Catégorie : Algérie

  • Les Gilets Jaunes, le Hirak et l’enjeu de la démocratie

    par Kamal Guerroua


    Patrick est un Gilet Jaune ! C’est un gars hors pair avec une faconde inhabituelle. Il aime discuter de tout et de rien. Et entre deux verres, il peut raconter tout un tas d’anecdotes, jusqu’au point que l’on s’imagine qu’il en invente certaines. Parisien de naissance, aucune ville française ne lui est étrangère, tellement la passion du voyage est ancrée dans son esprit. Méditerranéen de culture (d’après sa définition), il s’intéresse à tout ce qui se passe au Maghreb, en particulier l’Algérie, dont il y voit de l’espoir. Il me disait, un tantinet moqueur, que l’homme méditerranéen a deux traits profonds, intimement liés l’un à l’autre : la passion d’abord, puis ensuite la familiarité avec la révolte. Partout où il est, la fumée lacrymogène et la casse y sont ! La dernière fois que l’on s’est vus, c’était en juillet 2019 à Marseille. La ville phocéenne était alors parée de ses plus beaux atours pour organiser un festival culturel sur le livre. »Les Algériens, m’explique-t-il avec un brin de malice brillant au coin des yeux, nous ont enseigné les fondamentaux des révolutions réussies !» «Mais lesquels ?» lui dis-je curieux. «Tout d’abord, l’unité dans l’action, et puis le fait qu’on peut faire une révolution, sans passer forcément par la case lacrymale et la violence, deux choses typiques des révoltes populaires. C’est déjà un exploit pour tous les peuples des deux rives de la mare nostra».

    En prononçant ce mot «violence», Patrick a regardé dans le vide, puis l’a répété, pas une fois, mais trois. Pour lui, les choses auraient pu dégénérer en Algérie, si les manifestants n’avaient pas fait montre d’une grande maîtrise de leurs réflexes, et surtout d’une constance dans leur démarche. C’est d’ailleurs, d’après lui toujours, l’erreur que les Gilets Jaunes ont commise en Hexagone. Ces derniers sont entrés directement, pour la plupart, dans le jeu des politiques, en optant pour la force «médiatisée» à outrance afin de faire valoir leurs droits qui sont d’ordre économique. «Et quand on adopte la violence ou la tactique du camp adverse qui essaie de vaincre, dominer et manipuler par la diversion et la force, on tombe forcément dans son labyrinthe». L’exemple algérien, m’explique-t-il, est singulier dans la mesure où la masse populaire avait agi en force symbolique unie dans sa diversité, c’est-à-dire en contrepoids démocratique alternatif dans un rapport de forces complexe contre à la fois des forces anticonstitutionnelles corrompues et des clans satellitaires et larbins courant derrière les dividendes de la rente. En outre, le Hirak avait un fort ancrage dans l’Algérie profonde, ce qui lui a permis de gagner en longévité et en maturité au fil des mois, sans qu’il ne fléchisse devant les tentatives de sa déstabilisation psychologique. «Et tu penses que le mouvement des Gilets Jaunes n’a pas aussi cet ancrage-là ?» «Malheureusement non !» «Mais pourquoi ?» «Parce qu’à la base, c’est un mouvement d’ouvriers salariés, à peine différent des Nuits Debout, que des milliers de Français ont organisées auparavant partout en France !» «C’est-à-dire ?» « C’est simple, quand les Algériens sont sortis, ils n’ont pas demandé d’augmentation de salaires et de pouvoir d’achat, ils n’ont pas demandé de logement ni de l’élévation de leur standard de vie, ni moins encore un dinar qui leur offre des droits aux vacances d’été, mais ils ont demandé une chose, une seule chose qui vaut l’or : la dignité. Or, comme tu le sais mon ami, la dignité, on ne l’achète pas, mais on l’acquiert, on la conquiert, on se l’approprie.

    C’est pourquoi, le régime n’a pas pu acheter ni soudoyer les masses algériennes pour qu’elles cessent de manifester, contrairement au Mouvement des Gilets Jaunes qui s’est divisé dès le départ, scindé en catégories syndicales, appâté par les échéances électorales, en cédant aux demandes pressantes des deux extrêmes (de droite et de gauche) !» «Donc, pour toi, sur le long terme, le Hirak peut vraiment réussir ? Je te pose bien sûr cette question, en tenant compte, du fait que les Algériens vivaient dans un Etat de non-droit. Pas comme les Gilets Jaunes, du moins en principe !» «Le Hirak, c’est un espoir pour l’Algérie, les Algériens et la planète entière pour son message de paix et sa croyance dans le changement pacifique des choses. D’ailleurs, en si peu de temps, il a balisé le terrain pour un autre lendemain, il démantelé symboliquement les réseaux de la tricherie et de la mafiocratie qui se nichent en haut de la pyramide, il a revalorisé l’Algérien touché dans sa dignité et il a exposé à la vindicte médiatique mondiale les faussaires. L’espoir est permis, même si le chemin est encore long pour la conquête du pouvoir effectif.

    Le Quotidien d’Oran, 1 déc 2020

    Tags : Algérie, France, Hirak, Gilets Jaunes,

  • L’Algérie dénonce le deal derrière la libération des ôtages au Mali

    200 terroristes libérés au Mali contre rançons
    L’Algérie dénonce

    Le ministère de la Défense nationale a rendu public hier un communiqué assez détaillé d’ailleurs dans lequel on apprend qu’un dangereux terroriste, « Mustapha Derrar » a été arrêté avant-hier à Tlemcen par les services de sécurité. Il se trouve que ce terroriste n’est pas n’importe qui puisqu’il s’agit de quelqu’un qui a été libéré au mois d’octobre au Mali dans le cadre d’une opération donnant/ donnant entre les autorités maliennes et le GSIM (Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans).

    Selon le communiqué du ministère de la Défense l’arrestation du terroriste algérien est « menée suite à une surveillance permanente dudit criminel, depuis son entrée sur le sol national jusqu’à la collecte des renseignements relatifs à ses mouvements suspects ».

