Maroc Confidentiel

Les comportements et pratiques sexuels au Maroc

Etiquettes : Maroc, sexe, homosexualité, hétérosexualité, comportements, pratiques,

L’homosexualité

Prof. Dr. Abdessamad Dialmy
Université Mohamed V Rabat

Les études socio-anthropologiques qui décrivent les comportements et pratiques sexuels sont majoritairement qualitatives. En effet, seules quatre études[2] ont tenté d’évaluer quantitativement les comportements et pratiques sexuels, mais leur échantillon n’est pas représentatif. Ni le pouvoir politique ni les forces religieuses ne sont favorables à l’évaluation de la sexualité marocaine. L’évaluation quantitative des comportements et pratiques sexuels « illégaux » et « anormaux » pourrait être une reconnaissance officielle de leur existence et de leur importance, ce qui est inconcevable dans la logique d’un État qui gouverne essentiellement au nom d’un islam érudit et fondamentaliste attaché à ce qui doit être. Ces études qualitatives disent une chose essentielle : les comportements et pratiques sexuels sont caractérisés par une ouverture incontrôlée[3] que l’on pourrait qualifier d’anarchie[4]. Bien entendu, une telle affirmation dérange un État islamique, incapable de démontrer le contraire. Finalement, la dernière arme est de déclarer que les résultats des études qualitatives ne sont pas représentatifs.

I- L’Homosexualité

La socialisation sexuelle se fait à travers des rituels qui construisent une hétérosexualité masculine dominante. L’homosexualité reste cet entre-deux troublant non définitoire.

La socialisation du garçon est centrée sur la glorification de son pénis. Ainsi, la circoncision, en tant que rite de passage[5], est un acte fondamental dans la construction de l’identité masculine : par elle, le garçon est délivré du prépuce, exclu du monde féminin et acquiert la virilité[6]. Par conséquent, le monde féminin devient un objet de désir sexuel. La circoncision est donc le moment fondateur de l’hétérosexualité. La principale angoisse des parents est d’avoir un garçon homosexuel[7]. Être hétérosexuel, c’est être sexuellement correct.

Lors de son premier mariage, le marié est rituellement appelé sultan (roi), ce qui est une manière de dire que « le marié devient un homme en devenant le mâle par excellence, le roi (…). Il devient symboliquement le roi dès le début des cérémonies et il reste roi jusqu’à leur achèvement, jusqu’à ce que le sang de l’épouse soit versé (…). Le roi fait atteindre l’âge adulte au marié, et le marié fait pénétrer le roi dans son domaine privé, dans ce qui détermine son identité, le premier acte sexuel conjugal”[8]. Être un homme, c’est être un roi, et être un roi, c’est être un homme. Être un homme-sultan signifie être viril, dominer l’épouse, et avant tout être marié. Par conséquent, le mâle (rajal) est l’homme dur, par opposition à l’homme doux (rouijel)[9]. L’homme est le maître qui doit initier sexuellement l’épouse et contrôler plus tard la sexualité de ses descendantes féminines (la préservation de la virginité).

Cette relation hiérarchique des sexes est actuellement en transition dans le sens où la dichotomie traditionnelle entre deux identités sexuelles hiérarchiques est mise en crise par l’évolution de la société marocaine, et plus précisément par l’évolution de la sexualité et de la reproduction. La sexualité féminine ose désormais s’affirmer[10] en dehors de l’institution du mariage. C’est une sexualité qui se désinstitutionnalise et qui commence à revendiquer le droit à l’autodétermination et à l’indépendance.

Mais l’identité masculine en tant que pouvoir est toujours présente, insuffisamment ébranlée par les avancées de la femme marocaine dans les domaines de l’éducation et de l’emploi. De plus, la crise socio-économique (induite par la politique d’ajustement structurel depuis 1983) contraint le mâle marocain moyen à régresser vers les formes traditionnelles de domination masculine. Le principe de l’équité des sexes est la première victime de cette crise malgré tous les efforts de la société civile et du féminisme d’État[11] pour dissocier l’égalité des sexes de l’expansion économique. Une tradition qui s’affirme au nom de l’islam, soutenue par les érudits et les fondamentalistes, devient un refuge idéologique permettant de rejeter tous les espoirs d’équité des sexes malgré le fait que l’évolution socio-sexuelle va lentement dans ce sens.

