Tags : Maroc, DGED, Ahmed Charaï, Rachida Dati, José María Aznar,
L ‘«espion» marocain qui a accusé José María Aznar d’être le père de la fille de l’ancien ministre Rachida
La personne qui a découvert le canular qui attribuait la paternité de la fille de Dati à Aznar a été révélée. C’était Ahmed Charai, un collaborateur des services secrets extérieur du Maroc. L’ancien président du gouvernement espagnol a déjà réussi à le battre devant le tribunal.
IGNACIO CEMBRERO Mise à jour: 18/10/2014 12:04 heures
« Rachida Dati enceinte… d’Aznar ». Avec ce titre et un photomontage dans lequel apparaissent la ministre française de la Justice et l’ancien président du gouvernement espagnol, l’hebdomadaire marocain francophone « L’Observateur du Maroc » a ouvert son premier numéro de septembre 2008. Par l’intermédiaire du FAES, la fondation qu’il dirige, Aznar s’est empressé de démentir : « C’est un mensonge total et complet. Ce démenti n’a servi à rien. La ministre a refusé de préciser quoi que ce soit : « J’ai une vie privée compliquée et je n’en dirai rien. » Fille d’un immigré marocain et d’un algérien, Dati avait alors 42 ans, célibataire et n’avait pas d’enfant.
La rumeur est montée en flèche lorsque, dix jours plus tard, l’hebdomadaire espagnol ‘Interviú’ a publié un reportage intitulé « Les photos les plus embarrassantes d’Aznar » dans lequel l’ancien président a été vu en train de dire au revoir à Dati, avec un bisou sur la joue, alors qu’il sortait d’un restaurant parisien. Pour couronner le tout, Bakchich Info, une publication satirique française en ligne réputée pour ses exclusivités sur le Maghreb, a semblé crédibiliser les ragots avec une chronique intitulée « Bienvenue à la petite Dati-Aznar ».
Six ans plus tard, un tribunal de Versailles a jugé ce mois-ci que le père de la petite Zohra, aujourd’hui âgée de 5 ans, la fille de Dati, est Dominique Desseigne, un veuf de 70 ans, un riche homme d’affaires qui possède des hôtels, des casinos, auquel l’hebdomadaire Challenge attribue une fortune de 630 millions d’euros. Il doit verser à Dati, actuellement maire du VIIe arrondissement de Paris, une pension alimentaire de 2 500 euros par mois. Desseigne est un vieil ami de l’ancien président Nicolas Sarkozy.
Six ans plus tard, force est également de constater que le journaliste qui a diffusé la fausse nouvelle, Ahmed Charai, directeur de L’Observateur du Maroc, est un collaborateur de la Direction générale des études et de la documentation (DGED), les services secrets étrangers marocains, qui Yassine Mansouri, 52 ans, dirige. A-t-il tenté, en répandant cette rumeur, de se venger d’un Aznar qui, aux yeux de nombreux Marocains, a humilié son pays en expulsant de force ses agents de l’îlot de Perejil en juillet 2002 ?
En plus de publier le démenti, Aznar a eu recours à la justice. Il a porté plainte en 2008 en Espagne contre Charaï et son hebdomadaire et, trois ans plus tard, il a finalement obtenu une condamnation définitive. Le tribunal provincial de Madrid a condamné le directeur de « L’Observateur du Maroc » à lui verser 90 000 euros pour « dommages moraux » -qu’il a déjà perçus- et à insérer le verdict dans trois journaux marocains et trois journaux espagnols.
D’ailleurs, Aznar a également poursuivi Bakchich Info en France et un tribunal de Nanterre (Paris) a jugé, en février 2013, que son honneur avait été violé. Elle a condamné son directeur à indemniser l’ancien président de 90 000 euros qui ne lui ont jamais été versés car l’entreprise avait fait faillite deux ans plus tôt. Bakchich Info a suspendu son activité pendant quelques mois, mais depuis juin 2011, il a rouvert son site Internet.
L’Observateur du Maroc fait partie de ces hebdomadaires marocains francophones qui ont peu de lecteurs, mais qui ne manquent pas de publicité. Il compte une quinzaine de journalistes, auxquels s’ajoutent trois chroniqueurs français chevronnés qui ont consacré une partie de leur vie professionnelle au Maghreb. Son directeur préside également Med Radio, le quotidien arabophone Al Ahdath Al Maghribia, et est membre des conseils d’administration de deux groupes de réflexion nord-américains.
Depuis le début de ce mois, Charai et les services secrets marocains dans leur ensemble ont une cailloux dans leur chaussure. D’abord sur Facebook, jusqu’à la fermeture de la page, puis sur Twitter. Il y a deux semaines, un compte anonyme appelé Le Makhzen a divulgué des documents compromettants pour chacun d’eux.
Charai y apparaît comme un intermédiaire du renseignement marocain qui gère, en échange d’enveloppes monétaires, que des journalistes et des think tanks américains, britanniques et français écrivent des articles favorables au Maroc et nuisibles à ses deux grands ennemis, l’Algérie et le Front Polisario. Les noms des bénéficiaires et les sommes qu’ils ont perçues, entre 11 750 et 47 000 euros, figurent dans les documents. A la caisse s’ajoutaient des invitations à passer des vacances au Maroc.
Pour avoir transporté trop d’argent liquide et ne pas l’avoir déclaré, Charai a même été arrêté le 14 septembre 2011, à l’aéroport de Dulles à Washington, selon un rapport de police révélé par Le Makhzen. Il a admis sa culpabilité – il a imputé ce qui s’est passé à sa mauvaise compréhension de l’anglais – mais il a quand même été condamné.
Charai n’est pas le seul protagoniste de ce Wikileaks à la marocaine. Figurent également dans les journaux une note sur la coopération militaire nord-américaine-marocaine, du ministre des Affaires étrangères, Salaheddine Mezouar, et des photographies du mariage de son vice-ministre, Mbarka Bouaida, dénuées de tout intérêt. Il y a même des photos d’identité d’agents présumés du Mossad, les services secrets israéliens, qui se sont rendus au Maroc pour tenir des réunions pour lesquelles il n’apporte cependant aucune preuve.
Un service secret douteux
Sous le titre Intrigues bon marché des services secrets, Ahmed Charai reconnaît, dans une tribune de son hebdomadaire, que sa messagerie a été piratée depuis 2010, mais ajoute que les mails et documents volés ont été manipulés – il n’explique pas en quoi consistait l’altération – de s’en prendre à « l’Etat marocain à travers un homme de presse indépendant » comme lui.
Qui attaque ? « (…) les rats des services secrets algériens », dit-il. Il est vrai que le compte Le Makhzen montre une certaine propension à suivre d’autres comptes Twitter, souvent en espagnol, d’indépendantistes sahraouis. Si prolifique à l’époque lorsqu’il parlait d’Aznar et de Dati, Charai n’a pas répondu ces jours-ci aux messages que lui adressait ce journaliste pour obtenir sa version.
Hakim Arid, bras droit de Charai à l’hebdomadaire, incite, dans un autre article intitulé A vos claviers hackers !, les hackers marocains à répliquer en entreprenant avec les Algériens. « Puisqu’ils aiment la guerre sur Internet, ils seront satisfaits », annonce-t-il, anticipant une contre-attaque virtuelle.
Malgré l’accusation de Charai de manipulation de ses e-mails, les quelques médias marocains – l’essentiel de la presse et des partis politiques ignorent l’affaire – qui se sont fait l’écho des révélations de Le Makhzen acceptent les documents comme valides. « Des informations confidentielles du contre-espionnage marocain fuient sur Twitter : ils pointent vers Mansouri et Mezouar », titrait par exemple le journal en ligne Yabiladi.
Et parfois, ces médias applaudissent leurs espions. « Dans quelle mesure les activités de la DGED pour recueillir des soutiens pour les Marocains posent-elles problème ? », s’interroge le journal en ligne Médias 24. « Dans la guerre interservices, tous les coups sont permis », ajoute-t-il. « Fermons la parenthèse, alors », conclut-il.
Tags : Espagne, Maroc, espionnage, Barbara Baron, DGED, Ahmed Charai, L’Observateur du Maroc,
Les scandales d’espionnage des services marocains n’en finissent pas. Chaque semaine, après les scandales du logiciel Pegasus et de l’affaire Marocgate qui a éclaboussé le Parlement européen, de nouveaux faits sont révélés accablant encore le régime de Rabat sur ses pratiques où s’entremêlent corruption, pots de vin, drogue et chantage.
Des faits qui démontrent une fois de plus la nature de ce régime dictatorial, policier et belliqueux. Cette fois, la nouvelle affaire d’espionnage se déroule en Espagne et met en scène une journaliste et fille d’un haut responsable de la police espagnole recrutée par les services de renseignements marocains.
El Hammouchi reçu par Paz Esteban, la patronne du CNI
Selon ce journal espagnol, la fille du commissaire général à l’information au niveau de la police nationale espagnole a travaillé pendant des années en Espagne pour la DGED (Direction générale des études et de documentation) dirigée par Yassine El Mansouri. Son nom est Bárbara Barón. Elle a été recrutée par Ahmed Charai, un des lieutenants de Yassine El Mansouri, pour faire partie des réseaux implantés en Espagne chargés de défendre les intérêts du Makhzen.
Il faut dire que Bárbara Barón, journaliste, a travaillé de longues années pour la DGED lorsque son père, Enrique Barón, était commissaire général à l’information de la police nationale, poste occupé de janvier 2012 à décembre 2017. Aujourd’hui, il est chef de la province de Malaga dans la police.
Selon les révélations du journal, les liens entre Bárbara Barón et la DGED sont avérés. Les contacts entre les deux parties ont été découverts suite à la découverte de messages WhatsApp échangés le 24 septembre 2017 entre le commissaire Enrique García Castaño, alors chef de l’Unité centrale d’appui opérationnel de la police nationale espagnole et Francisco Martínez, qui jusqu’en novembre 2016 était secrétaire d’État à la sécurité. Ce commissaire García Castaño a d’abord expliqué à l’ancien numéro deux du ministère de l’Intérieur que le Centre National de Renseignement CNI a une succursale exclusive au Maroc.
Il ajoute ensuite : « regarder Ahmed Charai, [qui] contrôle les médias, vient beaucoup en Espagne, travaille pour les renseignements marocains (…) ». « Vous savez qui il voit, avec [Enrique] Barón, avec [Samy] Cohen et la fille de Barón, qu’il paie pour écrire des articles pour l’Observateur marocain. Ce Cohen est un patron juif installé à Madrid et soutient les activités de l’entité sioniste et celles du palais de Mohamed VI.
Ahmed Charai est propriétaire de Global Media Holding, un groupe de presse dont fait partie l’hebdomadaire L’Observateur du Maroc, auquel se réfère García Castaño. Ahmed Charai agissait en tant que responsable des relations publiques pour la DGED.
La mission de Charai au sein des services marocains se concentrait sur les journalistes et les médias. Grâce à des bons salaires et à des revenus en contrepartie de piges pro-Maroc, il tentait de domestiquait le monde médiatique depuis de longues années. À l’automne 2014, des documents font surface sur Twitter dans lesquels il consulte la rémunération des journalistes avec Mourad El Ghoul, directeur de cabinet du directeur de la DGED. Les bénéficiaires de ces paiements étaient quatre journalistes français connus et un américain, mais tous ont nié avoir reçu de l’argent de L’Observateur du Maroc. Mais ceci est une autre affaire.
Quel est le rôle de la journaliste espagnole ? En fait, elle préparait pour Charai ses voyages en Espagne, notamment à Madrid, et l’a accompagné à certains rendez-vous avec des politiciens, des policiers gradés, des hommes d’affaires, des directeurs de médias et des experts en communication. La principale activité publique de Bárbara Barón a été la publication pendant des années d’articles, dans un journal madrilène, favorables aux autorités marocaines et très critiques sur l’opposition et sur le Front Polisario, qui lutte pour la libération du territoire du Sahara occidental occupé depuis 1975 par Rabat.
Ainsi, plusieurs publications de Barbara Barón ont fait l’éloge du roi du Maroc, ou des chroniques élogieuses pour les hauts fonctionnaires du Makhzen. D’ailleurs, la presse officielle marocaine s’est fréquemment fait l’écho des articles de Charai et Barón publiés en Espagne.
Le CNI assure, dans un rapport réservé transmis le 24 juin 2021, en pleine crise entre l’Espagne et le Maroc, que la DGED « tente d’influencer les médias pour générer un courant d’opinion favorable au Maroc et discréditer le Front Polisario ».
