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Abderrahmane MEBTOUL*
Un débat serein loin de toute sinistrose ou de toute autosatisfaction s’impose à la veille de l’élection présidentielle en Algérie. J’articulerai cette présente contribution qui a été l’objet de mon intervention de la 1ere partie à la 56ème rencontre du CAP H-2054 – le jeudi 20 juin de 18h à 20h avec un large débat, en présence notamment des professeurs d’Universités experts internationaux de Taieb Hafsi, de Mazouz Bachir de HEC Montréal et de bon nombre d’autres experts en deux parties interdépendances, l’ensemble des données étant celles du gouvernement algérien et des institutions internationales Premièrement, je livrerai d’abord quelques indicateurs macro-financiers, macroéconomiques et macro sociaux de l’économie algérienne 2022/2024 et deuxièmement les projections 2025/2030, posant les conditions pour avoir un PIB de 400 milliards de dollars horizon 2029/2030 et comme condition du financement, pour pouvoir produire plus de 200 milliards de mètres cubes gazeux dont 100 milliards d’exportation tenant compte de la forte consommation intérieure.
1-Quelques indicateurs macrofinanciers et macroéconomiques 2022/2024
1.-1.-Les indicateurs macro financiers
Le déficit budgétaire prévu dans la loi de finances 2024 sera de 46,04 milliards de dollars, plus de 17% du PIB contre 16% en 2023 le prix de référence du baril de pétrole brut ayant été fixé à 60 dollars et le prix du marché du baril de pétrole brut de 70 dollars, étant un simple artifice comptable. En effet, compte tenu de la réévaluation du PIB en 2023 d’environ 33% incluant la sphère informelle, en attendant son avalisation par les institutions internationales, le budget de l’Etat, dans le cadre de la loi de finances 2024 , prévoit une hausse historique des dépenses à 15.275,28 milliards de dinars, soit au cours de 134 dinars 113,99 milliards de dollars un dollar, alors que les recettes devraient s’établir à 9.105,3 milliards de dinars soit 67,95 milliards de dollars.
-Le ratio de la dette publique avoir culminé à 62,9 % du PIB à la fin-2021, la combinaison d’un déficit budgétaire plus faible en 2022 et d’une augmentation significative du PIB nominal a conduit à une baisse à 55,6 % en 2022 et de 49,5% du PIB en 2023 avec une :dette extérieure : 1,5 % du PIB. Selon le rapport de la banque mondiale après avoir atteint 10,8% du PIB en moyenne au cours des cinq années précédant la pandémie, le déficit budgétaire s’est réduit à 7,2% en 2021 du PIB puis à 2,9 % en 2022, en grande partie grâce à l’augmentation des recettes d’hydrocarbures, et malgré l’augmentation des dépenses en salaires et en transferts (+2,1 pp du PIB) et le déficit budgétaire hors-hydrocarbures s’est détérioré, passant de 19% en 2021 à 23,3 % du PIB et au premier semestre 2023, la chute des exportations d’hydrocarbures (–27,2 % par rapport à la même période 2022).
-Pour son équilibre budgétaire selon le FMI et en référence à la loi de finances 2023, l’Algérie a besoin d’un baril de pétrole à près de 149,2 dollars, dans son rapport d’octobre 2022 contre 135 dollars pour l’exercice 2020/2021 et 100/109 pour l’exercice 2019/2020. Qu’en sera-t-il pour la loi de finances 2024 où il est prévu une augmentation des dépenses, l’équilibre budgétaire dépendant avant tout des recettes de Sonatrach qui ont été de 60 milliards de dollars en 2022 pour un cours moyen de 106 dollars le baril et 16 dollars le MBTU pour le gaz, avec une moyenne de 80 dollars pour l’année 2023 les recettes hydrocarbures ont été de 50 milliards en 2023, et vu la moyenne des cours les recettes seront certainement du même niveau, la Coface prévoyant un creusement du déficit budgétaire.
