Tags : Sahara Occidental, Maroc, MINURSO, ONU, Conseil de sécurité,
Objet : Observations sur le projet de rapport du SG de l’ONU au Conseil de Sécurité sur la Sahara.
J’ai l’honneur de vous faire parvenir, ci-après, les observations de cette Mission sur le projet de rapport du SG de l’ONU au Conseil de Sécurité sur le Sahara marocain :
* Le rapport de cette année est plus négatif que ceux des années précédentes, à l’exception de celui de 2012, qui était très critique à l’égard du Maroc.
* Le rapport semble plus équilibré dans l’exposé des positions des parties, notamment celle du Maroc, mieux reflétée que par le passé.
* Le rapport pèche par sa focalisation avec moult détails sur la situation des droits de l’Homme au Sahara. La raison pourrait être double :
– L’avènement d’un nouveau chef de la Minurso en remplacement de l’égyptien Hany Abdelaziz, qui était plus compréhensif des préoccupations du Maroc.
– Le mandat accordé par la résolution 2044 du Conseil de Sécurité à la Minurso qui dispose depuis l’année dernière de « sa liberté d’interaction avec tous ses interlocuteurs ».
* L’absence de toute recommandation expresse de la Haut Commissaire aux Droits de l’Homme ou du SG pour l’élargissement du mandat de la Minurso aux droits de l’Homme.
Ci-après un relevé des aspects positifs et négatifs de ce rapport, ainsi que les éventuels périls politiques en perspective :
A. Aspects positifs :
– Procès de Gdeim Izik: le rapport souligne le suivi par des observateurs nationaux et internationaux du procès de Gdeim Izik, qui ont « reconnu positivement » son déroulement et son résultat, ainsi que le rôle joué par le CNDH dans le cadre de ce procès et ses conclusions (para 81). Le rapport se dit encouragé par l’endossement par Sa Majesté le Roi Mohammed VI de la recommandation du CNDH concernant la non-poursuite de civils devant des Tribunaux militaires (paras 83 et 116).
– CNDH : le rapport reconnait le CNDH comme une Institution crédible et prend en considération ses observations, ses conclusions, ses rapports, ses activités et son interaction avec la Minurso (paras 81, 83 et 94). La création du CNDH et de ses bureaux régionaux est considérée comme un « développement positif » (para 83). Son travail au Sahara est qualifié de « pas positif » qui lui a permis de gagner plus de proximité avec les victimes des violations des droits de l’Homme (para 94).
– Visites au Sahara : le rapport relève que les Organisations internationales, notamment les ONG « Robert Kennedy » et « US leadership Council for Human Rights », ont pu visiter le Sahara, sans pour autant prendre position sur le contenu de leurs conclusions ou rapports (paras 10 et 87). Il précise également que les experts onusiens ont visité le Sahara et que les autorités marocaines ont facilité l’accès des procédures spéciales au Sahara lorsque ces dernières en font la demande (paras 87 et 89).
– Situation des droits de l’Homme à Tindouf : le rapport reconnait que les informations sur la situation des droits de l’Homme dans les camps de Tindouf demeurent limitées et que des allégations de violations des droits de l’Homme ont été rapportées durant les dernières années, notamment les droits à la liberté d’expression et liberté de mouvement (para 96). Il indique également que le communiqué de presse de la mission de la Commission africaine des droits de l’Homme n’a pas fourni d’information sur les allégations de violations des droits de l’Homme dans ces camps (para 97).
– Efforts du Maroc au Sahara : le rapport reconnait les efforts du Maroc pour le développement et l’amélioration des conditions sociales au Sahara, notamment la note de cadrage du Conseil économique et social (para 95 et b117). Il relève également le caractère critique de cette note. Ce qui crédibilise davantage le travail de ce Conseil (para 15).