    Le terroriste Derrar, révèle encore le communiqué du MDN avait rallié les groupes armés en 2012, soit une présence dans les maquis de huit ans ; avant d’être libéré au début du mois d’octobre, « suite aux négociations menées par des partis étrangers ayant abouti à conclure un accord via lequel plus de 200 terroristes, précédemment arrêtés pour des faits de violence ont été libérés. »

    En fait, le communiqué du MDN, tout en informant sur la mise hors d’état de nuire de ce dangereux terroriste et faisant valoir aussi la vigilance de nos services de sécurité, veut surtout dénoncer le troc honteux intervenu entre les autorités maliennes (derrière lesquelles se profile l’ombre des autorités françaises) et les groupes terroristes. On apprend en effet, à travers le communiqué qu’une « rançon conséquente a été versée aux groupes terroristes contre la libération de trois otages européens dont l’humanitaire française Sophie Petronin et l’ex candidat à la présidentielle malien Soum lia Cissé.

    Visiblement heurté par ce marchandage, le MDN n’y est pas allé de main morte pour qualifier ces pratiques (remises de rançons) de juste « inadmissibles » et « contraires aux résolutions de l’ONU incriminant le versement des rançons aux groupes terroristes. Ce qui est de nature rappelle, à juste titre le MDN à entraver « mes efforts de lutte contre le terrorisme et le tarissement de ses sources financières ».

    La doctrine officielle de l’Algérie, défendue dans les forums internationaux, c’est la non remise des rançons aux terroristes pour tarir leurs ressources qui leur permettent d’acheter des armes et perpétrer des actes de violence. Officiellement, les pays européens sont sur la même longueur d’onde que l’Algérie, partageant avec elle la nécessité de combattre le terrorisme, mais dans les coulisses vont-ils à contre sens de leurs engagements en acceptant de payer des rançons pour obtenir la libération de leurs citoyens, otages des terroristes ? Et c’est précisément le cas pour l’humanitaire française Sophie Petronin, détenue depuis 7 ans par les groupes armés de Iyad Ag Ghali et pour laquelle la France a dû payer pour obtenir sa libération comme l’ont laissé entendre à demi-mot la plupart des médias français.

    H.Khellifi

    L’Est Républicain, 29 oct 2020

    Tags : Algérie, Mali, ôtages, rançons, Sahel, terrorisme,

  • Lutte antiterroriste : Tensions entre l’Algérie et la France

    Si les relations entre l’Algérie et la France traversaient déjà des turbulences en raison du refus français de rendre les archives de la Guerre d’Algérie et de la période de colonisation, un nouvel élément vient s’ajouter au valse et qui risque de créer des tentions entre Alger et Paris.

    En effet, l’armée algérienne vient d’interpeller dans la région de Tlemcen, Moustapha Derrar, un terroriste récemment libéré au Mali sous pression de la France dans un marchandage basé sur la libération de 200 terroristes et le paiement de plusieurs millions d’euros en guise de rançon en échange de la libération de trois ôtages.

    L’Algérie qui se trouve derrière la résolution onusienne incriminant le paiement de rançons aux groupes terroristes, voit d’un très mauvais oeil l’initiative française. Selon la presse locale, Alger compte poursuivre cette affaire à l’ONU.

    Dans un communiqué publié à cet égard, le ministère algérien de la défense a qualifié l’attitude française de « contraire aux résolutions des Nations Unies incriminant le versement de rançons aux groupes terroristes et qui entrave les efforts visant à combattre le terrorisme ».

    Pour rappel, Derrar a rejoint les groupes terroristes en 2012.

    Tags : Algérie, France, Mali, Sahel, terrorisme, ôtages, rançons,

  • Le Soudan et l’Algérie, nouveaux alliés des Etats-Unis ?

    Washington veut passer par Khartoum pour convaincre les pays arabes de normaliser leurs relations avec Israël, et par Alger pour lutter contre le terrorisme sur le continent.

    L’Afrique revient dans le viseur des Etats-Unis. Alors que le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, est engagé dans une course contre la montre pour dénouer le contentieux de son pays avec le Soudan avant l’élection présidentielle aux Etats-Unis, le chef du Commandement militaire américain en Afrique (Africom), Stephen Townsend, s’est rendu mercredi 23 septembre en visite en Algérie.

    « Les Etats-Unis ont une occasion qui ne se présente qu’une fois d’assurer enfin une compensation aux victimes des attentats terroristes de 1998 menés par Al-Qaïda contre les ambassades des Etats-Unis au Kenya et en Tanzanie », a écrit Mike Pompeo dans une lettre à des sénateurs dont l’AFP a eu connaissance. « Nous avons aussi une fenêtre unique et étroite pour soutenir le gouvernement de transition dirigé par un civil au Soudan, qui s’est enfin débarrassé de la dictature islamiste », a-t-il ajouté.

    Au cœur de ce dossier, l’inscription du Soudan dans la liste noire américaine des Etats soutenant le terrorisme. Cette sanction, synonyme d’entrave aux investissements pour le pays, remonte à 1993. La crise s’est envenimée avec les attentats de 1998, qui avaient fait plus de 200 morts. Le Soudan d’Omar al-Bachir était alors devenu un paria pour avoir accueilli le chef d’Al-Qaïda, Oussama ben Laden.

    Ces dernières années, Washington a changé de ton lorsque l’ex-autocrate soudanais a commencé à coopérer dans la lutte antiterroriste et joué le jeu de la paix au Soudan du Sud. Les Etats-Unis ont renoué avec Khartoum, déjà sous l’ex-président démocrate Barack Obama, puis engagé un dialogue pour retirer le Soudan de leur liste noire. La révolution qui a balayé Omar al-Bachir, en 2019, n’a fait qu’accélérer le mouvement. Depuis, Mike Pompeo ne ménage pas son soutien au premier ministre de transition, Abdallah Hamdok.

    Mais les négociations achoppaient sur l’épineux dossier judiciaire de l’indemnisation des familles des victimes des attaques de 1998. Le secrétaire d’Etat pense désormais qu’une solution est en vue et en a fait « une de ses premières priorités », a dit à l’AFP une porte-parole de la diplomatie américaine. Son « plan » prévoit le versement par Khartoum, sur un compte bloqué, de fonds qui ne seront versés que sous conditions aux Etats-Unis pour indemniser les plaignants. Des médias américains ont cité le montant total de 335 millions de dollars (environ 287 millions d’euros).

    Parmi ces conditions, le retrait du Soudan de la liste noire antiterroriste et l’adoption d’un texte de loi proclamant la « paix légale » avec Khartoum, pour écarter le risque de nouvelles poursuites. Dans son courrier, Mike Pompeo fait pression sur le Congrès américain afin qu’il vote cette disposition. « Cette loi doit entrer en vigueur mi-octobre au plus tard afin de garantir le paiement des indemnisations aux victimes dès que le Soudan sera retiré de la liste des Etats soutenant le terrorisme », ce qui interviendra « très probablement » d’ici fin octobre, a-t-il expliqué. C’est-à-dire avant l’élection présidentielle américaine du 3 novembre. Au sein du gouvernement, on s’inquiète toutefois d’une résistance de quelques influents sénateurs démocrates.

