ENTRETIEN. Malgré l’adversité sanitaire et sécuritaire, l’ONG fondée par Valérie Passeport accompagne des femmes burkinabè dans des projets de développement.
Avec le lourd tribut payé ces dernières années et ces derniers mois par les humanitaires dans le Sahel, pris en étau entre enlèvements et assassinats par les terroristes islamistes, continuer à travailler dans des projets de développement au profit de communautés locales relève d’un courage et d’un sens de l’engagement qu’il faut saluer. Entre la menace sanitaire du Covid-19 et celle sécuritaire des terroristes, il faut avoir des objectifs clairs chevillés au corps pour prendre le risque de s’aventurer dans les zones rurales du Sahel souvent isolées. C’est le cas de l’ONG Tamounte, symbolique de ces associations humanitaires qui œuvrent en silence et sous les radars et qui obtiennent surtout des résultats. C’est à la suite d’un voyage d’accompagnement d’une association de développement dans le sud du Maroc avec des lycéens dont elle était la professeure de géographie que Valérie Passeport a fondé Tamounte (« Ensemble » en amazigh), séduite qu’elle a été de voir la volonté et l’engagement des jeunes Marocains de faire revivre leur village niché dans une oasis au milieu d’un désert de pierre rouge. Après le Maroc, où son association a eu le temps de concrétiser avec la coopérative Afarag Iminkasar une production régulière de spiruline qui a permis de générer des revenus et d’autonomiser toute une communauté, c’est au Burkina Faso que Tamounte s’est engagé. À travers son témoignage, on mesure tous les défis que les ONG impliquées dans des actions de développement au Sahel doivent relever, sur les plans humain, technique, logistique, financier, économique, sanitaire et sécuritaire. Entretien.
Le Point Afrique : Comment a démarré et s’est noué votre engagement au Burkina Faso au travers de votre ONG Tamounte ?
Valérie Passeport* : Tout a commencé par une rencontre sans parole avec une femme dont l’enfant était en train de mourir au centre de nutrition de Reo où je m’étais rendue lors de mon premier séjour. Elle avait sorti un minuscule bébé de cinq mois de ses châles. Celui-ci tenait dans ses mains. Je ne comprenais pas ce qui se passait. Elle m’a parlé en langue moré, mais j’ai vu sa détresse et sa solitude ainsi que la résignation de la responsable, Madame Zongo, qui n’avait rien à offrir. Finalement, le bébé est mort.
Depuis 20 ans, Valérie Passeport et l’ONG Tamounte travaillent à des projets de développement en Afrique. Cela a commencé au Maroc et se poursuit au Burkina Faso.
Étant aussi mère, je me suis dit que je ne pouvais pas rester ainsi sans tenter quelque chose, sans tout tenter en fait, car je me suis dit : « Comment rester indifférente à une telle situation ? » La vérité, c’est que je ne suis jamais sortie indemne de mes voyages, et celui-là m’a particulièrement marquée. Il a engendré une profonde remise en question. En tout cas, ce qui me fait agir en premier, c’est la dimension humaine des situations. Après cela, il y a bien évidemment des raisons plus générales, mais celles-ci ne concernent pas que moi. Elles sont plus politiques au sens premier du terme.
Pourquoi est-il urgent d’agir aujourd’hui sur l’économique et le social au plus près des populations dans un pays comme le Burkina Faso ?
Il est urgent d’agir sur l’économie et le social auprès des populations, car il faut d’abord éviter le naufrage absolu des personnes les plus vulnérables qui semblent invisibles dans la société au profit, peut-être un peu trop, de l’Afrique de la tech qui est une réalité, certes, mais une au milieu d’autres réalités. Il faut ensuite travailler à leur éviter de basculer en ville dans le secteur informel, la prostitution pour ce qui concerne les femmes et les enfants, mais aussi les trafics en tout genre qui n’en rendent que plus terrible la pauvreté. Car, derrière de beaux immeubles modernes ou de pudiques murs décorés, il y a aussi des bidonvilles qui sont comme cachés. Il faut aussi être à côté des populations rurales isolées pour leur éviter de partir travailler ou de se faire exploiter à l’étranger. Il y a des situations douloureuses comme celle à laquelle j’ai assisté dans des mines clandestines où on n’est pas loin de conditions d’esclavage. Par exemple, cette scène où, en échange de poudre d’or, des enfants entre 6 et 8 ans avaient reçu une poignée de riz. Mais ce qu’il faut absolument leur éviter, c’est d’être tentées par les activités terroristes comme mirage d’une vie différente. Ce sont des situations réelles que j’ai vécues et dont des femmes m’ont aussi parlé.
