Maroc Confidentiel

Le Maroc réalise sa première exportation de cannabis depuis sa légalisation en 2021

Avec un déséquilibre persistant entre l'offre et la demande, la Coalition Marocaine pour l'Utilisation Médicale et Industrielle du Cannabis ainsi que de nombreux agriculteurs demandent au gouvernement d'envisager le lancement d'un marché domestique pour un usage adulte.

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Le Maroc a réussi sa première exportation légale de cannabis depuis qu’il a décidé de légaliser le cannabis à des fins médicales, pharmaceutiques et industrielles en 2021.

Il s’agit d’un événement marquant pour le pays, qui s’efforce actuellement de transformer son industrie florissante de la culture illicite du cannabis en un marché d’exportation légitime et de tirer parti de sa position déjà dominante en matière d’exportation vers l’Europe.

Cette décision intervient alors qu’un torrent de demandes a été déposé par des agriculteurs qui, jusqu’à récemment, étaient restés largement sceptiques quant aux possibilités offertes par le marché légal, et que la surface de culture légalement autorisée dans le pays a été multipliée par dix d’une année sur l’autre.

Alors que les investisseurs et les entreprises cherchent à tirer parti de cette opportunité en plein essor, l’Agence nationale pour la réglementation des activités liées au cannabis (ANRAC) recherche activement des possibilités d’exportation, après avoir participé à Cannabis Europa le mois dernier et s’être rendue récemment aux Pays-Bas, au Portugal et en République tchèque.

Premières exportations

Au cours du deuxième trimestre 2024, le Maroc a exporté 100 kg de résine de cannabis avec une teneur en THC inférieure à 1 % vers la Suisse, vendant son produit entre 1400 et 1800 euros par kilogramme, selon Le Monde.

Cela fait suite à une annonce de l’ANRAC en avril, suggérant qu’un opérateur individuel et une coopérative avaient exporté 65,5 kg de produits de cannabis vers la Suisse (55,5 kg de résine de CBD avec une teneur en THC inférieure à 1 % et 10 kg de fleurs de cannabis avec une teneur en THC inférieure à 0,3 %), à la date du 23 avril 2024.

Si cette mesure constitue une bonne nouvelle pour les agriculteurs, dont on pense que quelque 400 000 d’entre eux dépendent de l’industrie du cannabis (tant illicite que légale) comme principale source de revenus, elle ne représente qu’une goutte d’eau dans l’océan de cannabis produit dans le pays.

En mars de cette année, l’ANRAC a indiqué que la première récolte de cannabis médical du pays en 2023 produirait 294 tonnes métriques (294 000 kg).

Seule une fraction de ces quantités stupéfiantes étant exportée, on ne sait pas exactement où finit le reste de la production, s’il est utilisé par les entreprises locales, dont le nombre augmente rapidement, ou si une partie a pu se retrouver sur le marché illicite.

Business of Cannabis a contacté l’ANRAC pour obtenir des éclaircissements sur ces statistiques, mais n’a pas reçu de réponse à l’heure où nous écrivons ces lignes.

Ces chiffres ne sont pas non plus à la hauteur de la taille estimée du marché de la production illicite de cannabis dans le pays.

Selon la récente analyse approfondie du marché européen illicite du cannabis réalisée par l’Agence européenne des drogues et Europol, la majeure partie de la résine de cannabis disponible en Europe provient du Maroc et pénètre dans la région via l’Espagne, qui a saisi 672,5 tonnes métriques de résine de cannabis en 2021 (soit plus de 82 % du total européen).

Et ce, malgré une baisse significative de la production de résine observée ces dernières années, la superficie cultivée étant passée d’environ 47 000 hectares (2010-2018) à 21 000 hectares en 2019, soit une réduction de 55 %.

Ainsi, la production de résine aurait chuté de 700-760 tonnes métriques entre 2010 et 2017 à 424 tonnes métriques en 2018, pour remonter à 596 tonnes en 2019, mais le rapport suggère que ces chiffres pourraient encore être une sous-estimation de l’ampleur réelle de l’industrie.

Changement en cours

Cependant, il semble que ces chiffres commencent à évoluer. En mai 2023, deux ans après la légalisation du cannabis pour l’exportation, les agriculteurs de la région restaient prudents quant à la transition vers le marché légal, en particulier dans les régions montagneuses reculées où se concentre la majorité de la production.

Un agriculteur a exprimé ses craintes que « les bénéfices aillent à l’État… et que nous soyons laissés pour compte ». D’autres ont déclaré qu’ils étaient « dans le flou » quant aux avantages que le marché légal leur apporterait par rapport au marché illicite, et quels semences, prix et processus ils devraient adopter pour être acceptés.

Selon les chiffres de l’ANRAC, cette transition prend désormais un sérieux élan à mesure que les avantages, qui permettraient aux agriculteurs de gagner quatre ou cinq fois plus pour leurs récoltes, devenaient plus apparents.

Au 23 avril 2024, l’ANRAC rapporte avoir délivré environ 2900 autorisations, une augmentation significative par rapport aux 609 de 2023. Cela se reflète dans la superficie totale cultivée qui s’élève désormais à 2552 hectares, contre seulement 286 en 2023.

En plus de milliers (2637) d’agriculteurs, 168 autorisations supplémentaires ont été accordées à 61 opérateurs, dont une entreprise pharmaceutique, 16 coopératives, 37 entreprises et sept individus.

Le régulateur encourage également l’utilisation des semences locales « beldiya » plutôt que des semences importées en raison de leur nature robuste et de la déception de la première récolte, et travaille apparemment avec l’Institut National de la Recherche Agronomique du Maroc pour certifier et distribuer ces semences locales aux agriculteurs d’ici 2025.

Environ 760 hectares de cannabis cultivés en avril 2024 l’ont été avec cette semence, produisant 42 produits à base de cannabis pour la production légale et soumis à l’enregistrement auprès de la Direction des Médicaments et de la Pharmacie (DMP).

Cela comprenait 11 produits cosmétiques et d’hygiène personnelle et 31 produits de complément alimentaire, avec sept certificats d’enregistrement qui auraient déjà été délivrés par la DMP.

Pendant ce temps, près de 200 opérateurs sont entrés sur le marché du cannabis depuis la légalisation en 2021, avec la Fédération Marocaine de l’Industrie et de l’Innovation Pharmaceutique (FMIIP) suggérant que le marché pourrait valoir environ 400 à 600 millions d’euros dans quatre ans.

Alors que le marché cherche à tirer parti de l’opportunité internationale, quelque 54 permis ont été délivrés l’année dernière, avec 39 autres accordés depuis.

Avec un déséquilibre persistant entre l’offre et la demande, la Coalition Marocaine pour l’Utilisation Médicale et Industrielle du Cannabis ainsi que de nombreux agriculteurs demandent au gouvernement d’envisager le lancement d’un marché domestique pour un usage adulte.

Cette coalition, établie en juin dernier, prévoit d’organiser une série de débats et de séminaires avec des parlementaires pour plaider en faveur de l’établissement d’un marché pour un usage adulte.

Source : Agences

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