    Pourquoi un tel empressement de la part d’un secrétaire d’Etat par ailleurs peu intéressé par l’Afrique ? C’est probablement au nom d’un autre dossier cher à l’administration Trump. Mike Pompeo s’est rendu fin août à Khartoum lors d’une tournée pour convaincre des pays arabes de normaliser leurs relations avec Israël. Le camp du président-candidat veut capitaliser sur les accords historiques conclus sous son égide par l’Etat hébreu avec les Emirats arabes unis et Bahreïn – un succès qui manquait à son bilan diplomatique, qui plus est favorable aux intérêts israéliens et donc susceptible de galvaniser son électorat évangélique.

    Abdallah Hamdok avait semblé doucher les espoirs américains, en affirmant qu’il n’avait « pas de mandat » pour trancher cette question sensible. Mais les tractations se poursuivent en coulisses, avec des positions peut-être moins figées. Le général Abdel Fattah al-Burhane, chef du Conseil souverain au Soudan, qui avait rencontré en février le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a eu trois jours de pourparlers cette semaine à Abou Dhabi avec une délégation américaine. Au menu, bien entendu, la sortie de la liste noire, mais aussi, selon l’agence officielle soudanaise Suna, « l’avenir de la paix arabo-israélienne » et « le rôle que le Soudan devrait jouer dans la réalisation de cette paix ».

    En parallèle à ce front, mais plus au nord sur le continent, le général Stephen Townsend, chef de l’Africom, a effectué mercredi une visite à Alger dans un contexte de tensions régionales, en particulier en Libye et au Mali, a-t-on appris de source officielle. Le général Townsend, « accompagné de membres de l’ambassade américaine en Algérie », a été reçu par le chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune, précise un communiqué de la présidence algérienne, qui ne divulgue pas la teneur des discussions. Le gradé de haut rang américain a également eu des entretiens avec le chef d’état-major de l’armée algérienne, le général Saïd Chanegriha, et le ministre des affaires étrangères, Sabri Boukadoum.

    « Nous avons beaucoup à apprendre et à partager les uns avec les autres. Renforcer cette relation est très important pour nous », a expliqué le chef de l’Africom, cité dans un communiqué de l’ambassade des Etats-Unis en Algérie. « L’Algérie est un partenaire engagé dans la lutte contre le terrorisme. Affaiblir les organisations extrémistes violentes, les activités malveillantes et renforcer la stabilité régionale est une nécessité mutuelle », a plaidé le général Townsend. Il s’agissait de la première visite en Algérie d’un commandant de l’Africom depuis 2018.

    L’Algérie, qui craint les risques d’instabilité à ses frontières, s’efforce de réactiver son rôle sur la scène diplomatique régionale et tente d’endosser un rôle de médiateur dans les crises en Libye et au Mali.

    Source : Decryptnews.com, 27 sept 2020

    Tags : Afrique, Armement, Économie, terrorisme, sécurité, sanctions, sahel, pauvreté, négociations, mali, islam, international, Algérie, Soudan, Etats-Unis,

  • La délégation algérienne achève sa visite en Mauritanie

    La délégation algérienne, conduite par M. Sabri Boukadoum, ministre des Affaires étrangères a achevé, ce mardi après-midi, sa visite de travail en Mauritanie.

    A son départ de l’aéroport international de Nouakchott Oum-Tounsi, la délégation a été saluée par le ministre des Affaires étrangères, de la Coopération et des Mauritaniens de l’Extérieur, M. Ismail Ould Cheikh Ahmed.

    M. Sabri Boukadoum était arrivée à Nouakchott dans la matinée à la tête d’une importante délégation qui comprend M. Abderrahmane Raouya, ministre des Finances, Kamel Rezig, ministre du Commerce, Abdel Rahman bin Bouzid, ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, et Mohamed Chafik Mesbah, directeur général de l’Agence algérienne de Coopération internationale pour la solidarité et le développement.

    Cette visite a permis d’examiner les différents aspects de coopération fructueuse entre les deux pays frères.

    AMI, 9 juin 2020

    Tags : Algérie, Mauritanie, coopération,

  • Algérie : L’épreuve de vérité

    Le retour à la vie économique et sociale est une épreuve décisive. La bataille du déconfinement en deux phases interpelle les opérateurs, les commerçants et les citoyens sur le devoir de vigilance, de prudence et de responsabilité pour relever le défi individuel et collectif de la normalisation. Rien n’est définitivement acquis, particulièrement pour tous ceux qui ont longtemps souffert de la pandémie et, conséquemment, appelés à se mobiliser davantage pour préserver les acquis enregistrés et faire preuve de solidarité avec les catégories professionnelles concernées par la deuxième phase de la levée du confinement prévue le 14 juin.

    Tout manquement au respect des mesures de déconfinement et tout relâchement, durement vécu pendant le Ramadhan, sont de nature à stopper net le processus enclenché et à remettre en cause les résultats satisfaisants arrachés par l’armée des blouses blanches et confortés par la longue chaîne de solidarité citoyenne. Le dénouement est si proche qu’il serait insensé de prendre le risque d’un retour à la case départ. Il est nettement perceptible dans la décrue observée dans le principal foyer de la contamination.

    Globalement, la stabilisation de la situation sanitaire, à la faveur de l’engagement du corps médical, la création de nouveaux laboratoires et de la généralisation des enquêtes épidémiologiques, a conduit au déconfinement de 4 wilayas, en attendant les autres wilayas. L’exemple de Blida qui a fermé, le 7 juin, deux de ses trois centres d’hospitalisation, est suffisamment éloquent pour inciter les 10 wilayas les plus touchées, notamment celles du centre, à plus d’engagement. C’est dire que, totalement tributaire de l’évolution de la situation sanitaire, le déconfinement «progressif et flexible» est a portée de main des bénéficiaires de la reprise de l’activité économique et sociale.

    Tout l’enjeu réside maintenant dans leur capacité d’organisation et de gestion de l’environnement qui passe par le respect des mesures barrières et le port obligatoire du masque à l’intérieur et à l’extérieur des ateliers, des magasins et des lieux de travail. L’optimisme est de retour. Il se doit d’être renforcé par un professionnalisme de tous les instants.

