Catégorie : Afrique

  • Les métamorphoses du pouvoir en Afrique

    EXCLUSIF SENEPLUS – Le pouvoir sur le continent est calqué sur le post-colonialisme. Nous nous sommes retrouvés piégés par la capacité de mutation pour maintenir au pouvoir des régimes sous des formes vicieuses.
    « L’abus de pouvoir crée une société dans laquelle les hommes ne savent plus exercer leur liberté » – (N. Machiavel, Le Prince, chapitre XV).

    Roi, président, père « fondateur », « Maréchal », « père de la Nation », « gardien de la constitution », avec des attributs qui défient la rationalité de la question du pouvoir en Afrique. Les mots ont un sens et traduisent l’hyper-présidentialisation du pouvoir calqué sur la cosmétique du post-colonialisme. L’imaginaire des peuples africains subit les contrecoups de la régression de la démocratie représentative et génère des interrogations sur le modèle de gouvernance politique que nous voulons en Afrique.

    Les « pères fondateurs », héritiers de la colonisation, ont géré leur pouvoir à l’identique de l’ancien colonisateur, à savoir selon un régime représentatif dont la substance réside dans le fait que la volonté du peuple s’exprime à travers la médiation des représentants élus. C’est ainsi qu’ils ont reproduit en Afrique le gouvernement représentatif – ou la démocratie représentative – dont la pérennisation dépendait du bon vouloir de l’ancien colonisateur. Tous les présidents « fondateurs » se sont évertués à appliquer l’archétype d’un gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, sans ancrage aucun sur les structures socio-politiques africaines. Ils ont exercé le pouvoir avec une quasi totale autorité dans un contexte où la conscience et l’action politique était réservée et dédiée à une élite qui jouissait de tous les pouvoirs au nom du peuple. Le Sénégal et le Burkina Faso furent les seuls à avoir tenté et initié un régime parlementaire qui n’a cependant pas survécu longtemps, basé sur la matrice fragile de la 4e République, laquelle a consacré la fin de la colonisation.

    En l’absence d’élections transparentes et sincères en Afrique (Résultats à la soviétique : 98,99%) combinées avec la persistance de la « guerre froide », la fragilité politique et étatique des gouvernances a produit des fortunes diverses, entre instaurations de partis uniques et de coups d’État en bien des pays. Alain Touraine définit la démocratie comme « le libre choix d’un gouvernement représentatif des intérêts de la majorité, respectueux du droit fondamental de toute personne humaine ». Cette définition de la démocratie des temps modernes nous interpelle sur l’effectivité des institutions politiques africaines, fondées sur le modèle de la démocratie et sa relation avec la légitimité des droits fondamentaux du peuple. La multiplicité des vecteurs endogènes et exogènes de la médiation sociale rend manifestement compte de la complexité de l’ancrage à chaque réalité nationale et du poids de leur emprise sociologique dans le contexte africain.

    Le modèle politico administratif postcolonial et l’aporie institutionnelle en Afrique

    Plus de soixante ans après les indépendances, la démocratie représentative connaît aujourd’hui des contours variables selon la maturité politique des dirigeants, mais ce système paraît en perte de souffle, voire plombé. Les pères fondateurs des indépendances ont connu simultanément des périodes fastes, couronnées de toute puissance, et des coups d’État suscités par l’arbitraire des régimes à parti unique. Ils s’étaient évertués à reproduire le modèle politique de la démocratie représentative hérité de la colonisation au nom de la construction des États-nations sur le même schéma politico-administratif de séparation factice des pouvoirs.

    Le premier coup de semonce a été donné par les conférences nationales à l’instar du Bénin (février 1990), du Gabon (27 mars au 19 avril 1990), du Congo (25 février au 10 juin 1991), du Niger (29 juillet au 3 novembre 1991), du Mali (29 juillet au 12 août 1991), du Togo (10 juillet au 28 août 1991), du Zaïre (7 août 1991 au 6 décembre 1992) et au Tchad (15 janvier au 6 avril 1993).

    Toutes ces conférences nationales combinées avec la maturation politique de l’opinion publique, avec notamment l’émergence d’une société civile responsabilisée et mobilisée, ont amorcé une démocratisation poussive avec des chefs d’État qui se sont appuyés sur ces conférences, qui pour consolider leur pouvoir, qui pour le perdre. Ce qui était un peu paradoxal, c’était le choix de clergés religieux, dans certains pays, pour diriger les conférences nationales et inciter aux transitions démocratiques. La géopolitique africaine subissait ainsi les contrecoups de la géopolitique mondiale avec la fin de la guerre froide entre les deux blocs. Le 20 juin 1990 à La Baule, dans son discours devant 37 chefs d’État africains, le président François Mitterrand avait fermement conditionné l’aide de la France à leur continent, à savoir la démocratisation et l’absolue nécessité de critères de « bonne gouvernance ». Cette déclaration, selon Moussa Traoré, a été à l’origine de sa chute, surtout pour n’avoir pas compris que le mouvement des étudiants maliens constituait le ferment et le socle de sa destitution que le général Amadou Toumani Touré (dit ATT) a précipités, récupérant le pouvoir pour le détourner habilement afin de maintenir le système politico-administratif existant. Mais l’histoire bégaye souvent au Mali : le même scénario est écrit en 2020, toujours avec des militaires qui exploitent, détournent, voire spolient le capital populaire du mouvement de la société civile pour faire semblant de changer de trajectoire politique, proclamée vertueuse, aux yeux, comme souvent mi-clos, des communautés africaine et internationale. L’absence de direction politique a facilité le détournement d’une forme de révolution contre le régime d’IBK fraîchement réélu en août 2018 (67,17 % des voix contre 32,83 % pour son adversaire Soumaïla Cissé) sur fond de corruption endémique, d’achat de voix et surtout de permanence violence terroriste au nord du pays.

    Cette situation illustre la fracture de l’Afrique à partir du prisme des héritages coloniaux entre les francophones, les Belges, les Anglais, les Portugais et les Espagnols. Les anciens territoires coloniaux anglais ont fait leur mue démocratique à travers deux modèles, à la fois démocratique et autoritaire avec l’Apartheid en Afrique du Sud et le bipartisme. Les pays lusophones ont connu une colonisation plus violente et étonnamment durable. Un seul pays hispanophone, la Guinée équatoriale, indépendante seulement en décembre 1968, est quant à lui tombé dans une dictature familiale, la plus longue de son histoire.