Sinon, au regard de l’important potentiel sur place, il est possible de développer des projets à fort impact structurel. De mon point de vue, il y a des solutions efficaces qui sont relativement simples. Les projets à micro-échelle permettent de mieux cibler les besoins réels directs, d’appréhender les difficultés locales, de connaître les gens et donc d’apporter une réponse cohérente. Un forage par exemple, au fond ce n’est rien sinon un investissement de pas beaucoup d’argent. Cela ne nécessite pas un chantier colossal et a un impact local visible tout de suite. Dans nombre de situations, on aide plus les populations avec de l’eau qu’avec Internet.
Pour agir utilement, vous avez choisi d’inscrire votre ONG Tamounte dans des initiatives au Burkina. Que peut vraiment apporter une ONG dans un tel contexte, explosif à tous points de vue ?
Une ONG petite comme la nôtre peut avoir un rôle à jouer auprès des populations. Nous sommes plus flexibles et réactifs que des institutionnels parce que nous avons une équipe déjà sur le terrain. Son interculturalité nous permet d’appréhender aisément les problématiques et d’élaborer des solutions, certes provisoires, mais d’urgence, avant de concrétiser des réalisations durables.
Être apolitique nous évite bien des écueils et nous permet d’intervenir au niveau de l’humain. Nous sommes proches des bénéficiaires et à leur écoute. Notre coordinateur, Alassane Semde, vit sur place et est au contact direct et régulier des populations avec lesquelles nous nous mobilisons. Pour être efficaces, nous avons choisi d’être dans le concret.
Comment construisez-vous votre légitimité auprès des populations pour renforcer l’inclusivité de vos initiatives ?
Il est primordial d’acquérir de la légitimité auprès des populations. Cela permet d’envisager sereinement le déroulé du projet. Cette légitimité passe par une bonne connaissance des populations et de leurs besoins. Il est nécessaire de connaître les limites de chacun pour mieux adapter les réponses aux problèmes posés. Nous respectons tous les facteurs sociétaux (religions, culture, rôle des femmes, place des anciens). Tout cela est systématiquement mis en perspective et pris en compte. Nous avons la conviction qu’il faut être humble et patient. Notre philosophie est la suivante : au Sahel, ne pas s’imposer, ne rien imposer. Il est important d’obtenir l’adhésion des populations locales. C’est vraiment la base de ce que nous considérons comme une démarche de coconstruction.
Pouvez-vous nous faire l’économie de l’organisation des projets que vous menez actuellement ?
Nous sommes partis du constat que les Centres de récupération nutritionnelle (CREN) qui doivent accueillir les femmes et leurs enfants en situation de sous-nutrition n’étaient que rarement en capacité de le faire vu l’absence totale de fonds, de denrées, vu l’approvisionnement très aléatoire en lait infantile, en aliments thérapeutiques, et quelquefois le désintérêt des autorités de tutelle sans oublier la désorganisation globale.
L’idée était de sortir un CREN, en l’occurrence celui que je connaissais
à Réo dans le Sanguiè, de toutes formes de dépendance à l’
aide. Il fallait le rendre apte à répondre aux besoins de ses bénéficiaires et de faire en sorte que les femmes soient vite indépendantes à leur tour. Nous sommes parfois obligés de faire du « one shot » en lait et spiruline, même si ce n’est pas notre démarche préférée, car mettre sous perfusion de don une structure est tout simplement impossible.
Nous avons donc coconstruit un programme dont l’objectif était de créer trois périmètres irrigués et de donner aux femmes des lopins de terre en les armant d’une solide formation en agro-écologie. Nous avons fini avec un des sites à Vuur, au Burkina Faso, un hameau où nous sommes parvenus à installer un forage, un château d’eau et le goutte-à-goutte. La vie y a radicalement changé. En un mois, les sourires se sont redessinés sur les visages. De voir et d’entendre l’eau couler a été une joie inestimable pour mon équipe. Cela a effacé le souvenir de tous les obstacles auxquels nous avons été confrontés. Pour y arriver, nous avons été accompagnés par une entreprise qui s’appelle Sirocco Bio. Cédric Lavagna, son jeune patron, va offrir aux femmes une véritable bouffée d’oxygène en achetant leur production de moringa. Cette relation avec une entreprise donne des objectifs supplémentaires aux femmes. D’ailleurs, pour aller plus loin, nous allons demander une certification Bio. Par ce biais, les mécanismes d’autonomisation et de pérennisation de l’activité vont petit à petit faire leur œuvre et nous pourrons progressivement nous retirer.
