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Le Maroc a annoncé qu’il reprendrait ses propres ressortissants qui auraient migré de manière irrégulière en Europe et qui ont fait l’objet d’un ordre d’expulsion.
Le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, a déclaré que son pays était « prêt à rapatrier tout migrant irrégulier certifié marocain et parti du territoire marocain », a rapporté l’agence de presse française AFP.
Cette annonce intervient après que des députés français ont appelé à une politique plus stricte à l’égard des migrants marocains , suite à l’arrestation d’un sans-papiers marocain en septembre, soupçonné de meurtre.
Bien qu’il ait déjà fait l’objet d’un ordre d’expulsion en lien avec une précédente condamnation pour viol, l’homme n’a pas été expulsé. Les autorités marocaines ont été accusées de ne pas avoir délivré le « laissez-passer » approprié (une sorte de passeport d’urgence permettant de renvoyer quelqu’un dans son pays et de contourner les contrôles aux frontières habituels).
Les autorités marocaines ont ensuite déclaré que la demande n’avait pas été correctement formulée.
« Le Maroc est prêt, mais l’autre partie est-elle également prête ? »
Passant sous silence ces accusations, Bourita a affirmé que le Maroc était prêt, et s’est demandé si « l’autre partie est [aussi] prête » à procéder à des retours. Le ministre a ajouté qu’il ne pensait pas que son pays avait besoin « de recevoir des leçons » en matière de gestion des flux migratoires.
Le suspect marocain en question a été arrêté en Suisse le 25 septembre, quatre jours après la découverte du corps d’une étudiante de 19 ans dans un bois de l’ouest parisien. La précédente condamnation du suspect pour viol remonte à 2019.
Après une pause pour former un gouvernement suite aux élections du début de l’été, la France a désormais un ministre de l’Intérieur de droite, Bruno Retailleau, qui s’est engagé à mettre en œuvre des réglementations migratoires plus strictes afin de « protéger les Français » et de réprimer l’immigration.
Selon une étude réalisée en 2021 par la plateforme de journalisme indépendant marocaine ENASS (Le média des sans voix au Maroc), plus de 41 000 migrants ont quitté le Maroc pour des pays européens comme l’Espagne. Certains ont ensuite migré vers la France en raison de la langue commune et des liens et réseaux familiaux.
Seuls les ressortissants marocains sont acceptés pour les retours
Près de la moitié des personnes ayant quitté le Maroc en 2021 étaient des ressortissants marocains. L’autre moitié venait principalement de pays africains francophones comme l’Algérie, le Mali, la Guinée et la Côte d’Ivoire. Certains de ceux qui quittent le Maroc traversent directement la Méditerranée vers l’Espagne, ou tentent d’entrer dans les enclaves espagnoles du continent africain, Ceuta et Melilla, mais beaucoup d’autres traversent l’Atlantique vers les îles Canaries.
Lorsque le Pacte européen sur la migration et l’asile a finalement été adopté plus tôt cette année, l’Europe a intensifié ses discussions avec le Maroc sur le rapatriement des migrants qui avaient reçu un avis de quitter les pays européens.
Les autorités marocaines ont toujours maintenu leur refus d’accueillir des migrants en provenance de pays tiers, principalement d’Afrique subsaharienne, qui pourraient utiliser leur territoire comme point de départ vers l’Europe.
En mai, Medhi Alioua, professeur de sociologie à l’Université internationale de Rabat, avait déclaré au portail d’information français TRT Français que le Maroc refuserait de se voir imposer des règles européennes, et surtout pas lorsqu’il s’agirait « d’accepter le retour de non-Marocains, sous le seul prétexte qu’ils ont transité par le Maroc ».
« Une question de dignité »
M. Alioua a ajouté que, bien que le Maroc ait signé plusieurs accords directement avec l’Espagne et coopère sur la question de la gestion des migrations, il hésite à conclure un accord global avec l’ensemble de l’UE. « Ce serait déséquilibré », a-t-il ajouté.
Un autre commentateur marocain, l’avocat Mustapha Sehimi, a qualifié la signature par le Maroc d’accords de réadmission avec l’Europe de « question de dignité », a rapporté TRT Français .
Alioua a indiqué qu’avant même cette dernière annonce, le Maroc réadmettait déjà chaque année environ 20.000 de ses ressortissants en provenance de l’UE.
En échange de l’acceptation d’un accord de réadmission plus large, le Maroc espère obtenir des avantages politiques tels que la reconnaissance de sa souveraineté sur le Sahara occidental et des concessions sur la pêche et l’agriculture, a-t-il ajouté.
La coopération en matière migratoire entre l’UE et le Maroc a débuté en 2004 et s’est intensifiée en 2013 avec la signature d’un partenariat pour la mobilité.
Accords migratoires UE-Maroc
Entre 2014 et 2022, l’UE a accordé au Maroc un total de plus de 2,1 milliards d’euros de financements. Une grande partie de cette somme a été consacrée, selon l’UE, à un « soutien à la migration ».
L’ensemble des financements est difficile à quantifier, puisque le Maroc reçoit des financements européens sous diverses formes, notamment via le Fonds fiduciaire d’urgence de l’UE pour l’Afrique (EUTF), les fonds de développement du voisinage et les instruments de coopération internationale, ainsi que le Fonds Asile, Migration et Intégration.
Une partie de ces fonds devrait être consacrée directement au renforcement des contrôles et des patrouilles aux frontières, tandis que d’autres seront destinés à soutenir la migration de main-d’œuvre, la formation et le développement au Maroc.
Le EUTF est le principal outil de soutien au Maroc dans le domaine de la migration, selon l’UE.
Entre 2015 et 2021, 234 millions d’euros ont été engagés via ce fonds via des contrats bilatéraux et régionaux. Cet argent a contribué à lutter contre le trafic et la traite d’êtres humains, à assurer la « stabilisation communautaire » et à faciliter les retours volontaires. Le programme actuel du Fonds fiduciaire de l’UE devrait être opérationnel jusqu’en décembre 2025.
L’UE a déclaré que les fonds ont produit une série de résultats tangibles, notamment – en février 2023 – plus de 2 900 personnes qui ont été aidées à rentrer volontairement dans leur pays grâce à ces fonds, et un peu plus de 30 000 personnes qui ont reçu des informations sur leurs droits, notamment en matière de soins de santé, de protection de l’enfance et de protection des femmes.
Selon l’UE, plus de 22 000 personnes se sont vu offrir un « meilleur accès aux prestations sociales de base », tandis que 1 785 autres personnels ont également été formés à la gouvernance des migrations, à la prévention des conflits et aux droits de l’homme.
Source : Info Migrants, 09/10/2024
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