Lutte contre le terrorisme au Sahel : jusqu’où peut aller la force Takuba?

AA / Nice / Feiza Ben Mohamed

La force européenne Takuba, initialement arrimée à l’opération Barkhane, ne quittera pas le Sahel africain, en dépit de la fin annoncée de l’opération extérieure lancée en 2014 pour prendre le relai de l’opération Serval.

C’est une unité d’élite de forces spéciales, dont le nombre ne dépassera pas les 400 à 450 hommes et dont le concept vise à associer, au maximum, les partenaires européens pour lutter efficacement contre le terrorisme dans la région, sans pour autant s’engager en première ligne comme le cas de Barkhane.

La task-force européenne Takuba, annoncée lors du sommet tenu à Pau en France, le 13 janvier 2020, a finalement été déployée sur le terrain dès juillet de la même année avec pour objectif de compléter les actions de Barkhane qui comptait ses 5 100 hommes.

Parmi les forces engagées, figurent 150 soldats suédois qui ont rejoint les effectifs en février dernier, deux groupes distincts dont un groupe franco-estonien à Gao et un deuxième franco-tchèque à Ménaka, au Mali, dans la région dite des « trois frontières », partagée avec le Niger et le Burkina Faso.

Il est à noter, par ailleurs, que les alliés historiques de la France et partenaires européens comme l’Allemagne, l’Espagne ou encore le Royaume-Uni ont, jusqu’à présent, refusé d’être intégrés à cette nouvelle force.

La Roumanie a pour sa part approuvé jeudi, l’envoi de 45 soldats pour rejoindre les effectifs de Takuba.

Pour l’heure, si Emmanuel Macron a annoncé la fin de Barkhane, le calendrier exact du retrait des troupes reste flou et devrait être communiqué dans les prochaines semaines.

C’est le général François Lecointre, chef d’Etat-major des armées, qui devra assurer la direction de la première phase de ce retrait, avant la fin de son mandat, prévue le 24 juillet prochain.

Mais au-delà de la détermination affichée par l’exécutif français, de « transformer » sa présence militaire au Sahel en maintenant son objectif de lutter contre les groupes terroristes, la réalité semble bien moins simple.

Au fil des années, l’intervention française est devenue de moins en moins populaire, suscitant régulièrement des vagues de protestation notamment au Mali.

Les populations, qui s’interrogent non seulement sur les résultats concrets de Barkhane, reprochent également à Paris de les avoir mises devant le fait accompli, sans concertation, dans une démarche néocoloniale.

Dans une tribune publiée mardi par le journal Le Monde, des chercheurs, représentants d’ONG, de syndicats et acteurs des sociétés civiles sahéliennes appellent « à ouvrir le débat pour refonder, en concertation avec les populations, la politique française dans la région ».

Ils soulignent dans leur écrit, qu’en « huit ans, l’opération Barkhane, qui aura coûté la vie à 55 militaires français, aura fait l’objet de bien peu de débat public ».

« Les neutralisations de quelques chefs de groupes armés que revendiquait régulièrement l’état-major français ne cachaient plus l’effroyable réalité : les incidents violents liés à ces mêmes groupes ont doublé chaque année depuis 2015 », poursuivent les auteurs de la tribune.

Selon eux, « au Mali, en 2020, davantage de civils ont été tués par des militaires (35%), que par des groupes » terroristes (24%).

La tribune qui met l’accent sur les lacunes de Barkhane pointe du doigt, par ailleurs, un fait important en matière d’investissement financier en rappelant que « 1 milliard d’euros d’argent public aura été dépensé chaque année en opérations militaires » soit « 41 fois plus que pour aider les populations à faire face aux défis humanitaires ».

Dans une vidéo explicative publiée au printemps par le ministère des Armées, la France indique que Takuba « dispose désormais de l’ensemble des capacités nécessaires pour accomplir ses missions ».

Takuba recense « plusieurs centaines de militaires, dont des français bien sûr, mais aussi des estoniens, des tchèques, des suédois, des italiens, des belges, des néerlandais et des portugais dont la mission est d’entraîner, de conseiller et d’accompagner au combat, les forces armées maliennes ».

Les Danois ont quant à eux accepté de rejoindre la force Takuba avec un contingent de 105 effectifs, affecté à l’opération d’ici 2022, d’après les informations recensées par le site d’analyses B2 (indépendant).

Mardi, alors que s’ouvrait à l’Assemblée Nationale, le débat sur la loi de programmation militaire, largement adoubée par les députés, le Premier ministre Jean Castex a revendiqué des « ajustements ».

Il reconnaît que « la menace elle-même, comme la situation géopolitique, évolue » et explique, à cet effet, que la France mène « de pair ajustement de la programmation militaire et adaptation de nos engagements en fonction du contexte stratégique ».

« Le passage d’une logique d’opération extérieure à celui d’un dispositif de coopération accrue avec les pays du G5 Sahel permettra de mieux faire face aux défis de cette région », a-t-il plaidé face à la représentation nationale.

L’armée française affiche un objectif de voir, à terme, les forces maliennes, devenir « pleinement autonomes ».

Mais les récents événements survenus au Mali avec la prise de fonction du colonel Assimi Goïta, en tant que président de la transition et la décision de la France de « suspendre les opérations militaires conjointes avec les forces maliennes », pourraient compliquer le déroulé de l’opération tel qu’initialement défini par Paris.

Mais l’exécutif français, qui met fin à Barkhane sans célébrer une quelconque victoire, semble déterminé à rester au Sahel, sous des modalités qui devraient être dévoilées dans les prochaines semaines, en dépit des tensions avec le Mali.

Agence Anadolou, 25 juin 2021

Etiquettes : Sahel, Mali, Assimi Goïta, Barkhane, France, Takuba,

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