    Horizons, 9 juin 2020

    Tags : Algérie, confinement, déconfinement, covid19, coronavirus, pandémie,

  • Mauritanie : Nouakchott accueille une importante délegation algérienne

    NOUAKCHOTT REÇOIT LA PREMIÈRE ET LA PLUS IMPORTANTE DÉLÉGATION DIPLOMATIQUE ENVOYÉE PAR L’ALGÉRIE À L’ÉTRANGER DEPUIS L’ARRÊT DU TRAFIC AÉRIEN

    L’aéroport international d’Oum Tounsy dans la capitale mauritanienne, Nouakchott, reçoit la première mission diplomatique de haut niveau que le gouvernement algérien a envoyée à l’étranger depuis l’arrêt du trafic aérien étranger.

    L’avion de la délégation algérienne achemine une aide médicale au secteur de la santé mauritanien, qui rencontre de grandes difficultés pour contenir le virus Corona.

    Le porte-parole officiel de la présidence algérienne, Belaid Amhand Oussaid, a confirmé aujourd’hui mardi que la mission dirigée par le ministère des Affaires étrangères, Sabri Boukadoum, se rendra dans la capitale, Nouakchott,en vue, -selon lui-objectif d’échanger des informations dans le domaine de la lutte contre Corona.

    Belaid Amhand Osaid a indiqué lors d’une conférence de presse tenue aujourd’hui au siège présidentiel qu’il s’agit de la première mission diplomatique à ce niveau depuis l’arrêt des mouvements du trafic aérien.

    Selon des sources « anbaa Info », la délégation algérienne sera reçue à l’aéroport de Nouakchott par des membres éminents du gouvernement dirigé par le ministre des Affaires étrangères Ismail Ould Cheikh Ahmed, après quoi la délégation sera reçue plus tard ,au palais présidentiel par le président Mohamed Ould Cheikh El-Ghazouani, à qui elle remettra un message de son homologue algérien Abdel Majid Taboun.

    Ensuite, la délégation tiendra une série de réunions d’affaires distinctes avec le Premier ministre Ismail Ould Bedda Ould Cheikh Sidya et le ministre des Affaires étrangères Ould Cheikh Ahmed.

    En août 2018, la Mauritanie et l’Algérie ont ouvert le premier poste frontalier terrestre reliant les villes algériennes de Tindouf (sud-ouest) et de la Mauritanie Zouerate (nord-est), dans le but d’intensifier le commerce, de faciliter la circulation des personnes et de renforcer la coopération en matière de sécurité.
    La Mauritanie et l’Algérie sont reliées par des frontières terrestres d’environ 460 km.

    Source : Adrar Info, 9 juin 2020

    Tags : Algérie, Mauritanie, covid19, coronavirus, pandémie,

  • Algérie : La véritable option stratégique

    On a beau, en Algérie, miser formellement sur la diversification de l’économie, il n’en reste pas moins que tous les responsables du pays, tendaient, hier, une oreille attentive à la rencontre de l’Opep+ qui devait décider du maintien à la baisse de la production de l’or noir, synonyme d’une augmentation des cours et donc une meilleure marge de manœuvre pour le gouvernement. Dans le Pipe de l’exécutif, il y a le développement des énergies renouvelables, un investissement dans l’économie du savoir et dans l’agriculture… Plein de beaux projets, sauf qu’en ces temps présents, l’un des challenges les plus près d’être réalisés n’est autre que de lancer des projets dans l’Offshore gazier.

    Il est difficile de comprendre cet « acharnement » à trouver coûte que coûte des hydrocarbures, au moment où tous les gouvernements des dix dernières années ne jurent que pour le développement des énergies renouvelables. Preuve de cette volonté d’aller de l’avant dans cette politique, est la décision de réaliser en quatre ans l’équivalent de 4.000 mégawatt d’électricité solaire.

    S’il existe un seul domaine que partage l’exécutif de Djerad avec les autres gouvernements, en dehors de la politique du logement, c’est cette détermination à faire évoluer le potentiel énergétique renouvelable de l’Algérie. C’est dire que cette question transcende les clivages et passe pour une option stratégique liée à la survie de la nation. Et pour cause, il serait suicidaire pour un pays comme le nôtre de fermer les yeux sur une réalité aussi évidente, celle qui donne la fin de l’or noir à plus ou moins courte échéance. Toutes les études, même les plus optimistes, prévoient le tarissement des puits de pétrole et de gaz au plus tard vers le milieu du 21e siècle. L’Algérie aura eu un petit siècle pour se préparer à cette échéance en construisant une nouvelle industrie énergétique basée sur le renouvelable.

    Lorsqu’on sait les conditions dans lesquels le pays a accédé à son indépendance, on mesure la grande difficulté de la tâche. Dans ce petit siècle, l’Algérie est appelée à acquérir une technologie encore balbutiante au niveau international, la développer jusqu’à trouver des applications sur le terrain sans que cela ne soit trop onéreux, exécuter lesdites applications à l’échelle nationale et garantir l’accès à toute la population à la nouvelle énergie. Cela peut paraître illusoire de réaliser pareille prouesse, mais il est clair que c’est la seule chose à faire pour ne pas finir dans les poubelles de l’Histoire.

    On sent une véritable prise de conscience au plus haut niveau de l’Etat. Mais cela ne suffit pas pour s’engager sur la bonne voie. Il est urgent de faire le premier pas, de capitaliser toutes les expériences réalisées dans le domaine des énergies renouvelables et surtout, de commencer à développer une technologie susceptible de donner à l’Algérie un avantage certain sur le créneau de l’énergie solaire.
    Par Nabil.G

    Ouest Tribune, 7 juin 2020

    Tags : Algérie, pétrole, OPEP, OPEC,

  • M. Macron, rendez-nous Baba Merzoug !

    Pour récupérer notre patrimoine historique, faisons tonner les canons !

    Par Noureddine Khelassi

    Ce n’est pas encore la réconciliation historique franco-algérienne moyennant le salut au canon, loin s’en faut ! Les relations entre l’ex-puissance coloniale et son ancienne colonie émancipée depuis 1962 traversent de nouveau une sérieuse zone de turbulences ! La récente campagne médiatique menée en France par des organes publics, en dehors de toute connexion éditoriale logique avec l’actualité, a en effet eu en Algérie l’effet de l’essence que l’on jette, délibérément ou pas, sur des braises toujours ardentes sous la cendre de la mémoire coloniale.

