PARIS (AP) — Le viol présumé d’une fille juive de 12 ans lors d’une attaque supposée antisémite a provoqué une onde de choc à travers la France et a mis en avant les préoccupations concernant l’antisémitisme dans le cadre de la campagne pour les élections législatives du pays.
Le parti anti-immigration du Rassemblement National, qui a tenté de se détacher de ses liens historiques avec l’antisémitisme, est en tête des sondages préélectoraux et a sa première véritable chance de former un gouvernement, s’il arrive en tête lors des élections à deux tours qui se termineront le 7 juillet. Ce serait la première force d’extrême droite à diriger un gouvernement français depuis l’occupation nazie.
Les figures de l’extrême gauche, quant à elles, ont été accusées d’antisémitisme en lien avec leur réponse à l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre et à la guerre qui s’en est suivie.
Les préoccupations se sont intensifiées après que deux garçons adolescents d’une banlieue parisienne ont été mis en examen cette semaine pour le viol d’une fille de 12 ans et pour violence à caractère religieux, selon les procureurs. L’avocat et leader juif Elie Korchia a déclaré à la chaîne de télévision française BFM que la fille est juive et que le mot Palestine a été mentionné lors de l’attaque. Le bureau du procureur n’a pas précisé la religion de la fille ni divulgué son identité, conformément aux politiques de protection des victimes, comme c’est la pratique standard pour les crimes de haine en France.
Des centaines de personnes se sont rassemblées jeudi soir autour du monument de la Bastille à Paris pour protester contre l’antisémitisme, lors de la deuxième nuit consécutive de manifestations.
La France abrite la plus grande population juive d’Europe, mais en raison de sa propre collaboration avec les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale, les actes antisémites aujourd’hui ouvrent d’anciennes blessures. La France a également la plus grande population musulmane d’Europe occidentale, et les actes anti-musulmans ont augmenté ces dernières années.
Les politiciens de tous bords ont rapidement commenté l’attaque, notamment après une augmentation des actes antisémites en France depuis le début de la guerre Israël-Hamas.
Le Premier ministre français Gabriel Attal a écrit sur la plateforme de médias sociaux X que la fille avait été « violée parce qu’elle est juive », tandis que le président français Emmanuel Macron a appelé les écoles à organiser une « heure de discussion » sur le racisme et l’antisémitisme.
Jordan Bardella, président du Rassemblement National, a déclaré que s’il était élu, il « combattrait l’antisémitisme qui afflige la France depuis le 7 octobre ». À la suite des rapports sur l’attaque, Bardella a annoncé que son parti retirait son soutien à l’un de ses candidats en raison d’un message antisémite publié sur les réseaux sociaux en 2018.
Son prédécesseur à la présidence du parti et candidate à la présidentielle de 2022 du Rassemblement National, Marine Le Pen, a accusé « l’extrême gauche » de « stigmatisation des juifs » et « d’instrumentaliser » le conflit Israël-Hamas.
Le leader de gauche Jean-Luc Mélenchon a dénoncé le « racisme antisémite », bien que le parti La France Insoumise qu’il dirigeait autrefois ait lui-même fait face à des accusations d’antisémitisme liées à la guerre Israël-Hamas.
« Il n’y a jamais eu d’ambiguïté dans notre dénonciation de l’antisémitisme », a déclaré le député Manuel Bompard de La France Insoumise sur la chaîne d’information française La Chaîne Info mercredi, repoussant les accusations selon lesquelles la position de son parti sur l’antisémitisme et la guerre Israël-Hamas aurait contribué à un climat d’insécurité pour les juifs français. « Faire croire aux gens qu’il y aurait un lien entre ce qui s’est passé et les positions politiques de La France Insoumise est offensant et inapproprié », a-t-il ajouté.
Arié Alimi, avocat et vice-président de la Ligue des droits de l’homme, a appelé à un front uni contre l’extrême droite.
« Depuis quelque temps, il y a une prise de conscience qu’il y a aussi de l’antisémitisme à gauche et qu’il faut y faire face », a-t-il déclaré lors de la manifestation de jeudi. « Aujourd’hui, c’est le camp de la gauche, des progressistes qui est rassemblé avec toutes les personnes inquiètes par l’antisémitisme et toutes les formes de racisme en France, dans un moment politique particulier où l’extrême droite pourrait éventuellement arriver au pouvoir. »
Bien que le viol présumé ait exacerbé les tensions concernant l’antisémitisme en France avant les élections parlementaires des 30 juin et 7 juillet, ce n’est pas une nouvelle question dans la politique française.
Plus de 180 000 personnes à travers la France ont marché en novembre pour protester contre la montée de l’antisémitisme dans le sillage de la guerre en cours d’Israël contre le Hamas à Gaza.
Avec l’ancienne Première ministre Élisabeth Borne et des représentants de plusieurs autres partis, Le Pen a assisté à la marche malgré les vives critiques selon lesquelles son parti, autrefois paria, le Rassemblement National, n’a pas réussi à se débarrasser de son héritage antisémite malgré sa légitimité politique croissante.
Borne, fille d’un survivant juif de l’Holocauste, a tweeté que « la présence du Rassemblement National ne trompe personne. »
Le fondateur du parti, Jean-Marie Le Pen, père de Marine Le Pen, a été condamné à plusieurs reprises pour des discours de haine antisémites et a minimisé l’ampleur de l’Holocauste. Marine Le Pen — deuxième aux deux dernières élections présidentielles et probablement une candidate de premier plan en 2027 — a travaillé à redorer l’image du parti, expulsant son père et changeant son nom de Front National à Rassemblement National.
Attal a annoncé en mai que « 366 actes antisémites » avaient été enregistrés entre janvier et mars de cette année, une augmentation de 300 % par rapport aux trois premiers mois de 2023.
L’antisémitisme se réfère à la haine des juifs, mais il n’existe pas de définition universellement acceptée de ce qu’il implique exactement ni de la manière dont il se rapporte à la critique d’Israël. Le gouvernement israélien accuse régulièrement ses opposants d’antisémitisme, tandis que ses détracteurs affirment qu’il utilise ce terme pour faire taire l’opposition à ses politiques.
La guerre a ravivé le long débat sur la définition de l’antisémitisme et sur la question de savoir si toute critique d’Israël — depuis le meurtre de milliers d’enfants palestiniens par son armée jusqu’à des questions sur le droit même d’Israël à exister — équivaut à un discours de haine anti-juif.
AP
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