Pour la presse espagnole, cette révélation n’est qu’une infime partie des activités secrètes marocaines, qui n’ont jamais cessé d’espionner le personnel politique ibérique, ses institutions, ses organismes publics et privés, ses hommes d’affaires, ses intellectuels et les élites culturelles.
Dans ce registre, il convient de rappeler que l’ancienne cheffe des services de renseignement espagnols Paz Esteban, a été destituée en mai 2022 par le gouvernement dirigé par Pedro Sanchez après le scandale provoqué par la révélation que son téléphone et ceux de plusieurs indépendantistes catalans avaient été écoutés au moyen du logiciel espion israélien Pegasus. Pire encore, la classe politique espagnole pense même que Sanchez, a été victime d’un chantage, grâce à des écoutes des services marocains, pour expliquer le revirement incroyable de Madrid dans sa ligne politique sur la question de la décolonisation du Sahara occidental.
Récemment encore, il y a quelques mois, le CNI a découvert un complot d’espionnage marocain activant depuis le consulat du Maroc à Madrid, à la suite d’une enquête de plusieurs années sur un agent consulaire accusé d’avoir «collaboré» avec l’actuel chef des services de renseignement marocains en Espagne.
Autre affaire qui avait éclaboussé les services marocains est celle de Noureddine Ziani, un espion qui activait en Espagne. Il a été découvert puis expulsé en mai 2013, à la demande du général Félix Sanz Roldan, alors directeur du CNI. Basé à Barcelone, Ziani avait fondé l’Union des centres culturels islamiques de Catalogne, financée par le ministère marocain de l’Immigration. En Allemagne, aux Pays-Bas et en Belgique, les expulsions et même les procès de collaborateurs des services secrets marocains sont souvent rendus publics. Le dernier cas connu remonte à juillet 2018, celui d’une femme, Kaoutar Fal, au sujet de laquelle la Sûreté de l’Etat belge a déclaré dans un communiqué qu’elle avait été expulsée «pour ses activités d’ingérence et d’espionnage pour le compte de services de renseignement étrangers». Ce texte mentionne directement le Maroc.
Tags : Eva Kaili, Maddalena Kaili, Moroccogate, Qatargate, Maroc, DGED, Parlement Européen, Antonio Panzeri, Francesco Giorgi, Marocleaks, Mohamed Belahrach, Fight Impunity, No peace without justice, corruption,
Un scandale de corruption impliquant le Qatar et le Maroc secoue l’Union européenne, les autorités belges ayant perquisitionné plus tôt ce mois-ci les domiciles et les bureaux de plusieurs législateurs du Parlement européen pour avoir prétendument accepté des pots-de-vin des deux gouvernements. Les perquisitions ont permis de récupérer des centaines de milliers d’euros en espèces. Parmi les personnes arrêtées figurait la vice-présidente du Parlement européen, Eva Kaili, qui, à l’approche de la Coupe du monde, a défendu à plusieurs reprises le Qatar contre les critiques. Ana Gomes, une diplomate portugaise à la retraite qui a été membre du Parlement européen de 2004 à 2019, a déclaré que si l’enquête était initialement axée sur le Qatar, « il semble de plus en plus que le Maroc devrait être le centre de l’enquête ». Nous nous entretenons également avec Francesco Bastagli, ancien représentant spécial des Nations Unies pour le Sahara occidental, qui note que le Maroc a cultivé un réseau sophistiqué d’« amis » en Europe qui ont aidé le pays à conclure des accords commerciaux et à faire accepter son occupation illégale du Sahara occidental.
Transcription
Il s’agit d’une transcription précipitée. La copie peut ne pas être dans sa forme finale.
AMY GOODMAN : This is Democracy Now!, democracynow.org, The War and Peace Report. Je m’appelle Amy Goodman.
Alors que la Coupe du Monde est terminée, avec la victoire de l’Argentine sur la France en finale, nous nous tournons maintenant vers un scandale de corruption impliquant le Qatar, hôte de la Coupe du Monde, qui a secoué le Parlement européen. Plus tôt ce mois-ci, les autorités belges ont perquisitionné les domiciles et les bureaux des législateurs du Parlement européen, les accusant d’accepter des pots-de-vin de fonctionnaires du gouvernement au Qatar, ainsi que – et cela n’est pas rapporté autant – ainsi qu’au Maroc. Les perquisitions ont permis de récupérer des centaines de milliers d’euros en espèces.
Parmi les personnes arrêtées figurait la vice-présidente du Parlement européen, Eva Kaili, de Grèce. À l’approche de la Coupe du monde, elle a défendu à plusieurs reprises le Qatar contre les critiques qui ont souligné le bilan lamentable de la monarchie en matière de droits des travailleurs et sa persécution des personnes LGBTQ.
Le scandale a également révélé comment le Maroc a tenté de faire pression et de soudoyer les membres du Parlement européen dans le but d’accroître le soutien à son occupation illégale du Sahara occidental, qui est connu par beaucoup comme la dernière colonie d’Afrique.
Une autre personne arrêtée était l’ancien membre du Parlement européen Antonio Panzeri d’Italie. Il a été accusé, je cite, « d’intervenir politiquement auprès de membres travaillant au Parlement européen au profit du Qatar et du Maroc ».
Nous sommes maintenant rejoints par deux invités. Francesco Bastagli est un ancien représentant de la Mission des Nations Unies et représentant spécial de Kofi Annan pour le Sahara occidental. Ana Gomes est une diplomate portugaise à la retraite. Elle a été membre du Parlement européen de 2004 à 2019, où elle faisait partie de l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates. Elle nous rejoint depuis le Portugal.
Ana Gomes, commençons par vous. Pouvez-vous expliquer à un public mondial en quoi consiste cette enquête, à la fois en ce qui concerne le Qatar et, moins connu, le Maroc ?
ANA GOMES: Eh bien, les autorités judiciaires belges — les autorités judiciaires belges ont mené cette enquête, apparemment motivée par des soupçons de trafic d’intérêts par le Qatar par l’intermédiaire d’un certain nombre de personnes, dont cette vice-présidente du Parlement européen Eva Kaili, une députée grecque, et d’autres personnes, notamment en travaillant avec une ONG de défense des droits de l’homme appelée Fight Impunity qui avait été financée par l’ancien député européen Antonio Panzeri.
L’enquête concernant le Qatar, les soupçons concernant le Qatar, conduisent en fait de plus en plus au fait qu’il existe un réseau opérant au Parlement européen, depuis longtemps, effectivement établi par le Maroc. Le Qatar n’est donc pas au centre de l’enquête. Il semble de plus en plus que le Maroc devrait être au centre de cette enquête, parce que, en effet, des proches, par exemple, de Panzeri, l’ancien député européen, qui a créé cette ONG pour couvrir ce réseau de corruption — Panzeri a fait arrêter sa femme et sa fille en Italie à la demande des autorités judiciaires belges, parce qu’ils étaient au courant et qu’ils en bénéficiaient, depuis longtemps, de l’argent envoyé par le Maroc. Et apparemment, cela conduit à un réseau qui a effectivement été établi et dirigé par les services secrets du Maroc.
Je ne suis pas surpris. Je n’ai pas été surpris. Dès que j’ai appris que M. Panzeri était impliqué dans cette affaire concernant le Qatar, j’ai immédiatement soupçonné, et je l’ai dit publiquement, que cela serait lié au Maroc, parce que pendant toutes ces années, trois mandats dans lesquels j’ai servi au Parlement européen, servi exactement avec Panzeri dans le même groupe politique, nous avons eu un certain nombre de différends exactement à cause du Sahara occidental. Tout le temps, il a essayé de protéger les intérêts du Maroc, empêchant que nous nous concentrions sur les droits de l’homme au Maroc même et, bien sûr, sur les droits de l’homme du peuple du Sahara occidental, qui ont leur droit fondamental et numéro un, qui est le droit à l’autodétermination, violé par le Maroc, depuis longtemps.
AMY GOODMAN : Je voulais faire participer Francesco Bastagli, ancien représentant spécial de l’ONU pour le Sahara occidental. Parlez-en davantage – je veux dire, vous avez la corruption de membres du Parlement européen, maintenant derrière les barreaux, sur le Qatar, les questions des droits des travailleurs, l’arrêt des résolutions condamnant les problèmes des droits de l’homme au Qatar, et le Maroc. Et parlez de ce que cette corruption a signifié au fil des ans, en particulier lorsqu’il s’agit d’accords commerciaux. Et rappelez-vous, vous parlez à un public mondial. Beaucoup ne sont même pas au courant de l’occupation illégale du Sahara occidental par le Maroc.
FRANCESCO BASTAGLI: Sûr. Merci. Bonjour.
Juste pour renforcer ce qui a été dit par l’orateur précédent, il y a un groupe, une sorte de groupe d’amis, tournant autour du Parlement européen, et des parlementaires eux-mêmes, qui canalisent depuis longtemps ces intérêts illicites de leurs parrains de manière à soutenir leurs agendas au sein du Parlement. Du côté du Maroc — et ce groupe d’amis est très articulé, dans le sens non seulement en termes de nombre ou, vous savez, de niveau ou de stature des participants, mais ils font un travail très minutieux. En d’autres termes, ils ne se contentent pas de canaliser de l’argent ou des ressources; ils facilitent également l’identification des parlementaires qui pourraient être — en raison de la nature de leurs fonctions et responsabilités au sein du Parlement — peuvent être plus utiles à leurs clients et créer des occasions où ces parlementaires peuvent être approchés dans le cadre de rencontres sociales, de missions de visite, et cetera. C’est donc un système très articulé, qui comprend également la surveillance du comportement des parlementaires qui ont été soudoyés, pour s’assurer que, vous savez, ils votent, se comportent ou font du lobbying conformément à ce que l’on attend d’eux.
Maintenant, en ce qui concerne le Maroc, comme cela a été dit à juste titre, le Maroc a une longue tradition de présence très agressive à la fois en termes de relations bilatérales avec des pays clés ou dans les forums internationaux, tels que l’ONU et l’Union européenne, à l’appui de son programme. Et cela a en effet eu un impact énorme sur deux dimensions, cela a déjà été suggéré. Premièrement, bien sûr, dans le domaine des relations économiques et commerciales, et nous parlons de l’Union européenne dans ce cas particulier, où le Maroc a essayé à plusieurs reprises d’inclure le territoire du Sahara occidental dans ces accords agricoles et de pêche avec l’Union européenne. C’est très important, parce que le Sahara occidental est très riche en — vous savez, les champs de pêche du Sahara occidental sont parmi les plus riches du monde. Le Sahara Occidental est un important producteur de phosphates qui sont extrêmement importants pour la production d’engrais et ainsi de suite. Ainsi, chaque fois que le Maroc signait un accord commercial avec l’Union européenne, il était très important que cet accord inclue le territoire du Sahara occidental. Et c’est là que l’effort de lobbying des amis du Maroc est devenu extrêmement important, à tel point que deux fois les accords entre l’Union européenne et le Maroc incluaient le territoire et les ressources du Sahara occidental, et deux fois la Cour européenne annulée, a déclaré ces accords invalides. Et une fois de plus, le Parlement relance un effort pour signer un accord de pêche avec le Maroc incluant le Sahara occidental. Donc, l’attitude [inaudible] aussi de ce Parlement européen est, c’est le moins qu’on puisse dire, révélatrice d’une certaine force extrême du Maroc dans ce forum.
Maintenant, sur la question du Sahara occidental, le Sahara occidental fait partie du plus grand effort de lobbying du Maroc, non seulement au sein de l’UE, mais aussi vis-à-vis des Nations Unies, parce que fondamentalement, ce que nous avons au Sahara occidental est une occupation illégale d’une ancienne colonie. Lorsque l’Espagne est partie en 75, 1975, le Maroc occupait illégalement, en collusion avec les autorités espagnoles, le territoire. En vertu de la Charte des Nations Unies, le droit international, les Sahraouis auraient dû être autorisés à organiser un référendum d’autodétermination, ce qui s’est passé dans de nombreuses anciennes colonies d’Afrique et d’ailleurs. Ce référendum n’a jamais eu lieu. Le Maroc ne permet pas que cela se fère. Et il occupe, depuis 75, illégalement ce territoire. Voilà donc le contexte. Malgré cela, et grâce à son effort de lobbying, le Maroc a toujours été en mesure d’empêcher l’ONU de faire respecter son obligation de permettre un référendum d’autodétermination. Qui sont les principaux amis ou soutiens du Maroc dans ce refus d’honorer la légalité internationale sont les membres influents du Conseil de sécurité, tels que les États-Unis et la France. En Europe, l’Espagne, ancien maître colonial du Sahara occidental, soutient également très bien la réticence ou le refus du Maroc d’accorder à ces personnes ce qui leur est dû.
