En tout état de cause, il nous semble plus équitable, et plus juste politiquement, de raisonner en termes de marché électoral et de laisser, dès lors, les règles du jeu politique et le nombre d’acteurs qui s’y adonnent, se fixer de manière concurrentielle. Le rôle des pouvoirs publics consistera alors à mettre en place les garde-fous indispensables et à veiller au respect strict des lois et des règles qui régissent le fonctionnement de ce marché. Quant à la société civile dans l’implication de la gestion des affaires de la cité, sa diversité, les courants politico-idéologiques qui la traversent et sa relation complexe dans ses relations à la société rendent impérative une réflexion collective à ce propos.

Dans cet ordre d’idées, l’Etat doit encourager la création d’associations dans des secteurs qui sont porteurs mais qui restent vierges et complètement ignorés du mouvement associatif ; de faire de ce cadre un instrument efficace d’encadrement de forces vives qui agissent dans la société de manière dispersée et un levier puissant de leur mobilisation en vue de leur implication active dans l’œuvre de redressement national. Mais cette politique n’a de chance de réussir que si le mouvement associatif est assaini et que si les associations qui le composent ne soient pas au service d’ambitions personnelles inavouables et parfois douteuses.

Sollicitée à maintes reprises, et à l’occasion d’échéances parfois cruciales, cette dernière manifeste souvent sa présence d’une manière formelle et ostentatoire, impuissante presque toujours à agir sur le cours des choses et à formuler clairement les préoccupations et les aspirations de la société réelle. Elle est scindée en quatre segments : une société civile principal interlocuteur de l’Etat, ; une société civile appendice des partis islamiques légaux ; une société civile dite démocratique nombreuse, mais atomisée et minée par de rivalités de leadership et enfin une société civile la plus nombreuse, la plus active, collant avec la société, une société civile informelle.

Les exigences d’un Etat fort de sa droiture et de son droit, si elles constituent un outil vital pour la cohésion nationale et le destin de la nation, ne doivent pas occulter les besoins d’autonomie de pouvoirs locaux qui doivent être restructurés en fonction de leur histoire anthropologique et non en fonction des nécessités électoralistes ou clientélistes. La cohésion de ces espaces et leur implication dans la gestion de leurs intérêts et de leurs territorialités respectives déclencherait alors une dynamique de complétions positives et rendront la maîtrise des groupes plus faciles pour la centralité politique nationale, donc d’aller vers une réelle décentralisation à ne pas confondre avec déconcentration autour de six à sept grands pôles économiques régionaux.

Cellule de base par excellence, la commune a été régie par des textes qui ne sont plus d’actualité, autrement dit frappés de caducité. L’objectif central de la démarche est de transformer la commune « providence » en « commune entreprise ». Cela suppose que toutes les composantes de la société et les acteurs de la vie économique, sociale et culturelle, soient impliqués, sans exclusive, dans le processus décisionnel qui engage la configuration de l’image de l’Algérie de demain qui devra progressivement s’éloigner du spectre de l’exclusion, de la marginalisation qui hypothèquent la cohésion sociale.

L’implication du citoyen dans le processus décisionnel qui engage l’avenir des générations futures, est une manière pour l’Etat, de marquer sa volonté de justice et de réhabiliter sa crédibilité en donnant un sens positif à son rôle de régulateur et d’arbitre de la demande sociale, car il n’existe nulle part dans le monde un Etat ultra libéral. Comme je l’ai démontré dans un ouvrage paru à l’Office des Publications Universitaires (OPU Alger 1983) « valeur, prix et croissance économique», en référence à la théorie de la thermodynamique, le monde est en perpétuel mouvement. Même la pierre et notre univers (avec le réchauffement climatique influences géostratégiques sur la cartographie géographique mondiale) que l’on croit inerte se décomposent lentement à travers les décennies et les siècles.

La société n’échappe pas à cette règle où les mouvements culturels (qui seront prépondérants entre 2030/2040), économiques, sociaux, politiques avec des acteurs n’ayant pas toujours les mêmes objectifs, engendrent des transformations soit positives ou négatives. Le temps ne se rattrape jamais en économie que l’on peut définir comme la maîtrise et le gain du temps et toute Nation qui n’avance pas recule forcément.. C’est dans ce cadre que le défi du futur président sera de mettre en œuvre une véritable stratégie d’adaptation face à ce monde turbulent et instable. En ce XXIème siècle, avec l’ émergence du nouveau pouvoir économique mondial ,l’influence diplomatique repose sur une économie forte. Dans ce contexte.