– Rencontres avec les acteurs pro-autonomie : la référence aux rencontres de M. Ross avec les acteurs pro-autonomie, que ce soit au niveau des officiels locaux ou membres de la société civile est un point extrêmement positif. Ce qui démontre qu’ils commencent à s’imposer comme des interlocuteurs légitimes de M. Ross ,sapant ainsi la pseudo-représentativité des séparatistes .
– Lien avec la situation au Sahel : l’ONU a reconnu finalement l’impact de la situation au Sahel sur le règlement du différend du Sahara, particulièrement la crainte croissante pour la situation fragile des jeunes dans les camps de Tindouf et au Sahara (para 25). Il souligne les préoccupations croissantes sur la sécurité depuis que des éléments d’Al-Qaida ont investi le Nord du Mali (para 59). A cet égard, il rappelle le kidnapping des trois humanitaires en 2011 et souligne le retrait par le Gouvernement espagnol de 17 travailleurs humanitaires pour des raisons de sécurité paras 61 et 62). Concluant, par contraste, qu’il « n’y a pas de risques visibles ou palpables sur la sécurité du personnel onusien » au Sahara (para 64).
– Impact du différend sur le Maghreb : Le rapport reconnait explicitement que le différend du Sahara est la raison de l’absence d’unité au Maghreb et constitue une entrave à l’intégration maghrébine (para 110).
– La responsabilité de l’Algérie : le rapport reconnaît l’impact de la dimension bilatéral algéro-marocaine sur le différend, en soulignant l’encouragement par M. Ross au Maroc et à Algérie d’améliorer leurs relations et d’ouvrir les frontières (paras 32 ‘a’ et 112). Le rapport fait également référence à la déclaration du Président Bouteflika que « toute solution qui n’aboutit pas à un référendum multi-optionnel n’est pas une solution », reconnaissant, ainsi, que la solution du différend est dans les mains de l’Algérie et non pas du Polisario (para 23). Enfin, le rapport reconnaît la responsabilité de l’Algérie pour la situation des droits de l’Homme dans les camps de Tindouf lorsqu’il souligne que les Rapporteurs spéciaux travaillent avec un seul gouvernement à la fois, raison pour laquelle les précédentes visites au Sahara « n’ont pas inclus les camps de Tindouf en Algérie (para 89).
– Monitoring des droits de l’Homme au Sahara : le rapport ne recommande pas explicitement l’élargissement du mandat de la Minurso aux droits de l’Homme. Bien plus, il adopte une approche équilibrée lorsqu’il aborde la question de l’interprétation du mandat de la Minurso et celle du mécanisme de monitoring des droits de l’Homme au Sahara en citant les positions des deux parties (paras 104 et 115). En outre, la référence à la recommandation faite au Maroc durant son UPR sur cette question est accompagné de l’explication marocaine de son rejet, qu’elle ne relève pas du mandat du Conseil des Droits de l’Homme (para 93).
– L’enregistrement des populations des camps de Tindouf : le rapport souligne que « dans l’attente de l’enregistrement, le PAM continue de fournir 90 000 rations alimentaires et 35 00 rations additionnelles pour les personnes vulnérables » (para 67). Il réitère sa recommandation concernant « le maintien de l’examen de la question de l’enregistrement » et souligne également que « le HCR continue le dialogue avec l’Algérie conformément à la résolution 2044 du Conseil de Sécurité ». La référence explicite à l’Algérie dans ce contexte est une nouveauté. Le précédent rapport se contentait d’une simple référence au «pays hôte » (para 72).
B. Aspects négatifs
* Gdeim Izik : le rapport relève des allégations de torture et de mauvais traitement dont auraient été victimes les accusés des événements de Gdeim Izik, que ce soit les 25 condamnés que la centaine poursuivie en liberté provisoire, en soulignant qu’aucune enquête n’a été ouverte à cet égard (para 81, 82 et 84).
* Manifestations au Sahara : le rapport consacre plusieurs paragraphes aux manifestations au Sahara, notamment leur nature (exploitation des ressources naturelles, problèmes sociaux, autodétermination) et leur dispersion par les autorités marocaines en « utilisant la force excessive » (paras 2, 3, 4, 5, 88 et 90).
