Catégorie : Maghreb

  • Alger pourrait faire valoir la « clause de destination »

    Tags: Algérie, Maroc, Espagne, Medgaz, Gazoduc – Alger pourrait faire valoir la « clause de destination »

    La décision de l’Algérie de ne pas reconduire le contrat du gazoduc Maghreb-Europe (GME), dont la date d’expiration a eu lieu le 31 octobre dernier, et de fermer la canalisation qui acheminait le gaz naturel algérien vers l’Espagne, via le territoire marocain, a eu l’effet d’un véritable séisme économique pour Rabat.
    Si l’Espagne est rassurée par les capacités de l’autre gazoduc Medgaz de lui assurer la totalité de ses besoins en GN, à travers sa canalisation sous-marine reliant Beni-Saf à Alicante,
    le Maroc est d’ores et déjà en train de compter les pertes que lui occasionnera la mise à l’arrêt d’un GME, dont il tirait de conséquents dividendes depuis sa mise en service il y a 25 ans.

    C’est carrément la panique chez le pays voisin, même si de hauts responsables marocains tentent de rassurer leurs concitoyens, en évoquant des alternatives pour la récupération du tronçon de cette canalisation qui traverse leur territoire. A travers les médias locaux, ces mêmes responsables sont en train de mettre en avant un possible inversement du flux des exportations algériennes vers l’Espagne.

    Comprendre que le Maroc serait en train de réfléchir au rachat à partir de l’Espagne d’une partie du GN algérien en le récupérant par voie du même GME. Or, cette option, même si elle est réalisable, serait très désavantageuse pour Rabat, font remarquer des experts algériens du secteur des énergies, et ce, pour plusieurs raisons d’ordre technique et financier. Et même si «techniquement elle est faisable», cette opération «a un coût et nécessite plusieurs modifications sur les installations. Il faudrait aussi du temps pour la réaliser», affirme l’expert énergétique Mahmah Bouziane, soulignant que «le coût du gaz serait très cher pour le Maroc». Par ailleurs, une telle démarche ne saurait aboutir sans le consentement de l’Algérie, note M. Bouziane, en référence à la «clause de destination» contenue dans les contrats gaziers à long terme, du moins pour ce qui est des contrats de Sonatrach avec ses clients, exigeant de ces derniers d’avoir l’accord préalable du fournisseur pour réexporter le gaz qu’il leur fournit. Mais pas que ça ! S’il y a accord du fournisseur, «le client sera alors appelé à partager le bénéfice réalisé sur cette transaction (exportation du gaz importé) avec l’exportateur initial», explique l’expert. Ce dernier doute, cependant, que l’Espagne puisse accepter pareille procédure commerciale, en partant du principe que ce pays «préfèrerait sans doute, au cas où il opterait pour un tel choix, revendre le gaz importé, non pas par gazoduc, avec un contrat à terme, mais sur le marché Spot dont les prix se sont multipliés par 6 depuis le début de l’année».

    Ainsi, «outre la complication et le manque de profitabilité d’une telle option pour ledit client, inverser le flux gazier d’un gazoduc demande de l’investissement et du temps», insiste la même source, faisant remarquer qu’une telle alternative ne peut se faire qu’avec le GNL importé à des prix plus chers que le GN, sans oublier les frais de transport. Il faudrait aussi installer des unités en Espagne pour pouvoir reconvertir le GNL en gaz naturel pour l’acheminer via le GME».

    Abondant dans le même sens, l’expert pétrolier Mourad Preure dira que «les éléments de langage déployés autour de l’inversion du flux gazier, de l’Espagne vers le Maroc» étonnent le spécialiste. «Il est normal que dans une situation de crise grave qu’il a provoquée, le Maroc déploie une communication tous azimuts, pas toujours éthique, pour amoindrir le choc, rassurer sa population et soigner un tant soit peu son image sérieusement affectée». Quant aux capacités de l’Algérie à assurer les livraisons gazières via Medgaz et via les méthaniers (pour le GNL), l’expert est catégorique. Il rassure à son tour, en affirmant qu’«il n’y a aucun doute quant à la capacité de l’Algérie d’honorer ses engagements contractuels avec l’Espagne». Et de rappeler que «même durant la décennie noire, et avec les risques terroristes, les clients de l’Algérie ont été rassurés et ont investi avec elle dans le secteur des hydrocarbures».
    M. Preure argumentera davantage en rappelant qu’«il n’y a jamais eu de rupture d’approvisionnement de nos clients gaziers. Ils nous reconnaissent d’ailleurs cette performance». Pour l’expert pétrolier, le non-renouvellement du contrat du GME permet même d’éviter le risque d’interruption du gazier vers l’Espagne.

    Un risque à ne pas écarter en cette période où une partie de ce gazoduc se trouve chez le voisin hostile, explique-t-il, avant de rappeler le cas de la Russie qui avait connu le même problème avec un pays de transit, l’Ukraine. «La vérité est que les pays de transit sont toujours une incertitude forte pour les producteurs de gaz qui déploient tous les moyens pour s’en affranchir. Nous vivons le cas présentement», conclut le même intervenant.

    Feriel Nourine

    Reporters, 09/11/2021

    #Algérie #Maroc #Espagne #Gaz #Gazoduc #Medgaz

  • Maroc-Algérie: Frontières fermées divisent les familles

    Tags: Algérie, Maroc, frontières, Sahara Occidental, Oujda – Maroc-Algérie: La fermeture divise les familles

    Malgré une rivalité amère entre leurs gouvernements, les Algériens et les Marocains ont des liens culturels et familiaux profonds.

    OUJDA, Maroc – De nombreuses familles ont été divisées par une frontière que l’Algérie a fermée en 1994 après que le Maroc a accusé son voisin d’être impliqué dans une attaque djihadiste contre un hôtel de Marrakech qui a tué deux touristes.

    Depuis lors, la frontière est restée fermée et il y a peu de chances qu’elle s’ouvre bientôt, alors que la tension monte à nouveau entre Rabat et Alger.

    Un cortège funèbre  » vu de loin « .

    Près de la ville marocaine d’Oujda, Fatima Chaaoufi regarde à travers la frontière marocaine scellée vers un village algérien de l’autre côté, où vivent des membres de sa famille qu’elle n’a pas vus depuis des années.

    « Nous sommes si proches et pourtant si loin », soupire-t-elle.

    Le village de Chaaoufi, Oulad Bouarfa, à l’est d’Oujda, se trouve à un jet de pierre de Boussfar, le village algérien où son frère est mort il y a un mois.

    Chaaoufi n’avait pas pu le voir depuis 1994, date à laquelle la frontière a été fermée à la suite d’une crise diplomatique entre les rivaux nord-africains.

    « Quand j’ai appris qu’il était mort, je n’ai pas pu me contrôler », a-t-elle dit, les larmes aux yeux. « J’ai couru vers les barbelés. Ils ont essayé de me retenir mais (mon chagrin) était plus fort que moi ».

    La femme de 75 ans, assise dans la cour de la modeste ferme de sa famille, portant un hijab sur la tête et un tablier autour de la taille, a dit qu’elle avait été obligée de regarder le cortège funéraire à distance, « impuissante et en larmes ».

    En août, après des mois de frictions croissantes au sujet du Sahara occidental et de la normalisation des liens du Maroc avec Israël, l’Algérie a rompu ses relations diplomatiques avec son voisin, invoquant des « actions hostiles. »

    Le Maroc a rejeté ces accusations.

    La semaine dernière, les choses se sont envenimées lorsque l’Algérie a accusé le Maroc d’avoir tué trois civils algériens sur une autoroute du désert traversant une zone du Sahara occidental contrôlée par le mouvement indépendantiste du Front Polisario, soutenu par l’Algérie.

    Un avenir difficile

    Mais malgré l’âpre rivalité entre leurs gouvernements, les Algériens et les Marocains entretiennent des liens culturels et familiaux profonds.

    « C’est tellement triste de voir deux peuples frères séparés par des décisions politiques », a déclaré Bachir Chaouch, né en 1951 de l’autre côté de la frontière, à El Amria, mais qui a déménagé au Maroc avant que l’Algérie ne gagne son indépendance de la France en 1962.

    Aujourd’hui, il a perdu tout contact avec ses oncles, tantes et cousins restés en Algérie.

    « Jusqu’en 1994, c’était différent. On allait voir nos familles, les affaires étaient bonnes. Nous n’avons jamais pensé que nous en arriverions là », a-t-il déclaré.

    Bien qu’elle soit officiellement fermée, la frontière est restée relativement poreuse, les contrebandiers se livrant à un commerce florissant d’essence et de produits manufacturés bon marché, ainsi que d’articles plus illicites.

    Mais en 2013, les autorités algériennes ont lancé ce qu’elles ont qualifié de répression du trafic de drogue, en intensifiant les patrouilles et en creusant des tranchées le long de la frontière, ce qui a incité Rabat à ériger des clôtures frontalières.

    Techniquement, les Algériens et les Marocains peuvent voler entre leurs deux pays, mais pour les communautés agricoles le long de la frontière, coupées de ce qui pourrait être un marché d’exportation clé, ce n’est pas un grand réconfort.

    De nombreux villageois d’Oulad Bouarfa regrettent leurs années de contrebande.

