F’autre personnalité « socialiste » liée à la Ville Ocre est l’ancienne garde des Sceaux, Élisabeth Guigou, présidente de la commission des Affaires étrangères à l’Assemblée nationale de 2012 à 2017. Née en 1946 à Marrakech dans une famille de pieds-noirs du Maroc, Guigou y a grandi jusqu’à l’âge de 18 ans et n’a quitté le royaume, avec sa famille, que pour poursuivre ses études à l’université de Montpellier, dans le sud de la France. Son père, Georges Vallier, horticulteur et propriétaire d’une usine agroalimentaire près de Marrakech, faisait partie de ces colons français qui se sont installés au Maroc au lendemain de la signature du protectorat (1912) pour profiter des meilleurs terrains du « Maroc utile », selon la formule consacrée de Lyautey. De cette période, Élisabeth Guigou garde un souvenir chargé de nostalgie : « Je suis née le 6 août 1946 à Marrakech, à midi, par 50 degrés à l’ombre. D’où sans doute mon goût pour la chaleur. J’ai vécu à Marrakech jusqu’à mon bac. J’ai gardé de ces seize années un amour profond de cette ville, à l’époque très calme, sans pollution, sans jet-set, sans fortunes ostentatoires mais déjà d’une beauté unique. Tous les matins en pédalant sur mon vélo pour aller au lycée, j’avais la chance de voir l’Atlas, enneigé l’hiver, derrière la Koutoubia. Après Marrakech, j’ai commencé une vie étudiante à Rabat et son université où j’ai passé deux ans. Ces dix-huit premières années de ma vie au Maroc font que je me sens marocaine presque autant que française—. » Aujourd’hui, Guigou est une avocate zélée du palais où elle compte un vieil ami : André Azoulay. C’est grâce à lui qu’elle a été « élue », en janvier 2016, à la tête de la Fondation Anna Lindh (FAL) « pour le dialogue entre les cultures », dont il était le président depuis sa création en 2008 par l’Union européenne. « Quand je suis arrivée, dit-elle, j’ai noté que la FAL avait développé des actions formidables – que je connaissais via André Azoulay, qui a fait un travail extraordinaire comme président—. » À l’Assemblée nationale, Mme Guigou avait fait preuve d’une grande détermination pour défendre le « protocole additionnel » à la convention d’entraide judiciaire entre les deux pays—, dont elle fut la rapporteure. Dans sa présentation devant les députés français, en mai 2015, elle défend le projet en se référant à une version bien romancée de l’histoire des deux pays : « Nul besoin de remonter très loin dans l’histoire pour se souvenir que, durant la Seconde Guerre mondiale, le Maroc est venu en aide à la France. Au lendemain de la débâcle, le futur roi Mohammed V déclarait : “Nous sommes les amis de la France. Il n’est dans la nature ni du musulman ni du Marocain de trahir les engagements de l’amitié. Que le Gouvernement français se rassure en ce qui concerne le Maroc.” De fait, les sacrifices marocains n’ont pas manqué jusqu’à la libération totale de notre territoire. » La déclaration de Mohammed V (le grand-père de l’actuel roi) à laquelle l’ancienne députée fait allusion ne date pas de la débâcle de juin 1940. Elle a été en effet prononcée par le sultan en novembre 1942, quelques jours seulement après le débarquement américain au Maroc qui a mis fin – partiellement – à l’emprise de Vichy sur l’Afrique du Nord. Avant cette date, le jeune sultan s’était fort bien accommodé des réglementations antisémites mises en place, dès le début, par le régime de Pétain au Maroc. Quoi qu’il en fût, le « protocole additionnel » est adopté le 23 juin 2015.