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Le Polisario s’accroche au plan d’autodétermination de l’ONU après la dérive occidentale vers l’autonomie au Maroc
L’envoyé des Nations unies pour le Sahara se rend dans les camps de Tindouf pour tenter de relancer une solution politique. Pour la première fois, le médiateur ne voyage pas dans un avion offert par l’Espagne en raison du tour donné par son gouvernement
Juan Carlos Sanz
Staffan de Mistura, 75 ans, ancien médiateur de l’ONU en Afghanistan, en Irak, en Syrie et dans d’autres points chauds mondiaux, s’est rendu ce week-end en silence à Tindouf (Algérie) pour tenter de relancer une solution politique pour la décolonisation du Sahara occidental, territoire espagnol jusqu’en 1975. Le diplomate a entendu dans les camps de réfugiés sahraouis le mémorial des doléances des dirigeants du Front Polisario, qui s’accrochent au plan d’autodétermination par référendum qui ouvrirait la porte à l’indépendance, conçu il y a trois décennies par l’ONU, face à l’autonomie offerte par le Maroc, qui administre en fait la majeure partie de l’ancienne colonie.
Ancré dans cette thèse du fait de la dérive en sa faveur des Etats-Unis et de plusieurs pays occidentaux, dont l’Espagne, le gouvernement de Rabat joue avec le temps en sa faveur tandis que les émissaires onusiens se succèdent au pouvoir. Del silencio oficial de De Mistura, nombrado hace apenas 10 meses, solo ha emergido la voluntad de continuidad y de “seguir guiándose por los precedentes sentados por sus predecesores (…) en el proceso político sobre el Sáhara”, según aclaró un portavoz officiel.
Lors de sa deuxième visite dans le désert de pierre de l’extrême ouest algérien, la première après le tournant donné en mars par le gouvernement espagnol à la proposition d’autonomie marocaine, la jugeant « la plus sérieuse, la plus réaliste et la plus crédible », le médiateur a reçu un message sans équivoque du Polisario : il ne considère plus l’Espagne comme un acteur « positif » dans la solution du conflit après s’être « allié » à la position marocaine. « C’est devenu un acteur qui a créé plus de problèmes dans le processus de décolonisation », a averti Sidi Omar, représentant sahraoui à l’ONU, dans des déclarations recueillies par l’agence Efe.
Le Front Polisario a suspendu les contacts avec le gouvernement espagnol après le changement de position sur le Sahara, et Alger, qui accueille des exilés sahraouis sur son territoire, a retiré son ambassadeur de Madrid et paralysé les relations politiques et économiques avec Madrid. Dans ce climat de rupture formelle, De Mistura s’est rendu à Tindouf sur un vol régulier de la compagnie Air Algérie, au lieu d’utiliser un avion de l’armée de l’air espagnole, habituellement proposé par l’ancienne puissance coloniale pendant trois décennies pour les déplacements dans la région des envoyés du secrétaire général de l’ONU pour le Sahara occidental.
L’émissaire de l’ONU a commencé sa visite samedi par un premier contact avec le négociateur en chef sahraoui, Jatri Aduh, et avec des représentants de la société civile. Ce dimanche, il a rencontré Ibrahim Ghali, le leader du Polisario et président de la République arabe sahraouie démocratique autoproclamée. Ce déplacement intervient deux mois après la visite du médiateur à Rabat, où il a rencontré le ministre des Affaires étrangères, Nasser Burita, sans que la teneur des entretiens ne soit révélée. De Mistura prévoyait également de s’envoler pour El Aaiun, capitale de l’ancienne colonie espagnole, à ces dates, mais il a brusquement annulé son voyage sans explication.
La visite à Tindouf s’inscrit dans le cadre d’une tournée au cours de laquelle le médiateur prévoit de se rendre lundi à Alger avant de se rendre samedi à Nouakchott, les capitales de l’Algérie et de la Mauritanie voisines, pour boucler les mêmes étapes qu’il a parcourues lors de sa première tournée régionale, en Janvier. De Mistura tente maintenant de rassembler les positions des différents partis afin de pouvoir réactiver un processus de solution politique longtemps bloqué. Le Front Polisario a dénoncé en 2020 l’accord de cessez-le-feu avec le Maroc qui a mis fin à trois décennies d’hostilités médiatisées par les Nations Unies en 1991. Le Maroc s’est également réarmé, entre autres, grâce au récent accord de coopération militaire signé avec Israël, pays avec lequel il a renoué des relations (gelées depuis deux décennies en raison de la question palestinienne), sans encore les aboutir à un échange formel de ambassadeurs.
La reconnaissance il y a aussi deux ans de la souveraineté marocaine sur le Sahara par les États-Unis en échange de la normalisation des liens entre Rabat et l’État hébreu, alors que s’achevait le mandat du président républicain Donald Trump, a été le déclencheur d’un renversement en chaîne de positions diplomatiques favorables au plan d’autonomie marocain suivies, entre autres, par l’Allemagne, l’Espagne ou les Pays-Bas.
De Mistura espère pouvoir présenter le mois prochain au Conseil de sécurité de l’ONU le bilan de sa première année de mission à la tête d’un poste ardu pour lequel des personnalités comme l’ancien secrétaire d’État américain, James Baker, ont jeté l’éponge en 2004 après sept ans de médiation, ou le haut diplomate américain Christopher Ross, qui a également démissionné en 2017 après huit ans de chocs dans sa mission.
Le secret et le silence avec lesquels l’envoyé des Nations Unies pour le Sahara se déplace maintenant dans ses voyages à travers le Maghreb contraste avec la projection publique et la stratégie de communication ouverte de son étape précédente dans l’organisation internationale. De 2014 à 2019, il a piloté des pourparlers de paix entre le régime de Damas et des groupes rebelles et partis d’opposition au siège de l’ONU à Genève, au plus fort de la guerre civile en Syrie. L’avancée irrésistible des forces gouvernementales avec le soutien de la Russie et de l’Iran a cependant fini par reléguer leur mission à la simple gestion du statu quo.
El País, 09/05/2022
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