    « C’était une bonne époque. On travaillait des deux côtés de la frontière, on faisait venir du carburant d’Algérie et on vendait des vêtements là-bas », raconte Mohamed Haddouri, un habitant.

    « Aujourd’hui, nous nous débrouillons en élevant des animaux, mais ce n’est pas suffisant pour nourrir mes enfants. Notre avenir s’annonce difficile. « 

    Un coup dur

    Haddouri a déclaré que pratiquement tout le monde dans cette partie du Maroc a de la famille en Algérie.

    Les deux régions ont des liens historiques, et le défunt président algérien Abdelaziz Bouteflika est né à Oujda lorsque les deux pays étaient sous domination française.

    Meriem Hamouyi, une villageoise aux mains ornées de motifs au henné, est du même avis.

    La fermeture de la frontière a été « un coup dur pour nous. Mes quatre enfants sont au chômage », dit-elle.

    Oualid Kebir, un Algérien qui vit à Oujda depuis dix ans, affirme que pratiquement tout le monde dans la ville a de la famille de l’autre côté de la frontière.

    « De même de l’autre côté », ajoute l’homme d’affaires. « C’est une grosse erreur d’entretenir ces divisions ».

    Kebir, un militant politique qui poste régulièrement sur YouTube, a déclaré que c’était « une épreuve psychologique » d’être loin de sa famille.

    « Je crois toujours en de meilleures relations entre les deux pays », a-t-il dit.

    The Arab Weekly, 10/11/2021

    #Algérie #Maroc #Sahara_Occidental #Frontières

  • Algérie-Maroc : le début d’une guerre froide régionale

    Tags: Maroc, Algérie, Sahara Occidental, Front Polisario, Israël – Algérie-Maroc : le début d’une guerre froide régionale

    Le 1er novembre, trois citoyens algériens ont été tués sur le territoire contesté du Sahara occidental. La présidence algérienne a publié un communiqué accusant le Maroc d’avoir mené une attaque avec une « arme sophistiquée » contre deux convois de transport algériens. Ce n’était que le dernier épisode d’un processus d’escalade entre les deux pays. Les autorités algériennes avaient déjà coupé leurs relations diplomatiques avec le Maroc le 24 octobre en raison des tensions croissantes. Même si les relations entre Alger et Rabat ont longtemps été controversées, la mort de trois citoyens algériens pourrait s’avérer être un tournant.

    Dans son communiqué, la présidence algérienne a promis des représailles mais sans détailler sa réponse. Le 5 novembre, le ministre algérien des Affaires étrangères Ramtane Lamamra s’est adressé aux Nations Unies et à d’autres organisations internationales, soulignant que « l’acte de terreur d’État » du Maroc était dangereux pour la stabilité régionale. Alger a opté pour le lobbying diplomatique plutôt que pour les représailles militaires ; Cependant, cela pourrait changer car les autorités algériennes ont promis que la mort de leurs citoyens « ne restera pas impunie ». En effet, le ministre de l’Intérieur Kamal Beldjoud a affirmé que l’Algérie assurera la sécurité de ses frontières et a fait allusion à un déploiement sécuritaire majeur.

    Selon certaines informations , l’attaque du 1er novembre a eu lieu dans les territoires contrôlés par le Front Polisario , le mouvement de libération nationale au Sahara occidental. En ce sens, l’incident n’est pas le premier, mais il marque une escalade importante. Deux convois de transport rentraient de Nouakchott, la capitale mauritanienne, à Ouargla, dans le sud de l’Algérie, lorsqu’ils ont été touchés par des frappes ciblées de drones. Selon les experts , les convois étaient facilement identifiables, ce qui laisse penser que l’attaque n’était pas une erreur. Rabat n’a publié aucune déclaration pour confirmer ou infirmer les allégations d’Alger. Le 6 novembre, jour anniversaire de la Marche verte du Maroc en 1975 au Sahara occidental, le roi Mohammed VI a réitéréque Rabat maintiendra sa souveraineté sur le territoire contesté. Pourtant, il a insisté sur le fait que le Maroc préfère un « règlement pacifique ».

    À la lumière de cet incident récent, il est clair que le Sahara occidental est en train de devenir rapidement le théâtre d’un conflit armé. Jusqu’à l’année dernière, le désaccord entre l’armée marocaine et le Front Polisario restait politique, avec des tensions sécuritaires occasionnelles. Mais en novembre 2020, le chef sahraoui de la République arabe saharienne démocratique (RASD), Brahim Ghali, a annoncé la fin du cessez-le-feu de 29 ans avec Rabat. La mort des trois Algériens est un autre rappel urgent qu’il existe des menaces sécuritaires pressantes même dans les territoires considérés comme « libérés » par les forces sahraouies. De plus, même si de tels incidents ne sont pas représentatifs des tensions dans la région, ils suggèrent qu’une confrontation militaire directe est possible.

    Facteurs historiques et différences géostratégiques

    Pendant des décennies, la question du Sahara occidental a servi de monnaie d’échange dans les relations algéro-marocaines. Rabat a toujours considéré Alger comme l’alliée d’un groupe séparatiste. De son côté, Alger considère l’enjeu comme celui de la décolonisation, tout en maintenant son soutien diplomatique et militaire au Front Polisario. Jusqu’à récemment, les deux capitales ont réussi à garder leurs désaccords sous contrôle, mais maintenant d’autres réalités historiques et géopolitiques façonnent cette nouvelle escalade.

    Depuis l’époque de l’ancien président Houari Boumédienne, la prudence et l’inquiétude à l’égard du Maroc ont façonné les perceptions de la classe politique algérienne. La méfiance des autorités algériennes à l’égard de leur voisin occidental découle des sentiments nationaux qui ont suivi la guerre des sables de 1963 entre les deux pays. Le président algérien Abdelmadjid Tebboune et la direction militaire ont souligné à plusieurs reprises la mémoire du conflit. Le récent rapprochement de Rabat avec Israël a encore compliqué toute possibilité de règlement diplomatique avec Alger. Ainsi, la situation actuelle entre l’Algérie et le Maroc est le résultat d’une série de petits pas vers une crise.

    En plus des facteurs historiques en jeu, des différences géostratégiques plus importantes ont également contribué à la situation actuelle. Le 1er novembre, l’Algérie a coupé son approvisionnement en gaz naturel au Maroc via le gazoduc Maghreb-Europe. Cela est intervenu après des semaines d’incertitude, au cours desquelles Alger a pris des mesures radicales telles que l’ interdiction de tous les avions civils et militaires marocains de son espace aérien. Malgré l’ insistance de Rabatque de telles décisions n’ont aucun impact sur le Maroc, elles sont le symptôme d’une lutte en cours pour la suprématie régionale. Ni Alger ni Rabat ne sont prêts à prendre du recul, car ils ont deux visions distinctes et potentiellement conflictuelles de l’Afrique du Nord. Alger voit la région exclusivement à travers l’histoire de cette dernière et ses luttes anticoloniales tandis que Rabat défend un agenda libéral et non traditionnel d’une manière realpolitik. Les alliés, les stratégies et les escalades de l’Algérie et du Maroc indiquent clairement le début d’une guerre froide régionale.

    Ces derniers mois, les tensions entre Alger et Rabat ont atteint les limites de la diplomatie. Après plusieurs incidents politiques, la situation est désormais au bord de l’escalade militaire. Une guerre à grande échelle est cependant encore évitable si les autorités algériennes et marocaines peuvent être convaincues de régler pacifiquement leurs différends. Cela nécessitera l’engagement actif des organisations internationales pour s’attaquer aux moteurs sous-jacents du conflit, y compris la question du Sahara occidental. Dans le même temps, la neutralité des partenaires internationaux d’Alger et de Rabat, y compris l’Europe et les États-Unis, est essentielle pour assurer la stabilité.

    Tant au niveau officiel que populaire, les Algériens explorent les limites de leur relation avec les Marocains, et cela fait partie d’un processus national plus large de refonte du système politique et de la société algérienne. C’est un processus qui déterminera l’avenir — et les limites — de la coopération en Afrique du Nord. Si la poursuite de la suprématie régionale est préoccupante, cette compétition ne doit pas nécessairement conduire à un conflit ouvert.

    Aujourd’hui, il semble que l’Afrique du Nord soit entrée dans une nouvelle période plus risquée de tensions géopolitiques. Les récents affrontements entre l’Algérie et le Maroc sont l’expression d’une vieille rivalité qui ne peut plus être ignorée. L’instabilité régionale créée par ces tensions peut devenir permanente. Après des années de statu quo, une guerre froide a éclaté et, si elle n’est pas résolue par la communauté internationale et les deux pays, elle pourrait conduire à une confrontation militaire. Pour l’instant, Alger ne mobilise son corps diplomatique que parce que l’escalade militaire serait coûteuse et politiquement impopulaire. Mais cela ne doit pas être lu comme le signe de l’incapacité d’Alger ou de son acceptation inconditionnelle du statu quo, car cela pourrait changer rapidement à la suite d’une agression militaire dans la région.