AMY GOODMAN : Parlant de 1975 et de l’occupation illégale du Sahara Occidental par le Maroc, Ana Gomes, c’était la même année que l’Indonésie a envahi le Timor oriental, tuant un tiers de la population, l’un des pires génocides de la fin du 20ème siècle. Mais l’ONU a pu parrainer un référendum en 1999 pour le Timor oriental. Le peuple a voté massivement pour sa liberté. Et le Timor-Leste, le Timor oriental, est maintenant une nation indépendante. Pourquoi le cours du Sahara occidental a-t-il été si différent ? Et cette corruption de fonctionnaires européens en fait-elle partie ?
ANA GOMES : [inaudible] a souligné par l’orateur précédent, le rôle de certains États – les États-Unis, la France et l’Espagne, en particulier – dans la protection du régime au Maroc et dans le soutien au régime dans son occupation illégale du Sahara occidental. Moi, en tant que diplomate qui ai beaucoup travaillé sur l’affaire de la libération du Timor oriental, lorsque je suis entré au Parlement européen en 2004, j’ai été absolument sidéré de voir que dans l’Union européenne, les gens traitaient le Sahara comme s’il n’existait pas, comme s’il faisait partie du Maroc. Et c’est comme si le droit international, et notamment le droit à l’autodétermination, n’existait pas. Et j’ai commencé à protester. Et j’ai souvent été écarté, pour ainsi dire, parce que nous ne devrions pas nier les intérêts de ces grands États. Et cela était clair dans ces accords sur l’agriculture et sur la pêche, qu’avec le soutien de certains membres du Parlement européen, dont moi-même, ont été traduits devant les tribunaux, la Cour de justice européenne, comme cela a été mentionné, et la Cour de justice européenne a très clairement établi que c’était contraire au droit international.
Mais il y a toujours cette persistance. Et, oui, pour cette persistance, en dehors des gouvernements de ces États européens et, bien sûr, de la protection des États-Unis, il y a aussi – il y a ce réseau au sein du Parlement européen qui tente de passer outre les gens comme moi qui mettent en avant les arguments du droit international et des droits de l’homme, et même l’aspect sécuritaire. Moi-même, je suis allé au Maroc. Je suis allé à Tindouf, dans les camps de réfugiés sahraouis. Je me suis rendu à Laâyoune dans le cadre d’une mission du Parlement européen. Et je pouvais sentir les risques extrêmes pour la sécurité auxquels l’Europe, en particulier, mais aussi, bien sûr, l’Afrique et le monde sont confrontés en n’aidant pas à régler cette question du Sahara occidental comme elle a été réglée dans le cas du Timor-Leste, avec le droit des peuples de déterminer ce qu’ils veulent pour l’avenir soit correctement affirmé par un référendum. comme cela a été fait au Timor-Leste. Cela a été – le Maroc toutes ces années a fait obstruction au référendum. Et j’ai été particulièrement frappé par cet angle sécuritaire, parce que, bien sûr, vous pouvez imaginer qu’un tel conflit et les générations de Sahraouis nés en exil, à Tindouf, en [inaudible]…
AMY GOODMAN : Nous n’avons que 15 secondes.
ANA GOMES: oui. Vous savez, les dangers sont énormes que cela soit détourné par certains groupes terroristes. Et donc, une raison de plus pour laquelle l’Europe ne devrait pas continuer avec cette négligence pour un conflit qui doit être réglé selon les règles de l’ONU et le droit international et, bien sûr, les droits de l’homme.
AMY GOODMAN : Nous allons devoir en rester là, Ana Gomes, diplomate portugaise à la retraite, ancienne ambassadrice du Portugal en Indonésie et ancien membre du Parlement européen, et Francesco Bastagli, ancien représentant spécial de l’ONU au Sahara occidental.
Cela le fait pour notre émission. Rendez-vous sur democracynow.org pour nos documentaires sur le Timor oriental et le Sahara occidental. Je m’appelle Amy Goodman. Merci beaucoup de vous joindre à nous.
Ils s’appellent Mourad El Ghoul ou Mourad El Rhoul, Mohammed Bellahrach, Larbi ouaara, Younes Idrissi et Salem Mrani. Leur photo a été revélé en 2014 par le hacker français Chris Coleman. Elle avait pour commentaire : « Photos des cadres de la DGED ».
Mohammed Bellahrach est l’homme tant recherché par les services de sécurité de la France et la Belgique. C’est lui qui a monté le coup des fiches « S » à l’aéroport de Paris Orly.
En Belgique, il est soupçonné d’avoir recruté le réseau italien d’Antonio Panzeri qui se trouve actuellement en prison.
Tags : Western Sahara, Morocco, Ambassador Edward Gabriel, Frente Polisario,
The information contained herein is from a generally reliable source but has not be corroborated by third party sources.
BEGIN TEXT :
As you may have seen in the media this morning, an attempted coup is under way in Mali, following a mutiny by troops stationed in the north of the country, where a Touareg revolt has been raging since the beginning of the year.
The following report, received shortly before the outbreak of the mutiny/coup d’Etat, may be relevant:
A Saharawi NGO activist based in Oran, NW Algeria, states that the Algerian army has introduced new security measures in SW Algeria, as of the end of February, aimed at preventing all movement by nomadic groups between Algeria, Mauritania and northern Mali. Saharawi refugees from the Tindouf camps can no longer travel as they please beyond the perimeter of the camps. Permits issued by the Saharawi authorities, which were hitherto commonly used by camp residents for travel, in particular to Mauritania, no longer suffice for refugees who wish to travel outside the camps. Refugees who wish to go out of the camps for whatever reason now need a permit to travel on Algerian territory.
According to an Algiers-based Saharawi journalist, the Algerian authorities have have informed the SADR/Polisario via PM Abdelkader Taleb Oumar that Algiers is willing to provide all possible assistance to facilitate family visits between the Tindouf camps and the territories administered by Morocco.
The following report is from open and closed sources. None of the information has been corroborated by third parties.
ALGERIA MONTHLY SITUATION REPORT
Executive Summary Political Trends
· Gen. Ahmed Kherfi has been replaced as head of the DSI, the domestic security branch of the DRS, by Gen. Bachir Tartag, who has a reputation for brutality in combating islamist subversion.
· Parliamentary elections which are to be held in the first half of May look set to be considerably more transparent than previous polls, and there is a strong possibility that islamist parties will fare particularly well.
· The regime appears to be preparing for a carefully managed hand-over to an islamist dominated coalition government, although this is likely to unsettle the ‘secular-modernist’ within the regime itself.
· In what seems to be a tactical move ahead of the elections, the government has begun legalising new political parties, the better to ensure that no single party can win an outright majority.
Foreign Relations
· Moroccan Foreign Minister S. Othmani’s visit to Algeria – his first foreign trip since taking office – has been taken as a sign that a rapprochement between Rabat and Algiers is making headway.
· Othmani, like his colleagues in the new islamist-led, does not have an entirely free hand, however, and those who really wield power in both Rabat and Algiers still seem reluctant to make compromises over the key issues dividing them: the border, and Western Sahara.
· Morocco has been invited to take part in the second Ministerial Conference on security in the Sahara-Sahel region to be held in Bamako in February, largely because Algiers now recognises that broader international cooperation is necessary to confront the challenge of the spread of weapons from Libya across the region.
· A source at the Algerian presidency has spoken disparagingly of Polisario’s ability to contribute to the counter-terrorism effort in the Sahara.
Security
· After a lull, AQMI’s level of activity picked up again in late December and January. Most incidents were as usual concentrated in Kabylia.
· In the Algiers region, the security forces have clashed with jihadists just to the south of Houari Boumedienne Airport.
· The governor of Illizi province in the south-east has been abducted and held for a time in Libyan territory before being freed by a Libyan militia.
· Both AQMI’s Sahel branch and the dissident group which kidnapped three Western aid workers from Polisario’s camps in Tindouf last autumn have issued communiqués threatening France.
Political Trends
As the Algerian regime gingerly negotiates the changes brought on by the ‘Arab Spring’, there has been a change at the head of the crucial Directorate of Internal Security (DSI) within the DRS intelligence and security service. On Dec. 22, Gen. Abdelkader ‘Ahmed’ Kherfi, who had headed the DSI for just over two years, was replaced by Gen. Bachir ‘Athmane’ Tartag, a DRS career officer with a reputation as a hardliner[1], who was apparently called back from retirement for the occasion.
The move – officially made necessary by Kherfi’s unspecified health problems – attracted an unusually large volume of media comment, most of it speculative (and possibly encouraged by the military and security establishment itself), with various explanations being put forward for the change at the top of this important institution. El Watan claims Kherfi was dismissed because of “the many setbacks suffered by the security services in the fight against AQMI”; Tartag’s task, the newspaper argues, is to “eradicate the last foci of AQMI that still exist in the north of the country and to prevent the possible proliferation of terrorism to the borders with Libya, Niger and Mali, particularly in the wake of the major geopolitical upheavals in North Africa”. Le Matin concurs that Kherfi was ditched because of shortcomings in counter-terrorism, pointing to the kidnapping of European aid workers on from Polisario’s Rabouni camp in October as a particular failing; the appointment of Tartag is “synonymous with a strategic shift in the strata of power”, argues Le Matin. Specialised news portal Kalima DZ notes that Gen. Kherfi “did not know how to, or could not, prevent the spread of riots, strikes, rallies and the media and the return of radical opposition” and suggests that Gen. Tartag will respond more swiftly, and more harshly, to events such as the food price riots that shook Algerian cities a year ago; thus “the Algerian generals have decided to raise a dam against the tide of history”. Another specialised wesbite, Maghreb Intelligence, for its part, places the change at the head of the DSI in the context of a struggle for Lt-Gen. Mohamed ‘Tewfik’ Médiène’s succession at the head of the DRS itself, suggesting that Tartag is Tewfik’s preferred dauphin.
A source close to Tewfik to whom we spoke puts the removal of Kherfi down to a “business dispute of some sort” and insists that the change has nothing to do with the Tewfik’s succession – notwithstanding occasional press speculation about his health, the DRS chief “isn’t going anywhere” in the foreseeable future, insists the source. Even so, the choice of such a controversial figure as Tartag – who would certainly be the target of law suits from Algerian exile opposition groups for past human rights abuses should he ever have to travel to Europe – is by no means anodyne, and merits some consideration.
The change at the head of the DRS’ domestic security arm comes at a sensitive time. Although there may be some sense that the Algerian regime has managed to ride out the worst of the turbulence of the Arab Spring, the coming parliamentary elections – due to be held in the first half of May – are likely to be a delicate moment. Conditions may not be in place for completely free and fair elections (amongst other things, the deeply flawed electoral registers have not been revised, leaving the door open to instances of multiple voting and other abuse), but the signs so far are that the regime is preparing for a poll that will be considerably more transparent than previous elections, in which rigging has on occasion been quite egregious – sizeable numbers of international observers are to be invited this time, it would seem, and clear perspex ballot boxes are supposed to replace the eminently stuffable receptacles used in the past. Islamist parties – with considerable support in Algerian society at large, and buoyed by islamist electoral victories in Morocco, Tunisia and Egypt – are likely to fare the best in any reasonably free election, and indeed an islamist parliamentary majority could by no means be ruled out. Indeed, it would seem to be in anticipation of this that the “house-trained” islamist MSP announced on Jan. 1 that it was leaving the Presidential Alliance, in which it has been partnered with the FLN and the RND for the past eight years, and striking out on its own (albeit without giving up its ministerial portfolios for the time being). An ‘alternance à la marocaine’ – a carefully prepared and managed handover to an islamist-dominated coalition government – would appear to be the regime’s chosen path, or at least an option that it is prepared to consider. Objectively, a government with an islamist orientation is by no means incompatible with the interests of the regime’s main stakeholders, as long as guarantees are given with regard to their power and privileges (immunity from prosecution for human rights abuses, respect for property rights including for those whose wealth was acquired through their proximity to the state apparatus, etc.) – after all, successive Presidential Alliance governments, under the influence of the MSP and the “islamo-conservative” wing of the FLN led by Abdelaziz Belkhadem, have already done much for the re-islamisation of social mores and, arguably, of the law. But subjectively the regime is encumbered with the legacy of the civil war of the 1990s and 2000s, during which it relied heavily on anti-islamist discourse, expounded most consistently and persistently by the secular-modernists not only in the media and political class but also within the regime’s own ranks, including in the Army and security services. These secular-modernist elements will certainly be alarmed by the slide towards an openly islamist government, potentially provoking tensions within the regime’s own organs. Against this background, the appointment of an officer with a reputation as an unflinching, indeed brutal, enemy of the islamists to head the DSI may be designed to allay such misgivings.
