Sahara occidental, symbole des paradoxes occidentaux

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par Gabrielle Lefèvre

Mis à part aux assemblées générales des Nations Unies, les pays du Sud sont peu entendus chez nous, pays occidentaux, ex colonisateurs, enfermés dans notre modèle économico-guerrier : néolibéralisme et OTAN. Il était donc très intéressant d’écouter les voix sahraouies et algériennes notamment, lors de la 47ème conférence des comités de soutien au peuple sahraoui, à Tolède.

Voici comment ces voix du Sud décryptent les incohérences et paradoxes de nos gouvernants.

Autodétermination bloquée et Nations Unies impuissantes (1)

Pourquoi, alors que les résolutions des Nations Unies sont très claires et le droit international limpide à ce sujet, ne peut-on assister à l’indépendance du peuple sahraoui, mené depuis 1973 par le Front Polisario, reconnu comme son représentant légitime, et qui a créé en 1976 la République arabe sahraouie démocratique (RASD) ? Parce que le droit à l’autodétermination, principe essentiel de la décolonisation et de la souveraineté des peuples, lui est reconnu mais pas mis en application à cause des blocages répétés des puissances coloniales que sont l’Espagne et le Maroc. Et le Conseil de sécurité des Nations Unies où siège la France soutient sans cesse le Maroc, au mépris des votes majoritaires de l’Assemblée générale en faveur des Sahraouis. L’A.G. des NU et son secrétaire général sont ainsi réduits à l’impuissance.

Notons le parallèle avec le blocage systématique des Etats-Unis, de l’Europe et d’Israël aux résolutions des Nations Unies concernant le peuple palestinien.

Le non respect du droit international

C’est une véritable guerre qui se déroule dans les territoires occupés par le Maroc au Sahara occidental. Il y a des morts, des blessés, des mines en grande quantité tout au long du mur de séparation érigé par les Marocains, des attentats contre des populations civiles, des exactions contre les Sahraouis bloqués en territoire occupé, y compris des violences sexuelles à l’encontre de femmes sahraouies.

Il y a des prisonniers de guerre, des prisonniers politiques dans les geôles marocaines où ils sont soumis à des mauvais traitements et ne sont pas protégés par le système judiciaire.

Il y a des milliers de réfugiés dans des camps en plein désert dans la zone de Tindouf en territoire algérien où ils sont accueillis, aidés, soignés, l’Algérie compensant ainsi l’insuffisance de l’aide humanitaire (60 % des besoins) distribuée par les organismes des Nations Unies.

On a bien vu que les pays occidentaux se sont immédiatement mobilisés pour accueillir les réfugiés ukrainiens et aider militairement le gouvernement ukrainien face à l’envahisseur russe. Or, depuis 1975 et la « marche verte » colonisatrice lancée par le Maroc s’accaparant les riches territoires du Sahara occidental, nos pays n’ont pas bougé, n’ont rien changé de leurs relations avec le Maroc.

A la RTBF, l’émission Investigation a démontré de manière irréfutable comment le Maroc a mené son autre guerre, celle de la propagande. Il a persuadé son propre peuple que le Sahara est bien marocain. Il a séduit de nombreux représentants politiques, belges et européens, par d’intenses actions de lobbying, généreusement financées, ainsi que l’a révélé le « Quatargate » et le « Marocgate ». (2)

Qui va faire respecter le droit international ? Où est la justice ? Demandent nos représentants sahraouis. En tout cas, de nombreuses plaintes ont été déposées au Comité contre la Torture de l’ONU. (3)

Même parallélisme avec le triste sort infligé aux Palestiniens, eux-aussi enfermés derrière des murs et persécutés par un Etat qui a instauré un régime d’apartheid impitoyable. Et qui à présent perpètre des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, en toute impunité.

L’Union Africaine, apathique

Le Sahara occidental, c’est en Afrique. Les pays de ce continent se sont dotés d’une « Union africaine » comme nos pays ont instauré une « Union européenne ». La RASD se trouve parmi les membres fondateurs de cette Union qui, pourtant, prévoit que si un Etat membre est agressé par un autre membre, il faut réagir contre l’agresseur. Rien de concret ne se fait même si le Maroc est parfois dénoncé. En effet, d’importants accords économiques s’établissent entre cette puissance occupante et d’autres pays africains. De plus, selon certains journaux, les USA songeraient à implanter une base militaire industrielle dans le désert marocain, afin de contrer l’influence grandissante de la Russie dans divers pays africains, à commencer par l’Algérie. Information démentie par l’administration Biden. Il reste que la danse des empires concurrents a débordé sur le sol africain. (4)

L’Union Européenne favorise le Maroc

Le Maroc est un partenaire économique privilégié par l’Union Européenne (au même titre qu’Israël d’ailleurs). Les entreprises européennes sont très intéressées par l’exploitation des ressources naturelles importantes du Sahara occidental. L’UE ferme les yeux sur le caractère illégal de cette exploitation qui fait la richesse du Maroc et notamment de son roi. Or, la Cour de Justice de l’Union Européenne s’est prononcée clairement sur le caractère illégal des accords de pêche et d’association entre l’Union européenne et le Maroc, parce qu’ils n’ont pas reçu le consentement du peuple sahraoui.

Au lieu d’obéir aux arrêts de sa propre Cour de justice, la Commission européenne, le Conseil européen et un groupe d’Etats membres ont introduit un recours. Sans doute pour gagner du temps et profiter encore un peu du pillage des ressources naturelles du S.O. Pour mars 2024, on attend les conclusions de l’avocat général après les audiences tenues à la Grande Chambre de la Cour de Justice. Et ensuite les arrêts définitifs. Il semble peu probable que les juges se déjugent tant leurs argumentations dans les premiers arrêts sont solides. Les entreprises qui tirent profit de l’exploitation illégale des ressources du S.O. pourraient donc être poursuivies en justice.

Tout cela aurait pu être évité si le droit international avait été respecté.

« Nous tendons la main vers la paix »

Puisque le Nations Unies sont impuissantes au point que le Maroc est parvenu à interdire pendant 8 ans l’accès aux territoires occupés à l’envoyé spécial des Nations Unies Staffan de Mistura ; puisque l’Europe ne défend plus ses valeurs ; puisque le 13 novembre 2020 le Maroc a brisé le cessez-le-feu signé en 1991, alors « nous avons repris les armes, après 30 ans d’attente », explique Omar Mansur, représentant du Front Polisario auprès de l’Union et des institutions européennes. « C’était une opportunité pour que la communauté internationale fasse son devoir. Nous tendons la main vers la paix. Mais la dernière résolution du Conseil de sécurité n’apporte rien de neuf, et il n’y a toujours pas l’ajout des droits humains dans le mandat de la Minurso (NDLR : la mission des Nations Unies chargée d’organiser le référendum d’autodétermination et de protéger les Sahraouis en territoire occupé). » « Les pays du Sud global regorgent de richesses et pourtant ils croulent sous le poids de la dette. Ces pays se lèvent contre le néocolonialisme. Le Front Polisario est solidaire de ces luttes et particulièrement de celle des Palestiniens. La souffrance de ce peuple est un message clair à l’humanité : le droit de la force prime sur la raison. Pour les Sahraouis, c’est un clair exemple de ce qui nous arrivera si on tombe dans un piège tel que les accords d’Oslo pour la Palestine, à savoir l’acceptation de l’autonomie imposée par le Maroc. On voit les conséquences avec les pays qui ne respectent pas les droits : voyez Gaza ! »

Source, le 08 décembre 2023

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