-Les réserves de change de l’Algérie ont clôturé à 69 milliards de dollars de réserves de change fin 2023 , contre rappelons-le – 2013 : 194,0 milliards de dollars, 2015 : 144,1 milliards de dollars – 2017 : 97,33 milliards de dollars, – 2022 : 61 milliards de dollars, environ 80 milliards de dollars y compris les 173 tonnes d’or qui n’ont pas évolué en volume depuis 2006/2007, irrigant d’ailleurs tout le cors social directement ou indirectement, qui représentent environ 92% des entrées en devises concernant le pétrole et le gaz brut et semi brut mais si on compte les dérivées d’hydrocarbures en 2023 inclus dans la rubrique hors hydrocarbures pour plus de 67% qui est passée de 7 milliards de dollars ( source APS) de 7 milliards de dollars en 2022 à un peu plus de 5 milliards de dollars en 2023 on trouve 97/98%.
-Toujours sur le plan financier, nous avons assisté à la dépréciation officielle du dinar avec un écart qui est passé en une décennie de 40 à plus de 60% sure marché parallèle, en rappelant que toute appréciation est liée à l’accroissement de la production et de la productivité interne et non à des décisions administratives. Le cours officiel du dinar (cours achat) en 1970, a été de 4,94 dinars un dollar, en 1980 à 5,03 dinars un dollar ; – 2001 : 77,26 dinars un dollar et 69,20 dinars un euro– 2020 : 128,31 dinars un dollar -; en 2022 140, 24 pour un dollar et 139,30, un dinar pour un euro et le 13 juin 2024 l’euro s’échange à un taux d’achat de 145.76 dinars algériens et à un taux de vente de 145.85 dinars algériens, ce qui semble indiquer une certaine constance dans sa valeur. La dépréciation officielle du dinar permet d’augmenter artificiellement la fiscalité des hydrocarbures (reconversion des exportations d’hydrocarbures en dinars) et la fiscalité ordinaire (via les importations tant en dollars qu’en euros convertis en dinar dévalué), cette dernière accentuant l’inflation des produits importés (équipements), matières premières, biens, montant accentué par la taxe douanière s’appliquant à la valeur du dinar, supportée, en fin de parcours, par le consommateur comme un impôt indirect, l’entreprise ne pouvant supporter ces mesures que si elle améliore sa productivité.
– La cotation du dinar au niveau de la sphère informelle qui est amplifiée souvent par l’instabilité juridique et monétaire et par le processus inflationniste qui par définition contribue modifie la redistribution du revenu national au profit des rentes spéculatives et au détriment des revenus fixes, durant l’année 2011, le dinar algérien était coté en moyenne annuelle à 135 dinars pour 1 euro, le 8 octobre 2022, à 209 dinars 1 euro, plus précisément le 22 septembre 2022, à 227 dinars à l’achat et 229 dinars à la vente, le dollar américain à 210 dinars à l’achat et 212 dinars à la vente. Depuis le début juin 2024, les cours de change de l’euro y sont nettement plus élevés, grimpant jusqu’à 239.00 dinars algériens à l’achat et 241.00 dinars algériens à la vente avec une légère-baisse depuis entre le 15/20 juin 2024.
En ce qui concerne le dollar américain, la Banque d‘Algérie dans sa note de conjoncture de février 2024 indique que la circulation fiduciaire hors banques représente 33,35% de la masse monétaire globale en Algérie, soit quelque 7395 milliards de dinars à fin septembre 2022, contre 6712 milliards de dinars à fin décembre 2021, au cours de 137 dinars un dollar 53,98 milliards de dollars, reflétant un état de sous-bancarisation alors que dans les pays développés les plus bancarisés, la part de la circulation fiduciaire ne dépasse guère les seuils de 4 à 5% de la masse monétaire globale. Pour lutter contre la sphère informelle, le gouvernement a décidé d’accélérer la numérisation. Cela suppose aussi un système d’information fiable en temps réel, de favoriser les bureaux de change alimenté en grande partie par la Banque d’Algérie, dont l’écart de vente entre l’officiel et le parallèle doit être inférieur à 10/15% et d’introduire la monnaie numérique, ne devant pas la confondre avec les crypto-monnaies qui circulent sur Internet hors de toute institution bancaire.
