Maroc, Algérie, Nigeria, gazoduc transaharien – Algérie-Nigeria: les acteurs du grand jeu
Le gazoduc reliant l’afrique à l’Europe va profondément bouleverser les rapports géopolitiques – Les dizaines de milliards de m3 de gaz qui traverseront le pays, lui fourniront un immense avantage stratégique sur ses voisins immédiats.
L’ambassadeur du Nigeria à Alger, Mohammed Mabdul, a fait d’intéressantes révélations sur le projet de gazoduc Trans-saharan Gas-Pipline (Tsgp), qui relie son pays à l’Algérie. Le diplomate qui s’exprimait sur les colonnes du quotidien nigérian Punch a affirmé que Abuja a déjà entamé la construction du tronçon traversant le Nigeria dudit gazoduc. Il a souligné que le chantier «avance très vite et dès qu’il atteindra Kano (région frontalière avec le Niger) il sera connecté à la frontière nigérienne et de là passera vers l’Algérie».
Mohammed Mabdul n’a fourni aucun détail sur les délais de réalisation du projet dans sa phase nigériane, mais il est néanmoins certain, selon les propos du diplomate, que c’est bien l’option du Tsgp qui est retenu par son pays pour faire transporter le gaz vers l’Europe. L’ambassadeur ne s’y trompe pas et annonce que le gazoduc «est un projet très important qui générerait beaucoup d’argent à la fois pour le Nigeria et les autres pays qui y participent». Cet immense chantier structurel sur lequel s’adosse la route de l’unité africaine et la dorsale de la fibre optique, négocié en 2001 et dont la faisabilité a été établie en 2006, est revenu au-devant de la scène africaine en 2021 à travers une ferme volonté exprimée par Alger d’en faire une réalité.
Le Maroc qui a tenté en 2019 de détourner le projet à son bénéfice a lamentablement échoué dans son entreprise. Les déclarations de l’ambassadeur nigérian démontrent, si besoin, le maintien du tracé initial et, plus encore, le Nigeria a déjà entamé les travaux sur son territoire. Son empressement de voir ce projet aboutir est d’ailleurs compréhensible sachant que ce pays ambitionne de fournir pas moins de 30 milliards de m3 de gaz par an à l’Europe.
Le bénéficie qu’en tirera l’Algérie est substantiel, sachant que le Nigeria compte utiliser les capacités dont dispose l’Algérie en matière de transport et de liquéfaction du gaz. Les installations algériennes en la matière et les méthaniers de Sonatrach auront un plan de charge conséquent. «Grâce à son infrastructure gazière et son réseau de gazoduc, l’Algérie est en mesure de connecter le champ gazier de Hassi R’mel à celui du Nigeria en passant par le Niger», a-t-il soutenu. Cela, en sus de la liquéfaction d’une partie et son transport maritime vers des destinations lointaines. C’est un marché gagnant-gagnant au plan bilatéral, mais dont l’impact à l’échelle africain est très important, au sens que ce mégaprojet intégrateur aura pour finalité d’amarrer l’Afrique à l’Europe et l’inscrire dans une dynamique d’une croissance économique générée par deux grands pays africains, qui seront la locomotive du continent.
Fort de cet apport en ce produit énergétique essentiel et très demandé en Europe, l’Algérie qui a déjà terminé son tronçon de la route transsaharienne et s’engage dans la réalisation d’un port en eau profonde dans la wilaya de Tipaza, disposera d’atouts majeurs susceptibles de la placer au centre de la dynamique africaine. Le continent noir concentre sur lui l’intérêt de la Chine, de la Russie, de l’Europe et des Etats-Unis. Les dizaines de milliards de m3 de gaz qui traverseront le pays, lui fourniront un immense avantage stratégique sur ses voisins immédiats et amèneront tout l’Occident à inscrire l’Algérie sur leurs cartes commerciales en Afrique.
L’accord parfait avec les deux autres géants africains, le Nigeria et l’Afrique du Sud, est de nature d’être considérablement consolidé avec la réalisation des infrastructures énergétiques terrestres et maritimes. Cela, en sus de la fibre optique qui révolutionnera les pratiques économiques du continent. Beaucoup de pays africains, membres de la zone de libre-échange et qui connaissent le poids de l’axe Alger-Abuja-Pretoria ont affiché leur soutien à une intégration continentale conduite par une Algérie, bénéficiant d’un emplacement géostratégique idéal, d’une souveraineté totale vis-à-vis du reste du monde et de capacités diplomatiques reconnues de tous.
L’ambassadeur, Mohammed Mabdul, a exprimé le voeu de son pays et de beaucoup d’Africains d’accorder à l’Algérie le rôle de chef de file d’une Afrique nouvelle qui entend tirer profit de l’intérêt qu’elle suscite auprès des puissants de ce monde. En liant les deux pays par le gazoduc transsaharien, le Nigeria sait parfaitement qu’il remet entre les mains de l’Algérie un puissant levier de négociation face aux Européens.
Dans le même temps, cette arme économique servira ses intérêts en lui ouvrant les portes de l’Europe. Abuja, par la voix de son ambassadeur à Alger, souhaite la concrétisation de lignes aériennes reliant Alger à Abuja et Lagos. L’objectif est de faciliter les déplacements des communautés d’affaires des deux pays. Un autre axe éminemment important et, il faut bien en convenir, est le talon d’Achille des milieux d’affaires africains.
Saïd BOUCETTA
L’Expression, 23/11/2021
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