Algérie-Maroc : La sommation diplomatique

Alger décide de rappeler son ambassadeur au maroc – La sommation diplomatique

La diplomatie algérienne est capable du meilleur. Elle peut être aussi d’une férocité redoutable lorsqu’on attente à la souveraineté du pays.

Saïd BOUCETTA

L’Algérie a décidé officiellement le rappel de son ambassadeur en poste à Rabat, Abdelhamid Abdaoui, «pour consultation et à durée illimitée», ont déclaré des sources autorisées au quotidien L’Expression. Cette sentence vient répondre à l’acte aventureux de la représentation diplomatique marocaine à New York. Celle-ci, rappelons-le, a distribué aux pays membres du Mouvement des Non-Alignés, une note officielle, dans laquelle le Maroc soutient publiquement et explicitement un prétendu «droit à l’autodétermination du peuple kabyle». Avant d’en arriver à cette étape, extrême dans les us diplomatiques, le ministère des Affaires étrangères a réagi par voie de communiqué à l’acte inqualifiable du royaume. 48 heures après l’absence de toute réponse au communiqué du MAE de la part de Rabat, confirme l’ingérence manifeste dans les affaires internes de l’Algérie. La mesure radicale prise par Alger de rappeler son ambassadeur se justifie amplement. Et «ce ne sera pas la dernière», soulignent les mêmes sources. Dans la «durée illimitée» du rappel de l’ambassadeur algérien, il y a certainement une volonté de ne pas s’arrêter à une simple décision sans lendemain.

À bien suivre le ton de la réaction magistrale d’Alger, la probabilité d’«une montée en puissance» fait dire à nos sources que d’autres mesures pourraient suivre. On n’en connaît pas encore la nature, mais il transparaît, dans l’attitude ferme du MAE, une intransigeance à aller au fond de cette affaire. Il ne s’agit donc pas d’une «brouille passagère», une déclaration malheureuse, sur laquelle on pourrait passer l’éponge.

L’ambassadeur marocain auprès de l’ONU, Omar Hilale, n’a commis, ni plus ni moins, qu’un acte de piraterie diplomatique. L’irréparable a été en plus aggravé par le mutisme du Palais royal. En langage diplomatique, cette attitude concourt à la préméditation. Ce qui explique tout le sens que veut donner Alger à sa réaction. Celle-ci devrait certainement prendre d’autres formes pour le même objectif, à savoir marquer la puissance de l’Algérie, face à un royaume, déjà en perdition pour prétendre jouer dans la cour des grands. Rabat devra s’attendre à une avalanche de mauvaises nouvelles. La force de frappe diplomatique de l’Algérie est connue de tous. C’est bien cette même diplomatie qui a chassé le représentant du régime de l’Apartheid de l’Assemblée générale de l’Onu, donné l’opportunité au leader palestinien, Yasser Arafat, de prononcer un discours à l’Onu, devant tous les chefs d’Etat de la planète. La diplomatie algérienne, qui a réussi à libérer les otages américains retenus en Iran, est capable du meilleur.

Elle peut être d’une férocité redoutable lorsqu’on attente à la souveraineté du pays. De là à provoquer un prochain désaveu tant africain qu’international du Maroc, nos sources n’en disent rien, mais les observateurs avertis croient la chose possible, compte tenu de l’aura de l’Algérie au niveau des pays non-alignés, à l’Union africaine, dans l’Organisation de la coopération islamique et dans bien d’autres sphères où la voix de notre pays est respectée et très écoutée. Le «rappel pour durée illimitée» de notre ambassadeur en poste au Maroc, trouve également sa justification dans l’unanimisme d’une classe politico-médiatique visiblement acquise au Makhzen. Les réactions ostensiblement convergentes dans le royaume ont montré une haine inexplicable à l’endroit de l’Algérie. Ces milieux épousent la vision maladive de Mohammed VI pour tout ce qui touche à son entreprise coloniale, quitte à le suivre sur sa tendance au bellicisme avec son voisin de l’Est. Tout cela révèle le «traquenard» et la logique de la meute. Les journaux, les télévisions et les sites électroniques d’information marocains ont interprété l’initiative stupide de leur représentant diplomatique à l’Onu, comme une prouesse diplomatique! Le royaume du Maroc est coutumier par ses coups de tête.

Les derniers épisodes qui l’ont opposé, tant à l’Espagne qu’à l’Allemagne, traduisent toute l’arrogance d’un roi, depuis son alliance avec Israël. À croire que le virus Trump l’a sérieusement contaminé. Cela est d’autant plus vrai que même agressée, l’Algérie est restée digne. Ses enfants, sans exception, sont montés au créneau pour défendre la souveraineté de leur pays. Ce sont les fantassins d’une diplomatie qui sait être imaginative, et pour l’avoir déjà amplement démontré lors de la guerre de Libération nationale. Une guerre qui a résonné dans les couloirs de l’Onu. 48 heures de la déclaration du département de Ramtane Lamamra sommant le Maroc de s’expliquer sur cette agression, Rabat a opté pour le mutisme. Mais comme dit le dicton arabe: «Le silence vaut approbation.» L’escalade provoquée par le Maroc dans la région ne fait en vérité que commencer.

Communiqué officiel du MAE

Dans la Déclaration du ministère des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, rendue publique le 17 juillet 2021, il a été indiqué que l’Algérie attendait du Royaume du Maroc qu’il clarifie sa position définitive sur la situation d’une extrême gravité créée par les propos inadmissibles de son ambassadeur à New York. Depuis lors, et en l’absence de tout écho positif et approprié de la partie marocaine, il a été décidé, aujourd’hui, le rappel, avec effet immédiat, pour consultations, de l’ambassadeur d’Algérie à Rabat, sans préjudice d’autres mesures éventuelles en fonction de l’évolution de cette affaire.

L’Expression, 19/07/2021

Etiquettes : Maroc, Algérie, Kabylie,

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