Pourquoi Macron devrait s’inquiéter des élections présidentielles ?

Par Ian Bremmer

Après un retard de trois mois dû à la pandémie, les électeurs français se sont rendus aux urnes le 20 juin pour le premier tour des élections locales, qui permettront de pourvoir les sièges des assemblées des 13 régions et 96 départements de France. Un second tour aura lieu le 27 juin, mais l’électorat a déjà envoyé des messages clairs. Le parti du président Emmanuel Macron, La République en Marche (LREM), bénéficie d’un faible soutien local. La principale dirigeante de l’opposition, Marine Le Pen, et son parti de droite, le Rassemblement national, n’élargissent pas leur base. Et un nombre record d’électeurs français éligibles ne se donnent pas la peine de voter.

Il y a quatre ans, l’électorat français a voté pour le changement. Lors du scrutin présidentiel, le centre-droit traditionnel a terminé en troisième position derrière Le Pen et son parti d’extrême-droite. Les socialistes traditionnels de centre-gauche ont terminé en cinquième position derrière le parti communiste. Le vainqueur a été Macron, un homme qui ne s’était jamais présenté à la tête d’un parti qu’il avait créé de toutes pièces un peu plus d’un an auparavant. Le parti de M. Macron a remporté 308 sièges sur 577 à l’Assemblée nationale, la puissante chambre basse du Parlement français.

Une fois en poste, l’objectif de tout candidat au changement est de convaincre les électeurs qu’il a rendu la vie meilleure et le pays plus fort, afin que les élections futures rejettent tout changement supplémentaire au profit d’un nouveau statu quo. Mais le 20 juin, le parti LREM de Macron n’a obtenu que 11 % des voix, à égalité avec les Verts et les socialistes. C’est moins choquant qu’on pourrait le croire. Les partis sortants s’en sortent rarement bien lors des élections locales en France, et LREM n’existait pas en 2015, la dernière fois qu’elles ont eu lieu. Mais il n’y a rien dans ces chiffres pour renforcer la confiance de Macron alors qu’il se dirige vers une lutte acharnée pour sa réélection l’année prochaine. Son meilleur espoir pour l’instant est que l’économie en perte de vitesse, la lassitude face à la pandémie et la lenteur initiale de la mise en place des vaccins fassent place à un renouveau d’ici la fin de l’année.

Son autre espoir est que l’opposition ne se ressaisisse pas, et voici une rare nouvelle positive pour Macron. Le Rassemblement national de Le Pen, qui devait arriver en tête des élections locales, n’a obtenu qu’un score de 19 % après avoir recueilli plus de 28 % en 2015. Le parti de centre-droit Les Républicains, héritier politique de Charles de Gaulle, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, a obtenu environ 29 %. De nombreux experts et électeurs avaient prédit un affrontement Macron-Le Pen au second tour de la présidentielle de l’année prochaine. Les sondages d’opinion avaient suggéré que Mme Le Pen avait élargi la base de soutien du Rassemblement national au-delà des électeurs qui apprécient l’image anti-immigration, anti-Union européenne, islamophobe et parfois antisémite du Front national, le prédécesseur du parti, créé il y a près de 50 ans par le père de Mme Le Pen, Jean-Marie. Mais ces chiffres racontent une autre histoire, alimentant les doutes persistants quant à sa capacité à obtenir une majorité d’électeurs. Le Pen a la reconnaissance de son nom et la capacité d’attirer la couverture médiatique, mais il ne faut pas confondre ces avantages avec l’éligibilité nationale.

Pourtant, il existe également des preuves que les électeurs doutent qu’un parti puisse apporter un réel changement en France. Seulement environ un tiers des électeurs éligibles ont pris la peine de se présenter, une baisse de 17 points par rapport à 2015 et un minimum historique pour la république.

Il y a eu un gagnant dans cette confusion : Xavier Bertrand, du parti de centre-droit Les Républicains, est apparu comme un challenger sérieux pour la présidence l’année prochaine. Il est trop tôt pour savoir si la participation remarquablement faible aux élections régionales a donné une image précise de l’humeur nationale en 2021. Mais peut-être que Bertrand est le visage frais qui peut balayer une figure de l’opposition (Le Pen) qui a passé la majeure partie de sa carrière politique à essayer de réinventer son parti, et ensuite évincer Macron.

*Bremmer est chroniqueur des affaires étrangères et rédacteur en chef du TIME. Il est président d’Eurasia Group, une société de conseil en matière de risques politiques, et de GZERO Media, une société qui se consacre à la couverture intelligente et intéressante des affaires internationales. Il enseigne la géopolitique appliquée à la School of International and Public Affairs de l’université Columbia et son dernier livre est Us vs Them : The Failure of Globalism.

Time, 24 juin 2021

Etiquettes : France, Emmanuel Macron, élections présidentielles, Xavier Bertrand, Les Républicains, La République en Marche, LREM,

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