In the meantime, in preparing its tactics for the forthcoming election, the government appears to be doing all it can to balkanise the political landscape, so that no single political force can obtain a majority. In an apparent reversal of past practice, Interior Minister Daho Ould Kablia has given the go-ahead for at least ten new parties to hold their constituent assemblies and intimated that full authorisation to operate can be delivered within as little as a month – in plenty of time for the parliamentary elections. Among these are at least three islamist parties: Abdelmajid Menasra’s Front National pour le Changement (a split-off from the MSP), Ahmed Djaballah’s Front pour la Justice et le Développement and Mohamed Saïd’s Parti pour la Liberté et la Justice. While the Moroccan experience suggests that such a tactic can be very effective, it is worth considering that the multiplication of political groups is likely to increase the workload of the DRS, and more particularly the DSI, which has historically made a point not only of monitoring all political formations but also of maintaining agents of influence within them. Be it by accident or design, both the strategy and the tactics currently adopted by the Algerian regime seem to be guaranteed to enhance still further the specific weight of the DRS in general, and the DSI in particular.
Foreign Relations
Several months ago, it will be recalled, Algerian sources began to suggest that, with the old regional certainties crumbling around them, Algeria’s leaders might envisage mending bridges with Morocco, in the hope of securing at least one stable relationship with a neighbouring country. More recently, shortly after Morocco’s parliamentary elections last November in which the moderate islamist PJD emerged as the largest single party, one of the party’s top leaders intimated to us that one of the central points of its programme for government was a “re-examination” of Morocco’s relations with Algeria and a creative re-think of all the disputes between the two countries (see AMSR #109). With the visit to Algiers this week by Morocco’s new Foreign Minister Saadedine El Othmani (one of the PJD’s main leaders), these trends towards rapprochement seemed at last to be coming together – an impression that was strengthened all the more by Algerian media reports that Morocco would henceforth be taking part in meetings of the so-called pays du champ group[2] devoted to security in the Sahara-Sahel region, from which it has so far been pointedly excluded.
El Othmani has made a point of choosing Algiers as the destination for his very first trip abroad as Foreign Minister, but it would no doubt be a mistake to see it as a revolution in relations between the two countries, or even the beginning of one. The PJD may be sincerely committed to reorienting Moroccan foreign policy towards ties with Arab and Muslim countries, beginning by clearing the air with Algeria, but in this as in other domains its hands are not entirely free. The elected, PJD-dominated government is effectively shadowed by what amounts to a parallel government of royal advisors at the Palace – among them El Othmani’s predecessor Taïeb Fassi-Fihri, a long-time friend and associate of the King, who was given a position in the Palace team as soon as he had handed over the Foreign Ministry – and there is little or no realistic chance of El Othmani and his colleagues overstepping the boundaries set by the Palace.
To be sure, as Foreign Minister Fassi-Fihri himself had over the preceding months been making positive-sounding noises about normalisation of relations with Algeria (see AMSR #109). But there can be no prospect of qualitative change in relations between the two countries as long as each continues to insist on the other’s total surrender on the two key bones of contention between them, to wit the question of the border and the fate of Western Sahara, and there is as yet no sign that either Algiers or Rabat is really prepared to grasp those nettles[3]. Indeed, El Othmani was unable to discuss either the border or the Western Sahara question while in Algiers. El Othmani and his Algerian counterpart Mourad Medelci did promise one another that they would meet for “political talks” every six months, and it was announced that an Algerian-Moroccan High Joint Committee will meet in Rabat on February 17, but these steps are altogether in continuity with the policy followed by Fassi-Fihri. Arguably the most striking innovation of El Othmani’s trip to Algiers was his one-on-one meeting with Boudjerra Soltani – the leader of the moderate islamist MSP, who holds no government position – at the MSP headquarters on Jan. 24, after the completion of his official two-day visit.
The day after El Othmani left Algiers, Algerian Foreign Ministry spokesman Amar Belani poured cold water on reports that Morocco was to be invited to join the pays du champ. Morocco was not being inducted into the Algerian-led group, he explained, but simply invited along with numerous other countries to attend a far broader meeting on counter-terrorism in the Sahara to be held in the Malian capital Bamako in February. “The central core will remain exclusively limited to four countries – Algeria, Mali, Niger and Mauritania – with the probable addition of Libya, when the Libyans request it,” Belani told news portal TSA, whereas Morocco is “an extra-regional partner which is not concerned by the meetings of the pays du champ, such as the one that was just held in Nouakchott.” In other words, what Morocco is being invited to is the follow-up to the Ministerial Conference on Security in the Sahel that was held in Algiers last September (with participation from the United States, other UN Security Council members and the countries of the European Union).
This is a long way short of full-blown security cooperation. But the invitation extended to Morocco to attend the second Ministerial Conference is a breakthrough of sorts – despite pressure from France, Algiers is understood to have refused to invite the Moroccans to the first edition back in September (see AMSR #107). A staffer at the Algerian presidency tells us that the decision to invite Morocco – along with Libya, Tunisia[4] and Egypt – this time round is dictated by one simple necessity: the need to do something about the proliferation of Libyan weaponry across the Sahara-Sahel region, up to and including Morocco, where the authorities have seized weapons that have been smuggled in from Libya[5]. A Mauritanian political source, believed to be close to President Ould Abdelaziz[6], goes further, arguing that Algiers has been “compelled to review its strategy” with regard to counter-terrorism cooperation, in large part because it is “genuinely terrified about the possibility of proliferation of Libyan weapons” on its own territory. The Algerians have been pushed in this direction by a number of warning signs, according to the Mauritanian source: the revival of the Tuareg insurrection in northern Mali (where Algeria was supposed to be the guarantor of peace and national reconciliation), led by Tuareg fighters who have returned from Libya with abundant supplies of arms[7]; an increasingly active presence in southern Algeria itself of AQMI units answering to the organisation’s Sahel leaders Mokhtar Belmokhtar and Abdelhamid Abou Zeid; and intelligence the source claims was supplied by the Mauritanian security services relating to an alleged AQMI plan for the destabilisation of southern Algeria. These factors, combined with prodding from the United States, France and (the source claims) Mauritania, are said to have prompted Algiers to begin moving away from the “rigid conception of sovereignty” underpinning its security doctrine, which had been a hindrance to effective cooperation in the fight against transnational terrorism.
According to the Mauritanian political source, the toughest task the Mauritanians faced in persuading the Algerians to be more accommodating was to convince them that drawing Morocco into the fight against transnational terrorism need not affect Polisario’s situation in any way. For his part, the source at the Algerian presidency made only the briefest of allusions to Polisario, noting that questions had been raised in Algerian political circles as to why the Saharawi Arab Democratic Republic had not been invited to the Ministerial Conference in Bamako and arguing that, although Polisario was of course concerned by the struggle against terrorism, it “lacks the necessary means to participate effectively”. This rather terse evaluation may reflect a degree of dissatisfaction and frustration on the part of the Algerian leadership with Polisario’s ham-fisted performance in the wake of the kidnapping of Western aid workers from Rabouni camp near Tindouf, on which we commented in our last report.
Security
Following an exceptionally quiet period in the first three weeks of December 2011 (see previous report), Aqmi stepped up its activity in the final days of 2011[8]. The month of January saw a further acceleration, with 23 operations recorded up to January 26.
As usual, the great majority of Aqmi operations took place in Kabylia (out of 34 incidents recorded for the period December 20-January 26, 18 were at the initiative of AQMI, and of these no fewer than 14, most of them roadside bombs, occurred in Kabylia). In the Algiers area the security forces on January 8 ambushed and shot dead two jihadists on the road from Khemis el-Khechna to Hammadi, between the wilayas of Boumerdès and Algiers, about 10km south of Houari Boumedienne International Airport. One soldier was wounded and died in hospital four days later.
Elsewhere, the most remarkable incident came on January 16 when a group of armed men kidnapped the governor of Illizi, Mohamed Laïd Khelfi, near Deb Deb and took him across the border into Libya. He was liberated by Libyan fighters the next day and returned to Algeria on January 18, suffering a broken shoulder. The three kidnappers were locals protesting against heavy prison sentences received by their relatives in a terror-related case in early January.[9] The town of Deb Deb had seen several demonstrations and sit-ins the previous week, prompting the governor to visit the town hoping to calm the situation, only to be abducted on the way back. Aqmi issued a statement dated Jan. 18 “saluting the intifada of our people in Deb Deb” and declaring its support for the locals’ “fight for justice”. It also warned the new Libyan authorities not to hand over the kidnappers to Algeria. Despite its quick denouement, this affair is deeply embarrassing to the Algerian government. The fact that a regional governor was kidnapped[10] so easily by “amateurs” in what should be a high-security zone near the Libyan border seriously dents the credibility of Algeria’s security services at a time when the situation around Algeria’s frontiers remains dangerously volatile.
To the east, Libya remains chaotic. In addition to weapons smuggling, Algerian authorities now have to face the threat of regular incursions by unruly Libyan fighters, while on at least two occasions in January, Libyan fighters detained Algerian citizens who they claimed had crossed into Libyan territory. It cannot be excluded that such incursions could lead to isolated clashes between Libyan militias and Algerian forces.
Across Algeria’s southern borders, while the revival of the Tuareg rebellion in northern Mali (see above) adds another dimension to Algiers’ difficulties, Aqmi itself has been comparatively quiet[11]. On January 12, however, Aqmi sent a statement to a Mauritanian news agency saying it has “reliable information” that France, “with backing from Algeria and Mauritania,” is preparing a military operation to liberate Western hostages detained by the group. The statement goes on to warn European countries that such a move “would mean you are signing the death sentence of your citizens”. France was also the target of threats from Jamat Tawhid wal Jihad fi Gharbi Afriqqiya (Unicity and Jihad in West Africa), the previously-unknown group which on December 10 claimed responsibility for the kidnapping of Western aid workers from Rabouni camp near Tindouf (see AMSR #108). On January 3 the group, which describes its members as Aqmi dissidents, sent a statement to AFP “declaring war on France, the enemy of Islam”, accompanied by a video of the three hostages it captured at Rabouni in October. END
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[1] From 1990 to 2001 – a decade which comprised the worst years of Algeria’s ‘dirty war’ – Tartag, then a colonel, headed the Centre Principal Militaire d’Investigation at Ben Aknoun, Algiers, a unit of the DRS which had a sombre reputation as a torture centre and home base for death squads.
[2] “Countries of the field”. To date, Algeria, Mali, Niger and Mauritania, who, on paper at least, participate in the joint military command (CEMOC) for the Sahara formally established at a summit in Algiers in 2010.
[3] Algerian news website TSA has, it is true, reported that the Algerian police is undertaking “technical preparations” for the opening of the land border, suggesting that the border could be opened to traffic as soon as early May, but this claim – which is by no means without precedent – remains for the time being unconfirmed.
[4] The exact date of the second Ministerial Conference has not yet been set, it would seem, in part because the organisers are still waiting for Libya and Tunisia to confirm that they will send representatives.
[5] This is coherent with what we had heard from Moroccan sources last autumn. One non-governmental source told us in mid-November: “The security forces — police, Border Guard, the Gendarmerie and Auxiliary Forces — are on maximum alert, with specific instructions to take all measures necessary to prevent shipments of weapons, which are supposed to be on their way from Libya, from reaching Moroccan territory. Border areas adjacent to Algeria and Mauritania are subject to exceptional surveillance measures. … Over the past few weeks, vehicles transporting foreigners have [also] been stopped and checked from the area north of Laayoune, and at the entry points to every Sahrawi town and village. The police freely admit they are looking for weapons coming from Libya.”
[6] Who visited Algiers for talks on security with President Bouteflika in mid-December, it will be recalled.
[7] On Jan. 16 and 17, the Mouvement National pour la Libération de l’Azawad, a new group formed out of a merger of Malian Tuareg rebel factions, launched an offensive with attacks on the towns of Menaka, near the border with Niger, Aguelhok and Tessalit, near the border with Algeria. A number of Algerian soldiers were reportedly evacuated from Tessalit. On Jan. 26, the rebels are reported to have taken control of the town of Aguelhoc near the border with Niger and an abandoned Malian army camp at Léré, close to the border with Mauritania. A Malian government communiqué claimed that “AQMI fighters” took part in the raids alongside MNLA fighters, but this seems unlikely insofar as one of the Tuareg rebels’ complaints against the central government is that it has effectively given carte blanche to AQMI to establish a safe haven in the Tuareg lands of northern Mali.