    C’est que, cinquante-huit ans après l’indépendance, le passé colonial ne passe pas alors même que les relations entre l’ancienne puissance coloniale et sa colonie libérée suivent une courbe d’évolution en ligne sinusoïdale ! Une relation bilatérale portée par des intérêts pas toujours mutuellement bien compris. Des rapports fortement indexés sur la mémoire coloniale.

    L’anamnèse coloniale est à la fois une donnée de base et une variable d’ajustement dans l’histoire de la relation franco-algérienne. Tandis que les contentieux divers se nourrissent aussi de la mémoire du passé douloureux dont l’Algérie et la France n’ont pas encore fait le solde de tout compte, à l’image des deux anciennes puissances ennemies historiques que sont Paris et Berlin. Dans la panière riche des litiges bilatéraux, figure en bonne place le mythique canon algérois Baba Merzoug qui fut une terreur militaire des siècles durant en Méditerranée sous domination de la Régence d’Alger.

    Dans les annales historiques de la Régence ottomane, il s’agit de cette pièce d’artillerie, unique en son genre, que la France officielle garde par devers elle et refuse obstinément de restituer à l’Algérie. La préfecture maritime de Brest n’envisage toujours pas de se séparer du célèbre canon. Et elle le répète à chaque fois : «Nous n’avons reçu à ce jour aucune demande officielle concernant le canon La Consulaire», ainsi baptisé par les Français, lors de la prise d’Alger, le 5 juillet 1830. Baba Merzoug est toujours planté au milieu d’un parking de la zone militaire du port de Brest. Son retour à l’Amirauté d’Alger, son ancien lieu d’accueil, n’est pas pour demain.
    Le combat pour sa restitution, mené sans tambour ni trompette, par un comité ad hoc, créé en 1999 par le défunt historien algérois Abdelkrim Babaci, non sans discrétion, n’a jamais abouti.

    Baba Merzoug, le père fortuné des Algérois qu’il protégeait en leur apportant chance et baraka, est, par certains aspects, avant d’être le combat de militants algériens de la mémoire, une histoire singulièrement bretonne. Le célèbre canon fut en effet transféré dans la capitale du Finistère par Victor-Guy Duperré, amiral en chef breton de la marine coloniale. En juillet 1830, dès les premiers jours de la chute d’Alger, le fameux canon est saisi et expédié comme précieux trophée de guerre à Brest, pour être installé dans l’arsenal militaire de la ville. «C’est la part de prise à laquelle l’armée attache le plus grand prix», écrit-il alors.

    Un autre Breton, homme d’affaires de son état, milite activement depuis 2003 pour sa restitution à l’Algérie. Encouragé par le précédent du sceau du dey Hussein, remis par le président Jacques Chirac à son homologue Abdelaziz Bouteflika, Domingo Friand, passionné d’histoire, humaniste et altruiste s’il en est, a mené une campagne assidue en faveur du retour de Baba Merzoug à Alger. Il a souhaité que le canon, érigé à l’affût et à la verticale, soit transféré aux autorités algériennes. Il a promis alors une cérémonie œcuménique à Alger, avec un imam et un évêque, «en mémoire des victimes de la colonisation et en lieu et place du traité d’amitié franco-algérien qui n’a jamais été signé». Militant de l’ancienne UMP, parti du président Nicolas Sarkozy, Domingo Friand a d’abord plaidé la cause de Baba Merzoug auprès de la députée UMP du Finistère Marcelle Ramonet, qui a notamment évoqué l’affaire, en 2004, avec Alain Juppé alors ministre des Affaires étrangères. La députée a ensuite transmis le dossier à la ministre de la Défense de l’époque, Michelle Alliot-Marie, en mars 2005. Cette cacique de l’UMP a vite opposé un refus, certes poli, mais qui exhalait un parfum de la loi scélérate de février 2005 glorifiant la colonisation : «Ce canon fait partie intégrante de notre patrimoine historique de la défense (…). De plus, le personnel de la marine manifeste un attachement particulier à ce monument qui commémore la participation des marins à un épisode glorieux de l’histoire de nos armées.»

    Baba Merzoug avant la Grosse Bertha

    L’homme d’affaires breton a réussi par ailleurs, miraculeusement, à susciter l’intérêt de l’ambassade d’Algérie à Paris. Cette dernière a transmis le dossier au ministère de la Culture à Alger, tandis que l’Élysée «ne se dit pas opposé à une restitution, sous la forme d’un prêt à long terme».
    Un bail emphytéotique gracieux et susceptible de renouvellement.
    Le tenace Breton semblait s’inscrire dans l’esprit d’une pétition d’anciens officiers de l’armée coloniale qui, en 1912, réclamaient déjà le retour au bercail de Baba Merzoug.

    Invité de la chaîne publique française TV5 Monde, Yves Bonnet, patron de l’ex-DST de 1982 à 1985, a déclaré qu’il a écrit à Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires étrangères, pour lui demander de remettre à l’Algérie Baba Merzoug. L’ex-député, ami de l’Algérie assumé et président du Centre international de recherches et d’études sur le terrorisme et l’aide aux victimes du terrorisme (Ciret-AVT), a encore dit que ce serait de la part de l’ancien ministre de la Défense un «geste d’amitié» envers les Algériens dont «c’est le bien historique ».

    Un autre ami de l’Algérie, Jean-Pierre Chevènement (ministre de la Défense, ministre de l’Intérieur et de l’Éducation), invité à un colloque sur l’Émir Abdelkader, avait plaidé, quant à lui, pour la restitution des archives coloniales. Pour ce faire, Français et Algériens doivent, selon lui, «arriver à une conscience commune». Il a même soufflé une idée pratique aux autorités de son pays : «Rien n’empêche le partage des archives, on peut même les dupliquer.» Pour le papier, ça va, mais pour un canon de 12 tonnes de bronze tel Baba Merzoug, sorti de la fonderie Dar Ennahas en 1545, au cœur même de La Casbah, c’est un peu plus compliqué ! Comme les pouvoirs publics français ne peuvent réaliser une copie conforme de Baba Merzoug que leur marine a féminisé en le baptisant La Consulaire, s’offrait donc à eux une solution plus simple que la suggestion de M. Chevènement : le restituer tout simplement à qui de droit.

    Côté algérien, on sait que des amis de Baba Merzoug militent toujours pour sa restitution à l’Algérie, dans le cadre d’un comité pour le retour de ce «prisonnier de guerre». Ce comité va dans le sens de l’Histoire. Il sait que notamment Napoléon Bonaparte avait indûment subtilisé la célèbre statue d’Apollon qui se trouvait sur la place de Brandebourg à Berlin.