L’annonce de l’ouverture de bureaux de change ne date pas d’aujourd’hui puisque les dispositions du règlement n°95-07 du 23 décembre 1995 modifiant et remplaçant le règlement n°92-04 du 2 mars 1992 relatif au contrôle des changes notamment ses articles 10 à 15, plus de 40 bureaux de change ont été agréés, aucun n’étant opérationnel. Sa réussite suppose une démarche progressive, la stabilité juridique et monétaire par la maîtrise du processus inflationniste, la refonte du système financier dont les banques publiques accaparent plus de 85% des crédits octroyés et que si l’écart entre l’officiel et le marché parallèle est entre 10/15% minimum, car dans la pratique des affaires pas sentiments.
– Sur le plan fiscal, la directrice générale des impôts a fait état, le 04 avril 2023, de 6000 milliards de dinars d’impôts non recouvrés soit au cours de 134 dinars un dollar 44,77 milliards de dollars. Pour les transferts illicites de capitaux à l’étranger, selon les données du FMI, les entrées en devises entre 2000/2021 sont estimées, approximativement, autour de 1100 milliards de dollars avec une importation de biens et services de plus de 1050 milliards de dollars le solde étant les réserves de change au 31/12/2020 et une surfacturions entre 10% et 15% donnerait un transfert illicite de devises entre 100 et 150 milliards de dollars entre 2000/2020 placés dans l’achat de biens, ou de tierces personnes ayant la nationalité étrangère et dans des paradis fiscaux où il est difficile de les récupérer.
1.2- Les indicateurs macroéconomiques
-Il y a accroissement de la population algérienne avec des besoins croissants qui a évoluée ainsi :– 1960 11,27, – 1970 14,69, -1980 19,47, -1990 26,24, -2010 à 37,06 – et au 01 janvier 2024, 47 298 268 et d’ici 2030 plus 51 millions . Pour le taux de chômage, nous avons plus de 2 millions de bénéficiaires d’allocation chômage selon le Ministère du travail(source APS), à fin 2023 sur une population active selon, l’ONS est passée de 12 202 063 en 2021 à 13 425 064 en 2023 ce donne un taux de 14,89%, taux proche de celui de la Banque mondiale mais incluant les sureffectifs dans les administrations et entreprises publiques. Or, faut un taux de croissance sur 5/7 ans de 8/9% pour absorber le flux additionnel de demandes d’emplois entre 350.000/400.000 emplois par an, qui s’ajoute au taux de chômage actuel qui paradoxalement touche de plus en plus les diplômés en raison à la fois de la désindustrialisation et de la non correspondance du système socio-éducatif aux besoins économiques favorisant d’ailleurs l’exode de cerveaux car l’emploi ne se crée pas décret et dépend de la croissance des entreprises publiques et privées dont le taux d’intégration en Algérie en 2022 ne dépasse pas 15/20%. Lié à l’emploi, (le revenu brut par habitant étant selon le FMI de 325 dollars entre 2022/2023 et le revenu brut annuel 3900 dollars mais devant éclater la moyenne pour déterminer la répartition du revenu national par couches sociales.
-Pour le FMI, le taux d’inflation après correction des données algériennes tenant compte des prix réels sur le marché de 1970 à fin 2022, la moyenne a été de 8,8% par an et durant cette période le taux d’inflation aurait été de 6969,61% où un bien de consommation qui coûtait 100 dinars en 1970, à fin décembre 2022 coûte 7069,01 dinars. Entre 2022 2023 le processus inflationniste a atteint un niveau intolérable plus de 9%/an, étant prévu 5% en 2024, mais calculé par rapport à 2023, donne un taux cumulé de 15% avec plus 100% pour les pièces détachées toutes catégories confondues, parallèlement à une pénurie de nombre de produits. En plus des factures d’électricité, de l’eau, du loyer, on peut se demander comment un ménage entre 30.000/50.000 dinars, peut-il survivre, s’il vit seul, en dehors de la cellule familiale, qui, par le passé, grâce au revenu familial, servait de tampon social ? Mais attention à la vision populiste : doubler les salaires sans contreparties productives entraînera une dérive inflationniste, un taux supérieur à 20% qui pénaliserait les couches les plus défavorisées, l‘inflation jouant comme distributeur au profit des revenus spéculatifs.