    Zine Labidine Ghebouli

    Analyste politique et chercheur de troisième cycle à l’Université de Glasgow, où il se concentre sur les affaires euro-méditerranéennes. Ses recherches portent sur les dynamiques politiques et sécuritaires en Algérie. Zine a précédemment travaillé en tant que consultant junior à l’Institut Asfari pour la société civile et la citoyenneté. Les opinions exprimées dans cet article sont les siennes.

    Middle East Institute, 10/11/2021

    #Maroc #Algérie #Sahara_Occidental #Front_Polisario #Israël #Mauritanie #Maghreb

  • Pourquoi l’axe Alger-Tripoli devient « essentiel »

    Tags : Algérie, Libye, Maroc, Israël, Emirats Arabes Unis, EAU, Arabie Saoudite, France -Pourquoi l’axe Alger-Tripoli devient « essentiel »

    Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a reçu hier, le vice-président du Conseil présidentiel libyen Moussa Al-Kouni, qui était accompagné du chef d’état-major libyen Mohamed Al-Haddad.

    Auparavant, le chef d’état-major de l’armée nationale, Saïd Chanegriha avait reçu au siège du ministère de la Défense nationale le chef d’état-major libyen Mohamed Al-Haddad et nombre d’officiers, qui étaient arrivés, lundi à Alger pour une visite officielle de deux jours.

    L’importance de cette visite libyenne de haut rang intervient dans un contexte de jeu d’alliances stratégiques dans la région Mena. L’Algérie, dont les principes historiques et la stature internationale dérangent beaucoup de nouveaux venus sur la scène politique mondiale, observe avec dépit les rapprochements (à ses dépens) qui se nouent et se dénouent à vue d’œil. Alors que Rabat se « grise » de sa « lune de miel » avec Israël, les Emirats contractent un dangereux échange avec l’entité sioniste sur le plan militaire et informationnel. Ryad n’est pas loin de ce jeu, et seul son statut de Gardien des Lieux Saints de l’islam l’empêche de se mettre de la partie de manière ostentatoire.

    Après avoir mis à terre le Machrek, le jeu de stratégies de puissance se tourne vers le Maghreb. L’attaque d’El Guerguarat en a donné le coup d’envoi. Aujourd’hui, plus personne n’est dupe du jeu des pays du Golfe, prompts à s’engager dans une médiation avec le Maroc, maos ô combien lents quant il s’agit de condamner le Maroc (Sahara occidental, Pegasus, les trois camionneurs assassinés, etc.). Les monarchies soutiennent les monarchies à fond. C’est l’évidence ; car la chute de l’une entrainera celle des autres; alors autant faire bloc compact.

    C’est dans ce contexte qu’apparait combien une alliance avec le voisinage immédiat est « essentiel » pour Alger : Tunis, Bamako, Niamey et Nouakchott ; mais Tripoli d’abord, tant le jeu sournois qui s’y dessine, avec un Haftar au service d’Israël et des objectifs franco-atlantistes, commande à plus d’attention et de stratégie. Remarquez qu’on a tenté de disqualifier tous ceux qui ont, parmi les responsables libyens, cherché l’appui de l’Algérie : Debibeh, El Mengoush, etc.

    Que l’état-major politique et militaire de la Libye s’appuie encore aujourd’hui sur Alger y trouve bon écho, c’est plus qu’une carte : un pouvoir. D’autant que ceux qui se sont engagés à mettre le plus grand pays de l’Afrique, des pays arabes et du pourtour méditerranéen ne semblent pas au bout de leurs menées de sous-sol.

    L’Express, 10/11/2021

    #Algérie #Libye #Maroc #Israël #Sahara_Occidental #Arabie_Saoudite #France #Mauritanie #Mali

  • L’état fragile de la sécurité alimentaire au Maghreb

    Tags : Maroc, Algérie, Tunisie, Maghreb, sécurité alimentaire – L’état fragile de la sécurité alimentaire au Maghreb

    Introduction

    L’Afrique du Nord est entrée dans une crise de sécurité alimentaire. La Tunisie, l’Algérie et le Maroc connaissent des niveaux d’inflation alimentaire sans précédent depuis les troubles civils du printemps arabe il y a dix ans. Ensuite, la flambée des prix des denrées alimentaires, en particulier la flambée des prix du pain, a contribué à alimenter les mouvements de protestation populaires contre la corruption et l’injustice qui ont renversé le dictateur tunisien de longue date Zine El Abidine Ben Ali et renversé d’autres régimes autocratiques au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (MENA). Au Maroc et dans d’autres pays de la région MENA, les troubles sociaux ont suscité d’importantes réformes politiques et socio-économiques. Bien que la crise alimentaire actuelle du Maghreb ait été précipitée par les chocs économiques locaux et mondiaux provoqués par le début de la pandémie de COVID-19 en 2020 et ses conséquences en 2021, la fragilité structurelle des systèmes alimentaires en Tunisie, en Algérie, et le Maroc est responsable de la gravité du problème. Au cœur de cette fragilité se trouve l’incapacité à mettre en œuvre des mesures adéquates pour faire face à l’impact de la rareté croissante de l’eau et du changement climatique débilitant.

    La principale vulnérabilité du Maghreb est sa forte dépendance vis-à-vis des importations de céréales céréalières, tant pour la consommation humaine que pour l’alimentation animale. Le prix moyen mondial des céréales a augmenté de 27,3 % en septembre 2021 par rapport à septembre de l’année précédente et les prix ont depuis continué à grimper à un rythme encore plus rapide. Dans les ménages en Tunisie, en Algérie et au Maroc, la crise alimentaire se fait sentir le plus durement dans le prix du pain. Le prix du blé tendre utilisé dans la fabrication du pain s’élevait à 271 $ la tonneà la fin du 3T 2021, une augmentation de 22% d’une année sur l’autre. Le prix au 4T 2021 a encore augmenté alors que les stocks mondiaux ont diminué, car les producteurs des États-Unis, du Canada, de la Russie et du reste de la région de la mer Noire ont subi des dommages aux cultures dus à la sécheresse, au gel et aux fortes pluies. Aux États-Unis même, par exemple, le stock de blé ne devrait atteindre que 580 millions de boisseaux d’ici le 1er juin 2022, le plus petit en 14 ans.

    La hausse des prix des céréales a été aggravée par la flambée des coûts des engrais à base d’azote, qui ont été entraînés à leur tour par la hausse des coûts du gaz naturel ou du charbon utilisé dans leur fabrication. Dans le cas des engrais de blé, environ 80 % du coût de production provient du gaz naturel, dont le prix a quintuplé pour les fabricants européens d’engrais et environ 1,5 fois pour les fabricants américains. Le prix du blé tendre au Chicago Board of Trade le 1er novembre 2021 s’élevait à 7,95 $ le boisseau , ce qui représente une hausse de 57 % par rapport au 1er juillet 2021 et un prix jamais vu depuis janvier 2013.

    Considérée comme un test de stress de l’état de la gestion économique, agricole et environnementale en Tunisie, en Algérie et au Maroc, la crise des céréales de 2021 a révélé que les systèmes alimentaires dans les pays du Maghreb présentent des fragilités dangereuses qui pourraient se traduire par des conséquences sociales et l’instabilité politique. Cependant, de tels résultats ne sont pas inévitables et peuvent être atténués par des politiques appropriées, dont certaines ont commencé à être mises en œuvre dans la région.

    Tunisie

    La montée de l’insécurité alimentaire en Tunisie est devenue un facteur déterminant de la situation politique précaire du pays depuis l’adoption en 2014 d’une constitution démocratique. Dans la période qui a suivi cet événement marquant dans la progression de la Tunisie vers la démocratie libérale, l’insécurité alimentaire a augmenté à un rythme accéléré. Selon la moyenne triennale de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) , 25,1% des Tunisiens étaient dans un état d’insécurité alimentaire modérée à sévère en 2018-20, contre 18,2% en 2014-16. Bien que la Tunisie ait atteint l’autosuffisance en produits laitiers, légumes et fruits, le pays reste extrêmement dépendant des achats de céréales à l’étranger., important 50 % des céréales destinées à la consommation humaine et 60 % de celles destinées à l’alimentation du bétail. Les consommateurs tunisiens ont été quelque peu à l’abri du coût élevé de ces importations étrangères grâce aux subventions alimentaires du gouvernement. Le choc économique du COVID-19 suivi de la tempête parfaite de la flambée des prix mondiaux des céréales face aux conditions de sécheresse locales signifie que les subventions alimentaires de la Tunisie ne sont plus tenables compte tenu de la fragilité de ses finances publiques.

    En raison du COVID-19, le déficit budgétaire de la Tunisie en 2020 a atteint 11,5% du PIB, le plus gros déficit en près de 40 ans. Afin de faire face à la crise sanitaire immédiate et à l’impact économique dévastateur de la pandémie, le gouvernement du Premier ministre de l’époque Hichem Mechichi a accepté d’accepter un prêt d’urgence de 750 millions de dollars du Fonds monétaire international (FMI) en avril 2020. Avec son économie en difficulté et son gouvernement paralysé par une politique parlementaire dysfonctionnelle, la Tunisie est entrée en 2021, le 10e anniversaire de son expérience de transition démocratique, dans une ambiance plus anxieuse que festive. Le mécontentement qui couvait depuis longtemps face à la dégradation des conditions de vie due à la mauvaise qualité persistante des services de base du pays a été encore exacerbé par le faible déploiement du vaccin COVID-19 à Tunis. Au milieu de la flambée des prix des denrées alimentaires sans précédent depuis le printemps arabe, une nouvelle vague de protestations a éclaté à partir de la ville septentrionale de Siliana.