Une étude intitulée « Identité masculine et santé reproductive au Maroc » a révélé que, pour l’homme marocain moyen, la bisexualité reste une maladie, une déviance et un vice[12]. C’est avant tout une dépréciation de l’homme ; un homme bisexuel est considéré comme féminin. La bisexualité relègue l’homme à un rang patriarcal inférieur. Les jeunes, les plus concernés par leur identité sexuelle en raison de leur vulnérabilité socio-économique, ressentent cette dépréciation encore plus fortement lorsque leurs comportements sexuels sont homosexuels.

Au Maroc, l’attitude sociale la plus tolérante explique l’homosexualité masculine par un excès d’hormones féminines[13]. Implicitement, cette explication « populaire-scientifique » de l’homosexualité la réduit à la prétendue homosexualité passive. L’homosexuel pénétré est le seul considéré comme homosexuel. En effet, l’excès d’hormones féminines est interprété en termes d’anomalie et de maladie. Mais même lorsqu’il est reconnu comme prisonnier de ses hormones, l’homosexuel n’est pas considéré comme une victime, la victime pardonnable d’un destin hormonal indépendant de sa volonté. Bien que irresponsable, l’homosexuel pénétré est accusé d’immoralité et inspire le dégoût[14].

L’homosexualité masculine est-elle compatible avec l’identité masculine? Cinq réponses[15] ont été apportées à cette question. La première consiste à établir une synonymie mécanique entre maleness et masculinité. En d’autres termes, avoir un pénis suffit pour être un mâle. La deuxième consiste à réduire l’homosexualité à l’homosexualité réceptive. Seul celui qui est pénétré est dit homosexuel et cesse d’être un homme. La troisième réponse consiste à démusculiniser tous les acteurs homosexuels. Si l’homosexuel réceptif est démusculinisé parce qu’il est pénétré, l’homosexuel pénétrant est également démusculinisé en raison de son abandon du travail, de l’honneur et de la dignité, des valeurs encore associées à la masculinité. La quatrième réponse consiste à déssexualiser tous les acteurs homosexuels. Les homosexuels ne sont considérés ni comme des femmes ni comme des hommes. N’étant pas un homme, le sodomite n’est même pas une femme ; cela est dû à un nouveau respect exprimé envers la considération de la femme. La cinquième réponse consiste à déshumaniser l’acteur homosexuel. L’homosexuel cesse d’être un être humain pour devenir un animal, il cesse d’être humain ainsi que religieux en raison d’une activité homosexuelle. L’hétérosexualité comme principe islamique est définitoire de l’être humain.

Ces distinctions qui synthétisent les attitudes de l’homme marocain moyen permettent de distinguer deux sens sexuels de la masculinité : un sens biologique selon lequel le mâle est un homme en fonction de son anatomie, et un sens social-religieux où l’homme est exclusivement hétérosexuel. La masculinité socialement et religieusement correcte est hétérosexuelle. On remarque que la masculinité est d’abord définie sexuellement par le sexe biologique, puis par le comportement sexuel. Être un homme signifie être un mâle hétérosexuel. Par conséquent, il n’y a pas de masculinité en dehors de cette orientation, pas d’homosexualité dans la définition de l’homme. L’homosexualité est l’erreur qui exclut l’homme du champ de la masculinité.