[8] As a result, the level of jihadist activity in December was on balance comparable with what was seen in the previous months (21 operations all told, down from 23 in November and 22 in October).
[9] On January 2, a court in Algiers sentenced Abdelhamid Abou-Zeid, one of the chiefs of Aqmi in Sahel and a native of Deb Deb, to life in prison and five members of his family to ten years in prison each on charges of “forming an international armed group”.
[10] The first time a regional governor has been kidnapped since the troubles began.
[11] The group’s only reported action being the abduction of a Mauritanian gendarme on December 20, after which it issued a communiqué calling on the “Mauritanian regime” to free two of its prisoners in exchange for the soldier’s release.
Tags : Algérie, Maroc, Ambassadeur Edward Gabriel,DGED,
Le rapport suivant provient de sources ouvertes et fermées. Aucune des informations n’a été corroborée par des tiers.
RAPPORT MENSUEL SUR LA SITUATION EN ALGERIE
Résumé exécutif Tendances politiques
– Le Général Ahmed Kherfi a été remplacé à la tête de la DSI, la branche de sécurité intérieure du DRS, par le Général Bachir Tartag, qui a une réputation de brutalité dans la lutte contre la subversion islamiste.
– Les élections parlementaires qui doivent se tenir dans la première quinzaine de mai semblent devoir être beaucoup plus transparentes que les scrutins précédents, et il est fort probable que les partis islamistes s’en sortent particulièrement bien.
– Le régime semble se préparer à une transition soigneusement gérée vers un gouvernement de coalition dominé par les islamistes, même si cela risque de déstabiliser les « laïques-modernistes » au sein du régime lui-même.
– Dans ce qui semble être un mouvement tactique avant les élections, le gouvernement a commencé à légaliser de nouveaux partis politiques, afin de s’assurer qu’aucun parti ne puisse obtenir une majorité absolue. Relations extérieures
– La visite du ministre marocain des Affaires étrangères, S. Othmani, en Algérie – son premier voyage à l’étranger depuis sa prise de fonction – a été considérée comme un signe que le rapprochement entre Rabat et Alger progresse.
– Othmani, comme ses collègues du nouveau gouvernement islamiste, n’a cependant pas les mains totalement libres, et ceux qui détiennent réellement le pouvoir à Rabat et à Alger semblent toujours réticents à faire des compromis sur les questions clés qui les divisent : la frontière et le Sahara occidental.
– Le Maroc a été invité à participer à la deuxième conférence ministérielle sur la sécurité dans la région du Sahara et du Sahel, qui se tiendra à Bamako en février, en grande partie parce qu’Alger reconnaît désormais qu’une coopération internationale plus large est nécessaire pour relever le défi de la dissémination des armes de la Libye dans la région.
– Une source à la présidence algérienne a parlé de manière désobligeante de la capacité du Polisario à contribuer à l’effort de lutte contre le terrorisme au Sahara. Sécurité
– Après une accalmie, le niveau d’activité d’AQMI a repris fin décembre et en janvier. La plupart des incidents étaient comme d’habitude concentrés en Kabylie.
– Dans la région d’Alger, les forces de sécurité ont affronté les djihadistes juste au sud de l’aéroport Houari Boumedienne.
– Le gouverneur de la province d’Illizi, dans le sud-est, a été enlevé et retenu pendant un certain temps en territoire libyen avant d’être libéré par une milice libyenne.
– La branche sahélienne d’AQMI et le groupe dissident qui a enlevé trois travailleurs humanitaires occidentaux dans les camps du Polisario à Tindouf l’automne dernier ont publié des communiqués menaçant la France.
Tendances politiques
Alors que le régime algérien négocie avec précaution les changements provoqués par le « printemps arabe », un changement est intervenu à la tête de la cruciale Direction de la sécurité intérieure (DSI) au sein du service de renseignement et de sécurité du DRS. Le 22 décembre, le général Abdelkader « Ahmed » Kherfi, qui dirigeait la DSI depuis un peu plus de deux ans, a été remplacé par le général Bachir « Athmane » Tartag, un officier de carrière du DRS réputé pour sa ligne dure[1], qui a apparemment été rappelé de sa retraite pour l’occasion.
Ce changement – officiellement rendu nécessaire par les problèmes de santé non précisés de Kherfi – a suscité un nombre inhabituellement élevé de commentaires dans les médias, la plupart spéculatifs (et peut-être encouragés par l’establishment militaire et sécuritaire lui-même), avec diverses explications avancées pour le changement à la tête de cette importante institution. El Watan affirme que Kherfi a été démis de ses fonctions en raison des « nombreux revers subis par les services de sécurité dans la lutte contre AQMI » ; la tâche de Tartag, affirme le journal, est « d’éradiquer les derniers foyers d’AQMI qui existent encore dans le nord du pays et de prévenir une éventuelle prolifération du terrorisme aux frontières avec la Libye, le Niger et le Mali, en particulier à la suite des grands bouleversements géopolitiques en Afrique du Nord ». Le Matin estime lui aussi que Kherfi a été écarté en raison de ses lacunes en matière de lutte contre le terrorisme, notamment à cause de l’enlèvement de travailleurs humanitaires européens dans le camp Rabouni du Polisario en octobre. La nomination de Tartag est « synonyme d’un changement stratégique dans les strates du pouvoir », affirme Le Matin. Le portail d’information spécialisé Kalima DZ note que le général Kherfi « n’a pas su, ou n’a pas pu, empêcher la propagation des émeutes, des grèves, des rassemblements et des médias et le retour de l’opposition radicale » et suggère que le général Tartag réagira plus rapidement, et plus durement, à des événements tels que les émeutes liées aux prix des denrées alimentaires qui ont secoué les villes algériennes il y a un an ; ainsi, « les généraux algériens ont décidé de lever un barrage contre la marée de l’histoire ». Un autre site spécialisé, Maghreb Intelligence, place quant à lui le changement à la tête de la DSI dans le contexte d’une lutte pour le poste de général de corps d’armée. Mohamed « Tewfik » Médiène à la tête du DRS lui-même, suggérant que Tartag est le dauphin préféré de Tewfik.
Une source proche de Tewfik à qui nous avons parlé met le retrait de Kherfi sur le compte d’un « conflit commercial quelconque » et insiste sur le fait que le changement n’a rien à voir avec la succession de Tewfik – malgré les spéculations occasionnelles de la presse sur sa santé, le chef du DRS « ne va nulle part » dans un avenir prévisible, insiste la source. Malgré tout, le choix d’une figure aussi controversée que Tartag – qui serait certainement la cible de poursuites judiciaires de la part de groupes d’opposition algériens en exil pour des violations passées des droits de l’homme s’il devait un jour se rendre en Europe – n’est en aucun cas anodin et mérite une certaine réflexion.
Le changement à la tête de la branche sécurité intérieure du DRS intervient à un moment sensible. Bien que l’on puisse avoir le sentiment que le régime algérien a réussi à surmonter le pire des turbulences du printemps arabe, les prochaines élections législatives – qui doivent se tenir dans la première quinzaine de mai – risquent d’être un moment délicat. Les conditions ne sont peut-être pas réunies pour que les élections soient totalement libres et équitables (entre autres, les listes électorales, profondément défectueuses, n’ont pas été révisées, ce qui laisse la porte ouverte à des cas de vote multiple et à d’autres abus), mais les signes qui se dégagent jusqu’à présent indiquent que le régime se prépare à un scrutin qui sera considérablement plus transparent que les élections précédentes, au cours desquelles les truquages ont parfois été flagrants – un nombre important d’observateurs internationaux seront invités cette fois-ci, semble-t-il, et des urnes en plexiglas transparent sont censées remplacer les réceptacles éminemment bourrables utilisés par le passé. Les partis islamistes – qui bénéficient d’un soutien considérable au sein de la société algérienne dans son ensemble, et qui sont portés par les victoires électorales des islamistes au Maroc, en Tunisie et en Égypte – sont susceptibles de s’en sortir le mieux dans toute élection raisonnablement libre, et en effet, une majorité parlementaire islamiste ne pourrait en aucun cas être exclue. C’est d’ailleurs en prévision de cette éventualité que le MSP, islamiste « formé à l’interne », a annoncé le 1er janvier qu’il quittait l’Alliance présidentielle, dans laquelle il était associé au FLN et au RND depuis huit ans, pour voler de ses propres ailes (sans toutefois renoncer à ses portefeuilles ministériels pour le moment). Une « alternance à la marocaine » – un transfert soigneusement préparé et géré vers un gouvernement de coalition dominé par les islamistes – semble être la voie choisie par le régime, ou du moins une option qu’il est prêt à envisager. Objectivement, un gouvernement d’orientation islamiste n’est nullement incompatible avec les intérêts des principales parties prenantes du régime, pour autant que des garanties soient données quant à leur pouvoir et à leurs privilèges (immunité de poursuites pour les violations des droits de l’homme, respect des droits de propriété, y compris pour ceux dont la richesse a été acquise grâce à leur proximité avec l’appareil d’État, etc. ) – après tout, les gouvernements successifs de l’Alliance présidentielle, sous l’influence du MSP et de l’aile « islamo-conservatrice » du FLN dirigée par Abdelaziz Belkhadem, ont déjà fait beaucoup pour la réislamisation des mœurs sociales et, sans doute, de la loi. Mais subjectivement, le régime est encombré par l’héritage de la guerre civile des années 1990 et 2000, au cours de laquelle il s’est fortement appuyé sur le discours anti-islamiste, exposé de manière cohérente et persistante par les laïcs-modernistes non seulement dans les médias et la classe politique, mais aussi dans les propres rangs du régime, y compris dans l’armée et les services de sécurité. Ces éléments laïcs-modernistes seront certainement alarmés par le glissement vers un gouvernement ouvertement islamiste, ce qui pourrait provoquer des tensions au sein des propres organes du régime. Dans ce contexte, la nomination d’un officier ayant la réputation d’être un ennemi inflexible, voire brutal, des islamistes à la tête de la DSI pourrait avoir pour but d’apaiser ces craintes.
Entre-temps, en préparant sa tactique pour les prochaines élections, le gouvernement semble faire tout son possible pour balkaniser le paysage politique, afin qu’aucune force politique ne puisse obtenir la majorité. Dans un renversement apparent des pratiques passées, le ministre de l’Intérieur, Daho Ould Kablia, a donné le feu vert à au moins dix nouveaux partis pour tenir leurs assemblées constitutives et a laissé entendre que l’autorisation complète de fonctionner pourrait être délivrée dans un délai d’un mois seulement – bien avant les élections parlementaires. Parmi ceux-ci figurent au moins trois partis islamistes : Le Front National pour le Changement d’Abdelmajid Menasra (une scission du MSP), le Front pour la Justice et le Développement d’Ahmed Djaballah et le Parti pour la Liberté et la Justice de Mohamed Saïd. Si l’expérience marocaine suggère qu’une telle tactique peut être très efficace, il convient de considérer que la multiplication des groupes politiques est susceptible d’accroître la charge de travail du DRS, et plus particulièrement de la DSI, qui s’est historiquement fait un devoir non seulement de surveiller toutes les formations politiques mais aussi de maintenir des agents d’influence en leur sein. Que ce soit par accident ou à dessein, la stratégie et la tactique actuellement adoptées par le régime algérien semblent être garanties pour renforcer encore davantage le poids spécifique du DRS en général, et du DSI en particulier.
Relations extérieures
Il y a plusieurs mois, on s’en souvient, des sources algériennes ont commencé à suggérer que, les anciennes certitudes régionales s’effritant autour d’eux, les dirigeants algériens pourraient envisager de rétablir les ponts avec le Maroc, dans l’espoir d’assurer au moins une relation stable avec un pays voisin. Plus récemment, peu après les élections parlementaires marocaines de novembre dernier, au cours desquelles le PJD, parti islamiste modéré, est devenu le plus grand parti, l’un des principaux dirigeants du parti nous a laissé entendre que l’un des points centraux de son programme de gouvernement était un « réexamen » des relations du Maroc avec l’Algérie et une remise en question créative de tous les différends entre les deux pays (voir AMSR #109). Avec la visite à Alger, cette semaine, du nouveau ministre marocain des Affaires étrangères, Saadedine El Othmani (l’un des principaux dirigeants du PJD), ces tendances au rapprochement semblent enfin se rejoindre – une impression d’autant plus forte que les médias algériens ont annoncé que le Maroc participerait désormais aux réunions du groupe dit « pays du champ »[2] consacré à la sécurité dans la région du Sahara et du Sahel, dont il était jusqu’à présent ostensiblement exclu.