    Après avoir connu une contraction de 8,8% de sa croissance du PIB en 2020 , la Tunisie devait encore couvrir les remboursements de sa dette de 5,8 milliards de dollars, dont 1 milliard de dollars était dû en juillet et août 2021. Fin mai 2021, le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie a averti qu’il n’accepterait pas davantage le FMI. l’aide conduirait à une flambée de l’inflation à trois chiffres et aboutirait à un « scénario vénézuélien ». Au cours du premier trimestre 2021, la balance commerciale alimentaire de la Tunisie a affiché un déficit de 251,7 millions de dinars tunisiens (DT), inversant l’excédent de 176,8 millions de DT à la même période de l’année précédente. Le 31 mars, la puissante Union générale tunisienne du travail (UGTT) s’était engagée à accepter la réforme économique, y compris l’élimination des subventions alimentaires, comme une condition préalable nécessaire pour que le gouvernement du Premier ministre Mechichi entame des pourparlers avec le FMI. Cependant, en juin 2021, l’UGTT a annulé son soutien à Mechichi. Affirmant que le gouvernement n’avait pas fourni un filet de sécurité suffisant, l’UGTT a critiqué les augmentations des prix des denrées alimentaires et d’autres produits de base, attribuées à la mise en œuvre de mesures de réduction des coûts inspirées du FMI.

    En 2021, il a été estimé que la Tunisie devra importer 70% de ses besoins totaux en céréales et 90% du blé tendre utilisé pour fabriquer de la farine pour le pain et les produits de boulangerie. Au premier semestre 2021, la hausse du taux des importations céréalières de la Tunisie a été de 20,9%, contribuant à un déséquilibre du commerce alimentaire de 290,9 millions de dollars au cours de la période, contre 49,4 millions de dollars au cours de la même période en 2020. L’agence tunisienne des céréales a acheté 50 000 tonnes métriques de soft blé des commerçants européens en juin puis 100 000 tonnes supplémentaires en juillet, ainsi que 100 000 tonnes d’orge pour l’alimentation du bétail. Mais ces efforts se sont avérés insuffisants trop tard pour stabiliser les prix et aider à apaiser le mécontentement civil.

    Le 25 juillet 2021, le président Kais Saied, se faisant passer pour le sauveur national, a limogé le Premier ministre Mechichi et suspendu le parlement tunisien sur la base d’une interprétation controversée de l’article 80 de la constitution. Saied a ensuite prolongé la suspension au-delà de la période d’un mois prescrite par la Constitution et a annoncé qu’il gouvernerait par décret présidentiel. Jusqu’à présent, les perspectives de sécurité alimentaire de la Tunisie ne se sont pas améliorées sous le régime présidentiel direct. Le déséquilibre du commerce alimentaire à la fin du 3T 2021 s’élevait à 1,32 milliard de DT, avec des prix des céréales importées en hausse de 23,9% pour le blé tendre et de 12,6% pour le blé dur. Les prix des céréales fourragères ont également augmenté , l’orge enregistrant un bond de 18,4 % et le maïs un pic de 46,9 %.

    L’augmentation de la production céréalière intérieure de la Tunisie ne sera ni rapide ni facile. La Tunisie a du mal à garantir un approvisionnement suffisant en engrais, dans un contexte de pénurie mondiale, car la flambée des prix de l’énergie a réduit la production dans de nombreux pays d’Asie, d’Europe et d’Amérique du Nord et a fait grimper les prix des engrais. En octobre 2021, la Tunisie ne pouvait satisfaire que 25% de sa demande intérieure d’engrais. Les approvisionnements intérieurs ont également été considérablement réduits par la fermeture de six mois , de novembre 2020 à mai 2021, de l’usine d’engrais chimiques de Mdhilla à Gafsa en raison de grèves et de manifestations répétées. Même si le gouvernement a autorisé des importations supplémentaires, les agriculteurs tunisiens ont connu une augmentation de 30 à 50 % des coûts des engrais.

    La pénurie d’eau est un obstacle encore plus important à la relance de la production agricole de la Tunisie, dangereusement exacerbée par la mauvaise gestion des maigres ressources en eau du pays, dont environ 80% sont utilisées pour l’agriculture . La Tunisie a connu des températures record et des sécheresses alternant avec des épisodes de pluies torrentielles et des inondations qui ont ravagé l’agriculture et l’approvisionnement en eau du pays. Une mauvaise gestion de l’eau et des infrastructures défectueuses rendent le pays très vulnérable aux phénomènes météorologiques extrêmes provoqués par le changement climatique. Dans certaines régions de Tunisie, jusqu’à 50 % de l’eau est perdue avant d’atteindre le robinet en raison de l’insuffisance des infrastructures de distribution d’eau. La sécheresse a également causé une grave diminution des réserves d’eau. En septembre 2021,les volumes d’eau dans les barrages tunisiens s’élevaient à 730 millions de mètres cubes (mcm), contre 1,1 milliard de mètres cubes (mcm) au cours de la même période en 2020. La capacité de stockage d’eau de la Tunisie est également en baisse en raison de l’envasement croissant de ses barrages. D’ici 2035, les barrages de Mellègue et R’mili seront complètement ensablés , avec le même sort qui attend le barrage de Siliana en 2047.

    Il existe des solutions à de nombreux problèmes contribuant à la crise alimentaire et hydrique en Tunisie, mais il existe peu de solutions immédiates. La construction de nouveaux barrages, systèmes d’irrigation et installations de dessalement, ainsi que les centrales électriques supplémentaires pour les faire fonctionner, nécessiteront tous du temps et des investissements en capital. Surtout, les solutions aux problèmes de la Tunisie nécessiteront une planification politique experte et la bonne gouvernance pour mettre en œuvre les mesures.

    Algérie

    L’Algérie est confrontée à des défis économiques et climatiques similaires à ceux de la Tunisie lorsqu’il s’agit d’assurer la sécurité alimentaire de sa population, mais les défis sont à une échelle plus redoutable. Avec environ 17,4% de son territoire majoritairement désertique constitué de terres agricoles, l’Algérie est le plus grand importateur de denrées alimentaires d’Afrique. Avant COVID-19, les importations alimentaires de l’Algérie couvraient près de 75 % des besoins de sa population de 45 millions d’habitants. Malgré l’ampleur du défi, l’Algérie avait fait des progrès dans la réduction de l’insécurité alimentaire avant le déclenchement de la pandémie. Selon la moyenne triennale de la FAO, le pourcentage de la population en situation d’insécurité alimentaire modérée à sévère a chuté à 17,6 % pour la période 2018-20, contre 22,9 % pour 2014-16. Néanmoins, avant COVID-19, environ 24 millions d’Algériens dépensaient plus de 60% de leurs revenus uniquement pour répondre à leurs besoins alimentaires. Malgré sa richesse en hydrocarbures, la poursuite par l’Algérie de sa politique actuelle de subventions aux importations alimentaires dans un contexte d’inflation alimentaire mondiale galopante et de déficits de production intérieure provoqués par la sécheresse est devenue un fardeau difficile à gérer pour ses finances publiques.

    Les importations alimentaires les plus critiques de l’Algérie sont les céréales, qui contribuent à 43 % des calories totales et à 46 % des protéines du régime alimentaire algérien. Avant la crise mondiale actuelle de l’offre, les dépenses annuelles de l’Algérie pour les importations de céréales étaient d’environ 1,3 milliard de dollars . Même les années où sa production nationale donne de bonnes récoltes, l’Algérie dépend encore fortement des importations de céréales, dont 70 % sont généralement du blé tendre utilisé pour faire du pain.

    L’agriculture céréalière algérienne est très vulnérable aux phénomènes météorologiques violents. Sa production céréalière nationale devrait chuter de 38 % pour la campagne de commercialisation 2021/22 (MA) en raison d’une pluviométrie insuffisante. Par conséquent, ses besoins d’importation de blé pour la campagne de commercialisation 2021/22 devraient s’élever à 8,1 millions de tonnes métriques, soit 25 % de plus que les importations de l’an dernier. La plupart de ses importations de blé proviennent de l’Union européenne (UE), la France étant traditionnellement le plus grand fournisseur. Cependant, avec la pression mondiale sur l’approvisionnement en céréales, les exportations de céréales allemandes ont dépassé cette année celles de la France. Au-delà des effets des événements météorologiques violents et des perturbations de la chaîne d’approvisionnement liées au COVID-19, la pénurie d’approvisionnement mondiale a été exacerbée par une augmentation des importations de blé de la Chine, y compris le blé français, pour couvrir ses besoins en aliments pour le bétail. Pékin s’efforce de reconstituer rapidement sa population porcine locale après qu’une épidémie de peste porcine africaine a décimé la moitié de ses porcs, dans le but d’assurer son approvisionnement en protéines animales.