Les filles sont discrètes et allusives sur ce sujet. Pour elles, l’homosexualité n’est pas considérée comme un substitut moins dangereux (pas de risque de défloration ou de grossesse par rapport au rapport hétérosexuel), mais avant tout comme un comportement immoral, une perversion[16]. L’attitude envers l’homosexualité est négative : 90 % refusent l’homosexualité masculine tandis que 87,2 % refusent l’homosexualité féminine[17]. La perception de l’homosexualité comme une anomalie est exprimée par sa traduction actuelle en arabe, choudoud, qui signifie littéralement perversion. L’homosexualité masculine n’est pas traduite par le mot liwat et le lesbianisme n’est pas traduit par le mot sihaq malgré l’existence de ces deux termes en arabe. Les mots liwat et sihaq sont plus descriptifs, avec une connotation moins perverse.

Pour les garçons, le rapport homosexuel n’est assumé que dans la mesure où il est un moyen de prouver une double virilité. L’homosexuel actif (louat) fait l’amour aux femmes et aux hommes sans se définir comme une personne bisexuelle. Pour cette raison, le garçon marocain rapporte volontiers sa première relation homosexuelle uniquement s’il a eu le rôle actif, le rôle pénétrant. Personne ne parle de sa première expérience homosexuelle où son partenaire l’a pénétré[18]. En effet, la situation du hassass (qui aime être pénétré par goût) et du zamel (le prostitué masculin homosexuel) les deux figures de l’homosexualité « passive » est différente. Leurs pratiques sexuelles ne sont pas assumées car socialement dévalorisées[19]. Mais le hassass est plus dévalorisé car il aime être pénétré. Le zamel est plus considéré comme un travailleur, un prostitué. Par conséquent, le travail du sexe devient pour certains homosexuels une stratégie pour vivre leur homosexualité de manière moins dangereuse.

On reconnaît l’homosexualité comme un phénomène social récurrent, qui commence à être décrit en termes de marché[20] : les jeunes vendent leurs corps parce qu’ils ne peuvent pas vendre autre chose, sans souci de satisfaire un quelconque besoin bio-psychologique. Ici, l’homosexualité est prostitution, travail sexuel. Elle n’est pas reconnue comme destin hormonal et/ou besoin intérieur. Cette interprétation économique de l’homosexualité en termes de prostitution est une manière de la justifier voire de l’excuser. Dans cette logique, les jeunes n’auraient pas d’autre solution pour gagner leur vie[21].

Dans certains cas, l’homosexualité masculine est un substitut. C’est l’acte sexuel qui se produit entre deux mâles en raison de l’absence d’une partenaire sexuelle féminine. Cette homosexualité ne répond pas à un besoin psychologique intérieur ; elle ne reflète pas une identité homosexuelle reconnue et assumée. Elle est essentiellement pragmatique. Elle s’exprime à travers deux formes majeures : le viol du mineur par l’adulte[22] et l’homosexualité adulte en prison[23].

[1] Extracted from my paper entitled « Sexuality and Sexual Health in Morocco », in « Challenges in Sexual and Reproductive Health: Technical Consultation on Sexual Health, OMS, Genève 2002.

[2] I refer here to A. Dialmy’s books La femme et la sexualité au Maroc (Casablanca, Editions Maghrébines, 1985, in Arabic) and Logement, sexualité et Islam (Casablanca, Eddif, 1995) and to Naamane-Guessouss’s book Au delà de toute pudeur (Eddif, 1987). I refer also to Dialmy’s study Identité masculine et santé reproductive au Maroc, MERC/Ford Foundation, 2000.

[3] A. Dialmy : “Vers le libéralisme sexuel”, Al Asas, n° 20, 1980. This article was published again as a chapter under the tittle of « Jeunesse et sexualité à Casablanca » in my book Sexualité et discours au Maroc, Casablanca, Afrique-Orient, 1998, pp. 51-63.

[4] A. Dialmy : Sexualité et Politique au Maroc, FNUAP, 2001, inédit p. 27-28.

[5] A.V Gennep : Les rites de passage, Paris, Emile Noury, 1909.

[6] C. Bonnet: “Réflexions sur l’influence du milieu familial traditionnel sur la structuration de la personnalité au Maroc”, Revue de Neuro-Psychiatrie Infantile, n° 10-11, 1970.