    Le système politique dans l’espace francophone est d’inspiration française avec une affectation singulière pour la constitution de 5e République. Les pères des indépendances, francophones dans l’âme et inféodés au système Jacques Foccart, ont donc prolongé et amplifié la gestion du pouvoir sur ce modèle sous prétexte de bâtir une nation forte, le multipartisme débridé s’avérant pour eux un danger.

    L’éthique de la démocratie et les mutations du pouvoir en Afrique

    L’éthique est la science de la morale et pourrait être le produit d’une réflexion sur les comportements qui rendent la société humainement acceptable, fondée sur des valeurs morales et solidaires dans la gestion de la cité. Nous assistons dès lors à un brouillage des repères idéologiques en politique depuis la chute du mur de Berlin, l’Afrique étant le terrain de prédilection de la guerre des blocs qui imposaient leur système politique selon l’appartenance ou l’allégeance d’un pays à leur doctrine.

    Juan Linz considère qu’un « gouvernement est démocratique quand il offre des opportunités constitutionnelles régulières pour la compétition pacifique en vue de la conquête du pouvoir politique ». Le multipartisme après les conférences nationales s’est accru sur le continent et a poussé les pays à mettre en place des codes électoraux consensuels et des structures de gouvernance électorale indépendantes. Il ne peut y avoir de démocratie selon les constitutionnalistes sans le pluralisme politique, économique, social et culturel, l’expression libre des choix, les pouvoirs politiques encadrés, l’État de droit et le respect de la Constitution. Nous nous sommes ainsi retrouvés piégés par la capacité d’adaptation et de mutation pour maintenir au pouvoir des régimes sous des formes vicieuses. Les régimes militaires issus des coups d’État ont pris l’option de se transformer en pouvoir civil en gagnant des élections pour se conformer à l’État de droit, tout en gardant la mainmise sur l’armée (Guinée Equatoriale, Guinée, Algérie, Mali, Tchad, Tunisie, Soudan, Burkina Faso, Rwanda, Congo Brazzaville, RDC, Éthiopie, Burundi, etc.). Il faut ajouter à cela l’immobilisme politique en Afrique centrale en complète hibernation pour les transitions démocratiques après plusieurs décennies au pouvoir.

    La démocratisation politique en Afrique avec l’avènement du multipartisme n’a pas épousé les contours et les dynamiques socio culturelles structurées autour de l’accès croissant aux connaissances, à l’urbanisation accélérée, l’inter-connectivité de l’Afrique au monde et le poids démographique de la jeunesse africaine.

    La démocratie représentative a atteint aujourd’hui ses dernières limites avec une baisse significative des taux de participation aux élections, des Assemblées nationales et un système judiciaire inféodés aux pouvoirs en place. L’examen de l’évolution du taux de participation aux élections présidentielles en Afrique (Nigeria 2019 : 34,8% – Sénégal 2019 : 66,2% – Guinée 2015 : 68,4% – Tchad 2015 : 66% – Côte d’Ivoire 2015 : 52,9% – Mali 2018 : 34,54 % – Égypte 2018 : 40% – Kenya 2017 : 38,8% etc.) renseigne sur la désaffection des populations envers la politique traditionnelle. Les contestations électorales sur la fiabilité des fichiers, le choix des instances de régulation des élections et les résultats manipulés, entraînent trop souvent des crises post-électorales qui aboutissent à l’arrestation, parfois à l’élimination, des opposants ou à l’encerclement de leurs domiciles (Niger, Bénin, Gabon, Guinée, Tchad, Soudan du Sud, Guinée-Bissau, Guinée Équatoriale, Kenya, Uganda, Côte d’Ivoire, Égypte, Algérie, etc.). La nouvelle aspirine inventée en Afrique francophone, c’est l’organisation de comités de dialogue national juste après des élections présidentielles pour assurer un passage en force pour un troisième mandat avec la Côte d’Ivoire et la Guinée. Il en est de même pour le Sénégal ou dès l’entame du deuxième mandat, le comité de dialogue politique a été mis en place pour clamer l’ouverture politique à l’opposition.

    Jamais le discours politique et les partis politiques n’ont connu un tel discrédit auprès des opinions africaines. Toutes les décisions politiques majeures et les pratiques politiques tournent le dos aux profondes aspirations des populations africaines prises dans le tourment des incertitudes, des égoïsmes des élites politiques et l’absence de souveraineté des politiques nationales, prisonnières des institutions de Bretton Woods et des agences mondiales de notations qui attribuent des notes pour juger des performances économiques des pays. Des plans émergents élaborés par des cabinets internationaux et des conférences internationales de mobilisation de fonds se substituent aux plans nationaux développés par des cadres qualifiés de l’administration nationale et des acteurs privés performants en leur domaine d’activité.

    Nouvelles formes de contestation en dehors du calendrier électoral « républicain »

    Nous assistons partout à une hyper-présidentialisation et un accaparement du pouvoir par des élites ou des courtisans, ce qui produit de nouvelles formes de contestations violentes à la mesure du désespoir de la majorité de la population, propagé sur les réseaux sociaux devenus espace de mobilisation citoyenne des jeunes. Montesquieu l’a bien signifié : « Il n’y a pas de liberté si la puissance de juger n’est pas séparée de la puissance législative et exécutive ».

    De la lutte contre l’Apartheid dans les années 90, de la révolution du Jasmin en Tunisie en 2011, du printemps arabe 2011 dans le Maghreb et le Moyen-Orient, la Révolution au Burkina Faso contre une modification de la constitution qui aurait permis à Blaise Compaoré de briguer un troisième quinquennat en 2015, de « ma carte d’électeur, mon arme » de « Y’en a Marre » au Sénégal en 2011, de la migration forcée des jeunes aux conflits politiques récurrents dans la corne de l’Afrique, de la région des Grands Lacs au Sahel et à l’Afrique australe jusqu’au bassin du Lac Tchad, nous assistons à une ébullition, voire une éruption, sociale à la mesure de la dynamique démographique avec une population de jeunes sans perspectives (70% de la population africaine a moins de trente-cinq ans), majoritairement urbaine, scolarisée, consciente de ses droits fondamentaux et ouverte au monde via la planète internet. Les réseaux sociaux et les téléphones androïdes en s’appuyant sur les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazone Microsoft) constituent de nos jours une donnée fondamentale pour les transformations majeures dans le monde. Les jeunes aujourd’hui les utilisent comme leur espace d’expression démocratique et de mobilisation citoyenne. À cela il faut ajouter l’irruption de la société civile comme force motrice autour de la gouvernance et des droits de l’homme. La jeunesse africaine pleine d’énergie et de talents constitue une bombe sociopolitique. Il est important d’en mesurer la dynamique…explosive. Elle constitue l’épicentre pour le développement durable et leur inclusion dans la définition des politiques nationales et africaines. La Charte africaine des jeunes en témoigne : « La plus grande richesse de l’Afrique est la jeunesse de sa population et par la participation pleine et active de celle-ci, les Africains peuvent surmonter les difficultés auxquelles ils sont confrontés ». (Commission de l’Union africaine 2006).