    Pour répondre aux besoins accrus d’importation de l’Algérie, le gouvernement du président Abdelmadjid Tebboune a cherché à diversifier ses fournisseurs au sein de l’UE ainsi qu’à regarder au-delà du bloc vers la Russie et jusqu’aux États-Unis et au Canada. Fin octobre 2021, la Pologne a expédié 60 000 tonnes de blé vers l’Algérie. Alger a également acheté 60 000 tonnes à la société russe Demetra Trading , les premières importations de blé russe du pays depuis 2016. Malgré la diversification de ses fournisseurs, la pénurie mondiale d’approvisionnement signifie qu’Alger doit encore faire face à la flambée des prix. En réponse immédiate, le gouvernement algérien a reporté son plan de lever indéfiniment les subventions au blé. Outre le blé, la hausse du prix de l’orge et du maïs importés d’Algérie, utilisés principalement pour l’alimentation animale, renchérit les prix des viandes rouges et blanches. Le manque de pluie dans la région des hauts plateaux , où le blé et l’orge sont principalement cultivés, a entraîné une augmentation des importations d’orge . L’Algérie importera également 5 millions de tonnes de maïs pour l’alimentation animale cette année.

    Contrairement à d’autres pays du Maghreb, l’Algérie est également confrontée à une crise d’approvisionnement en lait. Le lait est la principale source de protéines animales dans l’alimentation algérienne, fournissant environ 16% de l’apport quotidien moyen en protéines – dépassant la viande rouge, la viande blanche et les œufs combinés, qui ne représentent que 10,24%. L’Algérie est le deuxième importateur mondial de poudre de lait entier en poudre, avec des importations estimées à 255 000 tonnes en 2021 , et le cinquième importateur de poudre de lait écrémé, estimée à 160 000 tonnes. En 2020, l’Algérie a enregistré une augmentation de 3,8% de la production de laitrésultant d’une augmentation de la superficie allouée à la production laitière ainsi que d’une nouvelle interdiction gouvernementale d’utiliser du lait en poudre subventionné pour fabriquer du lait pasteurisé. Même s’il s’agit d’une amélioration, ces mesures sont loin de combler l’écart. En 2017, l’Algérie entretenait environ 200 000 vaches laitières, mais en 2021, le pays aurait besoin de plus d’un million de vaches pour satisfaire sa demande actuelle de lait uniquement avec la production nationale. De plus, l’augmentation considérable des aliments pour bétail à base de céréales probablement nécessaire à un tel effort mettrait à rude épreuve les importations céréalières du pays.

    L’approche actuelle de l’Algérie en matière de sécurité alimentaire dépend largement de la mesure dans laquelle les subventions de l’État peuvent protéger les consommateurs locaux de l’impact des augmentations des prix des denrées alimentaires sur le marché mondial. En tant qu’État rentier des hydrocarbures dans lequel le pétrole et le gaz représentent environ 95 % des revenus d’exportation , Alger s’est appuyé sur les revenus des hydrocarbures pour financer ses subventions alimentaires. Le choc économique de la pandémie de COVID-19 a fortement réduit sa capacité à financer ces subventions. En 2020, l’économie algérienne a connu une contraction de 4,6% du PIB réel , les exportations de pétrole brut et de gaz naturel liquéfié du pays connaissant chacune une baisse d’ environ 30% . Alors que la reprise des prix de l’énergie devrait pousser l’Algérie vers une croissance économique positive – les prévisions du printemps 2021 de la Banque mondialeune croissance projetée de 3,7% en 2021 et de 2,5% en 2022 – une partie de cette croissance pourrait être compensée par la flambée des factures d’importations alimentaires de l’Algérie, aggravée par la chute de la valeur du dinar algérien. Le dinar ayant régulièrement baissé de 118 contre dollar américain au 1er janvier 2019 à 138 fin octobre 2021, il deviendra de plus en plus difficile pour Alger de faire face à la hausse des coûts de ses importations alimentaires et de ses subventions.

    À l’instar de la Tunisie, l’utilisation accrue d’engrais et l’amélioration des capacités de gestion de l’eau en Algérie sont essentielles pour stimuler la production agricole nationale. Bien que l’Algérie soit riche en gaz naturel et en phosphates, deux des principales ressources utilisées dans la fabrication d’engrais, le secteur agricole du pays utilise généralement beaucoup moins d’engrais que ses voisins. En 2018, la consommation d’engrais pour l’agriculture algérienne était de 20,7 kilogrammes (kg) par hectare de terre arable, contre 44,2 kg en Tunisie et 74,9 kg au Maroc. Pour aider à atténuer le problème, la société d’énergie publique algérienne Sonatrach a signé un accord en 2018 avec la société chinoise CITIC Construction pour la construction d’un complexe intégré de production de phosphate de 6 milliards de dollars.. La méga-usine verrait la production annuelle de phosphate de l’Algérie atteindre 10 millions de tonnes métriques, ce qui entraînerait une augmentation de la production annuelle d’engrais d’une valeur d’environ 2 milliards de dollars sur les marchés mondiaux, tandis qu’une plus grande utilisation intérieure d’engrais entraînerait une augmentation des rendements des cultures à l’avenir.

    La rareté de l’eau est un défi plus fondamental pour l’Algérie. Comme la Tunisie, l’Algérie a souffert d’une mauvaise gestion de ses maigres ressources en eau. En 2012, son prélèvement d’eau douce souterraine était de 3 milliards de mètres cubes, soit environ le double du taux de recharge annuel . Selon la FAO, le taux de prélèvement est passé à 8,1 milliards de mètres cubes en 2017. La gestion inadéquate de l’eau en Algérie a été exacerbée par des infrastructures défectueuses qui entraînent des pertes de transport d’eau vers les zones urbaines d’ environ 30 %.Comme la Tunisie, les barrages algériens sont fortement impactés par l’envasement et la contamination. Pour augmenter son approvisionnement en eau, le gouvernement s’est tourné vers la technologie de dessalement énergivore et a renouvelé ses efforts pour moderniser et développer les usines de dessalement d’eau de mer. L’Algérie dispose de 11 usines de dessalement réparties dans neuf provinces et le gouvernement de Tebboune est en train de réhabiliter et de moderniser quatre d’entre elles , avec l’intention d’en construire trois supplémentaires .

    Maroc

    Le Maroc partage bon nombre des mêmes défis de sécurité alimentaire que la Tunisie et l’Algérie, mais la manière dont il vit la crise actuelle a été façonnée par son accent unique au cours des 10 dernières années sur le développement des exportations agricoles à haute valeur ajoutée. La planification agricole du Maroc au cours des 20 dernières années, et particulièrement au cours de la dernière décennie, a réussi à augmenter sa production d’exportation tout en réduisant la sous-alimentation à moins de 5% de la population. Malgré ces réalisations, la moyenne triennale de l’insécurité alimentaire modérée à sévère au Marocde 2018 à 2020 s’élève à 28%. Alors que l’autosuffisance alimentaire est un principe fondamental de la stratégie de développement du royaume depuis l’indépendance, la dépendance croissante du Maroc vis-à-vis des importations alimentaires subventionnées représente un danger croissant pour son tissu socio-économique. Comme ses voisins, le Maroc est fortement dépendant des céréales importées.

    En 2008, le royaume a lancé son Plan Maroc Vert (Plan Maroc Vert, PMV), un programme multidimensionnel de 2010 à 2020 visant à promouvoir le développement socio-économique en stimulant la production d’exportations agricoles à haute valeur ajoutée. Le PMV a réussi à augmenter la valeur des exportations agricoles du pays de 117% à environ 3,5 milliards de dollars et a créé 342 000 nouveaux emplois . En 2019, le secteur agricole marocain représentait 13 % du PIB et 38 % de l’emploi national, dont 74 % des emplois en milieu rural. Puisque la proportion de la population employée dans l’agriculture au Maroc est plus élevée que dans toute autre économie du bassin méditerranéen, le développement d’une production agroalimentaire à plus forte valeur ajoutée pour l’exportation a été considéré comme essentiel pour élever le niveau de vie d’une large frange de la société. Grâce au PMV, le secteur agroalimentaire marocain représente désormais 21% de ses exportations .

    A mi-parcours de la mise en œuvre du PMV, les céréales importées représentaient 54% de la consommation totale de céréales du Maroc, soit plus de trois fois la moyenne mondiale de 16%. En raison de l’accent mis par le PMV sur l’agriculture d’exportation, le Maroc a continué à réduire la quantité de terres agricoles consacrées à la production céréalière. Même avec ces réductions, la production céréalière en 2019 utilisait encore 59 % des terres agricoles du Maroc . Pour augmenter les rendements céréaliers, le PMV s’est concentré sur la modernisation des méthodes de production et l’introduction de variétés de blé tolérantes au climat. En 2021, ces efforts ont porté leurs fruits et le Maroc a connu une année record pour la production de blé et d’orge, récoltant 5,06 millions de tonnes de blé tendre, 2,48 millions de tonnes de blé dur et 2,78 millions de tonnes d’orge. Sa production de blé en 2021 était trois fois supérieure à celle de l’année 2020 frappée par la sécheresse et 58% supérieure à la moyenne 2016-2020. La production d’orge du Maroc a dépassé les années précédentes par une marge encore plus large. Ayant déjà prévu que 2021 serait une année record pour la production nationale de blé, Rabat a cherché à promouvoir davantage le secteur en imposant un droit d’importation de 135% sur le blé tendre étranger en avril 2021 et un droit d’importation de 170% sur le blé dur en juin 2021.