[7] A. Belarbi: Enfance au quotidien, Casablanca, Le Fennec, 1991, pp. 111-113.

[8] Elaine Combs-Schilling: “La légitimation rituelle du pouvoir au Maroc ”, in Femmes, culture et société au Maghreb, Casablanca, Afrique-Orient, 1996, pp. 76-85.

[9] This distinction between hard man and soft man is taken from Elisabeth Badinter in XY, De l’identité masculine, Paris, Odile Jacob, 1992.

[10] The magazine Femmes du Maroc deals regularly with feminine sexual themes. See A. Dialmy : “Les champs de l’éducation sexuelle au Maroc : les acquis et les besoins ”, in Santé de reproduction au Maroc : facteurs démographiques et socio-culturels, Rabat, Ministry of Plan and Economic Prevision, CERED, 1998, p. 289.

[11] A. Dialmy: “La transition démocratique: du mouvement féministe au féminisme d’Etat ”, Al Ittihad Al Ichtiraki, 15 April 1998 (in Arabic) and published again in my book Toward an Islamic sexual democracy, Fès, Infoprint, 2000, pp. 55-58 (in Arabic).

[12] A. Dialmy : Identité masculine et santé reproductive au Maroc, op. cit. p. 72-74.

[13] Ibid. pp. 72-74.

[14] Ibid. pp. 72-74

[15] Ibid. pp. 74-78.

[16]A. Dialmy : Jeunesse, Sida et Islam au Maroc, Casablanca, Eddif, 2000, pp. 75-76.

[17] A. Dialmy : Logement, sexualité et Islam, Casablanca, Eddif, 1995, p. 229.

[18] A. Dialmy : Jeunesse, Sida et Islam au Maroc, op. cit. p. 78.

[19] S. Davis : Asolescence in a Moroccan town, Rutgers University, New Brunswick, NJ, 1989.

[20] A. Dialmy : Identité masculine et santé reproductive au Maroc, op. cit. p; 74; and Sexualité et Politique au Maroc, op. cit. p. 32-39.

[21] L. Imane : Prévention de proximité auprès des prostitués masculins au Maroc, Casablanca, ALCS, inédit.

[22] A. Dialmy : Jeunesse, Sida et islam au Maroc, op. cit. p. 90.

[23] M. Jamal : L’homosexualité dans la prison marocaine, memory of master in sociology, 1995, (under direction of Pr. Dialmy). See also, A. Dialmy : Jeunesse, Sida et islam au Maroc, op.cit. p. 90.

http://dialmy.over-blog.com/article-33193913.html

COMPORTEMENTS ET PRATIQUES SEXUELS AU MAROC (II) HÉTÉROSEXUALITÉ

Prof. Dr. Abdessamad Dialmy

Université Mohamed V Rabat


II- Comportements Hétérosexuels

Le besoin sexuel induit par les politiques non structurées de l’État est si intense qu’il conduit les jeunes et les adultes à la zoophilie, au harcèlement continuel et aux relations sauvages et multiples.

II-1 Zoophilie

La zoophilie est très reconnue surtout par les garçons ruraux, ceux qui ont passé leur enfance à la campagne. Les ânes, les moutons et les volailles étaient l’objet de leurs premières expériences sexuelles. Les animaux sont choisis pour leur chaleur, leur lubrification ou leur étroitesse.

II-2 Harcèlement

La mixité dans l’espace public urbain n’est ni profondément acceptée ni assimilée. Elle est vécue à travers le schéma du harcèlement sexuel (drague systématique). Dans cet espace, la liberté de l’homme ne s’arrête pas là où commence celle de la femme. L’espace public est un espace de drague systématique, à pied, en voiture, dans le bus, partout, à tout moment. La « drague » comme principal mode de rencontre rend la sexualité des jeunes occasionnelle, instable et rapide. La « drague » conduit à raccourcir la période entre la première rencontre et l’acte sexuel.

