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Le 8 septembre, un séisme de magnitude 6,8 a frappé l’ouest du Maroc, causant plus de 2900 morts, 5500 blessés, et la destruction de nombreux villages. Dans quelle situation économique et sociale s’inscrit ce tremblement de terre au Maroc ? Alors que de nombreux pays ont proposé leur aide humanitaire, à l’instar de la France ou de l’Algérie, que traduit la politique extérieure du Maroc les choix des pays acceptés ? Le point avec Brahim Oumansour, chercheur associé à l’IRIS, directeur de l’Observatoire du Maghreb.
Dans quelle situation économique et sociale s’inscrit ce dramatique tremblement de terre au Maroc ? Comment a été accueillie la réaction jugée tardive de Mohammed VI et la réponse des autorités marocaines par la population ?
Le séisme qui a touché le Maroc vendredi dernier est le plus puissant et le plus meurtrier du pays depuis celui qui a secoué Agadir en 1960. Il arrive dans un contexte économique et social déjà compliqué. Le Maroc a connu un essor économique avec le développement et la diversification de la production locale. Mais le pays est marqué par une forte hausse des inégalités sociales avec l’augmentation de la pauvreté malgré les efforts des autorités en termes de politiques de lutte contre la précarité. Ce séisme révèle en partie ces disparités, touchant principalement les populations pauvres et vulnérables qui vivent dans des habitations anciennes. De plus, le royaume chérifien est frappé ces dernières années par une récession provoquée par la conjonction de plusieurs facteurs nationaux et internationaux : la sécheresse a durement impacté le secteur agricole et causé des pertes considérables de la production céréalière ; la guerre en Ukraine et ses conséquences sur la sécurité alimentaire ont induit une inflation des produits alimentaires qui a atteint 8,5 % début 2023, avec des effets considérables sur les ménages les plus démunis. Par conséquent, la plupart des familles victimes du tremblement auront des difficultés à se relever et reconstruire leurs foyers perdus sans l’aide des autorités marocaines ou celle des ONG.
Que nous dit de la politique extérieure du Maroc les choix des pays acceptés pour apporter leur aide humanitaire ? Que traduit l’absence de la France dans ces choix ?
Dès l’annonce du tragique séisme, le président Emmanuel Macron a proposé l’aide de la France, à laquelle Rabat n’a toujours pas donné suite. Pour le moment, quatre pays seulement ont reçu l’invitation pour intervenir : l’Espagne, le Royaume-Uni, le Qatar et les Émirats arabes unis. Il est vrai que recevoir l’aide internationale nécessite de la préparation et de l’organisation. La sélection de pays s’impose également. Toutefois, exclure la France, qui détient de l’expérience et les moyens d’interventions dans ce genre de catastrophes, suscite des interrogations légitimes compte tenu de la conjoncture. Cela rappelle le malaise dans le rapport qu’entretient Paris avec Rabat. En effet, plusieurs brouilles ont dégradé les relations entre les deux États ces quatre dernières années : la baisse des visas utilisée par Paris comme moyen de rétorsion par les autorités françaises, l’affaire d’espionnage Pegasus, le dossier du Sahara occidental et le rapprochement avec Alger… Depuis la reconnaissance des États-Unis, sous Donald Trump, de la marocanité du Sahara occidental en contrepartie de la normalisation avec Israël fin 2020, Rabat a durci sa diplomatie sur le dossier et exige de ces partenaires, principalement la France, de clarifier sa position vis-à-vis du dossier. Ce malaise est visible dans l’annulation de la visite du président Emmanuel Macron à Rabat, prévue pour le premier semestre 2023, et l’absence d’un successeur à l’ambassadeur du Maroc à Paris, parti il y a quelques mois à la suite de sa nomination ailleurs. Il y a donc bien un message politique que le royaume chérifien souhaite faire passer à Paris, mais il ne faut pas non plus considérer le silence de Rabat comme un rejet. Il n’est pas exclu que la France soit invitée dans les prochains jours pour participer à la prise en charge des blessés par exemple. Rappelons aussi que des ONG françaises sont déjà sur place.
L’Algérie a elle-même proposé un plan d’aide au Maroc. Ce geste symbolique pourrait-il permettre d’entamer une désescalade des tensions entre les deux pays ?
Alger a rompu les relations diplomatiques et fermé son espace aérien depuis l’été 2021. Les frontières terrestres sont fermées depuis 1994. Face à la catastrophe provoquée par le séisme, Alger a rouvert son espace aérien pour permettre le passage de l’aide humanitaire. Elle a également proposé son aide au Maroc en mobilisant trois avions militaires prêts à transporter de l’aide humanitaire et des équipes de secouristes. Toutefois, le royaume a décliné l’offre de l’aide de l’Algérie. Une réponse attendue, car les relations entre les deux pays sont très tendues en ce moment. Bien que la proposition d’Alger soit honorable, il est difficile de croire qu’un tel geste, bien que très symbolique et louable, suffise pour la désescalade des tensions entre les deux voisins. Le regain des tensions entre le Maroc et le Front Polisario, qui bénéficie du soutien de l’Algérie, ainsi que la normalisation avec l’État hébreu ont gravement envenimé les rapports entre Alger et Rabat. En revanche, si Alger décidait de maintenir son espace aérien ouvert, on pourrait à ce moment-là espérer que cela soit une étape vers la reprise de dialogue et un apaisement. Ce n’est pas la première fois que les relations diplomatiques entre les deux pays sont rompues. Les dirigeants des deux États ont pu, par le passé, s’assoir à la table de négociations, même après des affrontements armés directs, comme en 1963 et 1976.
IRIS, 14/09/2023
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