    En tant que 13e importateur mondial de blé , le Maroc n’a pas suffisamment progressé dans la relance de la production nationale de blé pour échapper à la crise actuelle. Alors que les prix du pain ont commencé à grimper en septembre et octobre, le gouvernement a été contraint de changer de cap le 27 octobre 2021, suspendant les droits d’importation sur le blé tendre et le blé dur à compter du 1er novembre. blé, le Fonds d’indemnisation du Maroc couvre la différence par des subventions. Fin 2015, le Maroc a commencé à mettre en œuvre un programme échelonné de réforme du système, car les subventions gonflées du Fonds d’indemnisation depuis la crise financière mondiale de 2008 étaient devenues un fardeau insupportable pour les finances de l’État. Bien que la deuxième phase du programmeétait censé libéraliser les prix des produits de base les plus consommés au Maroc, le gouvernement a suspendu le programme indéfiniment pour assurer la stabilité des prix pendant la crise actuelle, qui pourrait s’avérer prolongée. Le ministère de l’Économie et des Finances prévoit que les subventions au blé coûteront à elles seules au gouvernement 161,1 millions de dollars au cours de l’exercice 2022.

    Le Maroc étend son PMV avec une nouvelle initiative décennale appelée Green Generation 2020-2030 destinée à améliorer la résilience et la durabilité de la production agricole du pays pour l’exportation et la consommation intérieure tout en élevant 400 000 ménages dans la classe moyenne. Pour atteindre ces objectifs, le Maroc devra atténuer sa vulnérabilité à l’impact du changement climatique et à la prévalence croissante de la sécheresse. La hausse des températures et les conditions de sécheresse prolongée provoquent la dégradation des terres, près de la moitié des terres marocaines étant confrontées à l’érosion des sols.

    Le PMV a mis un total de 542 000 hectares en systèmes d’irrigation goutte à goutte contre seulement 128 000 hectares en 2008, ces zones irriguées représentant au moins la moitié de la croissance du PIB agricole depuis le lancement du PMV. En 2019, les terres irriguées ont généré 75 % des exportations agricoles du Maroc. Cependant, seulement 16% des terres agricoles du royaume sont irriguées à partir de barrages locaux , ce qui rend la production céréalière très variable et vulnérable aux événements météorologiques.

    Comme la Tunisie et l’Algérie, le Maroc est confronté au défi de lutter contre l’envasement de ses grands barrages vieillissants, qui connaissent un taux d’envasement de 75 mcm par an. En février 2021, Rabat a annoncé qu’elle commencerait la construction de cinq nouveaux grands barrages d’une capacité de stockage cumulée de 525 mcm dans le cadre de la phase 2020-27 de son plan national de l’eau, qui vise à porter la capacité totale des barrages du pays à 27. bcm. Rabat a également achevé 65% de la construction d’ une nouvelle usine de dessalement d’eau de mer à Agadir qui fournira de l’eau potable ainsi que de l’eau pour l’agriculture grâce à un système d’irrigation nouvellement construit.

    Conclusion

    Les solutions à l’insécurité alimentaire du Maghreb existent mais elles ne sont ni rapides ni faciles. L’agro-tech, y compris l’irrigation de précision fonctionnant à l’aide de sources d’énergie renouvelables, contribuerait grandement à améliorer les rendements agricoles de la région, en particulier lorsqu’elle est associée à des technologies de pointe en matière de gestion de l’eau. Le dessalement de l’eau de mer est énergivore et augmenterait des coûts énergétiques élevés ou nécessiterait une capacité de production d’électricité supplémentaire à partir de sources d’énergie renouvelables. Toutes ces mesures nécessitent d’importants investissements en capital. Le plan national de l’eau du Maroc 2020-2050, qui prévoit la construction de nouveaux barrages et usines de dessalement ainsi que l’extension des réseaux d’irrigation, entre autres mesures, pour promouvoir une agriculture durable et la préservation des écosystèmes, est estimé à un coût environ 40 milliards de dollars.

    Bien que les approches holistiques soient optimales, des mesures plus limitées peuvent également avoir des effets positifs importants. Une irrigation élargie est essentielle pour stimuler la production céréalière dans tout le Maghreb. En Algérie, seulement 43 % des terres agricoles irriguées sont plantées en céréales. Fin 2020, Alger a publié une stratégie de feuille de route 2020-24 pour plusieurs produits agricoles clés afin de réduire ses dépenses d’importations alimentaires. Dans le secteur du blé, la modernisation proposée de l’irrigation devrait multiplier par deux ou trois les rendements actuels, produisant potentiellement plus de 7 millions de tonnes métriques de blé par an d’ici 2024.

    En outre, les pays du Maghreb ont besoin de renforcer leurs réserves stratégiques. L’Algérie s’est fixé pour objectif de construire 31 silos métalliques qui créeraient 670 000 tonnes de capacité de stockage supplémentaire. Le 8 octobre 2021, le roi du Maroc Mohammed VI a fait de la question une priorité nationale publique dans un discours télévisé inaugurant le nouveau parlement du pays. Dans son discours, le roi a « insisté » pour que le Maroc établisse un « système national intégré » de réserves stratégiques pour les approvisionnements alimentaires, médicaux et énergétiques essentiels afin de gérer les chocs causés par les futures pénuries d’approvisionnement mondiales et autres urgences. La Tunisie, qui a été relativement plus lente à prendre des mesures à la mesure de l’ampleur de son problème d’insécurité alimentaire, a signé un accord en janvier 2021 avec le Programme alimentaire mondial des Nations Unies pour mettre en place un système de suivi de la sécurité alimentaire.

    La nécessité pour le Maghreb de mettre en œuvre de telles mesures à grande échelle ouvre la possibilité aux États-Unis et à leurs alliés européens d’approfondir leurs partenariats avec la Tunisie, l’Algérie et le Maroc – en s’engageant dans de nouveaux domaines de coopération qui, dans certains cas, pourraient remettre en question les termes de la relation. . En l’absence d’un engagement proactif des membres de la communauté transatlantique, la Chine, les États arabes du Golfe et d’autres pays sont susceptibles de combler le vide et d’accroître leur influence dans la région.

    La crise des céréales céréalières de 2021 au Maghreb ne doit pas être ignorée par la communauté internationale. La crise a révélé de graves fragilités structurelles dans les systèmes alimentaires de la Tunisie, de l’Algérie et du Maroc qui sont finalement causées par l’incapacité à mettre en œuvre des mesures adéquates pour faire face à l’impact de la rareté croissante de l’eau et du changement climatique débilitant. Le coût de l’inaction ou du manque d’action pourrait être assez élevé, car l’échec à commencer à mettre en œuvre des politiques appropriées pourrait entraîner une dangereuse instabilité sociale et politique dans un proche avenir.

    Alors que certaines des politiques nécessaires ont commencé à être mises en œuvre à des degrés divers, la bonne gouvernance pour mettre en œuvre les mesures requises sera essentielle pour déterminer le succès des efforts en Tunisie, en Algérie et au Maroc. Des solutions pour améliorer l’insécurité alimentaire au Maghreb existent, mais comme les prix alimentaires mondiaux devraient continuer à augmenter en 2022 alors que les défis climatiques à la production agricole continuent de s’intensifier, la Tunisie, l’Algérie et le Maroc – ainsi que leurs partenaires internationaux – ont peu de temps pour perdre si l’on veut éviter des conséquences catastrophiques.

    Michaël Tanchum,

    Professeur Michaël Tanchum est chercheur non-résident du programme Économie et énergie du Middle East Institute. Il enseigne à l’Université de Navarre et est chercheur principal à l’Institut autrichien pour la politique européenne et de sécurité (AIES) et chercheur invité dans le programme Afrique du Conseil européen des relations étrangères (ECFR). Les opinions exprimées dans cet article sont les siennes. L’auteur tient à remercier Rafaella Vargas Reyes et María del Pilar Cazali Castañón pour leur aide à la recherche.

    Middle East Institute, 09/11/2021

    #Algérie #Maroc #Tunisie #Maghreb #Sécurité_alimentaire

  • Libye-Algérie: Des mesures pour renforcer les liens militaires

    Tags: Algérie, Libye, armée, coopération militaire – Libye-Algérie: Des mesures pour renforcer leurs liens militaires

    Le chef d’état-major libyen, Mohammed Al-Haddad, a discuté lundi avec son homologue algérien, Saïd Chengriha, de la coopération militaire et des développements sécuritaires dans la région, réitérant la nécessité d’une coordination pour répondre aux défis sécuritaires, notamment aux frontières communes du sud.

    Ces propos ont été tenus, selon un communiqué du ministère algérien de la Défense, lors d’une rencontre entre les deux chefs d’état-major à l’occasion de la visite de M. Al-Haddad en Algérie avec une délégation conduite par le chef adjoint du Conseil présidentiel libyen, Mossa Al-Koni, à l’invitation du président algérien.

    Les deux parties ont évoqué le renforcement de la coopération dans le domaine militaire et l’échange de points de vue sur des questions d’intérêt commun. M. Chengriha a souligné la nécessité de mettre fin à la crise en Libye afin que ce pays puisse retrouver son rôle actif dans le rétablissement de la paix et de la stabilité dans la région.