Il n’est plus permis d’ignorer la nécessaire adaptation de l’Algérie dont son devenir est dans l’espace euro-méditerranéen et africain son espace naturel. Aussi les réformes en profondeur du fonctionnement de la société algérienne et non des replâtrages organisationnels, nécessitent d’analyser les relations dialectiques réformes et les segments de la production de la rente ( Sonatrach) et celui de sa redistribution ( système financier), bouleversent des intérêts, les gagnants de demain n’étant pas forcément ceux d’aujourd’hui. Or tout projet étant porté par forcément des forces sociales, souvent avec des intérêts différents, en démocratie les urnes la population tranchant sur le projet de société, où la minorité politique se soumet à la volonté de la majorité, tout en restant une force de propositions.

Comment ne pas rappeler que de 1974/2023, j’ai eu l’honneur de coordonner plusieurs ouvrages pluridisciplinaires, d’une brûlante actualité ayant abordé les réformes politiques, sociales et économiques, fruit d’un travail collectif à la rédaction duquel ont contribué des collègues spécialistes en anthropologie, en économie et en sciences politiques des universités d’Oran et d’Alger (Casbah Editions deux volumes 520 pages sous le titre réformes et démocratie- 2005). A cette époque j’avais donné plusieurs conférences suite à la création de l’association nationale de développement de l’économie de marché ADEM fondée en 1992 (agrément ministère intérieur 63/92) que j’ai eu l’honneur de présider de 1992 à 2015, aux universités de Annaba, de Constantine, de Tizi Ouzou, de Béjaïa, Mascara, Sidi Bel Abbès, Tlemcen, d’Oran, à l’Académie militaire Interarmes de Cherchell, à l’Ecole supérieure de Guerre, à l’IMPED Institut militaire de prospective, conférence devant le Commandement de la Gendarmerie nationale, des cadres de la direction de la sûreté nationale DGSN ainsi que de nombreuses conférences au niveau international (USA /Europe) dont la rencontre devant la majorité des ambassades accrédités en Algérie à l’invitation de l’ambassade de l’Union européenne, et ce afin pour expliquer notre démarche.

Privilégiant uniquement les intérêts supérieurs du pays, notre souci est l’alternance démocratique tenant compte de notre authenticité, afin d’arriver à une économie diversifiée hors-hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales avec l’avènement de la quatrième révolution économique mondiale 2024/2030/2040. ( voir nos interviews 2017/2020 à /AfricaPresse Paris, l’autre à l’American Herald Tribune « Dr. Abderrahmane Mebtoul: “Algeria Still Faces Significant Challenges).

En résumé la solution du redressement national se trouve en le retour de la confiance en les institutions de la Eépublique, dans le rassemblement tenant compte des différentes sensibilités, l’unanimisme étant source de décadence, pour faire face tant aux défis internes qu’aux tensions géostratégiques externes grâce au dialogue productif privilégiant uniquement l’avenir de l’Algérie. Les objectifs stratégiques du futur président de la République est de faire de l’Algérie un pays émergent et elle en a les potentialités. L’Algérie a besoin qu’un regard critique et juste soit posé sur sa situation sur ce qui a déjà été accompli et sur ce qu’il s’agit d’accomplir encore au profit exclusif d’une patrie qui a besoin de se retrouver et de réunir tous ses enfants autour d’un même projet, d’une même ambition et d’une même espérance concilier la sécurité nationale, l’efficacité économique et la nécessaire cohésion sociale.

*Docteur d’ Etat 1974 en sciences économiques, expert-comptable de l’institut supérieur de gestion d e Lille France- -Professeur des universités, expert international, directeur d’études ministère Energie/Sonatrach 1974/1979-1984/1986- 1990/1995-2000/2008-2013/2015- président de la commission transition énergétique de la société civile des 5+5 + Allemagne 2019/2020 –expert indépendant auprès des institutions internationales 2021/2024 – ademmebtou@gmail.com

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