Le pays est soumis à de fortes et multiples tensions. Fébrilité et nervosité dominent le climat national, alors que le contexte recommande plus que jamais lucidité politique et sens de la mesure. À tous les niveaux de l’État et de la société. L’état de la raison doit l’emporter sur toutes les excitations. Il faut impérativement faire prévaloir la clairvoyance en pareille circonstance. Le moindre dépassement peut s’avérer coûteux pour toute la nation.
C’est un étrange paradoxe.
Le pays n’a jamais été aussi près des deux extrêmes. Jamais le meilleur et le pire n’ont été aussi proches. Ils se côtoient sans pour autant se heurter. Pour l’instant. Il est vrai que le caractère inédit de la séquence historique ouverte depuis le 22 Février 2019 expose à tous les imprévus, aux fins périlleuses comme aux issues salutaires. Force est de constater que depuis la mise en échec du 5e mandat de Bouteflika, le processus tangue, se cherche et est parfois contrarié. Jusque-là, les enjeux à court terme l’emportent sur les énormes défis d’avenir que l’Algérie tout entière doit relever.
L’accessoire parasite l’essentiel et la tactique écrase le stratégique. Peut-être par peur, sans doute faute d’ingénierie politique et parfois en raison du silence de ceux qui savent, le pays peine à se donner un modèle global qui correspond le mieux à l’expérience politique en cours et à ses exigences historiques. Il ne se trouve certainement pas dans les modèles éculés ou dans les recettes qui ont déjà échoué. Faut-il rappeler à ce propos, le mauvais départ de 1962 et le ratage mortel de 1988 ? Cette mémoire douloureuse doit tout au moins nous aider à ne pas commettre les mêmes erreurs. Une nation qui réussit est celle qui apprend et tire les leçons de ses échecs antérieurs. Mais encore mieux, celle qui sait forger des compromis en faisant le choix d’intégration et non d’exclusion. Celle qui n’humilie pas sa part intelligente tournée vers l’avenir au profit de sa portion qui s’accroche désespérément au passé désuet.
C’est ce sillon d’espoir qu’il faut creuser et irriguer de toutes les sources intarissables que recèle l’Algérie. Une Algérie qui ne sera jamais construite par une partie aux dépens d’une autre. La victoire ne peut être que collective, la défaite serait pour tous. S’il est, en effet, important, le jeu du pouvoir demeure insignifiant devant la perspective historique que doit se donner l’Algérie. Une Algérie certes guettée par certains, mais surtout attendue par beaucoup. Elle est condamnée à réussir. Elle est appelée à surprendre comme sa jeunesse a su subjuguer le monde.
Liberté, 16 mai 2021
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