II-3 Relations Multi-Partenaires

Rares sont les jeunes qui ne reconnaissent qu’un seul partenaire. Pour la majorité, les relations multi-partenaires semblent être la norme. Cependant, on peut distinguer entre une relation multi-partenaires successive, c’est-à-dire le changement de partenaire, et une relation multi-partenaires simultanée qui consiste à avoir plusieurs partenaires en même temps. Ce second type de relation est plus fréquemment évoqué. Il se présente comme avoir une « pure » fiancée et plusieurs partenaires sexuels « occasionnels » sales. Cette forme de relations multi-partenaires sauve la moralité, d’une part, et satisfait la contrainte de sécurité d’autre part, rassurant un ego culturellement soumis à l’impératif de virilité, perçu comme des relations multi-partenaires. Être viril ou mourir, tel est le dilemme. Pour les musulmans, le lien entre virilité et relations multi-partenaires prend racine dans le modèle prophétique.

III- Pratiques Hétérosexuelles

Les pratiques décrites ci-dessous concernent principalement l’activité sexuelle des adolescents et des jeunes.

III-1 Masturbation

Chez les garçons, la masturbation commence bien avant la puberté, dès l’âge de huit ans. Elle se pratique sans éjaculation. La masturbation collective est aussi un jeu, « le défi de déterminer qui peut tenir plus longtemps que les autres ». Les filles parlent difficilement de leur masturbation. Elles parlent plus de se frotter contre des objets tels que le coussin, l’oreiller ou la table. Les facteurs qui éveillent le désir de masturbation sont assez variés. Les deux principales sources sont le visionnage de films sexuels et l’exiguïté du logement parental. En effet, de nombreux garçons ressentent une forte excitation sexuelle lorsqu’ils voient ou entendent leurs parents faire l’amour. Ce facteur est invoqué encore et encore.

III-2 Le coup de pinceau

C’est une expression courante chez les jeunes Marocains pour dire que le pénis fonctionne comme un pinceau entre les grandes lèvres du vagin ou entre les cuisses de la fille, la pénétration étant souvent refusée et redoutée. Dans ce cas, les filles et les garçons sont ensemble convaincus de la valeur de la virginité comme non-défloration. Les filles trouvent dans le coup de pinceau un moyen qui leur permet de réussir le test du « bon comportement sexuel prénuptial », plaisir sexuel sans défloration. En refusant la tentation de la pénétration, les filles ressentent une sorte de fierté et oublient la honte et la culpabilité associées socialement à toutes sortes d’activités sexuelles prénuptiales.

III-3 Sodomie Hétérosexuelle

Chez les garçons, la sodomie hétérosexuelle est très appréciée. Mais nombreuses sont les filles qui refusent la sodomie. La principale raison de ce refus réside dans la vision sociale et religieuse du « sexuellement correct » selon laquelle la sodomie est condamnée. Mais les filles doivent souvent se laisser sodomiser. La sodomie est ici un substitut à la pénétration vaginale. C’est un substitut qui permet au jeune garçon d’éjaculer à l’intérieur, à l’intérieur. Certaines filles reconnaissent l’avoir expérimenté et expriment en général du remords et du dégoût. Dans le cadre conjugal, certaines épouses voient la sodomie comme une pratique indigne d’une femme mariée. Dans quelques cas, des femmes mariées admettent pratiquer et apprécier la sodomie.

III-4 Sexualité Orale

Le rapport oral constitue un autre palliatif à la défloration. Le refus de la fille de se laisser pénétrer donne aux garçons l’occasion de mettre la pression sur leurs partenaires féminines pour obtenir une fellation. Ainsi, en général, la fellation est une pratique de substitution associée à la sexualité prénuptiale ou dans certains cas à une activité extraconjugale. Mais dans le cadre conjugal même, la normalisation de la sexualité orale est admise parmi une catégorie de jeunes ayant un haut niveau d’éducation. Cependant, la fellation semble être plus fréquente que le cunnilingus. Cette plus grande fréquence de la fellation exprime l’égoïsme sexuel du mâle dominant.