El Othmani a tenu à choisir Alger comme destination pour son tout premier voyage à l’étranger en tant que ministre des Affaires étrangères, mais il serait sans doute erroné d’y voir une révolution dans les relations entre les deux pays, ou même le début d’une telle révolution. Le PJD peut être sincèrement engagé à réorienter la politique étrangère marocaine vers des liens avec les pays arabes et musulmans, en commençant par mettre les choses au clair avec l’Algérie, mais dans ce domaine comme dans d’autres, ses mains ne sont pas entièrement libres. Le gouvernement élu, dominé par le PJD, est effectivement suivi par ce qui s’apparente à un gouvernement parallèle de conseillers royaux au Palais – parmi lesquels le prédécesseur d’El Othmani, Taïeb Fassi-Fihri, ami et associé de longue date du Roi, qui s’est vu attribuer un poste dans l’équipe du Palais dès qu’il a cédé le ministère des affaires étrangères – et il n’y a que peu ou pas de chance réaliste qu’El Othmani et ses collègues dépassent les limites fixées par le Palais.
Bien sûr, en tant que ministre des Affaires étrangères, M. Fassi-Fihri avait lui-même, au cours des mois précédents, fait des déclarations positives sur la normalisation des relations avec l’Algérie (voir AMSR #109). Mais il ne peut y avoir aucune perspective de changement qualitatif dans les relations entre les deux pays tant que chacun continue à insister sur la capitulation totale de l’autre sur les deux principales pommes de discorde entre eux, à savoir la question de la frontière et le sort du Sahara occidental, et il n’y a encore aucun signe qu’Alger ou Rabat soit vraiment prêt à saisir ces orties[3]. En effet, El Othmani n’a pu discuter ni de la frontière ni de la question du Sahara occidental pendant son séjour à Alger. El Othmani et son homologue algérien Mourad Medelci se sont certes promis de se rencontrer pour des « discussions politiques » tous les six mois, et il a été annoncé qu’une Haute Commission Mixte Algéro-Marocaine se réunira à Rabat le 17 février, mais ces démarches s’inscrivent dans la continuité de la politique suivie par Fassi-Fihri. L’innovation la plus marquante du voyage d’El Othmani à Alger a sans doute été sa rencontre en tête-à-tête avec Boudjerra Soltani – le leader du MSP islamiste modéré, qui n’occupe aucune fonction gouvernementale – au siège du MSP le 24 janvier, à l’issue de sa visite officielle de deux jours.
Le lendemain du départ d’El Othmani d’Alger, le porte-parole du ministère algérien des affaires étrangères, Amar Belani, a jeté un froid sur les informations selon lesquelles le Maroc serait invité à rejoindre le pays du champ. Le Maroc ne serait pas intronisé dans le groupe dirigé par l’Algérie, a-t-il expliqué, mais simplement invité, avec de nombreux autres pays, à participer à une réunion beaucoup plus large sur la lutte contre le terrorisme au Sahara, qui se tiendra dans la capitale malienne, Bamako, en février. « Le noyau central restera exclusivement limité à quatre pays – l’Algérie, le Mali, le Niger et la Mauritanie – avec l’ajout probable de la Libye, lorsque les Libyens en feront la demande », a déclaré M. Belani au portail d’information TSA, alors que le Maroc est « un partenaire extra-régional qui n’est pas concerné par les réunions du pays du champ, comme celle qui vient de se tenir à Nouakchott. » En d’autres termes, ce à quoi le Maroc est invité est le suivi de la Conférence ministérielle sur la sécurité au Sahel qui s’est tenue à Alger en septembre dernier (avec la participation des États-Unis, d’autres membres du Conseil de sécurité des Nations unies et des pays de l’Union européenne).
On est loin d’une véritable coopération en matière de sécurité. Mais l’invitation faite au Maroc de participer à la deuxième conférence ministérielle est une sorte de percée – malgré la pression de la France, Alger aurait refusé d’inviter les Marocains à la première édition en septembre dernier (voir AMSR #107). Un membre du personnel de la présidence algérienne nous dit que la décision d’inviter le Maroc – ainsi que la Libye, la Tunisie[4] et l’Égypte – cette fois-ci est dictée par une simple nécessité : la nécessité de faire quelque chose contre la prolifération des armes libyennes dans la région du Sahara et du Sahel, y compris au Maroc, où les autorités ont saisi des armes importées clandestinement de Libye[5]. Une source politique mauritanienne, que l’on croit proche du président Ould Abdelaziz[6], va plus loin en affirmant qu’Alger a été « obligée de revoir sa stratégie » en matière de coopération antiterroriste, en grande partie parce qu’elle est « véritablement terrifiée par la possibilité de prolifération des armes libyennes » sur son propre territoire. Les Algériens ont été poussés dans cette direction par un certain nombre de signaux d’alarme, selon la source mauritanienne : la reprise de l’insurrection touareg dans le nord du Mali (où l’Algérie était censée être le garant de la paix et de la réconciliation nationale), menée par des combattants touaregs revenus de Libye avec d’abondantes réserves d’armes[7] ; une présence de plus en plus active dans le sud de l’Algérie d’unités d’AQMI répondant aux chefs sahéliens de l’organisation, Mokhtar Belmokhtar et Abdelhamid Abou Zeid ; et des renseignements fournis, selon la source, par les services de sécurité mauritaniens concernant un plan présumé d’AQMI pour la déstabilisation du sud de l’Algérie. Ces facteurs, combinés aux pressions exercées par les États-Unis, la France et (selon la source) la Mauritanie, auraient incité Alger à commencer à s’éloigner de la « conception rigide de la souveraineté » qui sous-tend sa doctrine en matière de sécurité et qui a constitué un obstacle à une coopération efficace dans la lutte contre le terrorisme transnational.
Selon la source politique mauritanienne, la tâche la plus difficile à laquelle les Mauritaniens ont été confrontés pour persuader les Algériens d’être plus accommodants a été de les convaincre que l’implication du Maroc dans la lutte contre le terrorisme transnational ne devait en aucun cas affecter la situation du Polisario. Pour sa part, la source à la présidence algérienne n’a fait que les plus brèves allusions au Polisario, notant que des questions avaient été soulevées dans les milieux politiques algériens quant aux raisons pour lesquelles la République arabe sahraouie démocratique n’avait pas été invitée à la conférence ministérielle de Bamako et affirmant que, bien que le Polisario soit bien sûr concerné par la lutte contre le terrorisme, il « ne dispose pas des moyens nécessaires pour y participer efficacement ». Cette évaluation plutôt laconique peut refléter un certain degré d’insatisfaction et de frustration de la part des dirigeants algériens face à l’attitude maladroite du Polisario à la suite de l’enlèvement des travailleurs humanitaires occidentaux du camp de Rabouni, près de Tindouf, que nous avons commenté dans notre dernier rapport.
Sécurité
Après une période exceptionnellement calme au cours des trois premières semaines de décembre 2011 (voir le rapport précédent), Aqmi a intensifié son activité dans les derniers jours de 2011[8]. Le mois de janvier a connu une nouvelle accélération, avec 23 opérations enregistrées jusqu’au 26 janvier.
Comme à l’accoutumée, la grande majorité des opérations d’Aqmi se sont déroulées en Kabylie (sur 34 incidents recensés pour la période du 20 décembre au 26 janvier, 18 étaient à l’initiative d’AQMI, et parmi eux, pas moins de 14, pour la plupart des bombes en bord de route, ont eu lieu en Kabylie). Dans la région d’Alger, les forces de sécurité ont tendu une embuscade à deux djihadistes et les ont abattus le 8 janvier sur la route de Khemis el-Khechna à Hammadi, entre les wilayas de Boumerdès et d’Alger, à environ 10 km au sud de l’aéroport international Houari Boumedienne. Un soldat a été blessé et est décédé à l’hôpital quatre jours plus tard.
Ailleurs, l’incident le plus remarquable s’est produit le 16 janvier lorsqu’un groupe d’hommes armés a enlevé le gouverneur d’Illizi, Mohamed Laïd Khelfi, près de Deb Deb, et lui a fait traverser la frontière libyenne. Libéré par des combattants libyens le lendemain, il est rentré en Algérie le 18 janvier, souffrant d’une épaule cassée. Les trois ravisseurs étaient des habitants de la région qui protestaient contre les lourdes peines de prison infligées à leurs proches dans une affaire liée au terrorisme au début du mois de janvier[9]. La ville de Deb Deb avait été le théâtre de plusieurs manifestations et sit-in la semaine précédente, ce qui a incité le gouverneur à se rendre dans la ville dans l’espoir de calmer la situation, mais il a été enlevé sur le chemin du retour. Aqmi a publié une déclaration datée du 18 janvier « saluant l’intifada de notre peuple à Deb Deb » et déclarant son soutien à la « lutte pour la justice » des habitants. Elle a également mis en garde les nouvelles autorités libyennes contre la remise des ravisseurs à l’Algérie. Malgré son dénouement rapide, cette affaire est profondément embarrassante pour le gouvernement algérien. Le fait qu’un gouverneur régional ait été enlevé[10] aussi facilement par des « amateurs » dans ce qui devrait être une zone de haute sécurité près de la frontière libyenne entame sérieusement la crédibilité des services de sécurité algériens à un moment où la situation aux frontières de l’Algérie reste dangereusement volatile.
À l’est, la Libye reste chaotique. Outre la contrebande d’armes, les autorités algériennes doivent désormais faire face à la menace d’incursions régulières de combattants libyens indisciplinés. En janvier, à deux reprises au moins, des combattants libyens ont arrêté des citoyens algériens qui, selon eux, étaient entrés en territoire libyen. Il n’est pas exclu que de telles incursions puissent conduire à des affrontements isolés entre les milices libyennes et les forces algériennes.
De l’autre côté des frontières méridionales de l’Algérie, alors que la renaissance de la rébellion touareg dans le nord du Mali (voir ci-dessus) ajoute une autre dimension aux difficultés d’Alger, Aqmi elle-même a été relativement calme[11]. Le 12 janvier, cependant, Aqmi a envoyé une déclaration à une agence de presse mauritanienne affirmant disposer d’ »informations fiables » selon lesquelles la France, « avec le soutien de l’Algérie et de la Mauritanie », prépare une opération militaire pour libérer les otages occidentaux détenus par le groupe. Le communiqué avertit ensuite les pays européens qu’une telle action « signifierait que vous signez l’arrêt de mort de vos citoyens ». La France a également été la cible de menaces de la part de Jamat Tawhid wal Jihad fi Gharbi Afriqqiya (Unicité et Jihad en Afrique de l’Ouest), le groupe jusqu’alors inconnu qui a revendiqué le 10 décembre l’enlèvement de travailleurs humanitaires occidentaux au camp de Rabouni, près de Tindouf (voir AMSR n°108). Le 3 janvier, le groupe, qui décrit ses membres comme des dissidents d’Aqmi, a envoyé à l’AFP un communiqué « déclarant la guerre à la France, ennemie de l’Islam », accompagné d’une vidéo des trois otages capturés à Rabouni en octobre. FIN
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[1] De 1990 à 2001 – une décennie qui comprend les pires années de la « sale guerre » algérienne – Tartag, alors colonel, a dirigé le Centre Principal Militaire d’Investigation de Ben Aknoun, à Alger, une unité du DRS qui avait une sombre réputation de centre de torture et de base arrière pour les escadrons de la mort.
[2] « Pays du champ ». A ce jour, l’Algérie, le Mali, le Niger et la Mauritanie, qui, sur le papier du moins, participent au commandement militaire conjoint (CEMOC) pour le Sahara formellement établi lors d’un sommet à Alger en 2010.
[3] Le site d’information algérien TSA a, il est vrai, rapporté que la police algérienne entreprend des « préparatifs techniques » pour l’ouverture de la frontière terrestre, suggérant que la frontière pourrait être ouverte au trafic dès le début du mois de mai, mais cette affirmation – qui n’est pas sans précédent – reste pour l’instant non confirmée.
La date exacte de la deuxième conférence ministérielle n’a pas encore été fixée, semble-t-il, en partie parce que les organisateurs attendent toujours que la Libye et la Tunisie confirment qu’elles enverront des représentants[5].
