Les intimidations du Maroc s’étendent à la presse française. Appuyé et encouragé par Israël, qui a bloqué à l’Elysée toute condamnation contre Rabat.
Mis à mal par les révélations de Forbidden Stories sur Pegasus, le Maroc tire à tout-va. Appuyé et encouragé par Israël, qui a bloqué à l’Elysée toute condamnation contre Rabat, quand bien même une des victimes a été le président français Macron lui-même, le Maroc s’attaque à la presse française qui l’a épinglé au début du scandale. Ainsi et après « Le Monde », c’est « L‘Humanité » qui est confronté au duo maroco-israélien (les premiers sous-traitant pour les seconds).
On s’en souvient, plus de 6 000 numéros de téléphone d’Algériens appartenant à des responsables politiques, des militaires, des chefs des services de renseignement, des hauts fonctionnaires, des diplomates étrangers en poste ou des militants politiques ont été sélectionnés comme cibles potentielles du logiciel espion Pegasus
Hier, le journal français l’Humanité a dénoncé les intimidations du Maroc qui l’a attaqué en justice pour diffamation dans le cadre de l’affaire liée au logiciel espion « Pegasus » conçu par l’entreprise israélienne NSO Group.
« L’Humanité a déjà affronté de nombreux obstacles, difficultés et tempêtes au cours de son histoire, dont des saisies et des attaques contre son siège. Mais, pour la première fois, nous sommes convoqués au tribunal par un Etat étranger qui entend nous faire taire et nous intimider », a écrit le directeur du journal l’Humanité, Fabien Gay, dans un édito intitulé « Nous ne céderons pas! ».
« Le royaume du Maroc a ainsi assigné l’Humanité en justice pour diffamation, après avoir été confondu par l’association Forbidden Stories dans le scandale des écoutes par le logiciel espion Pegasus », rappelle Fabien Gay.
Le directeur du journal l’Humanité rappelle, en outre, « qu’ils et elles seraient 30.000 à figurer sur les listes des personnes espionnées par le palais entre militants politiques et syndicaux, avocats, défenseurs des droits de l’homme, journalistes, élus, jusqu’aux plus hautes autorités de l’Etat français ».
A cet égard, il a dénoncé la position de la France qui « n’a pas eu le courage de manifester sa réprobation face à ces pratiques hostiles et attentatoires à la dignité des citoyens français ». « Cette attaque en justice, aussi scandaleuse et déplacée soit-elle, doit être prise au sérieux », indique Fabien Gay, soulignant « qu’elle témoigne de l’acharnement dont use le pouvoir marocain pour faire taire toute critique à son encontre et entraver l’exercice d’un journalisme indépendant et décidé à informer les citoyens des combats qui se mènent à travers le monde contre l’arbitraire ».
C’est aussi, poursuit l’auteur de l’édito, « une guerre d’usure, autant judiciaire que financière, que mène le gouvernement marocain pour qu’au final nous finissions par céder et nous autocensurer ». Fabien Gay a fait savoir que son journal n’allait pas céder aux menaces et intimidations du Maroc. « Nous continuerons notre travail, nos investigations, nos reportages et nos révélations », a-t-il assuré.
Le directeur du journal l’Humanité a invité toutes les personnes attachées à la liberté de la presse et à la défense des droits « à participer à la soirée de soutien à la presse libre, à l’Humanité et à l’ensemble des journalistes menacés, lundi 25 octobre à la bourse du travail de Paris ».
Le Maroc, impliqué dans l’affaire liée au logiciel espion « Pegasus » conçu par l’entreprise israélienne NSO Group, multiplie les attaques judiciaires contre les médias français, membres du consortium de 17 médias internationaux ayant révélé où dénoncer le scandale.
L’Express, 25/10/2021