    Le monument a quand même fini par être remis à l’Allemagne. Le combat franco-algérien pour le rapatriement de Baba Merzoug fait sens car il tire sa substance de l’histoire de ce canon à nul autre pareil, jusqu’à l’invention par les Allemands de l’extraordinaire Grosse Bertha, utilisé pendant la Première Guerre mondiale.

    Son histoire propre est indissociable de celle de la Régence turque et de la colonisation de l’Algérie. Ainsi, après la reconquête d’Alger, consécutivement à la reprise du Penon aux Espagnols par Kheireddine Baba Arroudj, ce dernier, devenu souverain en 1529, entrevit la nécessité de fortifier la ville. Lui et son successeur Baba Hassan la dotent donc de forts et d’une série de puissantes batteries de marine. C’est grâce à ses travaux de génie qu’en 1541 Alger a repoussé l’impressionnante armada de Charles Quint, venu en personne récupérer ses «possessions» algériennes et venger l’humiliante défaite de sa marine, à Oran, face à Kheireddine.

    En 1542, pour célébrer la fin des travaux de fortification, Baba Hassan fait fabriquer un gigantesque canon par un fondeur vénitien, long de 6,25 mètres et d’une portée de 4,872 km – exceptionnelle pour l’époque. Cette pièce est baptisée affectueusement Baba Merzoug, père fortuné et protecteur béni de la rade et de la ville. Dirigé vers la Pointe Pescade, servi par quatre artilleurs et installé entre Bordj Essardine et Bord El Goumène (goumène = câbles, amarres, cordes), Baba Merzoug interdisait à l’époque à tout navire ennemi, quelle que soit sa puissance de feu, d’accéder à la rade d’Alger. Avec ses mille pièces d’artillerie, dont le canon en chef était Baba Merzoug, Alger avait mérité donc son surnom de Mahroussa. Dormez en paix braves gens, les canons algérois tirent au loin !

    Les Algériens, maîtres intraitables de la Méditerranée

    Plus d’un siècle plus tard, après avoir dicté aux Hollandais et aux Anglais des pactes de non-agression, les corsaires algériens deviennent les maîtres intraitables de la Méditerranée. Cette année-là, ils capturent une frégate française et vendent son commandant comme esclave sur l’actuelle place algéroise des Martyrs. Louis XIV, le Roi-Soleil, soucieux de rester en lumière, réagit en envoyant l’amiral Abraham Duquesne à la tête d’une expédition punitive d’une centaine de navires lourdement armés. Cette fois-ci, les marins français disposaient de bombes et de boulets incendiaires. Leur puissance de feu finit par contraindre le dey à demander un armistice et l’ouverture de négociations.

    L’intermédiaire français est alors le vicaire apostolique Levacher, désigné par le roi comme consul à Alger depuis 1671. Duquesne exige et obtient la libération de la plupart des captifs chrétiens. Mais c’était sans compter sur un certain Mezzo Morto, alias Hadj Hussein, riche renégat génois qui fomenta alors un complot politique, assassina Baba Hassan et ligua la population algéroise contre l’envahisseur français. L’amiral Duquesne reprend alors les bombardements. Mezzo Morto, devenu dey, inaugure en ces temps-là une méthode de représailles très expéditive et restée célèbre : le consul Levacher est introduit dans la bouche de Baba Merzoug avant que les artilleurs algériens ne fassent feu. C’est depuis ce jour que la marine française a donné le nom de La Consulaire à Baba Merzoug, en mémoire du diplomate pulvérisé.

    Après lui, d’autres captifs malchanceux subirent les mêmes foudres canonnières, et la terrifiante réputation de Baba Merzoug s’en trouva d’autant plus grandie. Finalement, l’amiral Duquesne rentra bredouille en France, et la marine française rumina sa défaite… jusqu’à la conquête de l’Algérie en 1830. Le 5 juillet de cette année, après la prise d’Alger, la plupart des canons sont fondus et transformés en francs nouveaux. Mais l’amiral en chef de l’armada française, Victor-Guy Duperré, lui, n’a pas oublié Baba Merzoug, le canon de l’amertume historique de la marine française. Il le fit donc transférer en Bretagne où il est érigé, à ce jour, en colonne votive dans l’arsenal de la ville militaire de Brest, au magasin général, Quai Tourville. Aujourd’hui, les promeneurs qui empruntent le pont de La Recouvrance peuvent distinguer en surplomb le canon planté au milieu d’un parking de la zone militaire.

    Les curieux découvriront alors un monument un peu piteux, l’affût recouvert d’un magma de plâtre jauni. Puis une grille rouillée autour d’un socle carré en marbre. Sur les côtés, des gravures de bronze commémorent l’histoire coloniale. Sur la plus réactionnaire de ces inscriptions, on peut lire : «L’Afrique délivrée, vivifiée, éclairée par les bienfaits de la France et de la civilisation.»

    Déjà, gravé dans le marbre de la condescendance coloniale, l’esprit du discours de Dakar de Nicolas Sarkozy ! Tout aussi bien, la philosophie de la loi infâme de février 2005 glorifiant le fait colonial.

    Les huit canons des Invalides et les crânes du Muséum aussi !

    Le militant de la mémoire Belkacem Babaci avait bien reçu des promesses de l’Élysée, faites par un certain Claude Guéant, alors secrétaire général. Bien des années plus tard, et malgré ces promesses qui peuvent être des promesses de Gascon, les autorités françaises ne semblent guère davantage disposées à se séparer de Baba Merzoug. Elles rappellent à l’occasion, à qui veut bien les entendre, qu’il se dresse maintenant depuis des décennies dans l’enceinte de la base navale de Brest, qu’il figure même sur des cartes postales de la ville et que la marine de guerre française en a surtout fait une question d’honneur militaire et d’orgueil national. Et si, à propos d’honneur militaire algérien et d’orgueil national, de ce côté-ci de la Méditerranée, les amis de Babaci, en attendant un sursaut d’orgueil des pouvoirs publics algériens, demandent de nouveau aux autorités françaises la restitution de Baba Merzoug et d’autres canons de la marine algérienne ? À savoir, les huit couleuvrines en bronze gisant sur le sol, à l’entrée de l’esplanade de l’Hôtel des Invalides ? Le cas échéant, la fête serait plus complète car Baba Merzoug serait ainsi accompagné de huit «petits frères» d’armes.
    Mais, il ne faut pas rêver, et surtout ne pas croire aux promesses quand elles existent. Pour revoir un jour Baba Merzoug à Alger, là où il a craché des boulets de feu des siècles durant, il faut plutôt sortir les canons de la fermeté et du bon droit !