[5] Ceci est cohérent avec ce que nous avions entendu de sources marocaines à l’automne dernier. Une source non gouvernementale nous a dit à la mi-novembre : « Les forces de sécurité – police, garde-frontières, gendarmerie et forces auxiliaires – sont en état d’alerte maximum, avec des instructions spécifiques pour prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher les cargaisons d’armes, qui sont censées être en route depuis la Libye, d’atteindre le territoire marocain. Les zones frontalières adjacentes à l’Algérie et à la Mauritanie font l’objet de mesures de surveillance exceptionnelles. … Au cours des dernières semaines, des véhicules transportant des étrangers ont [également] été arrêtés et contrôlés dans la zone située au nord de Laayoune, ainsi qu’aux points d’entrée de chaque ville et village sahraoui. La police admet librement qu’elle recherche des armes en provenance de Libye. »
[6] Qui s’est rendu à Alger pour des entretiens sur la sécurité avec le président Bouteflika à la mi-décembre, on s’en souvient.
[7] Les 16 et 17 janvier, le Mouvement national pour la libération de l’Azawad, un nouveau groupe issu de la fusion de factions rebelles touaregs maliennes, a lancé une offensive en attaquant les villes de Menaka, près de la frontière avec le Niger, d’Aguelhok et de Tessalit, près de la frontière avec l’Algérie. Un certain nombre de soldats algériens auraient été évacués de Tessalit. Le 26 janvier, les rebelles auraient pris le contrôle de la ville d’Aguelhoc, près de la frontière avec le Niger, et d’un camp abandonné de l’armée malienne à Léré, près de la frontière avec la Mauritanie. Un communiqué du gouvernement malien affirme que des « combattants d’AQMI » ont pris part aux raids aux côtés de combattants du MNLA, mais cela semble peu probable dans la mesure où l’une des plaintes des rebelles touaregs contre le gouvernement central est que celui-ci a effectivement donné carte blanche à AQMI pour établir un refuge dans les terres touaregs du nord du Mali.
[Par conséquent, le niveau d’activité des djihadistes en décembre était, dans l’ensemble, comparable à celui des mois précédents (21 opérations en tout, contre 23 en novembre et 22 en octobre).
Le 2 janvier, un tribunal d’Alger a condamné Abdelhamid Abou-Zeid, l’un des chefs d’Aqmi au Sahel et originaire de Deb Deb, à la prison à vie et cinq membres de sa famille à dix ans de prison chacun pour « formation d’un groupe armé international »[10].
[10] C’est la première fois qu’un gouverneur régional est enlevé depuis le début des troubles.
[La seule action signalée du groupe est l’enlèvement d’un gendarme mauritanien le 20 décembre, à la suite duquel il a publié un communiqué demandant au « régime mauritanien » de libérer deux de ses prisonniers en échange de la libération du soldat.
Tags : Maroc, Ecole de Gouvernance et d’Economie, EGE, Marie-Claude Azzouzi,
Plusieurs courriers de Marie-Claude Azzouzi ont été trouvés dans la boîte mail de Mourad El Rhoul, le chef de cabinet de Yassine Mansouri, le directeur général de la DGED. La directrice de l’Ecole de Gouvernance et d’Economie rapporte sur une conférence organisé par l’EGE sur les relations entre le Maroc et l’Espagne. Voici ses courriers:
Nous avons été en contact avec les trois sources qui ont relayé « son propre mail d’information ».
1/ AFP : Omar Brousky nous a signifié qu’il ne donnerait pas suite (par téléphone puis confirmation par SMS) ;
2/ El Pais : l’agence de presse espagnole Effe a confirmé qu’il ne relayait pas l’information (conversation téléphonique) ;
3/l’information est sortie sur le site en arabe Lakome.com ; nous avons parlé à Monsieur le Directeur Ali Anouzla et à son Adjoint Monsieur Chaouki, qui nous laissent la possibilité de faire un démenti aujourd’hui.
4/sur Twitter, l’information a été relayée par @bigbrother.ma, suivi par 5000 personnes, mais sans provoquer pour l’instant de réactions.
Tout me semble donc sous contrôle.
Merci de votre attention.
Marie-Claude Azzouzi
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De : lombaris amine [lombaris_2007@yahoo.fr] Date d’envoi : jeudi 16 février 2012 14:08 À : Marie-Claude AZZOUZI Objet : Re :
Pour info
Cembrero interdit de conférence à Rabat
L’Ecole de Gouvernance et d’Economie (EGE) de Rabat a annulé une conférence sur les relations entre le Maroc et l’Espagne que devait prononcer, le 29 février à 17h.30, le journaliste du quotidien El País Ignacio Cembrero. Le correspondant d’El País est l’auteur d’un livre « Vecinos alejados » (Voisins éloignés) publié en 2006 sur les relations entre Rabat et Madrid.
La conférence n’était pas rémunérée, mais l’EGE prenait à sa charge le voyage et le séjour du journaliste. Les réservations des vols étaient déjà faites ainsi que la biographie de présentation du conférencier.
Aurélien Lecina, l’un des directeurs de l’EGE, a envoyé un courrier au journaliste pour lui indiquer que l’école avait fait de grands efforts pour éviter l’annulation, dont il n’explique pas les raisons, mais qu’elle n’y était pas parvenue.
D’autres sources, qui collaborent régulièrement avec l’EGE, ont indiqué au journaliste que l’école avait subi des pressions d’en « haut, du premier cercle » pour annuler la conférence.
Les principaux bailleurs de fond de cette école privée, fondée en 2008, sont l’Office Chérifien des Phosphates et la Caisse de Dépôt et de Gestion.
Invité par des associations espagnoles (Fundación Caballero Bonald), marocaines (Centre de la Mémoire Commune, Alcántara), des écoles de commerce marocaines (HEM Casablanca) ou la télévision Medi 1 Sat, Cembrero a donné de nombreuses conférences et a participé à plusieurs débats publics au Maroc. Il a aussi, à de multiples reprises, pris part à des tables rondes avec des étudiants marocains en Espagne. Il a été, avec le directeur d’El País, le dernier journaliste étranger à interviewer le roi Mohamed VI en janvier 2005.
Nous avons la possibilité d’ inviter Mr Marc Sageman, consultant sur l’anti-terrorisme et ancien membre de la CIA, pour une conférence à l’EGE le 13 mai prochain. La conférence porterait sur le Djihad, les réseaux terroristes et la montée en puissance des affiliés d’Al Qaida.
Etant donné le CV de Mr Sageman, il m’a a été suggéré de convier à cette conférence fermée les hauts responsables du Royaume en matière de politique étrangère et de sécurité, l’objectif étant de faire une conférence de haut niveau pour les dirigeants du pays (une vingtaine de personnes).
Enfin, la présence d’un tel auditoire pourrait imposer à l’Ecole la mise en place de dispositions particulières afin d’assurer les meilleures conditions d’accueil et de déroulement de l’événement, notamment en matière de sécurité,voire de réaliser la conférence dans un lieu choisi.
Je vous adresse ci-après un aperçu biographique de Mr Sageman, si besoin était :
Marc Sageman (MD, PhD) est un psychiatre de formation et consultant sur l’anti-terrorisme. Il a rejoint la CIA en 1984 et a été en poste a Islamabad de 1987 a 1989 ou il a été notamment charge des relations avec les moudjahidines afghans. Il a quitte la CIA en 1991 pour fonder Sageman Consulting. Il a également enseigne a l’Université de Pennsylvanie et au Center for Strategic and International Studies. Depuis le 11 Septembre, il a été notamment conseiller au Conseil National de Sécurité américain, a la Homeland security, au US Secret Service et au Pentagone. Il est l’auteur de deux ouvrages de références en matière d’étude sur Al-Qaida: Understanding Terror Networks et Leaderless Jihad. Il est présentement conseiller à l’état-major interarmes au Pentagone sur les questions de terrorisme.
Voyez vous un inconvénient a ce que nous poursuivions ces démarches ?
Bien cordialement,
je vous dois la liste évoquée hier …je vous l’envoie demain!
Tags : Maroc, Mohammed VI, Le Roi prédateur, Eric Laurent, Catherine Graciet,DGED,
Le quotidien espagnol a publié, dans son édition du dimanche 26 février 2012, un article évoquant la prochaine parution d’un livre intitulé « Le Roi prédateur » coécrit par les journalistes français Eric Laurent et Catherine Graciet. Un livre qui se veut, selon ses auteurs, révélateur de la fortune du Roi du Maroc et de ses investissements au Maroc.
Sans chercher à verser dans la polémique avec ces journalistes français, chacun étant libre d’écrire ce qu’il veut, je ne peux m’empêcher de me poser la question sur le timing de la publication de cet écrit, sans parler, bien sûr, du fait qu’un tabloïd espagnol du genre « El Pais », apte à tirer sans vergogne et sans gêne sur le Maroc, se soit précipité pour soi-disant publier les « bonnes feuilles » de ce livre pamphlet.
Aussi, mon article prendra la forme qu’un questionnaire à ces journalistes en espérant qu’ils prendront la peine, le moment opportun, d’y répondre en leur âme et conscience.
En premier lieu, je ne peux m’empêcher de me demander, bien que je n’ai pas encore compulsé cet ouvrage censé sortir le 1er mars prochain, pourquoi les journalistes Eric Laurent et Catherine Graciet, celle qui, pour rappel, avait travaillé pendant un laps de temps dans le périodique marocain « Le journal hebdomadaire », ont choisi cette période pour publier un livre qui, ma foi, ne manquera sûrement pas de puiser ses informations de ce même périodique qui avait distillé des inepties de ce type à l’époque où il était dirigé par les Boubker Jamaï, Ali Amar et Ali Lemrabet (!!!), ceux-là même qui sont réputés pour leurs positions foncièrement hostiles à la monarchie marocaine. Aussi, suis-je curieux de voir si M. Eric Laurent s’est basé sur une référence aussi douteuse et partiale ?
Toujours dans le cadre de mon questionnement, somme toute légitime, sur le timing de la publication de cet ouvrage, n’est-ce pas étrange que ces journalistes qui se disent des journalistes d’investigation aient choisi la date du 1er mars 2012 ? Soit à quelque jour du 1er anniversaire du fameux discours du Roi Mohammed VI, du 09 mars 2011, qui a vu l’annonce des réformes constitutionnelles ayant révolutionné le champ politique marocain et ayant donné lieu à des élections libres et transparentes couronnées par le succès des islamistes du PJD.
En agissant de la sorte, Eric Laurent et Catherine Graciet se sont placés dans une bulle et se sont donc coupés du monde extérieur et des mutations vécus depuis l’année dernière par le Maroc et la région du Maghreb dans le sillage du « printemps arabe ». C’est, à mon sens, faire preuve d’une cécité outrageante ou, dans le pire des cas, d’une mauvaise volonté manifeste. La question reste posée aux auteurs de l’ouvrage.
En publiant ce livre, ces auteurs se posent également en parfaits récipiendaires de certains arguments fallacieux avancés par des milieux ayant cherché et cherchant toujours à nuire à l’image du Maroc et aux relations franco-marocaines. N’est-ce pas Ali Amar, vous l’auteur de l’ouvrage publié en 2009 sous le titre « Mohammed VI : le grand malentendu » ? A voir cette profusion de livres dont le dernier en date est signé par l’un des affidés de cette nébuleuse anti-marocaine, Jean-Pierre Tuqoi avec encore le même Ali Amar avec pour titre « Paris Marrakech, sexe, fric et réseaux », on ne peut que s’interroger sur l’acharnement de ces personnes sur un pays qui a la simple singularité d’avoir franchi l’épreuve du « printemps arabe » avec brio et réussite.
Au registre des relations franco-marocaines, que cherchent ces personnes, sinon à nuire à la bonne entente et à la franche cordialité qui existe entre nos deux pays ? Ceux qui ont intérêt à le faire ne sont pas nombreux. Chez nos voisins ibériques, par exemple, certains pourraient être, en effet, animés par une volonté ridicule de torpillage de ces relations franco-marocaines privilégiées. Certains pourraient ainsi mal concevoir le soutien inconditionnel de la France à l’accord agricole récemment approuvé par le Parlement Européen. D’autres pourraient être dérangés par la construction de la plus grande usine du constructeur français Renault à Tanger qui se trouve à vue d’œil de l’Espagne ou encore de la mise en œuvre du chantier de construction des lignes ferroviaires du TGV au moment même où l’Espagne endure une crise économique qui a placé son taux de croissance au dessous la barre du zéro.