– Pour assurer la cohésion sociale en attendant une croissance plus rapide, les transferts sociaux directs et indirects en 2023 ont été d’environ 5000 milliards de dinars soit au cours de 134 dinars dollar 37,31 milliards de dollars avec une hausse de plus de 7% en 2024 par rapport à 2023, où le montant des transferts sociaux directs devrait passer de 2.714 milliards de dinars en 2023 à 2.895 milliards en 2024, de 20,27 milliards de dollars à 21,60 milliards de dollars. Cela concerne pour 2024, notamment la subvention directe des produits alimentaires et autres services dont 502 milliards de DA seront consacrés à la stabilisation des prix du sucre, d’huile de table, de la farine, la semoule et des légumes secs, 163 milliards à l’électricité et 313 milliards de DA au logement. Toujours pour assurer la cohésion sociale, le gouvernement a consacré 5000 milliards de dinars aux transferts sociaux soit au cours de 137 dinars un dollar, 36,49 milliards de dollars, mais des subventions non ciblées injustes, celui qui perçoit 200.000 dinars par mois bénéficiant au même titre que celui qui perçoit 20.000/30.000 dinars et le Décret présidentiel n° 21-137 fixe le salaire national minimum garanti à 20.000 dinars mensuel depuis le 1er juin 2021 (soit au cours du marché parallèle 85 euros). Pour l’année 2023, il a été prévu une augmentation de 4.470 dinars, où un travailleur qui touche 30.000 dinars actuellement, sur les deux années, son salaire sera porté à plus de 39.000 dinars, touchant 2,8 millions de fonctionnaires et contractuels, l’incidence financière étant de de 340 milliards de dinars en 2023, le Ministre des finances ayant donné la masse salariale globale qu’il a estimé à 4.629 milliards de dinars représentant 47,39% du budget de fonctionnement. Par ailleurs, il y a eu l’exonération de l’IRG (Impôt sur le revenu global) de tous les salaires de moins de 30.000 dinars ayant bénéficié selon l’APS à 6,5 millions de citoyens.
– Le produit intérieur brut PIB, qui a été réévalué d’environ 30% par le gouvernement algérien en 2023 en incluant la sphère informelle avec un faible flux des IDE (0,8% du PIB), le FMI donne 243 milliards de dollars en 2023, de 268 milliards de dollars en 2024, 293 milliards de dollars en 2025, 318 milliards de dollars en 2026 et 370 milliards de dollars en 2028 sur une moyenne de croissance annuelle de ¾%, la banque africaine de développement prévoyant 4% pour 2024, taux proche de celui du FMI qui prévoit 3,8% en 2024 et 3,1% en 2025 contre 4,2% en 2023, soutenue par essentiellement la dépense budgétaire via la rente de hydrocarbures.