    Afin de faire face à la crise de la démocratie représentative et de la gouvernance en Afrique, il s’agit de réinventer le « post-colonialisme » et le saisir comme une opportunité pleine d’exigence pour remettre en cause le modèle politico-administratif hérité de la colonisation et s’appuyer sur les institutions démocratiques endogènes dont la pyramide part des espaces de vie des populations à l’instar du village et du quartier, et construire les convergences panafricaines « consolidantes « de la souveraineté à partir du prisme de la jeunesse et du dialogue entre générations. La souveraineté politique, économique, monétaire, éducative, sociale et culturelle s’avère le prix à payer pour franchir le cap de la transformation positive de notre civilisation et offrir, ouvrir et réussir un avenir pour la jeunesse africaine.

    Afriques en lutte, 25 mars 2021

    Tags : Afrique, pouvoir, colonialisme, colonisation,

  • France-Algérie-extradition : En attendant l’annexe

    par Abdelkrim Zerzouri


    Ça serait un leurre de croire que l’Algérie n’aurait qu’à demander, à la France, pour obtenir l’extradition de ses ressortissants, condamnés par la justice algérienne, ou vice-versa, après la promulgation par le président français Macron de la nouvelle convention d’extradition entre les deux pays.

    Le pas, qui intervient après de longues années de négociations et qui concrétise la convention d’extradition entre les deux pays, signée à Alger au mois de janvier 2019 entre les ex-ministres de la Justice des deux pays (Tayeb Louh et son homologue française Nicole Belloubet) dans le cadre de la «modernisation» de vieux accords en matière juridique et judiciaire (remontant à l’an 1964), est d’une grande importance, mais cela ne fait qu’entrouvrir la porte en matière d’engagement à se livrer réciproquement les personnes poursuivies ou condamnées par les autorités judiciaires des deux pays.

    Rien n’est acquis, pas avant la mise en œuvre de commissions rogatoires émises par les autorités judiciaires des deux pays et l’avis de la justice après examens des documents fournis par la partie requérante. Toute demande d’extradition, selon les cas, peut aboutir à une exécution assez rapide, ou prendre des mois, voire des années, lors de l’examen du dossier par la justice. Souvent, de véritables batailles judiciaires sont mises en branle pour obtenir l’extradition face à la défense de la personne qui fait l’objet d’une pareille demande.

    Rien d’abusif sur ce plan, c’est même tout ce qu’il y a de plus légal et de plus rassurant sur le plan de la protection des droits humains, car il s’agit en premier lieu de s’assurer que les faits retenus contre la personne en question sont palpables, qu’elle ne sera pas persécutée une fois entre les mains de la partie demandeuse et aura in fine la garantie d’un procès équitable une fois confrontée à la justice du pays.

    La justice algérienne en tire ainsi une crédibilité sur le plan international, qui pourrait lui ouvrir d’autres horizons avec d’autres pays dans le cadre de l’entraide judiciaire. Dans ce contexte, la France a introduit une garantie de non-application de la peine de mort pour les demandes d’extradition de l’Algérie, exigeant des autorités un engagement à ce qu’elle ne soit pas exécutée (les tribunaux algériens continuent encore à prononcer la peine capitale malgré l’application d’un moratoire depuis 1993).

    Aussi, selon les termes de la convention signée en 2019, les deux pays gardent la liberté de refuser d’extrader leurs propres ressortissants ou les binationaux. Et on ne sait quoi encore. Car l’« article unique » de cette loi autorisant l’approbation de la convention d’extradition entre la France et l’Algérie, signée à Alger le 27 janvier 2019, qui se réfère au texte de la convention en question, l’annexant expressément à la présente loi mais sans le publier sur le même Journal officiel de la République française, signalant en astérisque qu’il le sera ultérieurement, reste ainsi amputé de l’essentiel de son âme, à savoir les détails portés par cette convention.

    Le Quotidien d’Oran, 27 mars 2021

    Tags : Algérie, France, extradition,

  • La France reconnaît ses fautes en Afrique

    Le président français Emmanuel Macron a reconnu les erreurs de son prédécesseur Nicolas Sarkozy, qui a soutenu l’intervention occidentale en Libye, contre le régime de Kadhafi, lors de la rencontre avec les nouveaux dirigeants libyens mardi 23 mars à l’Elysée.

    « Nous avons une dette envers la Libye, très claire : une décennie de désordre. »

    Ainsi le Président de la République française pour la première fois a reconnu officiellement l’implication de son pays dans le chaos que la Libye et une partie de l’Afrique ont connu en dix ans. Les conséquences de cette intervention font toujours des ravages en Libye, au Sahel et dans d’autres pays africains.

    La République centrafricaine ne fait pas l’exception. La mission militaire de l’ONU majoritairement composée l’armée française, conduite en République centrafricaine du 5 décembre 2013 au 31 octobre 2016 n’a pas réussi à restaurer la paix sur le territoire centrafricain. Depuis la fin de cette mission les attaques contre des civils et le terreur de la part des groupes armés toujours présents sur le territoire national se sont poursuivies.

    Néanmoins, le peuple centrafricain attend le moment où le président français dira à la République centrafricaine Mea culpa et admettra les erreurs commises depuis l’indépendance du pays.

    NouvellesPlus, 26 mars 2021

    Tags : France, Afrique, Libye, Nicolas Sarkozy, Kadhafi, Sahel, terrorisme, armes, trafic,

  • Génocide rwandais : un rapport d’historiens pointe les « responsabilités accablantes » de la France

    Fruit de deux années de travail, la conclusion du rapport de la commission dirigée par l’historien Vincent Duclert est sans appel : la France « est demeurée aveugle face à la préparation » du génocide des Tutsi du Rwanda de 1994 et porte des « responsabilités lourdes et accablantes » dans la tragédie. Après la publication de ce rapport, l’Élysée a appelé à un rapprochement « irréversible » avec Kigali.

