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La Nouvelle-Calédonie est la France, affirmation coloniale contre toute décolonisation
L’annonce : la Nouvelle-Calédonie est la France, est l’affirmation coloniale de mettre fin au processus politique décolonisateur, commencé en 1988 avec les accords de Matignon et de Nouméa en 1998. Dès la préparation du 3ème référendum en 2021, se met en place ce retour à la colonisation de peuplement comme stratégie coloniale d’éviter une victoire possible du Oui à l’indépendance, possible après le résultat du 2ème qui voit s’effriter le vote Non. Le passage en force commence avec la substitution au comité des signataires pour fixer la date, d’une réunion de Darmanin et Lecornu, ministres délégués par Macron, dont les sympathies loyalistes aux colons sont connues pour fixer la date du 21 décembre 2021. Boycotté par les Kanak en plein deuil du covid, son résultat massif du Non met en évidence la perte de légitimité de l’Etat comme garant du processus, et ouvre une fin de la paix civile en Nouvelle-Calédonie.
Le passage en force de Macron réactualise la quasi-guerre civile de 1984 à 1988 avec 80 Kanak tués, Les accords de Matignon de 1988 rétablissent la paix civile et 30 ans de paix pour la construction d’un destin commun pour préparer la perspective d’accès à l’indépendance en association avec la France, processus de décolonisation entériné par l’ONU. L’accord est inscrit dans la constitution par le référendum du 6 novembre 1988 en France, avec une liste électorale spéciale où ne peuvent s’inscrire que les natifs aux élections de 3 provinces créées (Nord, Sud Loyautés) qui élisent le congrès de Nouvelle-Calédonie. Le référendum prévu en 1998 est reporté à l’après-2014, la liste électorale s’étend aux natifs avant 1998 et prévoit 3 référendums possibles pour affirmer un oui à l’indépendance. Les accords de Nouméa de 1998 rassemblent tous ceux qui vivent à cette date en Nouvelle-Calédonie. Reconnaissance de l’identité du peuple kanak et de ses coutumes et d’un peuple calédonien qui réunit Kanak et victimes de l’histoire. Ce peuple comprend ceux qui y vivent en 1998 : les victimes de l’histoire issus des bagnes dès 1863, de la colonisation de peuplement centré sur l’extraction du nickel avec son accélération dans les années 1960. Le FLNKS rassemble déjà le RDO des Wallisiens et Futuniens, et d’autres issus de l’Océanie et de l’Asie (Tahitiens, Indonésiens…)
Le passage en force de Macron est d’annuler les apports des modifications constitutionnelles de 1988 pour imposer une Loi sur la liste électorale qui réduit le vote kanak. Le vote des assemblées nécessitant un congrès commun qui vote aux 2/ des participants la nouvelle modification constitutionnelle. Son caractère aléatoire dans un moment où les 2 assemblées sont confrontées à des rapports de force évolutifs, Macron décide en mai la date de fin juin de la convocation du Congrès pour que les partis calédoniens en présence se mettent d’accord. Sa venue de 24 heures à Nouméa pour forcer l’accord, là où les indépendantistes demandent son retrait, met en scène la rupture institutionnelle de la temporalité de la parole kanak et des acquis des 30 années écoulées ensemble. Le président du gouvernement calédonien, Louis Mapou, refuse de lui serrer la main. Une partie de la droite, Calédonie Ensemble, réagit également à cette rupture tout en souhaitant un statut d’autonomie dans la France (de type corse ?).
Le congrès du FLNKS de février 2024 qui entérine le refus, au-delà des divergences, a préparé la résistance et l’UC a créé une coordination des comités d’action territoriale CCAT) qui manifeste le 13 avril. Plus de 15 000 manifestants indépendantistes (chiffre des autorités, le CCAT annonce 35 000) manifestent, non en brousse comme dans les années 1980 mais dans la citadelle de Nouméa. Les Kanak sont maintenant une part importante dans les communes périphériques de la ville, souvent dans une précarité sociale discriminante. La stratégie de lutte repose sur des actions multiples de barrages qui paralysent la ville et son agglomération. Au moment où la colère des jeunes Kanak tourne à l’émeute, de multiples commerces et institutions locales sont incendiés, confrontation à la répression et à la riposte de milices armées de loyalistes des quartiers riches. 7 morts dont 2 gendarmes en sont les victimes. Les organisations indépendantistes appellent au calme, face à ce débordement et la répression policière et de l’armée envoyée en renfort par l’incendiaire Macron qui ne fait qu’alimenter les incendies de la révolte des jeunes, là où en brousse se négocie sur les barrages le dialogue kanak-caldoche.
Le voyage éclair de Macron l’a alimenté, le geste de Louis Mapou, président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, refusant de lui serrer la main, là où Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur l’avaient réalisé en 1988.
La révolte des jeunes sur les barrages est le produit d’une colonisation de fait qui a continué durant tout le processus de Matignon-Nouméa. L’histoire qui se fait est celui de la crise sociale et économique actuelle, avec sa dimension écologique, qui aggrave la précarité croissante des populations kanak, wallisienne et futunienne, est bien l’enjeu de reprendre son destin en main. La jeunesse n’accède que difficilement à l’emploi, celui-ci restant acquis majoritairement aux métros venant de métropole. L’USTKE est porteuse de ces luttes depuis des années avec des manifestations qui rassemblent également des Caldoches.
D’autres questions de société sont en perspective : la question du métissage chez les Caldoches introduit l’hésitation pour quel vote (une estimation le situe à 4% de l’électorat). Une autre donnée est le départ accéléré d’Européens installés depuis les années 60. Aujourd’hui 22 000 sont partis soit vers le France ou un autre pays.
L’indépendance association avec la France est inscrite dans l’agenda de l’ONU, comme reconnaissance du fait colonial et du peuple kanak, peuple premier de sa terre, et de la nécessité pour toutes les communautés présentes sur le territoire de construire un pays ensemble et un destin commun. La majorité des peuples du Pacifique soutiennent ce processus.
Le soutien au mouvement indépendantiste est absolument essentiel dans son appel de retour au calme, car l’ampleur des destructions de la révolte doit retrouver la voie politique des 35 000 manifestant qui ont manifesté dans Nouméa le 13 avril avec l’appel du CCAT. La dénonciation de la violence de la répression, l’appel à la libération de 600 jeunes arrêtés, sont prioritaires. La mobilisation du soutien est que le gouvernement Macron doit reculer : annoncer qu’il renonce au projet de loi constitutionnelle, arrêter la répression, retirer les troupes sur place, palabrer pour renouer avec la recherche du consensus qui a montré son efficacité ces 30 dernières années et le respect du peuple kanak.
Jean-Pierre Martin
Entre les lignes entre les mots, 3 juin 2024
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