– Rappelons que selon les agences internationales Reuters et l’AFP du 14 juin 2024, Bruxelles a ouvert une procédure contre l’Algérie, accusée de restreindre depuis 2021 les exportations et investissements de l’Union européenne (UE), menaçant de recourir à l’arbitrage international, et a réclamé des consultations avec les autorités du pays. L’Accord d’association Algérie-UE en vigueur depuis le 01 septembre 2005 est, pour le moins qu’on puisse dire, en stand-by, l’Algérie, qui s’estime lésée, avait demandé depuis plusieurs années, sa révision, afin d’asseoir une meilleure base d’échanges mutuellement bénéfique, l’Algérie engorgeant plus de 50% de ses devises avec l’Europe mais l’Algérie assurant la sécurité énergétique de l’Europe. Aussi, contrairement à certains qui supputent une détérioration des relations économiques entre l’Algérie et l’Europe, dans un but de déstabilisation de l’Algérie étant entendu que dans la pratique des relations internationales que des affaires n’existent pas de sentiments mais que des intérêts, chacun défendant avant tout ses intérêts propres, malgré ces divergences conjoncturelles, il s’agit comme je l’ai souligné il y a quelques années lors d’une conférence, à l’invitation du parlement européen à Bruxelles, de dépassionner les relations car la stabilité des deux rives de la Méditerranée, nous impose d’entreprendre ensemble, l’Algérie et l’Europe étant deux partenaires stratégiques. C’est que l’Europe reste un partenaire clef pour l’Algérie comme en témoigne la structure du commerce extérieur où l’Europe en 2022 s’impose comme le premier partenaire commercial de l’Algérie avec 61,1 milliards de dollars soit environ la moitié des échanges totaux où en 2022, les échanges commerciaux se sont élevés à 104,2 Mds USD, en hausse de 37% par rapport à 202.
2.- L’Algérie pourra-t-elle avoir un PIB de 400 milliards de dollars et produire plus de 200 milliards de mètres cubes gazeux entre 2029/2030 ?
2.1- Cela suppose plusieurs conditions. Premièrement, une croissance soutenue de plus de 4/5%/an 2025/2030 , une plus grande rigueur budgétaire, une meilleure allocation de l‘investissement devant s’insérer dans le cadre d’une planification stratégique et la lutte contre la corruption renvoyant au mode de gouvernance. Un code d’investissement étant limité, il faut revoir le fonctionnement de l’écosystème, donc améliorer la gouvernance et d’investir dans les créneaux d’avenir les industries de la vie pour reprendre l’expression de Jacques Attali. De profondes réformes structurelles institutionnelles et miro- économique, devant s’attaquer au blocage numéro un de l’économie algérienne, l’hydre bureaucratique source des surcoûts des projets, devant synchroniser la gouvernance globale, la mésogouvernance intermédiaire, et la micro gouvernance passant par un système d’information rénové et la réforme des institutions centrales et locales pour une vision cohérente allant vers un réelle décentralisation pour une participation citoyenne par la création de six à sept grands pôles économiques régionaux, les ministres et Walis devant servir de régulateur et non de gestionnaires et pour une participation citoyenne et éviter le divorce Etat-citoyens. Deuxièmement, la mise en œuvre concrète des projets économiques notamment industriels, les infrastructures indispensables servant de soutien où selon le ministère des finances entre 2021 et 2023 l’investissement a été de 48 milliards de dollars étant prévu entre 2024/2027 un montant presque équivalent, qui n’atteindront le seuil de rentabilité que vers 2028/2030, un minimum, après la première phase d’exploitation, de trois années pour les PMI/PME, sous réserve de lever les contraintes d’environnement et de 5/7 années pour les projets hautement capitalistiques et devant favoriser les projets rentables devant éviter ces assainissements répétés à fonds perdus d’entreprises publiques moribondes, l’Etat autant consacré selon un rapport du premier ministère ( source APS) durant les trente dernières années à fin 2020, un montant de 250 milliards de dollars, plus de 80% étant revenues à la case de départ. Sans être exhaustifs, nous avons la raffinerie de Hassi Messaoud et d‘autres projets pétrochimiques à forte valeur ajoutée, le projet de Phosphate de Tébessa avec les réserves estimées entre 2,2 et 2,6 milliards de tonnes dont seulement 24 % de pentoxyde de phosphate, celui