Le souffle principal souhaité par votre ONG est de coconstruire l’autonomie des populations cibles. Quelles sont les articulations de cette démarche ?
La démarche de coconstruction est le point clé de la base du projet. Nous avons tout décidé ensemble et à la suite des expertises réalisées sur le terrain. Notre ONG est constituée à parts équitables de Français, de Burkinabè et de personnes issues de la population via des responsables locaux formés. J’ai beaucoup appris par mon coordinateur Alassane Semdé qui m’a permis de mieux appréhender la culture, de mieux comprendre et de déconstruire certains a priori. Notre équipe est sur le terrain pour jouer un rôle d’accompagnement régulier. Nos trois jeunes stagiaires #Bioforce, Barkaï, Farida et Fatima, sont très investis.
Le dialogue que nous avons entamé inclut les femmes des villages qui sont souvent les grandes oubliées des projets. Elles ont souvent la charge de tout dans leur village, voire des gros travaux, car beaucoup d’hommes sont partis travailler ailleurs. Elles ont choisi des représentantes qui ont suivi une première formation et qui sont devenues leurs porte-parole pour communiquer plus simplement avec nous. Chacun(e) s’exprime dans les réunions régulières, sur les sites ou via les réseaux.
Nos expertises de faisabilité sont expliquées et nous n’hésitons pas à abandonner certaines propositions quand elles s’avèrent irréalisables. Nous intégrons évidemment la population aux travaux. Chacun peut suivre également des formations pour acquérir une autonomie, car l’appropriation de toutes les étapes est vitale. Nous gardons toujours à l’esprit que c’est leur projet même s’il s’inscrit dans un programme bâti ensemble.
En pleine période de pandémie du Covid-19, vous vous êtes rendue au Burkina Faso. Comment poursuivre la réalisation de vos projets alors que la préoccupation sanitaire est à son maximum ?
Me rendre au Burkina Faso était à la fois une évidence et une étape importante pour moi. Je voulais revoir les bénéficiaires pour « sentir » l’atmosphère, écouter les populations et vérifier l’état d’avancement de notre programme. Cela renforce les équipes, gonfle leur moral et décuple leur énergie.
Nous avons suivi le protocole sanitaire quand cela était possible, et je ne vous cache pas que cela n’est pas simple, notamment en brousse. Le masque est en effet une barrière à la communication non verbale, surtout dans mon cas puisque je ne parle ni le lélé ni le moré. Or les sourires sont essentiels. Cela dit, je me rends compte que la crise sanitaire actuelle n’a pas réellement bousculé notre programme. Je dirai même que c’est le contraire qui s’est produit. Le confinement a rendu les personnes plus à l’écoute et plus réceptives. Je rappelle qu’une grande partie de mon travail se fait via les mails et le téléphone. Nous continuons étape par étape et chacun fait sa part de travail. Pour nous, il était impensable d’arrêter ce projet agricole. La pandémie est intervenue alors que nous déroulions un fil sur des parcelles. Cela aurait été un gâchis d’énergie que d’arrêter, or il faut absolument maintenir un niveau élevé de mobilisation. Je dirai même qu’il fallait absolument assurer notre présence à ce moment-là.
Dans des pays comme le Burkina Faso, le risque n’est pas que sanitaire. Il est aussi sécuritaire. Comment naviguez-vous au milieu de toutes ces contraintes ?