    Un président de la République et son cercle proche soutenant « aveuglément » un régime raciste et violent : la « faillite » de la France et ses « responsabilités accablantes » dans le génocide des Tutsi du Rwanda de 1994 sont exposées dans un rapport cinglant remis vendredi 26 mars à Emmanuel Macron.

    Ce rapport d’historiens, fruit de deux années d’analyse des archives relatives à la politique française au Rwanda entre 1990 et 1994, dresse un bilan sans concession de l’implication militaire et politique de Paris, tout en écartant la « complicité » de génocide longtemps dénoncée par Kigali.

    Il pourrait marquer un tournant dans la relation entre les deux pays, empoisonnée depuis plus de vingt-cinq ans par les violentes controverses sur le rôle de la France au Rwanda. Après la publication de ce rapport, Paris a appelé à un rapprochement « irréversible » avec le Rwanda.

    « Nous espérons que ce rapport pourra mener à d’autres développements dans notre relation avec le Rwanda » et que, « cette fois, la démarche de rapprochement pourra être engagée de manière irréversible », a précisé la présidence.

    De son côté Kigali a salué « un pas important vers une compréhension commune du rôle de la France », dans un communiqué du ministère des Affaires étrangères.

    Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères (1997-2002), secrétaire général de l’Élysée au moment du génocide rwandais en 1994, a lui salué « l’honnêteté » du rapport tout en déplorant « les critiques très nombreuses et sévères » visant notamment l’ancien président socialiste François Mitterrand.

    Une commission de quatorze historiens

    Présente au Rwanda depuis que ce pays des Grands Lacs a pris son indépendance de la Belgique, la France « est demeurée aveugle face à la préparation » du génocide des Tutsi du Rwanda de 1994 et porte des « responsabilités lourdes et accablantes [dans la tragédie] », assène dans ses conclusions la commission de quatorze historiens présidée par Vincent Duclert, mise en place en 2019 par le président Emmanuel Macron.

    Dans ce rapport de plus de 1 000 pages, les historiens reviennent sur l’engagement français durant ces quatre années décisives, au cours desquelles s’est mise en place la dérive génocidaire du régime hutu, pour aboutir à la tragédie de 1994 : quelque 800 000 personnes, majoritairement tutsi, exterminées dans des conditions abominables entre avril et juillet.

    Télégrammes diplomatiques, notes confidentielles et lettres à l’appui, le rapport dessine une politique africaine décidée au sommet par le président socialiste de l’époque, François Mitterrand, et son cercle proche, un entourage motivé par des « constructions idéologiques » ou la volonté de ne pas déplaire au chef de l’État.

    Il raconte des décideurs « enfermés » dans une grille de lecture « ethniciste » post-coloniale et décidés à apporter, contre vents et marées, un soutien quasi « inconditionnel » au régime « raciste, corrompu et violent » du président rwandais Juvénal Habyarimana, face à une rébellion tutsi considérée comme téléguidée depuis l’Ouganda anglophone.

    Dérive extrémiste

    « Cet alignement sur le pouvoir rwandais procède d’une volonté du chef de l’État et de la présidence de la République », écrivent les quatorze historiens de la Commission, en insistant sur « la relation forte, personnelle et directe » qu’entretenait François Mitterrand avec le président hutu Juvénal Habyarimana.

    Cette relation, doublée d’une obsession de faire du Rwanda un territoire de défense de la francophonie face aux rebelles tutsis réfugiés en Ouganda a justifié « la livraison en quantités considérables d’armes et de munitions au régime d’Habyarimana, tout comme l’implication très grande des militaires français dans la formation des Forces armées rwandaises [gouvernementales] ».

    Dès octobre 1990, date d’une offensive du FPR (Front patriotique rwandais, ex-rébellion tutsie dirigée par Paul Kagame, devenu président du Rwanda), Paris prend fait et cause pour le régime Habyarimana. Elle s’engage militairement avec l’opération militaire Noroît, censée protéger les expatriés étrangers, mais qui de facto constitue une présence « dissuasive » pour protéger un régime vacillant contre l’offensive rebelle.

    Tout en pressant Habyarimana à démocratiser son régime et négocier avec ses opposants – ce qui aboutira aux accords de paix d’Arusha en août 1993 –, la France ignore les alertes, pourtant nombreuses, venues de Kigali ou Paris, mettant en garde contre la dérive extrémiste du régime et les risques de « génocide » des Tutsi.

    La responsabilité de François Mitterrand

    Qu’elles viennent de l’attaché militaire français à Kigali, des ONG, de certains diplomates, ou des services de renseignement, ces mises en garde sont ignorées ou écartées par le président et son cercle.

    « On peut se demander si, finalement, les décideurs français voulaient vraiment entendre une analyse qui venait contredire la politique mise en œuvre au Rwanda », écrivent les chercheurs.

    Le rapport souligne notamment la lourde responsabilité de l’État-major particulier (EMP) de François Mitterrand, dirigé par le général Christian Quesnot et son adjoint le colonel (devenu général) Jean-Pierre Huchon.

    « L’EMP porte une responsabilité très importante dans l’installation d’une hostilité générale de l’Élysée envers le FPR », écrit le rapport, qui dénonce « les pratiques irrégulières », voire les « pratiques d’officine » de cet organe qui court-circuite tous les canaux réguliers pour mettre en œuvre la politique française sur le terrain.

    Avec l’aval, tacite, du président : « aucun document ne montre une volonté du chef de l’État de sanctionner ces militaires ou de les retenir dans leurs initiatives », pointe le rapport.

    Parallèlement, l’institution diplomatique ne se montre guère plus critique – à de rares exceptions –: « les diplomates épousent sans distance ou réserve la position dominante des autorités », et leur administration est « imperméable » à la critique.

    L’arrivée en 1993 d’un gouvernement de droite – la France entre alors en « cohabitation » – ne modifiera pas fondamentalement la donne, malgré des affrontements parfois « impitoyables » entre l’Élysée et le gouvernement du Premier ministre Édouard Balladur, beaucoup moins enclin à l’engagement français au Rwanda.