du zinc Tala Hamza-Oued Amizour ( réserves de 34 millions de tonnes ) et le fer de Gara Djebilet, des réserves estimées à 3,5 milliards de tonnes, dont 1,7 milliard de tonnes ( la quatrième réserve du monde) dont la teneur est de 58% mais présentant une forte teneur en phosphore nécessitant pour obtenir un minerai de qualité, une opération dite de déphosphoration pour le porter de 0,8% à 0,03%, et la ligne de chemin de fer qui ne sera opérationnelle que fin 2026, mais pour ces trois derniers projets outre leurs impacts polluants, descendre à l’aval pour la production de produits nobles et non exporter les produits à l’état brut à et sans oublier les immenses potentialités de l’agriculture saharienne grâce à l’importante nappe phréatique, un océan un des vaste au monde 53.000 milliards de mètres cubes, 70% en Algérie, 20% en Libye et 10% en Tunisie, mais devant être réaliste – vent de sable, majorité eau saumâtre, coût de transport et préservation des produits périssables) devant avant tout préserver les meilleures terres au Nord qui diminuent comme une peau de chagrin face à une urbanisation effrénée. Troisièmement, il ne faut pas être utopique, les sources de financement proviendront pendant de longues années des recettes des hydrocarbures qui évitant les erreurs du passé doivent favoriser une économie diversifiée dans le cadre des avantages comparatifs mondiaux évitant les assainissements sans analyses objectives des entreprises publiques ont coûté selon le rapport officiel du premier ministère repris par l’APS au Trésor public, environ 250 milliards de dollars, durant les trente dernières années à fin 2020, dont plus de 90% sont revenues à la case de départ et plus de 65 milliards de dollars de réévaluation, les dix dernières années à fin 2020, faute de maîtrise de la gestion des projets et cela a continué entre 2022/2023, montrant que cela n’est pas une question de capital argent mais relevant du management stratégique.
2.2-Dans ce cadre se pose la question, l’Algérie n’étant pas un pays pétrolier environ 10 milliards de barils de réserves données du conseil des ministres de 2022 mais plus de 2400 milliards de mètres cubes gazeux, les conditions pour pouvoir produire 200 milliards m3 et exporter 100 milliards de m3 gazeux à l’horizon 2029/2030. Contrairement à certaines supputions annonçant 2026, le ministre de l’Energie et le PDG de Sonatrach ont annoncé une production de 200 milliards de mètres cubes gazeux dont 100 milliards de mètres cubes gazeux d’exportation entre 2029/2030, alors que pour la Banque mondiale, il est prévu que la production algérienne de gaz atteigne un peu plus de 116,5 milliards de m3 en 2024, près de 118,5 milliards de m3 en 2025 et 125 milliards de m3 en 2026. Précisons que selon les normes internationales, l’on doit injecter 20/25% soit 20/25 milliards de mètres cubes gazeux dans les puits pour éviter leur épuisement , la consommation intérieure représentant 50% en 2023, donc avec la consommation intérieure et 100 milliards de mètres cubes d’exportation l’on devra produire entre 200/210 milliards de mètres cubes gazeux.
Premièrement : une plus grande efficacité énergétique permettant d’ économiser 10 à15% de la consommation de l’énergie locale.
Deuxièmement : le développement de énergies renouvelables, avec en 2023 seulement entre ½%, solaire, éolien, hydrogène vert, bleu et blanc, afin de couvrir selon les prévisions du ministère de l’énergie, entre 2030/2035 , 35/40% de la consommation intérieure, la différence pouvant être exportée.
Troisièmement : une nouvelle politique des subventions ciblée. Les prévisions de Sonelgaz prévoient plus de 80 milliards de mètres cubes gazeux horizon 2030.
Quatrièmement : de nouvelles découvertes par Sonatrach et en partenariat avec des firmes étrangères Sonatrach prévoyant d’investir entre 40/50 milliards de dollars durant les cinq prochaines années.
Cinquièmement : l’exploitation du gaz de schiste dont les réserves selon des études américains de 19.800 milliards de mètres cubes gazeux dont 4500 milliards sont rentables, en Algérie sont situés essentiellement dans les bassins de Mouydir, Ahnet, Berkine-Ghadames, Timimoun, Reggane et Tindouf. pourrait accroître cette production mais pas avant l’horizon 2030, mais sous condition de plusieurs paramètres., dont un débat national avec consensus social et la protection de l’environnement.