En somme, à qui profite ce livre ? Tout d’abord à personne au Maroc à l’exception de quelques caciques qui tardent à digérer les avancées de notre pays et qui restent sur les lustres et le mirage d’une idéologie communiste écrasée et renvoyée aux calendes grecques par la machine de l’histoire ou à certains personnages roulant pour d’autres agendas diamétralement opposés aux intérêts politiques et géostratégiques du Maroc.
C’est ces questions que j’adresse aux journalistes Eric Laurent et Catherine Graciet avant la parution de ce livre qui, j’en reste convaincu, sera jeté aux poubelles de l’histoire à l’image des écrits du même genre publiés dans le passé.
Mohamed Mahmoud Mohamedou est directeur adjoint du Graduate Institute, professeur d’histoire et de politique internationales et directeur de l’Executive Education. Il est professeur invité à Sciences Po Paris et à l’Université de Saint-Gall. Il est l’auteur, notamment d’une trilogie sur l’après-11 septembre ; Contre-Croisade – Le 11 Septembre et le Retournement du Monde (2004), Comprendre Al Qaeda – Guerre changeante et politique mondiale (2011) et Une théorie d’ISIS – Violence politique et transformation de l’ordre mondial (2018).
Le professeur Mohamedou est titulaire d’un doctorat en sciences politiques de la City University of New York. Il a été chercheur en résidence au Centre d’études du Moyen-Orient de l’université Harvard à Cambridge, dans le Massachusetts, avant de devenir chercheur associé à l’Institut Ralph Bunche sur les Nations unies à New York. Il a été directeur de recherche au Conseil international pour l’étude des droits de l’homme, avant de retourner à Harvard en tant que directeur associé du programme de recherche sur la politique humanitaire et les conflits. Il a ensuite été ministre des affaires étrangères de la Mauritanie avant de revenir à Genève au Centre de politique de sécurité (GCSP) où il a été directeur adjoint et doyen académique.
Ses recherches portent sur la violence politique et le terrorisme transnational, la transformation de la guerre, la construction de l’État, les transitions vers la démocratie et le racisme. Largement publié, le professeur Mohamedou est régulièrement cité dans les médias du monde entier pour son expertise et parle couramment l’anglais, le français, l’espagnol et l’arabe. Il est le lauréat du 2020-2021 International Studies Association (ISA) Global South Distinguished Award et du prix de reconnaissance du Collège de France en novembre 2017.
En fouillant dans les courriers confidentiels de la DGED, nous avons découvert, à notre grande surprise, qu’il communique directement avec Mourad El Ghoul, le chef de cabinet de Yassine Mansouri, directeur général de la DGED.
A cette occasion, il envoyait une « note » sur AQMI où il s’en prend violemment aux autorités algériennes. Voici le contenu intégral de ce note:
Confidentiel
AL QAIDA
AU MAGHREB ISLAMIQUE
4 février 2011
1. Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI) semble être entrée dans une logique de maximisation de sa position, d’expansion de ses actions et de grande médiatisation de son nom.
2. L’accélération de ce développement depuis l’été dernier peut, à prime abord, donner l’impression que cette situation est pensée stratégiquement – au niveau d’Al Qaida centrale et de l’AQMI elle-même – et qu’elle suit une logique finement étudiée.
3. Pour autant, un examen analytique plus rigoureux révèle qu’il n’en est rien, et que l’AQMI est en faite dans une logique de visibilisation accrue de son action pour masquer une impasse stratégique dont il faut savoir prendre toute la mesure, et en tirer les leçons en terme de contingences possibles.
4. Trois dimensions sont clefs dans cette lecture : (i) l’ineffaçable lignage algérien de l’AQMI, (ii) sa vraie-fausse relation avec Al Qaida et (iii) la nature ambiguë de sa présence au Sahel.
5. La filiation algérienne de l’AQMI est une donnée centrale à la compréhension de toutes les activités de ce groupe. Longtemps occulté, cet élément est de plus en plus reconnu. L’AQMI n’est en réalité qu’une version cosmétiquement réformée du Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC). De fait, le GSPC, qui porte en lui toute la violence de la guerre civile algérienne des années 1990, a été créé en 1998 et a opéré en tant que tel jusqu’en septembre 2006 lorsque le numéro deux d’Al Qaida, Aymen Al Dhawahiri, a annoncé son intégration au groupe Al Qaida. Il faut donc garder à l’esprit que le GSPC a existé en tant que tel durant huit ans avant de faire peau neuve et opérer sous le label AQMI (officiellement depuis janvier 2007) ces 4 dernières années.
6. Cette généalogie algérienne se double également du fait, conséquent, que tous les leaders ou opérateurs majeurs successifs du groupe sont des algériens : Hassan Hattab, Abderrazak ‘El Para’, Nabil Sahraoui, Abdelmalek Droukdel, Mokhtar Belmokhtar et Abdelhamid Abou Zaid. Ces leaders d’un groupe actif essentiellement au Sahel sont basés en Algérie, soit dans l’Algérois, soit en Kabylie, soit dans le grand sud algérien.
7. Des accusations persistantes de manipulation des services de renseignements algériens des groupes islamiques remontent au Groupe Islamique Armé (GIA). Si, au départ, elles concernaient des opérations d’infiltration et de retournement, en ce qui concerne le GSPC et l’AQMI les faits démontrent qu’il s’agit assez clairement d’un cas de création d’un faux groupe islamique au lendemain du 11 septembre afin de (i) créer un foyer de tension au Sahel qui permettrait des financements et une alliance militaro-stratégique avec des Américains omnibulés par l’anti-terrorisme après 2001, (ii) contrôler la zone sahélienne et mettre de la pression notamment sur le Mali et la Mauritanie (attaquée dès juillet 2005) et (iii) mettre de la pression indirecte (et parfois directement) sur le Maroc.
/… 2
8. Ces accusations ont été notamment mises à jour dans l’ouvrage de Jeremy Keenan, The Dark Sahara. La suite de cet ouvrage qui paraitra le 16 aout prochain révélera de nouvelles informations en ce sens.
9. Le deuxième élément qui contredit le récit médiatisé par l’AQMI elle-même et par la grande majorité des experts, français notamment, est celle de l’AQMI en tant qu’avant-poste d’Al Qaida. À la fois les éléments historiques et sociologiques contredisent ce narratif qui n’est qu’un écran de fumée. Le groupe d’Osama Ben Laden s’est longtemps désintéressé du Maghreb, et c’est le GSPC dans une logique d’opportunisme avérée qui a cherché à obtenir l’utilisation du nom. Si elle a réussi à s’en emparer en 2006, c’est dans des conditions complexes à un moment ou Al Dhawahiri cherchait à mettre en place une assise globale de son groupe (avec d’autres tentatives comme une Al Qaida en Egypte qui a aussitôt disparue). Mais l’habit ne fait pas le moine et l’AQMI est inévitablement restée le GSPC. En ce sens, elle a continué à faire essentiellement ce qu’elle faisait, à savoir des rapts d’étrangers au Sahel.
10. De même, Al Qaida n’a pas pour habitude de prendre des otages dans une logique de rançonnement. Cette approche met à jour la criminalité (au-delà du terrorisme) de l’AQMI qui a établit un véritable réseau de corruption à travers le Mali, le Niger et le sud Algérien. Le centre de gravité de l’AQMI – le nord du Mali et le sud de l’Algérie (paradoxalement les deux pays les moins actifs dans la lutte contre ce groupe, et qui réclament essentiellement des « conférences internationale » inefficientes) révèle la nature suspecte d’un groupe dont le leadership est dans l’Algérois ou la Kabylie et dont les « troupes » sont au Sahel.
11. En multipliant les tentatives de « benladisation » de son action, l’AQMI révèle en réalité la faiblesse de ses liens avec Al Qaida. Divers éléments (brièveté, style, phraséologie, références préexistantes, phrases utilisées auparavant dans d’autres contextes, envoi à Al Jazira) permettent ainsi d’affirmer que les deux messages du 27 octobre et du 21 janvier derniers attribués à Ben Laden sont des faux. Ils servent principalement à « prouver » publiquement le lien entre l’AQMI et Al Qaida et à mettre de la pression sur la partie française afin de faire monter les enchères pour la libération des cinq otages encore aux mains du groupe.
12. Aussi, troisième élément, la surprésence sahélienne de l’AQMI (après des attaques maghrébines en 2007) trahit un dessein géostratégique par lequel ceux qui tirent les ficelles de l’AQMI ont initialement cherché à contrôler la région en sous-main.
13. Pour autant, cette stratégie fait aujourd’hui face à un problème sous forme d’impasse pour ceux qui l’on dessiné.
14. D’une part, le groupe en soi est devenu hybride et imprévisible pour ses créateurs. À la fois composé d’ex-militaires algériens, anciens islamistes ex-« hittistes » des années 1990, petits criminels et grands brigands à la tête de réseaux de trafics au Sahel, l’AQMI est devenu un monstre pour ceux qui l’ont créée. Cet élément s’est manifesté très tôt, en 2003, avec la rébellion d’El Para et sa fuite avec la moitié des touristes allemands au Tchad. De plus, les dissensions internes au système algérien font qu’il est devenu difficile d’établir un plan complexe et assurer son application si aisément qu’il y a dix ans.
15. Deuxième élément, international, les États-Unis embourbés en Irak et en Afghanistan, et dotés d’une administration des plus incompétentes de leur histoire, se sont graduellement « retirer » du Sahel, prenant de plus en plus l’ampleur du fait qu’ils ont été bernés par les Algériens.
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16. En même temps, et s’ils maintiennent encore de forts réseaux dans ce pays notamment au niveau des « experts » à Paris, les Algériens ont vu la France avoir de plus en plus de doutes quand à la capacité et la volonté de l’Algérie de les assister dans la région.
17. Enfin, l’entrée en scène inattendue en 2008 d’un pouvoir mauritanien fort et déterminé sur cette question a déstabilisé la stratégie algérienne. Après avoir tenté de bloquer sa reconnaissance internationale (en vain) et tenter de l’intimider (12 soldats décapités en septembre 2008), l’Algérie passe désormais par l’AQMI afin de poursuivre ce même objectif. L’élément doit être exprimé clairement : même si certains des membres de l’AQMI qui attaquent régulièrement Nouakchott sont de jeunes Mauritaniens influencés, ce sont bien les Algériens qui visent la Mauritanie.
18. Tout ceci révèle néanmoins une improvisation de l’AQMI. Et dans une telle phase de fuite en avant (qui peut durer longtemps), le groupe peut à court et moyen terme s’avérer tout aussi voire plus dangereux, à l’image d’un fauve blessé et imprévisible.
19. Alors que le groupe s’essouflait avec une répétition cyclique de ses rapts (britanniques, espagnols, français, etc..) en 2009-2010, le raid franco-mauritanien de juillet dernier (un mauvais calcul pour une bonne raison) lui a donné une opportunité historique de repartir de plus belle et se donner une « cause sacrée ». En même temps, la déclaration, passée inaperçue dans l’insouciance estivale, du premier ministre français que « la France est en guerre contre Al Qaida » a projeté cette ambition de l’AQMI au niveau internationale.
20. Il ne restait plus à l’AQMI qu’a « menacer » la France à la rentrée suivante, remettant à jour un circuit opéré par les services algériens en 1995, et a faire un coup d’éclat avec les kidnappings d’Areva. Pour parfaire cette nouvelle tactique – puisque ce n’est pas une stratégie – il importe de frapper la Mauritanie. Aussi, les tentatives se sont multipliées jusqu’à la plus importante ce 1er février.
21. À cet égard, si le pouvoir mauritanien est le plus fort que ce pays ait connu depuis son indépendance et sa détermination contre l’AQMI bien réelle, les risques d’une opération réussie de l’AQMI tôt ou tard sont malheureusement à craindre ; le pays est trop vaste, l’armée mauritanienne demeure sous-équipée et le terrorisme peut pénétrer partout.
22. En résumé :
la menace que représente l’AQMI est réelle mais elle a peu à voir avec le récit public que le groupe donne de lui-même et qui est trop facilement (complicitement) répercuté dans les médias. En particulier, l’élément religieux est négligeable et celui criminel est prégnant.
La clef de l’AQMI demeure à Alger, mais elle est de moins en moins tenue avec fermeté, ce qui posera un problème de prévisibilité à court terme.
Il faut savoir se prévenir du groupe en multipliant plus que jamais les actions préventives et le travail de renseignement régional afin de traquer et désamorcer les opérations potentielles qui se succéderont immanquablement cette année. En cassant le rythme que l’AQMI tente actuellement d’imposer, l’on pourra potentiellement la faire battre en retraite et à terme la voire s’estomper.