IV- Satisfaction Sexuelle Féminine

En raison de l’augmentation rapide de l’alphabétisation féminine et de la diffusion de la télévision depuis les années 1970, les jeunes femmes ont plus accès aux thèmes de l’amour romantique et de la consommation sexuelle. De même, l’expansion des vidéothèques dans les années 1980 a encouragé la consommation de films pornographiques qui jouent un rôle pédagogique dans le domaine érotique. La découverte du plaisir sexuel par les femmes marocaines est là, incontestable. Il en résulte une importance croissante de la compréhension sexuelle dans le maintien du couple.

IV-1 Prénuptial

À la fin des années 1970, la première enquête sur la sexualité au Maroc par Dialmy a révélé que seulement 8,7% adoptent l’interdiction islamique des rapports prénuptiaux (2,2% chez les garçons et 18,3% chez les filles). De plus, ces rapports prénuptiaux ne présupposent pas un projet de mariage et sont pratiqués pour eux-mêmes, pour le plaisir (67,7% chez les hommes et 45% chez les femmes). Selon cette étude, la virginité doit être préservée jusqu’au mariage pour seulement 9% des filles et pourrait être consommée juste après les fiançailles pour 40%. La sexualité prénuptiale est satisfaisante pour 90% des hommes et 75% des femmes.

Dans les années 1980, selon Naamne-Guessouss, « la majorité des jeunes filles (65,3%) ont eu au moins un rapport sexuel ». Pendant les années 1990, les jeunes femmes montrent plus d’émancipation sexuelle comme il est apparu à travers les études de Dialmy, « Jeunesse, Sida et Islam au Maroc » et « Sexualité et politique au Maroc ». Pour la « nouvelle » jeune femme, un amant ou un potentiel mari est apprécié à la fois pour sa puissance sexuelle et économique. Ainsi, les relations sexuelles deviennent subordonnées au tâtonnement, au principe de l’essai et de l’erreur. Elles deviennent instables et utilitaires. Certaines jeunes femmes non mariées consultent pour frigidité. En général, la jeune femme ne veut pas entendre parler d’abstinence sexuelle prénuptiale.

IV-2 Conjugal

Selon S. Naamane-Guessouss, les femmes se divisent en trois catégories à cet égard : la première catégorie est représentée par les jeunes femmes éduquées de moins de 35 ans pour qui le sexe est un plaisir partagé ; une deuxième catégorie de femmes éduquées de 35 ans pour qui le sexe est l’occasion de donner du plaisir au mari en échange de son affection ; une troisième catégorie de femmes analphabètes de plus de 35 ans pour qui le sexe est une corvée et une souffrance.

Dans mon ouvrage « Sexualité et Politique au Maroc », j’ai soutenu que les positions féminines ci-dessus confrontent deux opinions majeures. La première croit que le couple conjugal est basé sur le dialogue et la compréhension sexuelle, la seconde pense que la modernisation sexuelle du couple conjugal concerne une minorité statistique principalement liée aux zones urbaines.

Pour la première opinion, les épouses parviennent à vivre la sexualité comme un plaisir, non comme une corvée. Dans les classes intellectuelles moyennes, l’épouse a commencé à discuter des questions sexuelles avec son mari en termes de droit grâce à sa contribution économique au ménage. Dans les hautes sphères sociales, l’épouse est ouverte à toutes les pratiques sexuelles. En somme, il y a sans aucun doute une découverte du plaisir sexuel par la femme mariée. De plus en plus, et parfois à l’insu du mari, certaines femmes mariées consultent des gynécologues pour des questions de plaisir. Selon un psychiatre interviewé à Fès, la majorité des hommes ne peuvent que suivre et trouver de plus en plus normal que la partenaire conjugale participe activement au coït. Le plaisir féminin est de plus en plus normalisé. Les maris apportent des cassettes pornographiques à leurs épouses pour inspiration et imitation. Certains hommes mariés consultent un psychiatre car ils ont besoin de savoir si les rapports oraux ou sodomites sont des pratiques normales.