    Le communiqué indique que M. Al-Haddad a salué les efforts déployés par l’Algérie pour jeter des ponts entre les parties libyennes et promouvoir l’unité dans tout le pays.

    Libyan Express, 09/11/2021

    #Algérie #Libye #Maghreb #Armée #Mohamed_al_haddad


  • Algérie – Maroc : que pèsent leurs forces militaires ?

    Tags : Maroc, Algérie, armée, Sahara Occidental, Front Polisario – Algérie – Maroc : que pèsent leurs forces militaires?

    L’Algérie et le Maroc sont, avec l’Égypte, les principaux acheteurs d’armes en Afrique. Les tensions au Sahara occidental alimentent les craintes d’un conflit entre Rabat et Alger. Que pèsent les armées des deux pays ? Quelle est l’état de leurs forces militaires ? Entretien avec Emmanuel Dupuy, président de l’Institut Prospective & Sécurité en Europe (IPSE) et auteur d’un chapitre nommé « La Guerre contre le terrorisme du Sahara au Sahel » dans le livre « Repenser le conflit au Sahara ».

    TV5MONDE : Quelles sont les dynamiques en matière d’équipement militaire dans ces deux pays ?

    Emmanuel Dupuy : Les deux pays sont en train de se réarmer. C’est un phénomène qui est récent mais c’est un phénomène qui répond l’un à l’autre. C’est plus ou moins « une sorte de parité stratégique ». Même si l’armée algérienne est numériquement parlant moins nombreuse que l’armée marocaine : 130 000 militaires contre 310 000, c’est sans compter les 150 000 réservistes en plus des 190 000 forces paramilitaires algériennes contre 150 000 réservistes et 50 000 forces paramilitaires pour le Maroc. Donc on voit qu’on est plus ou moins dans une logique de parité volumétriquement parlant.

    Les deux pays sont en train de se réarmer ( Emmanuel Dupuy, spécialiste des forces armées des deux pays)

    On dit souvent que l’Algérie est la deuxième armée du continent africain et le Maroc la 5e, pour une raison autre : celle des investissements. L’Algérie consacre beaucoup plus en termes de dépenses militaires que le Maroc : 90 milliards de dollars entre 2010 et 2020 pour l’Algérie, 35,6 milliards de dollars sur la même période pour le Maroc. Il y a là un hiatus qu’il est important d’avoir à l’esprit, ce qui confirme aussi la dernière annonce d’il y a quelques mois des 7 milliards de dollars de contrat d’armement entre la Russie et l’Algérie qui fait suite à la visite de l’État-major algérien Saïd Chengriha à Moscou. Donc il y a une accélération en termes d’investissement militaire du point de vue algérien mais un avantage volumétrique d’un point de vue marocain.

    TV5MONDE : Vous parliez de contrats avec la Russie. Quels sont les soutiens et les fournisseurs de ces deux armées ?

    Emmanuel Dupuy : Il y a une longue tradition de formation, d’entraînement et d’équipement quasi-exclusivement russe vis-à-vis de l’Algérie. Ceci correspond à une réalité géopolitique bien comprise. Par ailleurs, l’Algérie devrait être le premier client des nouveaux avions de chasse russe Sukhoï 57 qui n’ont encore jamais été vendus à l’export. L’indépendance algérienne s’est créée dans une lutte contre une puissance coloniale à la suite d’une guerre qualifiée d’anticoloniale. Il est évidemment compliqué, même si c’est en train de changer un peu, que les forces armées algériennes bénéficient de matériel militaire français ou en tout cas américain. Alger dénonce la présence américaine trop fortement appuyée vis-à-vis du Maroc.

    Il y a une volonté de la part de l’Algérie de vouloir régionaliser le conflit
    Emmanuel Dupuy, président de l’IPSE

    Il y a d’autres clients ponctuels comme la Chine qui fournit les deux pays.
    La France et les États-Unis fournissent plutôt exclusivement les forces armées marocaines. La raison est simple : le Maroc a, depuis 2004, le titre d’allier majeur non-membre de l’OTAN, ce qui n’est pas le cas de l’Algérie. On peut rajouter Israël à la suite de la normalisation du 10 décembre 2020 et les Émirats-arabes-unis qui sont devenus aussi de facto des partenaires du Maroc dans le cadre des accords d’Abraham (13 août 2020).

    TV5MONDE : De quels types d’armes on parle pour ces deux pays africains ?

    Emmanuel Dupuy : Les deux pays disposent de systèmes de défense anti-aérien sol-air. Pour le Maroc, il s’agit des systèmes américains Patriot et pour l’Algérie, c’est l’équivalent russe avec le système S-300 (dont dispose aussi l’armée syrienne).
    Dans le Domaine des radars, on est dans une parité également : Français et Américains ont fourni l’armée marocaine tandis que Chinois et Russes ont fourni l’armée algérienne.

    En ce qui concerne les forces aériennes : l’Algérie disposait déjà d’avions russes Sukhoï 34 et ils vont disposer bientôt de Sukhoï 57, les derniers modèles de la marque. Les forces marocaines disposaient déjà de F-16 et ces avions sont mis à jour et ils disposent désormais des derniers modèles de F-16.

    Sur les forces terrestres, le Maroc a confirmé sa volonté d’acheter 36 canons CAESAR 155mm. Ces systèmes d’arme ont une portée de 40 km et c’est la France qui fournit ces armements. De la même manière, l’artillerie automotrice tractée algérienne est conséquente : 720 de ces matériels sont fournies par la Russie. Le Maroc en a un peu moins de 510.

    7000 véhicules blindés sont fournis majoritairement par la Russie pour l’Algérie contre 8000 pour le Maroc fournis majoritairement par les États-Unis.

    Pour les chars de combat, même combat ! Près de 2000 pour l’Algérie : des chars russes. 3000 pour le Maroc : des chars américains, des chars chinois ou même des chars russes également. Donc si la quasi-totalité des chars algériens sont de fabrication russe, la Russie a confirmé il y a quelques mois la volonté de vendre au Maroc des chars également (60 chars T-72). La Russie joue sur les deux tableaux dans ce domaine-là.

    Au-delà de tout ça, il y a la question importante des drones. les deux pays disposent d’une capacité de drones à peu près équivalente. L’Algérie avait peut-être commencé plus tôt en prenant possession de drones de surveillance sud-africains, mais ils disposent également de drones d’attaque fournis par les Émirats-arabes-unis ou la Chine. Le Maroc dispose de drones venant de trois pays en priorité : les États-Unis, la Turquie et Israël.

    TV5MONDE : Que signifie cette rivalité entre ces deux pays sur le plan militaire ?

    Emmanuel Dupuy : Il y a, de la part de l’Algérie, une volonté de dramatiser ce qui est depuis hélas désormais 46 ans un conflit gelé mais un conflit qui n’est pas une guerre ouverte. Il y a eu une guerre ouverte, la fameuse guerre des sables, mais on en est plus là aujourd’hui, ou en tout cas, on n’en est pas encore là. Alger a une volonté de dramatiser tous les événements : l’attaque contre le poste-frontière à Guerguerat en novembre dernier, les accusations émises par l’Algérie quant à la mort du chef de la gendarmerie du Polisario, ou encore récemment les accusations de la diplomatie algérienne suite à la mort de trois camionneurs algériens. Il se trouve que la Minurso (Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental) a indiqué que ces camions se trouvaient non pas sur la route commerciale comme l’Algérie le prétendait mais dans une zone militarisée interdite à toute circulation.

    Donc il y a de la part de l’Algérie une volonté de tendre la situation et de faire croire à l’idée qu’on se trouve dans une guerre en faisant le parallèle avec la guerre au Sahel.

    C’est la raison pour laquelle l’Algérie joue sur un autre facteur, c’est qu’elle a lancé depuis avril 2010 un certain nombre de rapprochement avec les pays du voisinage marocain. J’ai en tête le comité d’état-major opérationnel conjoint (CEMOC) qui a été construit pour encercler d’une certaine manière le Maroc. Dans le même temps, l’Algérie a créé une coordination de lutte anti-terroriste, l’Unité de Fusion et de Liaison (UFL). Donc il y a une volonté de la part de l’Algérie de vouloir régionaliser le conflit et de la part du Maroc une volonté de confirmer la nécessité de revenir à la négociation telle que la dernière résolution votée par 13 membres de sécurité sur 15 la semaine dernière.

    TV5 Monde, 07/11/2021

    #Maroc #Algérie #Sahara_Occidental #Front_Polisario

  • Entre l’Algérie et le Maroc, une guerre en filigrane

    Tags : Algérie, Maroc, Sahara Occidental – Entre l’Algérie et le Maroc, une guerre en filigrane

    La tension est montée d’un cran après la mort de trois camionneurs algériens lors d’un bombardement marocain en territoire sahraoui. Le Front Polisario réaffirme sa détermination à poursuivre la lutte pour l’autodétermination.