* Le procès des sept « activistes sahraouis » : le rapport souligne qu’aucun développement significatif n’a eu lieu au sujet de ces personnes (para 85).
* Les ONG au Sahara : le rapport souligne les « difficultés d’opérer » rencontrées par des ONG au Sahara, notamment le « refus de toute reconnaissance légale » (para 86).
* Visite du Rapporteur spécial sur la torture : les paragraphes sur la visite de M. Mendez au Maroc sont très sélectifs. Ils se contentent de relever les aspects négatifs de son rapport de visite, notamment les allégations d’utilisation de la force excessive durant les manifestations, les kidnappings et l’abandon dans le désert, ainsi que la torture et les mauvais traitements (paras 90 et 91).
* L’accès au Sahara : le rapport indique que les autorités marocaines ont refusé l’accès au Sahara à des visiteurs internationaux, notamment la délégation de membres du Parlement européen (para 13). Il souligne également « l’impossibilité pour les membres de la Commission de l’UA de visiter le Sahara » et l’absence de réponse du Maroc à leur demande (paras 12 et 97). Le rapport indique également que certaines contraintes ont été rapportées sur le monitoring par les autorités locales des visites d’Organisations internationales et experts indépendants (para 87).
* La référence explicite à la dénommé Aminatou Haidar lui confère plus de visibilité et de stature. Alors que Ould Salma, opposant de l’autre coté, à été totalement ignoré.
C. Périls politiques en perspective
Le rapport du SG recèle un certain nombre d’éléments nouveaux potentiellement problématiques pour notre pays à court terme. La doctrine et le parti pris de Ross y apparaissent avec flagrance. D’autant qu’ il s’y est approprié l’intégralité du dossier du Sahara, les négociations politiques, les CBM et les Droits de l’homme avec l’appui de la machinerie de la Minurso :
* La feuille de route établie par M. Ross pour le processus de négociations (para 31) et la notion de compromis (para 111) suscitent des interrogations car elles supposeraient l’abandon de l’initiative marocaine et le partage de la gouvernance du Sahara avec les séparatistes et partant l’arrivée du Polisario à Laayoune.
* L’élargissement des CBM (para 32 ‘b’) est une captation du success-story du HCR, alors que le dialogue « people-to-people » (para 113) est une approche à double tranchant. Le Maroc devrait examiner tous les aspects les entourant avec autant de précaution que de souplesse.
* L’intégration du règlement du différent dans le cadre d’une large stratégie pour le Sahel (para 114) est synonyme d’une internationalisation du conflit, dont l’objectif est d’exercer des pressions sur le Maroc pour accepter une solution. Cet objectif se confirme par l’intention de M. Ross de collaborer avec l’Union Africaine (para 114). Ce qui donnera à cette dernière un rôle dans la définition de la solution du différend et à M. Ross un appui politique continental qu’il ne manquera pas d’exploiter contre le Maroc.
* L’indication par le Polisario de sa disposition à coopérer avec les Organes onusiens des droits de l’Homme (para 96) et le fait que le SG de l’ONU en prenne note positivement (para 116) dédouane l’Algérie de sa responsabilité sur les camps. Bien plus, il confère au Polisario, acteur non étatique, des obligations internationales réservées aux seuls états membres de ONU.
* La consécration du rôle de la Minurso pour le « monitoring des développements » au Sahara (para 122) .Bien plus, la nouvelle définition de son mandat y incluant « la fourniture d’informations indépendantes sur les conditions sur le terrain » (para 123), est synonyme de son élargissement de facto aux droits de l’Homme. Ce qui serait de nature à réduire les pressions des autres parties sur le Maroc pour son élargissement ou la création d’un mécanisme de monitoring onusien.
L’Ambassadeur, Représentant Permanent à Genève
Omar Hilale
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