2.3- Car huit précisions sur le gaz de schiste s’imposent.
Premièrement, la fracturation est obtenue par l’injection d’eau à haute pression (environ 300 bars à 2500/3000 mètres) contenant des additifs afin de rendre plus efficace la fracturation dont du sable de granulométrie adaptée, des biocides, des lubrifiants et des détergents afin d’augmenter la désorption du gaz.
Deuxièmement : la rentabilité du gaz de schiste implique de la comparer à la structure des prix actuels au niveau international, prix très volatil ayant fluctué entre janvier et février 2024 entre 28 et 50 dollars le mégawattheure expliquant pour l’instant la préférence des contrats à moyen et long terme, ne pouvant pas parler d’un marché de gaz comme celui du pétrole, (marché segmenté géographiquement) les canalisations représentant en 2023 environ 65% de la commercialisation, mondiale, le GNL donnant plus d’autonomie dont le prix est supérieur de 2 à 3 dollars supérieur au GN allant vers 50% horizon 2030.
Troisièmement : le gaz de schiste est concurrencé par d’autres énergies substituables et que les normes internationales donnent un coefficient de récupération moyen de 15/20% et exceptionnellement 30%, pouvant découvrir des milliers de gisements mais non rentables financièrement, les réserves se calculent selon le couple prix international des énergies et coût et il faut perforer des centaines de puits pour avoir 1 à 2 milliards de mètres cubes gazeux par an, plus de 1000 puits pour dépasser plusieurs dizaines de milliards de mètres cubes gazeux, chaque puits ayant un volume de production spécifique.
Quatrièmement, la durée de vie d’un puits ne dépasse pas cinq années devant se déplacer vers d’autres sites assistant à un perforage sur un espace déterminé comme un morceau de gruyère.. Par ailleurs, pour s’aligner sur le prix de cession actuel, l’on devra tenir compte de la profondeur pour la technique traditionnelle de la fracturation hydraulique , le coût n’est pas le même pour 600 mètres ou 2000/3000 mètres supposant le bétonnage.
Cinquièmement, : l’exploitation de ce gaz, pour la fracturation hydraulique, implique de prendre en compte la forte consommation d’eau douce, et en cas d’eau saumâtre, il faut des unités de dessalement extrêmement coûteuses, autant que les techniques de recyclage de l’eau.
Sixièmement, : il s’agit de prévoir les effets nocifs sur l’environnement, (émission de gaz à effet de serre), la fracturation des roches pouvant conduire à un déséquilibre spatial et écologique. Et en cas de non maîtrise technologique, elle peut infecter les nappes phréatiques au Sud, l’eau devenant impropre à la consommation avec des risques de maladies comme le cancer.
Septièmement, peu de pays excepté les USA, maîtrisent, cette technologie, des négociations étant en cours avec Exxon Mobil, avec des lettres d’intention mais pas d’accords définitifs, et donc un co-partenariat incluant des clauses restrictives avec d’importantes pénalités en cas de non-respect de l’environnement et la formation des Algériens pour tout opérateur étranger. Afin d’éviter les effets négatifs de la fracturation hydraulique, l’Algérie doit selon l’étude menée sous ma direction, négocier d’abord réaliser un consensus social avec notamment les habitants du Sud.