    « Massacres interethniques »

    Lorsque le génocide commence, le 7 avril 1994, au lendemain de l’attentat contre l’avion du président Habyarimana (dont le rapport ne désigne pas les commanditaires, objet d’une controverse depuis près de trente ans), cela n’entraîne pas « une remise en cause fondamentale de la politique de la France, qui demeure obsédée par la menace du FPR ». Et même si le chef de la diplomatie d’alors, Alain Juppé, est le premier à parler de « génocide » à la mi-mai 1994, la grille de lecture reviendra rapidement à des « massacres interethniques » et une « guerre civile ».

    Il y a une « obstination à caractériser le conflit rwandais en termes ethniques, à définir une guerre civile là où il y a une entreprise génocidaire », écrivent les historiens.

    Dans un contexte de retrait ou d’immobilisme international – l’ONU, l’ancienne puissance coloniale belge, les États-Unis –, la France sera pourtant la première à réagir en lançant en juin 1994, sous mandat de l’ONU, une opération militaro-humanitaire visant à « faire cesser les massacres ».

    Cette opération controversée, Turquoise, a certes « permis de sauver de nombreuses vies, mais non celles de la très grande majorité des Tutsi du Rwanda exterminés dès les premières semaines du génocide », écrit la commission, qui souligne que les autorités françaises « se refusent à arrêter » les commanditaires du génocide ayant trouvé refuge dans la zone sous contrôle français. Ce point est l’un des plus controversés de l’action française au Rwanda.

    Les responsables politiques et militaires de l’époque ont pour leur part soutenu avoir sauvé l’honneur de la communauté internationale en étant les seuls à intervenir au Rwanda.

    Le génocide prend fin avec la victoire du FPR en juillet 1994. Depuis, la France a entretenu des relations tendues, voire exécrables, avec le Rwanda, marquées par la rupture des relations diplomatiques en 2006.

    Même si les relations entre Paris et Kigali se sont détendues avec l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron en 2017, le rôle de la France au Rwanda reste un sujet explosif depuis plus de vingt-cinq ans. Il est aussi l’objet d’un débat violent et passionné entre chercheurs, universitaires et politiques.

    Avec AFP

    France24, 26 mars 2021

    Tags : France, Rwanda, génocide, historiens, rapport,

  • Ciao Ousmane : L’exploitation cachée des travailleurs migrants en Italie Une accusation accablante de traitement impitoyable de travailleurs vulnérables.

    On ne sait pas grand-chose d’Ousmane Diallo. Il avait fait le voyage tortueux du Sénégal à travers l’Afrique, enduré un séjour dangereux en Libye – où le risque de travail forcé, de torture ou de mort était toujours présent – et survécu à la périlleuse traversée de la Méditerranée jusqu’en Sicile, où la mort l’attendait quelques mois plus tard.

    Avant l’aube d’un matin d’octobre 2013, Ousmane s’est réveillé dans la ferme abandonnée en ruines où il dormait avec plusieurs autres migrants africains. Ne se rendant pas compte que leur bonbonne de gaz fuyait, il a craqué une allumette pour allumer une bougie. La bonbonne a explosé, couvrant 60 % de son corps de graves brûlures. Il n’était pas le premier migrant à mourir de cette façon et il ne serait pas le dernier.

    L’auteur de Ciao Ousmane, Hsiao-Hung Pai, déclare que son objectif en écrivant ce livre est de documenter et d’exposer l’assujettissement inique des travailleurs migrants comme Ousmane, qui sont impitoyablement exploités pour leur travail tout en étant vilipendés comme un fardeau et un problème.

    Elle a passé près de deux ans à vivre aux côtés de migrants africains, les suivant saison après saison et récolte après récolte à travers la Sicile, les Pouilles et la Calabre pour découvrir les conditions humiliantes de leur vie quotidienne et le déni flagrant de leurs droits humains.

    Leurs récits personnels sont entrecoupés d’analyses des politiques menées par les différents gouvernements aux niveaux local et national et du rôle de la mafia, qui s’immisce à chaque étape de la chaîne de production alimentaire, depuis les chefs d’équipe locaux jusqu’aux producteurs.

    Le rôle du syndicat USB (Unione Sindacale di Base) et le travail des organisations caritatives qui tentent non seulement d’améliorer les conditions de vie et de travail mais aussi d’aider les travailleurs à négocier le labyrinthe des lois anti-migrants sont également explorés.

    Le camp White Grass, où Ousmane est mort, se trouve à l’extérieur de Campobello, avec ses tentes, ses bidonvilles et ses bâtiments abandonnés cachés de la ville et de ses 11 000 habitants par des oliveraies. Environ 3 000 travailleurs africains récoltent les olives entre septembre et décembre, vivant dans des conditions sordides, la plupart du temps sans eau courante, sans installations sanitaires et sans électricité – d’où les bonbonnes de gaz.

    Travaillant illégalement pendant de longues heures sans permis de travail ni contrat, gagnant 20 à 30 euros par jour à la pièce mais perdant entre 10 et 15 euros au chef d’équipe, ces migrants vivent littéralement et métaphoriquement en marge de la société.

    En documentant la vie de ces Africains sub-sahariens, Hsiao-Hung Pai révèle le coût humain de la main-d’œuvre bon marché. Construisant lentement couche après couche de détails, elle a créé un exposé courageux et brutal du racisme et de l’oppression individuels et institutionnels endurés par ces travailleurs migrants.

    Publié par Hurst, 20 £.

    Morning Star, 26 mars 2021

    Tags : Afrique de l’Ouest, migration, Sénégal, Côte d’Ivoire, Mali, Burkina Faso, Tchad, Niger, Libye, Europe, Italie, exploitation,

  • Non, la France n’est pas la patrie des droits de l’homme

    Philippe Randrianarimanana

    La France, «berceau des Lumières», mérite-t-elle encore les attributs honorifiques que lui a légués son histoire ? Rien n’est moins sûr, selon le New Statesman, qui, de la «Françafrique» aux contrats de ventes d’armes, stigmatise la trahison de la politique extérieure française.

    France, « berceau des Lumières », mérite-t-elle encore les attributs honorifiques que lui a légués son histoire ? Rien n’est moins sûr, selon le New Statesman, qui, de la « Françafrique » aux contrats de ventes d’armes, stigmatise la trahison de la politique extérieure française.
    Aux grands hommes la France se déclare reconnaissante, selon la célèbre inscription inscrite sur le fronton de son Panthéon. Forte d’un héritage culturel et intellectuel qui a laissé son empreinte dans le cours de l’histoire mondiale, la République française jouit allégrement de son statut de « patrie des droits de l’homme ». « Grâce à des géants comme Voltaire, la France a inspiré d’autres nations, notamment les Etats-Unis, pour qu’elles se libèrent elles-mêmes des élites aristocratiques corrompues et tyranniques », reconnaît le New Statesman . Mais cette image est désormais usurpée, car « en pratique les Français se comportent comme s’ils tenaient la caisse dans un bordel du Far West », s’indigne cet hebdomadaire britannique de gauche.