Pour la seconde opinion, cette normalisation de l’implication sexuelle de l’épouse ne toucherait que les classes moyennes et supérieures. Dans les autres couches de la société, il y a beaucoup de mécontentement, beaucoup d’hésitation et beaucoup de silence au sein du couple. Mais l’incompréhension sexuelle avec le mari n’est pas la seule cause de l’adultère féminin. Dans certains cas, l’épouse trompe son mari pour de l’argent sans être vraiment pauvre. Elle le fait pour pouvoir satisfaire son besoin intense de consommer plus et mieux.

Conclusion

En conclusion, rappelons que les comportements et pratiques sexuels décrits ci-dessus ont également été rapportés dans deux journaux marocains, Al Ahath al Maghribiya (en arabe) et L’Opinion (en français). « De cœur à cœur » et « Au-delà des tabous » sont respectivement les deux rubriques à travers lesquelles des histoires sexuelles personnelles sont exposées deux fois par semaine depuis plus de deux ans. Ce faisant, ces journaux ont créé une discussion publique sur la sexualité entre l’auteur de l’histoire, le lecteur et le sexologue ou le psychologue, contribuant ainsi à saper le tabou de la sexualité au Maroc.

Notes :

[1] A. Dialmy : Jeunesse, Sida et Islam au Maroc, op. cit. pp. 74-75.

[2] A. Serhane : L’amour circoncis, Casablanca, Eddif, 1996, p. 156.

[3] A. Dialmy : Logement, sexualité et Islam, op. cit, pp. 65-66.

[4] A. Dialmy : Jeunesse, Sida et Islam, op. cit, pp. 100-104.

[5] Ibid. p. 104-110.

[6] Ibid. p. 72.

[7] Ibid. p. 72.

[8] Ibid. p. 73.

[9] Ibid. p. 73.

[10] Ibid. p. 85.

[11] Ibid. p. 86.

[12] Ibid. p. 88.

[13] Ibid. p. 89.

[14] Ibid. p. 89.

[15] Ibid. p. 87.

[16] A. Khatibi: Blessure du nom propre, Paris, Denoël, 1974, p. 50.

[17] A. Dialmy: Jeunesse, Sida et Islam au Maroc, op. cit. p. 88.

[18] E. Evers Rosander: Women in Borderland: Managing Muslim identity Where Morocco meets Spain, Stockholm Social Studies in Social Anthropology, Stockholm, 1991.

[19] A. Dialmy: Jeunesse, Sida et Islam au Maroc, op. cit. p. 143.

[20] A. Dialmy: La femme et la sexualité au Maroc, op. cit., pp. 133-134.

[21] S. Naamane Guessous : Au delà de toute pudeur, op. cit. p. 44.

[22] A. Dialmy: Sexualité et Politique au Maroc, op. cit, p. 18.

[23] Ibid. p. 19.

[24] S. Naamane Guessous: Au delà de toute pudeur, op. cit. pp. 205-208.

[25] A. Dialmy: Sexualité et Politique au Maroc, op. cit, pp. 20-23.

[26] Nadia Arrif: “Condition sexuelle de la femme rurale: cas de l’Unnayn”, Portraits de femmes, Casablanca, Le Fennec, 1987.

[27] A. Dialmy: Sexualité et Politique au Maroc, op. cit, pp. 20-23.

[28] The sexologist A. Harakat was the consultant of L’Opinion newspaper regarding « Au-delà des tabous » file. This sexologist recently gathered some letters and his responses that occur between May 1999 and June 2000 in a book which took the title of the file, « Au-delà des tabous. Réflexions sur la sexualité au Maroc », Casablanca, Editions Axions Communication, without date.

Source : Blog du Prof. Dr. Abdessamad Dialmy

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