Le risque sanitaire était finalement le moindre de nos soucis, c’est la question sécuritaire qui nous a posé du souci. Il faut dire que l’actualité n’est pas rassurante. Partir avec une équipe nécessite de penser à chacun et aux conséquences possibles d’une erreur d’appréciation de ma part en tant qu’organisatrice. Nous avons été accompagnés dans notre préparation par un conseiller Sécurité Sahel (Security Advisor Sahel) professionnel, Christian Courbois. Il s’est chargé de préparer en amont nos déplacements pour éviter tout problème. Nous avons suivi ses conseils. Nous n’avons pas communiqué avant et quasiment personne sur place ne savait que nous arrivions. Nous avons respecté tous les protocoles sanitaires et sécuritaires. Je dois dire aussi que j’ai l’habitude de voyager un peu partout dans le monde. Même si je ne suis pas inquiète, je suis toujours prudente. Par ailleurs, être accompagné de notre coordinateur est aussi un gage d’intégration plus aisée et donne lieu à de beaux accueils.
Étant donné que vous travaillez à accompagner les populations dans l’amélioration de leurs capacités à satisfaire leurs besoins, vous ne manquez pas d’être en interaction avec des États ainsi que des autorités administratives, politiques et traditionnelles dans vos espaces d’intervention. Que pouvez-vous nous dire de vos prises de contact et des accompagnements (ou non-accompagnements) autour des projets ?
Il m’est assez difficile de répondre à cette question. C’est complexe et délicat. Nous avons signé des conventions mais elles restent de « principe ». Nous n’avons rien obtenu de la moindre institution officielle. Nous le regrettons, car nous pensons qu’elles ont des leviers qui pourraient être extrêmement utiles pour faire aboutir facilement des demandes de dotation. Cela dit, je me doute bien qu’ils sont sans doute submergés de demandes, ce qui peut expliquer la raison de l’absence de réactivité. Cela me gêne surtout pour les bénéficiaires qui sont souvent les grands oubliés du développement. En effet, souvent, les populations bénéficiaires se sentent réellement abandonnées vu que les grands projets ne les impactent jamais vraiment. Je comprends que le contexte soit complexe. Entre la crise sanitaire et la crise sécuritaire, il est difficile de tout gérer pour un gouvernement, quel qu’il soit.
Faut-il le préciser : notre ONG ne fait pas de politique et nous tenons à garder ce cap de liberté. Nous avons entamé des démarches auprès d’autorités nationales et avons opté, depuis longtemps, pour travailler avec des fondations et des entreprises dans le cadre de leur politique de Responsabilité sociale des entreprises (RSE). Cela nous permet de rester indépendants. Nous avons une niche et travaillons à la rendre efficiente pour les populations. Cela dit, nous avons conscience qu’il y a certains chantiers importants que seul un État peut conduire. Je pense aux chantiers
sanitaires où des partenariats seraient salvateurs.
Je dois ajouter que nous sommes en relation avec les autorités traditionnelles, les conseils des anciens que nous respectons. À nos côtés pour leurs populations, ceux-ci gardent leur rôle d’accompagnement.
En termes d’interactions, il y a aussi celles avec des organismes onusiens ou des agences de développement. Comment cela se passe-t-il ?
Nous n’avons quasiment pas d’interactions avec les grandes agences de développement ni avec les organismes onusiens, car nous sommes systématiquement en dehors des critères exigés lors des appels de fonds. Nous sommes trop petits. Des démarches sont en cours pour participer aux clusters de coordination et là, d’ailleurs, nous attendons un rendez-vous.
L’obstacle majeur que nous avons est que nous ne sommes d’ailleurs pas toujours pris en considération. Du coup, nous ne tentons même plus de déposer des dossiers. Ils sont souvent extrêmement complexes à bâtir et, au final, nous ne sommes même pas sûrs qu’ils sont lus vu que nous avons rarement des retours. Je pense que c’est à ce niveau-là que nous aurions besoin de soutien réel des institutions et des gouvernements. Ce serait une reconnaissance officielle du travail accompli et, croyez-moi, cela pourrait faire la différence. Cela dit, on avance quand même car nous sommes MOTIVÉS.
Quelles conclusions tirez-vous de cette réalité du terrain ?
Je préfère ignorer ce type de problème et suis passée à autre chose depuis longtemps. Nous faisons partie des « Petit Poucet » de l’humanitaire, mais avançons malgré l’immobilisme des structures étatiques et la non-prise en compte des agences de développement. Les petits projets ne sont pas souvent porteurs en termes de « marketing » humanitaire, mais ils sont efficaces. Il ne faut jamais abandonner. Bien au contraire, il faut persister.