    Tonner, comme doivent le faire les autorités algériennes, présidence de la République et ministère de la Défense en tête. Sortir le gros calibre pour revendiquer sa restitution. Tonnerre de Brest, ce ne serait alors que justice que de rapatrier de cette ville grise et triste Baba Merzoug, père national affectueux, jadis dispensateur de baraka aux Algérois ! Bénis soient donc son tube et son affût exceptionnels !

    Gouvernement et présidence de la République devraient aligner les batteries d’artillerie diplomatique. Monter en première ligne pour ne pas laisser les militants de la mémoire tirer à blanc sur les réseaux sociaux, au même titre que des journalistes esseulés comme l’auteur de cet article, réduits à lancer des pétards mouillés. Que nos militaires, nos diplomates, nos politiques et nos journalistes sachent donc que des Français n’ont pas hésité à donner de la voix, chez eux, utilisant, tour à tour, les armes de la pétition et du lobbying pour inciter à rendre Baba Merzoug aux Algériens. Il en est ainsi de ces honorables officiers de l’armée française qui, déjà en 1912, ont signé une pétition réclamant sa restitution à ses primo-propriétaires. De même que cet homme d’affaires breton, Domingo Friand, qui a porté la question devant le président Jacques Chirac et au Parlement français, comme déjà signalé supra. En vain. Mais si les Français trouvent toujours dans la séquestration de Baba Merzoug une justification de la mémoire coloniale, les Algériens, eux, devraient inverser l’argument mémoriel pour revendiquer la récupération d’un canon qui fit tant de bien pour la défense d’Alger contre des vagues d’envahisseurs successifs. En son temps, le canon providentiel avait fait des étincelles en tirant à boulets d’enfer sur moult escadres ennemies.

    Il est vrai que les marins français maugréent sous le képi bicorne à l’idée qu’on puisse déboulonner un jour Baba Merzoug de son piédestal brestois. Soit. Mais si la marine française y voit encore quelque gloire militaire à préserver en s’appropriant encore indûment le canon mythique de l’ennemi d’hier, son maintien au cœur de l’Arsenal de Brest ne relève pourtant d’aucune fatalité historique. Tout bien mal acquis est condamné à revenir à ses légitimes propriétaires. C’est presque une fatalité historique.
    Ne pas oublier à ce propos que le président Chirac, exemple symbolique à méditer, a déjà restitué le sceau du dey Hussein, ce potentat émasculé qui a capitulé sans tirer un coup de canon, en juillet 1830. La France, d’autre part, n’a-t-elle pas rendu aux ennemis héréditaires allemands la statue d’Apollon que Napoléon Bonaparte leur avait volée comme un vulgaire chapardeur de poules ? Alors, pour Baba Merzoug, chargeons tous les canons possibles pour exiger son retour, mais aussi celui des huit couleuvrines du château parisien des Invalides et des crânes du Chérif Boubaghla, de Cheikh Bouziane et de Moussa Derkaoui, entre autres, conservés au Muséum d’histoire naturelle de Paris comme des curiosités anthropologiques.
    Plus que des canons ou des restes mortuaires prestigieux, ce sont là des corpuscules insécables et incessibles de la mémoire historique algérienne. Inaliénables, ad vitam aeternam. Alors, Monsieur le Président Macron, rendez-nous notre bien patrimonial spolié, rendez-nous notre père Baba Merzoug ! On ne vous en supplie guère, on vous l’exige !

    N. K.

    Le Soir d’Algérie, 4 juin 2020

    Tags : France, Algérie, colonisation, Macron,

  • 8 MAI 1945 : L’horreur coloniale et le rituel politicien

    «La paix n’est qu’une forme, un aspect de la guerre: la guerre n’est qu’une forme, un aspect de la paix: et ce qui lutte aujourd’hui est le commencement de la réconciliation de demain.» (Jean Jaurès).


    Rituellement le 8 mai 1945 se rappelle à nous par toujours les «mêmes». Les mêmes laudateurs de la «‘abkaria algérienne»- le génie algérien- et les pourfendeurs des crimes coloniaux.

    Franchement, en dehors de la «famille révolutionnaire» dont il faudra bien qu’un jour on explique à ces millions d’Algériennes et d’Algériens, la clé de cooptation qui leur permet d’être les seuls à revendiquer cette Révolution, que les jeunes non seulement ne connaissent pas l’épopée réelle de la Révolution mais développent une réaction de rejet résumée par une phrase sans appel: «Dzaïr lihoume»- l’Algérie est à eux-. Cruelle sentence s’il en est et qui explique bien des drames, ceux de ces jeunes qui décident de jouer le tout pour le tout et de s’enfuir de leur pays pour des cieux plus cléments avec les désillusions que l’on connaît dans le pays d’accueil.

    45.000 morts

    De quoi il s’agit cette fois? Des évènements du 8 mai 1945. Il faut tout d’abord être convaincu qu’ils n’ont pas jailli du néant. C’est l’aboutissement d’une lente maturation de la détresse du peuple algérien catalysée par des décisions de plus en plus drastiques du pouvoir colonial. D’ailleurs, dès le 1er mai, les manifestations des Algériens avaient donné le ton. Il y eut 4 morts ce jour-là à Alger du fait d’une répression brutale. Le 8 mai, ce fut en Europe la fête de la victoire des Alliés. Les Algériens défilèrent pour d’autres motifs. La répression fut brutale et les statistiques sont contradictoires. Du côté algérien on s’en tient à 45 000 morts, du côté français on dénombre un millier de morts et cent vingt colons tués.

    Entre ces deux bornes, des rapports américains et britanniques donnent des chiffres plus proches des chiffres algériens. Il semble que le chiffre de 15.000 morts serait plus proche de la réalité si l’on croit une déclaration en petit comité du général Tubert chargé de l’enquête selon Yves Courrières dans son ouvrage: «Les fils de la Toussaint». En admettant, c’est une moyenne de 500 morts par jour pendant les mois qui s’en ont suivi. Comment peut-on appeler cela?
    Quelle que soit la vulgate occidentale, des millions de personnes ont été massacrées pendant 132 ans. Des vies brisées, des douleurs, du pillage, de la destruction furent le lot quotidien des 48.231 jours d’une occupation inhumaine.