Huitièmement, l’exploitation nécessite d’améliorer l’amélioration de la technique de la fracturation hydraulique et d’autres techniques maîtrisées seulement par les USA qui pourraient protéger l’environnement, économiser l’eau et les produits chimiques. Les recherches s’orientent sur la réduction de la consommation d’eau, le traitement des eaux de surface, l’empreinte au sol, ainsi que la gestion des risques sismiques induits. Concernant le problème de l’eau qui constitue l’enjeu géostratégique fondamental du XXIème siècle (l’or bleu), selon les experts, trois types de fluides peuvent être utilisés à la place de l’eau : le gaz de pétrole liquéfié (GPL), essentiellement du propane, les mousses (foams) d’azote (N2) ou de dioxyde de carbone (CO2) et l’azote ou le dioxyde de carbone liquides. L’utilisation des gaz liquides permet de se passer complètement ou en grande partie d’eau et d’additifs chimiques. L’eau pourrait aussi être remplacée par du propane pur (non-inflammable), ce qui permettrait d’éliminer l’utilisation de produits chimiques. Nous avons la fracturation exothermique non-hydraulique (ou fracturation sèche) qui injecte de l’hélium liquide, des oxydes de métaux et des pierres ponce dans le puits, la fracturation à gaz pur peu nocive pour l’environnement surtout utilisée dans des formations de roche qui sont sensibles à l’eau à maximum 1500 m de profondeur ; la fracturation pneumatique qui injecte de l’air comprimé dans la roche-mère pour la désintégrer par ondes de chocs, n’utilisant pas d’eau, remplacée par l’air mais utilisant certains produits chimiques en nombre restreints ; enfin la stimulation par arc électrique (ou la fracturation hydroélectrique) qui libère le gaz en provoquant des microfissures dans la roche par ondes acoustiques, utilisant selon les experts très peu d’ eau, ni proppants ou produits chimiques, mais nécessitant beaucoup d’électricité.
En conclusion, il y a lieu d’éviter l’illusion monétaire, la monnaie étant avant tout un rapport social, traduisant le rapport confiance Etat/citoyens, étant démontré que n’existe pas de corrélation entre les pays les plus riches et le niveau des réserves de change et que ce ne sont pas les pays qui ont une balance commerciale excédentaire qui connaissent un taux de croissance élevé. La richesse de toute nation provient de la bonne gouvernance, d’un afflux important de l’investissement national et étranger créateur de valeur ajoutée reposant sur le travail et l’intelligence et aucun pays ne s’est développé grâce aux mythes des matières premières. Après avoir épuisé ses stocks d’or, avec la découverte de Christophe Colomb, l’Espagne a périclité pendant plusieurs siècles. L’Algérie doit profiter des indicateurs financiers positifs pour transformer les capitales argent richesses virtuelles en richesses réelles et le caractère social de l’Etat ne doit pas reposer uniquement sur la rente des hydrocarbures mais sur le travail et l’intelligence en conciliant l’efficacité économique et la nécessaire cohésion sociale. Avec les profonds bouleversements mondiaux qui s’annoncent entre 2030/2040/2050 avec une nouvelle reconfiguration politique, économique et sociale, la solution du redressement national se trouve la création d’un grand ministère d’Etat chargé de la planification autour de grands pôles économiques régionaux collant avec la réalité sociale interne et mondiale, pour une participation citoyenne fondement du retour à la confiance en les institutions de la République et condition d’un rassemblement national pour faire face aux tensions géostratégiques, devant tenir compte des différentes sensibilités, l’unanimisme étant source de décadence, existant un lien dialectique entre sécurité et développement, la future stratégie , doit reposer fondamentalement sur une bonne gouvernance centrale et locale , la considération du savoir et une profonde moralisation de la société comme nous l’a enseigné le grand sociologue Ibn Khaldoun – lutte contre la corruption dont la numérisation est un moyen,( voir notre proposition déjà en 1983 qui n’ a vu le jour car s’attaquant à de puissants intérêts en tant que directeur général des études économiques et haut magistrat -premier conseiller à la Cour des comptes d’un tableau de la valeur reliés aux réseaux internationaux). L’Algérie a besoin qu’un regard juste soit posé sur sa situation sur ce qui a déjà été accompli et sur ce qu’il s’agit d’accomplir encore au profit exclusif d’une patrie qui a besoin de réunir tous ses enfants autour d’un même projet, d’une même ambition et d’une même espérance concilier la sécurité nationale, l’efficacité économique et la nécessaire cohésion sociale.
*Professeur des universités, expert international, Docteur d’Etat 1974
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