    Non, la France n’est décidément pas une nation vertueuse, et le New Statesman ne mâche pas ses mots à l’égard des Français. « Non seulement ils ne regrettent rien, à l’instar d’Edith Piaf, mais, de sûrcroît, leur détermination à maintenir la croissance de leurs exportations d’armes les place en dehors de leurs propres lois, sans parler des conventions internationales qu’ils ont signées. » On croirait entendre un pamphlet contre les Etats-Unis de George W. Bush, dont le président français Jacques Chirac s’est fait le contradicteur émérite sur le dossier irakien. Mais cette posture diplomatique ne trompe pas l’hebdomadaire anglais. « La complaisance routinière du palais de l’Elysée envers les méfaits de ses clients en matière de droits de l’homme rend d’autant plus ironique le nouveau statut de héros de la gauche et gardien de la conscience européenne sur l’Irak attribué au président Chirac. »

    Le New Statesman ne voit les réticences françaises face à l’intervention militaire en Irak que sous le prisme de la défense des intérêts économiques hexagonaux, patiemment noués avec le régime baasiste de Bagdad dans les années 90 par Alcatel, Renault et, bien sûr, TotalFinaElf. « La France a été plus enthousiaste pour envahir l’Afghanistan et en a dûment récolté les fruits en matière économique », alors que son effort d’assistance et de reconstruction laisse à désirer par rapport à celui consenti par l’Allemagne. « Pour être franc, les Français se contentent de payer le philosophe Bernard-Henri Levy pour aller ‘évaluer les demandes et besoins’ en Afghanistan. Pendant ce temps, Alcatel installe un réseau de téléphonie mobile à Kaboul et dans cinq autres villes », lance l’hebdomadaire sur un ton décapant.

    Dans ce dossier à charge contre la politique étrangère de la France, le New Statesman dénonce aussi la non-interpellation par les Casques bleus français du Serbe de Bosnie-Herzégovine Radovan Karadzic, recherché pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide. Le constat n’est guère plus reluisant au Myanmar, où, selon le Prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi, « Total est devenu le plus fervent soutien du régime militaire birman ». Et que dire de l’insistance affichée par Jacques Chirac pour lever l’embargo européen sur la vente d’armes à la Chine, imposé après la répression des manifestants de la place Tian’anmen, en 1989.

    Même la part honorable des fonds d’aide, de l’ordre de 0,41 % de son PNB, dont « une grande partie est destinée aux pays africains et aux agences de l’Alliance française », ne résiste pas à la critique corrosive du magazine. « Cette aide est centrée sur des projets visant à promouvoir la culture française plutôt que sur des mécanismes favorisant le respect des droits de l’homme, la bonne gouvernance ou la lutte contre la corruption. » Quant au génocide rwandais, le New Statesman rapporte les propos effarants d’une spécialiste qui enquête sur le rôle de la France, Linda Melvern : « En préparation des massacres, les Français disposaient de 47 officiers supérieurs sur place qui entraînaient les génocidaires. » L’enquête de la commission sénatoriale française pour le Rwanda ne fut qu’ »une opération de blanchiment »…

    Loin des clichés sentimentaux droits-de-l’hommistes, la France se distinguerait surtout par ses contrats de ventes d’armes et d’équipements militaires, pour lesquels elle figure parmi les quatre premiers exportateurs au monde, grâce à « un réseau d’innombrables agences gouvernementales et d’officiers à la retraite qui aident les marchands d’armes à vendre leurs produits », notamment en Afrique, un continent qui souffre par ailleurs des 41,5 milliards d’euros annuels de subventions agricoles de l’Union européenne, « sans doute la conséquence la plus dommageable de la politique de la France ».

    Un autre monde est possible, 22 déc 2007

    Tags : France, Afrique, Françafrique, droits de l’homme, colonialisme, néo-colonialisme,

  • Des « naufrages invisibles » cachent le véritable nombre de migrants perdus en mer – ONU

    Par Lisa VIVAS

    La vue de réfugiés s’accrochant à des embarcations qui fuient, flottant à peine dans des eaux glaciales, ou pire, échouant sans vie sur des rivages sablonneux, ne choque presque plus après que ces images se soient répétées, année après année.

    Mais les consciences se sont réveillées cette semaine lorsqu’on a vu un enfant malien être sorti d’un bateau en perdition rempli de réfugiés. Une équipe d’infirmières de la Croix-Rouge a travaillé frénétiquement pour réanimer la fillette qui avait fait un arrêt cardiaque. Elles espéraient un miracle. Il n’est jamais arrivé.

    Nabody était l’une des 52 personnes, dont neuf enfants originaires de pays d’Afrique subsaharienne, à bord d’un navire au large des îles Canaries, en Espagne, qui a passé cinq jours dans l’océan Atlantique après avoir quitté Dakhla, sur la côte du Sahara occidental.

    « Il n’y a pas de mots pour décrire tant de douleur », a tweeté le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez.

    La tentative de sauvetage a fait la une de plusieurs journaux espagnols et a mis en lumière la détresse persistante des personnes qui fuient la violence ou cherchent une vie meilleure en Europe.

    En 2020, plus de 23 000 migrants ont débarqué sur les Islas Canarias, un chiffre huit fois supérieur à celui de l’année précédente.

    Les effets de la pandémie de COVID-19 sur le tourisme et d’autres industries du nord et de l’Afrique subsaharienne ont poussé beaucoup d’autres personnes à se lancer dans la périlleuse traversée de l’Atlantique.

    Si le nombre de décès a diminué cette année, les « naufrages invisibles » signifient que le nombre réel est probablement beaucoup plus élevé, ont déclaré les responsables de l’agence des Nations unies pour les migrations.

    Ces « naufrages » sont des événements qui ne peuvent être officiellement corroborés parce que les navires ne peuvent être localisés et que les informations sont insuffisantes. Si les autorités en apprennent l’existence, c’est souvent par l’intermédiaire de membres de la famille endeuillés. Parfois, les seules indications sont les corps flottants et, cette semaine, les sauveteurs ont trouvé les corps de quatre enfants échoués sur les côtes libyennes d’un bateau censé transporter des migrants et des réfugiés d’Afrique du Nord et de l’Ouest.