    C’est bien des génocides continuels qui ont eu lieu au nom du mythe de la race supérieure et ceci un siècle avant le Troisième Reich. Poujalat, décidément en verve, voyait dans l’invasion française un message divin: «Le but de notre guerre d’Algérie est plus haut et plus sacré que nos guerres européennes. Ce qui est le plus en jeu, c’est la sainte cause de la civilisation,la cause immortelle des idées chrétiennes auxquelles Dieu a promis l’empire du Monde et dont le génie français est le soutien providentiel.»

    Le marquis de Clermont Tonnerre qui, dès 1827 dans le «Rapport au Roi» écrivait: «Ce n’est pas peut-être, sans des vues particulières que la Providence [souligné par le rédacteur] appelle le fils de saint Louis à venger à la fois la religion, l’humanité et ses propres injures.. Alger doit périr si l’Europe veut être en paix.» (1)

    Effectivement, sous les coups de boutoir des sinistres Montagnac qui se vantait de rapporter un plein baril d’oreilles récoltées par paires, des prisonniers amis ou ennemis, des Saint Arnaud, des Rovigo et Youssouf, l’Algérie perdit sa sève, sa structure sociale fut anéantie, sa structure religieuse fut démantelée par le rattachement des Habous trois mois après l’invasion. Ce qui fit dire à Tocqueville, auteur d’un rapport d’enquête sur les exactions de l’armée: «Autour de nous, les lumières se sont éteintes…»

    Il est donc incomplet de parler du 8 mai 1945 sans parler de la genèse du combat séculaire du peuple algérien. Le 8 mai 1945, que certains historiens situent comme le début de l’insurrection, fut le summum de la cruauté, de l’injustice et le plus grand contre-exemple de la France patrie autoproclamée des Droits de l’Homme. Il est vrai que Jules Ferry, lumineux dans l’imposition de l’Ecole républicaine que le pouvoir colonial à Alger acceptait difficilement pour la foule de gueux que nous étions, était lui aussi un colonialiste acharné. On lui doit ce fameux cri du coeur: «Les droits de l’Homme ne sont pas valables dans les colonies.» C’est tout dire!!

    Où en sommes-nous dans cette Algérie de 2010 qui peine à se redéployer? Beaucoup d’Algériennes et d’Algériens développent des crises d’urticaire quand ils voient la manipulation de la cause sacrée de la Révolution. Cette allergie est due au fait que pour des calculs bassement politiciens, on galvaude une noble cause. On dit que 120 députés auraient introduit un texte à l’APN, qui serait bloqué s’agissant de la criminalisation de la présence coloniale. Soit!
    Voilà un dossier de fond pris en charge par une centaine de personnes qui auraient dû d’abord, informer les citoyennes et les citoyens du contenu.

    A moins que cela ne soit, selon toute vraisemblance, un rituel avec un jeu de rôles: «Agitez-vous, monopolisez les médias, faites passer en boucle les mêmes images depuis près de cinquante ans, en un mot, amusez la galerie, mais pas trop, le 8 mais passe et on passe à autre chose jusqu’au prochain anniversaire.» Le 8 mai 1945 n’a pas vu la haine du pouvoir colonial s’arrêter ce jour-là. Tout le trop-plein de haine et de lâcheté, par la compromission avec Vichy, s’est déversé sur un peuple sans défense. Il y eut une traque pendant plusieurs années. Krim Belcacem prit le maquis dès cette date. Il y eut des jugements et même des peines de mort qui furent prononcées. Le 8 mai 1945, peu importe comment la doxa occidentale l’appelle pour amoindrir sa responsabilité dans l’horreur. Puisque, apparemment, le mot génocide est une marque déposée, nous l’appellerons à notre entendement, ethnocide.

    On ne peut pas avoir un double langage avec la France, d’un côté près de 50% de nos achats se font en France,qui se fait payer par un gaz naturel bradé et de l’autre on lui demande de reconnaître sa faute coloniale! Imaginons, pour rêver, que le pouvoir en France reconnaisse enfin, à l’instar de ce qu’il a fait pour la traite négrière, sa responsabilité dans l’ethnocide des Algériens pendant 132 ans.

    Que se passera-t-il? Rien au-delà de quelques dédommagements honteux à la El Gueddafi avec Berlusconi- donner une valeur marchande à l’épopée de ‘Omar El Mokhtar est indigne -. Est-ce une victoire pour ceux dont le fonds de commerce réside justement dans le refus de la repentance de la France.. J’en doute! Au contraire, ils n’auraient plus de grain à moudre…

    Est-ce une victoire pour les deux peuples algérien et français? C’est sans hésitation, oui! La France gagnerait énormément à être dans les bonnes grâces d’une Algérie qui, malgré ses pesanteurs conjoncturelles, est la porte du Maghreb et de l’Afrique. Rien de structurel ne se fera sans elle! Il n’est que de voir comment l’UPM bat de l’aile parce que le pouvoir français actuel a tout fait pour marginaliser l’Algérie. La vieille Europe est en train de s’effriter sous nos yeux.

    Le double langage de la France

    L’Algérie gagnerait à ne pas se tromper de combat. Notre douleur coloniale n’est pas monnayable. Elle fait partie intégrante de notre mémoire. L’Algérie peut cependant revendiquer au nom de l’histoire commune, au nom du formidable travail que nous faisons pour la francophonie, sans y être, de ne pas être seulement un marchand mais un demandeur réel de technologie.

    Un premier geste fort serait la construction d’une grande bibliothèque pour remplacer celle qui est partie en fumée par des Français qui voulaient effacer comme ils étaient venus, toute trace de culture. Il s’agira ensuite de développer ensemble, en impliquant les universités, des projets porteurs. C’est à titre d’exemple, toute la problématique des changements climatiques et du développement durable qui constituera un immense chantier.

    C’est enfin tout le contentieux de notre émigration malmenée et à qui on n’offre en France que le bâton. Une redéfinition des Accords de 1968, qui occulte cette dimension, est vouée à l’échec.
    Le moment est venu, de part et d’autre, de faire émerger, de part et d’autre de la Méditerranée des passeurs de culture, des forgerons de la fraternité. Au risque d’être utopique, un traité de l’Algérie avec la France est plus que jamais d’actualité.

    1.Rapport au Roi sur Alger, par le marquis de Clermont Tonnerre le 14-10-1827, Revue Africaine. Vol. 70. p.215, (1929)

    Pr Chems Eddine CHITOUR

    Ecole Polytechnique enp-edu.dz

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    Tags : Algérie, France, colonialisme, 8 mai 1945, crime coloniaux, crimes de guerre, génocide,