Ce qui me déplaît le plus, c’est l’impression désagréable que ces structures et agences sont complètement coupées du terrain. En réalité, ce qui fonctionne très clairement, ce sont les réseaux. Cela prend du temps, mais on y a de belles rencontres. De toute façon, chacun d’entre nous a sa place. Il y a tant à faire. Je comprends tout à fait qu’il est indéniable que les institutionnels aient un grand rôle à jouer. Leur fonctionnement est complexe et les règles sont une clé de la réussite à grande échelle.
Au regard de vos expériences sur le terrain ainsi que de vos observations, quels sont les obstacles qui se dressent aujourd’hui sur le chemin du développement des zones rurales en Afrique ?
Cela fait plus de 20 ans que je suis sur le terrain en microprojets et, les obstacles, j’en ai vraiment beaucoup repéré. Pour moi, le premier obstacle, c’est l’indifférence. Beaucoup de personnes vivent dans l’ombre et sont comme invisibles. Même les médias au fond ne s’intéressent plus beaucoup à elles. La grande époque de la com’ sur l’Afrique pauvre est bien loin. Les pays eux-mêmes ne veulent pas une publicité « négative ». On communique sur ce qui fonctionne et cela est normal.
Le deuxième obstacle que j’ai identifié, c’est le désintérêt de la société moderne vis-à-vis du monde rural profond perçu comme une zone où il n’y a rien, et pire, une zone qui n’a pas d’avenir. Beaucoup de personnes ont perdu le sens de la réalité simple. Faire du développement paraît incongru à certains. Les projets pharaoniques ou dans la tech attirent plus les investisseurs ou les donateurs. Il est ainsi plus facile d’obtenir des fonds pour un cybercafé que pour un forage.
Le troisième obstacle vient paradoxalement des bénéficiaires eux-mêmes. Les jeunes veulent quitter la campagne et aller en ville. C’est plus moderne. C’est normal, mais c’est un mirage le plus souvent. Beaucoup de jeunes ne réalisent que trop tard qu’ils n’y auront rien. À Vuur, les hommes sont dans les mines clandestines. Ils vivent dans la misère loin de chez eux alors que les bras manquent dans leur village. Cela a été un obstacle au développement de notre programme dont l’un des points importants est de redonner des lettres de noblesse à la terre. Nous avons réussi ce challenge au Maroc, nous souhaitons faire de même au Burkina.
Le dernier obstacle, et non des moindres, est de trouver des fonds en quantité suffisante, et rapidement. Aller forer des puits au milieu de la brousse représente un risque et nombre de donateurs ne veulent pas toujours prendre ce risque. Cela dit, notre premier site est une réussite et cela nous donne de l’espoir. Avec cette vitrine, nous espérons pouvoir déclencher plus facilement des financements pour le second village.
Quelle organisation entre les États, les autorités traditionnelles et les ONG, locales et internationales, suggéreriez-vous pour éviter les pertes d’énergie autour de projets de développement en Afrique ?
À mon sens, les institutionnels, les structures onusiennes et traditionnelles devraient nous faire confiance. Les petites ONG sont sur le terrain et ont souvent une expertise fine. La taille de nos structures nous permet d’être réactifs et flexibles. Nous pourrions être sur le terrain en responsabilité du développement de dizaines de micro-projets aisément réalisables avec les populations elles-mêmes. Des partenariats seraient bénéfiques pour tous et donneraient leurs chances à un maximum d’organisations et surtout aux populations.
Qu’est-ce qui vous permet de garder la flamme de vos projets alimentaires, médicinaux, infrastructurels et générateurs de revenus en Afrique aujourd’hui ?
À mon sens, il serait indécent d’abandonner la lutte et renoncer à ce combat que je mène depuis longtemps. Une des principales raisons est que j’ai un fort besoin de partager. Nous avons tellement de chances nous ici (en France). J’estime qu’avec cela je dois pouvoir contribuer à améliorer la vie d’autres personnes, même si leur nombre n’est pas très important. Cela fait 20 ans que je dirige cette structure que j’ai créée. Je garde la flamme parce que, par petits pas et de manière durable, nous avons atteint des objectifs que nous nous étions fixés. Sur le plan strictement humain, j’ai pu tisser, avec le temps, des liens profonds avec des personnes au Maroc et au Burkina Faso. De vraies amitiés sont nées. Croyez-moi, c’est une bonne raison de garder la flamme. Au fond, être un petit colibri me comble.
Le Point Afrique, 2 mai 2021
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