    Les responsables des îles Canaries ont tiré la sonnette d’alarme, d’autant que de plus en plus d’enfants font le voyage en bateau. Depuis octobre, plus de 2 000 de ces enfants sont arrivés.

    Parmi eux, Diawoiye, 16 ans, originaire du Mali, a fui le conflit et l’insécurité économique dans son pays. Il a passé six jours en mer pour faire le voyage. « Au Mali, il y a une guerre en ce moment… Ma mère et mon père sont là-bas, et maintenant ils deviennent vieux et il n’y a pas d’argent, alors je suis parti et je suis venu ici », a-t-il déclaré à Al Jazeera.

    Le gouvernement régional des îles Canaries a ouvert 21 centres d’urgence pour les enfants non accompagnés, mais il faut faire davantage pour aider les enfants réfugiés, a déclaré Catalina Perazzo, porte-parole de Save the Children.

    International Centre for Investigative Reporting, 24 mars 2021

    Tags : Migration, Mali, pays d’Afrique subsaharienne, Afrique de l’Ouest, pandémie, COVID-19, tourisme, îles Canaries,

  • Congo : L’ancien espion en chef de Mobutu décède au Maroc

    L’ancien chef des espions sous le régime Mobutu meurt au Maroc

    Honoré N’Gbanda Nzambo Ko Atumba, l’ancien chef des services de renseignements sous le régime de Mobutu Seseko, est décédé au Maroc, selon des sources fiables.

    Le tout puissant Nzambo Ko Atumba a dirigé l’Agence Nationale de Renseignements (ANR) du Zaïre de 1985 à 1990 – il est l’un des rares membres du cercle restreint de l’ère Mobutu à être resté jusqu’aux dernières heures de la gloire mobutienne.

    Né le 5 mai 1946 à Lisala (province de l’Équateur), Honoré N’Gbanda est décédé dimanche à l’âge de 75 ans au Maroc, là même où son président, Joseph Désiré Mobutu, est mort et enterré.

    On se souvient qu’en 1982, Honoré N’Gbanda avait effectué une mission diplomatique afin de rétablir les relations entre le Zaïre et Israël, quelques années après la décision prise par le président Mobutu à la tribune des Nations Unies, qui avait conduit à la fermeture de l’ambassade du Zaïre en Israël en 1973.

    Ainsi, Honoré N’Gbanda sera plus tard nommé Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire de la République du Zaïre en Israël.

    De retour à Kinshasa, il occupera le poste d’administrateur général de l’Agence nationale de documentation (AND), ce qui lui vaudra de présider la Commission de sécurité de la CEPGL, qui regroupe le Zaïre, le Rwanda et le Burundi.

    Il procède même à la création d’entités de coordination avec les pays limitrophes du Zaïre, dont notamment le Soudan, le Kenya, l’Ouganda, l’Angola, la Tanzanie et la Zambie, dans un but préventif ou curatif des conflits dans la région.

    Lors de l’invasion du Zaïre par le Rwanda, le Burundi et l’Ouganda en 1996, Mobutu a chargé ce dernier de mener les négociations avec les présidents Yoweri Museveni et Paul Kagame à Kampala puis, par la suite, en Afrique du Sud avec Georges Moose et Suzanne Rice, sous-secrétaires d’État américains, deux responsables de l’administration de Washington.

    Lors du dernier tête-à-tête en 1997 entre le président Mobutu et Laurent-Désiré Kabila, sous la médiation de Madiba (Nelson Mandela), Honoré N’Gbanda était également présent et a participé.

    Lors de son séjour dans la capitale togolaise, Honoré N’Gbanda apprend la chute du « Maréchal » Mobutu.

    Contraint à l’exil, Honoré N’Gbanda s’installe en Europe et crée son propre parti, l’Alliance des Patriotes pour la Refondation du Congo (APARECO).

    Taarifa Rwanda, 24 mars 2021

    Tags : RDC, Congo, Zaïre, Honoré N’Gbanda Nzambo Ko Atumba, Mobutu Sese Seko, service des renseignements, ANR, Maroc,

  • Sénégal : Projet visant à réduire les formalités administratives sur les importations de plantes et de semences pour les entreprises locales

    L’initiative vise à renforcer la compétitivité du secteur agricole sénégalais

    Les entreprises sénégalaises qui dépendent des importations de plantes et de semences bénéficieront de processus plus simples et plus rapides pour recevoir leurs expéditions grâce à un nouveau projet co-créé par le gouvernement et le secteur privé avec le soutien de l’Alliance mondiale pour la facilitation du commerce.

    Le nouveau projet, annoncé aujourd’hui, numérisera les processus clés régissant les importations de plantes et de semences, allégeant le fardeau des commerçants, des agriculteurs, des distributeurs et des petites entreprises qui ont souvent attendu des jours pour que leurs dossiers soient examinés, effectuant généralement plusieurs voyages pour s’entretenir avec les fonctionnaires. de différentes agences en cours de route.

    L’objectif primordial du Sénégal est de stimuler la production agricole et d’accroître la contribution du secteur à l’économie locale. L’agriculture représente actuellement environ 10% de la production totale du Sénégal mais emploie 69% de sa main-d’œuvre.

    Les importations de plantes et de semences sont des intrants importants dans la production agricole, mais de nombreux acteurs du secteur ont eu du mal à identifier et à comprendre les formalités administratives nécessaires pour se conformer aux processus d’importation et ont ensuite perdu du temps à livrer ces registres et à les faire vérifier pendant que leurs denrées périssables attendent dans les ports. d’entrée.

    Ce nouveau projet de deux ans identifiera les processus qui devraient être automatisés et les produits végétaux qui bénéficieraient le plus d’une approche modernisée et d’un examen des cadres juridiques et réglementaires applicables. Il concevra et mettra en œuvre des solutions numériques, formera les agents des frontières à leur utilisation et informera les commerçants et autres sur le fonctionnement du nouveau système.

    Les projets de l’Alliance reposent sur la collaboration entre les secteurs public et privé tout au long de l’initiative pour identifier plus efficacement les causes profondes des barrières commerciales et mettre en œuvre des solutions qui profitent aux deux parties. Le Ministère de l’Agriculture (à travers sa Direction de la Protection des Végétaux), l’Autorité des Douanes et le Guichet Unique du Sénégal (Gaindé 2000) seront les principaux partenaires du secteur public.

    Le projet numérisera deux processus d’importation clés de produits à base de plantes et de semences sélectionnées, à savoir les oignons, les patates douces orange, les tomates cerises et les pommes de terre.

    L’Alliance s’appuiera sur des exemples et des références de projets de modernisation similaires en Afrique, analysera les données d’importation et aidera à la conception et à la mise en œuvre du nouveau système, ainsi qu’à la formation. Le projet s’appuiera sur l’expérience du secteur privé et créera une plate-forme pour la participation des entreprises agricoles locales et des associations horticoles.

    Le Sénégal verra une augmentation des recettes fiscales et un système plus efficace pour assurer la qualité des importations de plantes et de semences, tout en voyant un secteur agricole plus dynamique libéré de la bureaucratie qui pourrait freiner les petites et moyennes entreprises à développer leurs activités.

    «Ce projet est conçu pour sauver les entreprises locales autant qu’une journée entière qui aurait autrement été passée à se rendre dans les bureaux du gouvernement, à remplir les papiers et à attendre la vérification des documents à l’arrivée», a déclaré Philippe Isler, directeur de l’Alliance mondiale pour la facilitation du commerce. «Un groupe restreint d’entreprises contribuera également au succès du projet en fournissant des données sur leurs gains de temps afin que nous puissions suivre au mieux nos progrès au fur et à mesure, en montrant comment la collaboration entre les secteurs privé et public peut donner les meilleurs résultats en matière de facilitation des échanges.»

    Global Alliance for Trade Facilitation, 23 mars 2021

    Tags : Sénégal, agriculture, importations de plantes et de semences, 

  • Discours de Borrell surle nouveau rapport sur la stratégie UE-Afrique

    Stratégie UE-Afrique: discours au nom du haut représentant / vice-président Josep Borrell et de la commissaire Jutta Urpilainen lors du débat au PE sur le nouveau rapport sur la stratégie UE-Afrique

    Présenté par la commissaire aux partenariats internationaux, Jutta Urpilainen, au nom d’elle-même et du haut représentant / vice-président Josep Borrell

    Président, Mesdames et Messieurs,

    Je suis ravi d’assister au débat d’aujourd’hui.

    Je tiens à remercier la commission DEVE et en particulier la rapporteure Chrysoula Zacharopoulou pour l’engagement dans la préparation de cet excellent rapport et pour la coopération continue.

    Collègues,

    Il y a un peu plus d’un an, nous avons présenté conjointement, avec le Haut Représentant, notre proposition de nouvelle stratégie avec l’Afrique avec l’intention d’arriver à une approche commune et à un partenariat renouvelé avec notre continent frère, l’Afrique.

    Deux jours plus tard, l’épidémie de COVID-19 a été déclarée pandémie mondiale.

    Team Europe a mené la charge sur la réponse mondiale au COVID-19 et la solidarité vaccinale, y compris en Afrique. Une part non négligeable des près de 40 milliards d’euros mobilisés pour soutenir les pays partenaires est allée à l’Afrique.

    Et les livraisons de vaccins COVAX ont maintenant lieu à travers le continent.

    Nous continuons également d’appuyer le renforcement des systèmes de santé et les stratégies nationales de vaccination.

    Et nous explorons comment renforcer les capacités de fabrication et de production locales en Afrique dans le contexte de notre budget pour l’action extérieure.

    Beaucoup de choses se sont passées au cours de cette année exceptionnelle. Pourtant, cela a rendu notre partenariat renouvelé d’autant plus crucial. La crise a révélé l’urgence des cinq piliers de la stratégie et la nécessité de rationaliser le développement humain dans l’ensemble du partenariat.

    Et cela m’amène à mon deuxième point.

    Au cours de l’année écoulée, l’UE a continué de tendre la main à ses partenaires africains, y compris plusieurs visites à Addis-Abeba.

    Et j’ai consulté différents acteurs pour m’assurer que les points de vue sont pris en compte dans le processus menant au 6e sommet UA-UE.

    À commencer par le Parlement européen.

    Je ne pourrais donc pas être plus heureux de voir les nombreux points de convergence entre votre rapport et la communication conjointe.

    Les priorités exposées dans notre communication conjointe et dans ce rapport devraient nous aider à mener une reprise mondiale durable et inclusive, en liant les objectifs de développement durable à l’investissement et à l’allégement de la dette.

    Ces zones peuvent être des opportunités gagnant-gagnant pour l’Afrique et l’Europe qui profitent à la fois aux personnes et à la planète.

    Nous pouvons lutter contre le changement climatique et la dégradation de l’environnement, inverser la perte de biodiversité et garantir la sécurité alimentaire, tout en nous concentrant sur la création d’emplois, le développement humain et une approche globale de la migration.

    De même, en matière de numérisation. Si nous comblons la fracture numérique en Afrique, il existe un énorme potentiel pour favoriser l’inclusion.

    Ce faisant, nous devons continuer à promouvoir la démocratie, les droits de l’homme, la bonne gouvernance et la paix et la sécurité en tant que conditions préalables au développement durable.

    En guise de dernier point, permettez-moi de saluer l’approbation par votre rapport de notre vision commune de l’appui aux femmes et aux jeunes.

    Je suis reconnaissant de voir votre référence au nouveau plan d’action ambitieux pour l’égalité des sexes qui favorisera la participation des femmes et des filles à tous les aspects de la reprise du COVID-19.

    De même, répondre à la demande croissante de la main-d’œuvre jeune et dynamique d’Afrique en investissant dans l’éducation, la formation et les compétences est essentiel dans un monde post-pandémique. J’ai notamment décidé d’augmenter le financement de l’éducation de 7% à au moins 10% de notre budget.

    Mais nous devons nous engager avec les jeunes en Afrique pour nous guider dans le processus.

    C’est l’une de mes priorités personnelles et je suis heureux d’annoncer que j’ai lancé un comité de résonance jeunesse et que je nommerai un envoyé spécial pour la jeunesse.

    En conclusion, permettez-moi une fois de plus de vous remercier pour ce rapport et j’attends avec impatience le débat.

    Lien vers la vidéo: https://audiovisual.ec.europa.eu/en/video/I-203394

    EEAS, 24 mars 2021

    Tags : Union Européenne, UE, Afrique, Josep Borrell,