    Le roi du Maroc, Mohammed VI, souffle sur les braises. La « marocanité » du Sahara occidental n’est pas à « négocier », affirmait-il le 6 novembre, à l’occasion de la commémoration de la Marche verte, organisée en 1975 par Hassan II pour tenter de récupérer le Sahara occidental, jusque-là occupé par l’Espagne. Selon lui, « le processus politique en marche (…) est voué à mettre en place une solution définitive fondée sur l’initiative d’autonomie, sous souveraineté marocaine ». Un brûlot de plus autour d’une question qui empoisonne les relations avec l’Algérie depuis une trentaine d’années et dans un contexte de tension croissante entre les deux pays. Mais pas seulement. Le roi se prévaut de ses soutiens. « La décision des États-Unis d’Amérique de reconnaître la souveraineté pleine et entière du Maroc sur son Sahara constitue un sujet de fierté pour nous », se réjouit-il, à propos de l’arrangement opéré avec Donald Trump en échange d’une normalisation des relations avec Israël. Ce qui a ulcéré l’Algérie, pour qui rien ne va plus.

    « Terrorisme d’État »

    La crise a atteint un seuil sensible avec la mort de trois camionneurs algériens, pris dans un bombardement le 1er novembre sur le territoire sahraoui. Un communiqué de la présidence algérienne, publié le 4 novembre, accuse Rabat d’un « lâche assassinat », commis « avec un armement sophistiqué (…) alors qu’ils faisaient la liaison Nouakchott-Ouargla », entre la Mauritanie et l’Algérie. Le texte dénonce « la gravité extrême de l’acte de terrorisme d’État en question, qu’aucune circonstance ne saurait justifier », il assure que « l’assassinat de ces trois Algériens ne restera pas impuni ». Le ton est donné.

    Les faits se sont enchaînés au cœur d’une spirale sans précédent. Le 13 novembre 2020, l’armée marocaine avait annexé la zone tampon du poste-frontière de Guerguerat (extrême Sud), officiellement pour rétablir « la libre circulation des personnes et des marchandises », poussant le Front Polisario à rompre le cessez-le-feu. Le royaume aurait à présent accepté son retrait de la zone, comme l’exigeait l’Algérie. Le rapprochement israélo-marocain ainsi que certaines déclarations de Rabat favorables aux indépendantistes kabyles (MAK, considéré comme une organisation terroriste) ont provoqué, le 14 août dernier, la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays. Le scandale Pegasus a exacerbé d’autant plus les Algériens, dont plusieurs personnalités ont été également ciblées par le logiciel espion. Le 31 octobre, le président Tebboune décidait finalement de couper l’acheminement du gaz vers le Maroc, privant le royaume chérifien d’environ 800 millions de mètres cubes à un prix préférentiel, en plus de droits de passage entre 50 millions et 200 millions d’euros.

    Guerre ! le mot est désormais lâché, tandis que des observateurs se livrent à une évaluation de la puissance militaire des belligérants potentiels. Les dépenses marocaines de défense auraient augmenté de plus de 30 % en 2020 par rapport à 2019. L’Algérie est le plus gros acheteur d’armements en Afrique, avec 9,7 milliards de dollars en 2020. « Si l’Algérie veut la guerre, le Maroc n’en veut pas. Le Maroc ne sera jamais entraîné dans une spirale de violence et de déstabilisation régionale », a réagi auprès de l’AFP une « source marocaine informée » qui a requis l’anonymat. « Cela fait cinquante ans que Marocains et Algériens se préparent à faire la guerre. En 1963, ils se sont déjà affrontés pendant la guerre des Sables. Les militaires sont prêts, mais pour commencer une guerre, il faut d’abord une volonté politique », commente de son côté un ex-politique algérien.

    L’avenir du Sahara occidental reste, en toutes circonstances, l’enjeu central. Ancienne colonie espagnole, le territoire est inscrit depuis 1963 sur la liste des « territoires non autonomes », « en voie de décolonisation » de la 4e commission des Nations unies dite « des politiques spéciales et de décolonisation ». Le Front Polisario, quant à lui, réitère sa détermination à ne pas céder devant les menaces marocaines. « Le peuple sahraoui n’a pas d’autre choix aujourd’hui que de poursuivre et d’intensifier sa légitime lutte armée pour défendre la souveraineté de sa patrie et assurer l’exercice de son droit inaliénable et non négociable à l’autodétermination et à l’indépendance », affirme-t-il.

    Nadjib Touaibia
    L’Humanité, 9 Novembre 2021

    #Maroc #Algérie #Sahara_Occidental #Front_polisario

  • Algérie-Mauritanie: Création d’une zone de libre-échange

    Tags : Algérie, Mauritanie, zone de libre échange, Tindouf, Zouérat – Algérie-Mauritanie: Création d’une zone de libre-échange

    Le ministre de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire, Kamel Beldjoud, a annoncé, mardi à Alger, que l’Algérie et la Mauritanie ont décidé de la création d’une zone de libre-échange dans la région frontalière.

    S’exprimant, à l’issue des travaux de la 1re session du Comité bilatéral frontalier algéro-mauritanien, M. Beldjoud a indiqué qu’il s’agit de «la création de la zone de libre-échange entre les deux pays au niveau de la région frontalière, de l’organisation permanente des foires économiques et commerciales à Nouakchott, et de l’encouragement des opérateurs économiques des deux pays à vendre leurs produits dans les marchés algérien et mauritanien». Les experts ont recommandé d’«examiner les opportunités de coopération et de partenariat dans les domaines de prospection, d’exploration et de production des hydrocarbures, à travers l’exploitation des potentialités d’investissement disponibles et de réactiver la convention relative à la pêche par l’exploitation des autorisations accordées à ce sujet dans les eaux territoriales mauritaniennes», a-t-il fait savoir. Le ministre de l’Intérieur a également fait part de la relance d’un projet de réalisation d’une route reliant Tindouf et Zouerate. Aux plans économique et commercial, les experts des deux pays ont convenu de l’importance de «réaliser une route reliant Tindouf et Zouerate, en mobilisant les ressources financières à cet effet, avec la possibilité de procéder à l’actualisation de l’étude réalisée», a-t-il précisé.

    Concernant la formation professionnelle, le ministre a mis l’accent sur l’importance de l’octroi de bourses aux jeunes de la région frontalière mauritanienne, pour bénéficier d’une formation dans les établissements de formation algériens. Il a aussi relevé la nécessité d’aider les femmes rurales et artisanes à commercialiser leurs produits et d’échanger les expertises dans la formation de gestion des activités et des établissements des jeunes dans la région frontalière. L’Algérie, poursuit M. Beldjoud, est déterminée à coopérer avec la Mauritanie à l’effet de concrétiser «ces engagements sur le terrain, conformément aux orientations des autorités des deux pays qui accordent une attention particulière au développement et à la sécurisation de la région frontalière commune, pour répondre aux besoins des populations». À la clôture des travaux de cette session, un procès-verbal de réunion a été signé par M. Beldjoud et son homologue mauritanien Mohamed Salem Ould Merzoug. Cette session intervient après la dernière visite effectuée par le ministre de l’Intérieur à Nouakchott, le 1er avril dernier, rappelle-t-on.

    Comité sécuritaire conjoint : « Coordination face aux défis de l’heure»

    Le ministre de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire, Kamel Beldjoud, a mis l’accent mardi sur l’impératif d’intensifier la coordination sécuritaire au niveau des frontières, à travers la création d’un Comité sécuritaire conjoint entre l’Algérie et la Mauritanie, en vue de faire face aux défis actuels. Lors des travaux de la 1re session du Comité bilatéral frontalier algéro-mauritanien, le ministre a fait savoir que la coopération sécuritaire s’était taillé la part du lion, lors des travaux de cette session, vu «les défis sécuritaires qui se posent à la région». Le groupe de travail conjoint est parvenu à plusieurs recommandations, dont «l’intensification de la coordination sécuritaire au niveau des régions frontalières communes, à travers la création d’un comité sécuritaire mixte comprenant les services de sécurité des deux pays».

    Le comité sécuritaire, poursuit le ministre, a recommandé également «la sécurisation des citoyens des deux pays, lors de leur déplacement dans le cadre des échanges commerciaux contre les agressions des bandes criminelles au niveau des zones frontalières communes». Pour ce faire, le comité a préconisé «l’intensification des patrouilles le long de la bande frontalière commune et le renforcement de la coopération en matière de lutte contre le trafic de drogue et l’orpaillage illégal». S’agissant de la formation, le même comité a appelé à l’«organisation de sessions au profit des cadres et agents de la police et de la Protection civile, toutes disciplines confondues, notamment la police scientifique». À cette occasion, M. Beldjoud a salué la Mauritanie pour son attachement à la promotion de la coopération bilatérale et frontalière, à travers l’organisation conjointe de cette session qui s’est déroulée dans une «ambiance fraternelle» marquée par «la volonté commune de promouvoir et d’activer tout ce qui est susceptible d’assurer le développement et de sécuriser notre région frontalière».

    Mohamed Salem Ould Merzoug, ministre mauritanien de l’Intérieur et de la Décentralisation
    «Atteindre la complémentarité économique»

    Le ministre mauritanien de l’Intérieur et de la Décentralisation, Mohamed Salem Ould Merzoug, a souligné, mardi à Alger, l’importance d’«atteindre la complémentarité économique et commerciale, à la faveur d’une vision de développement global au service de la sécurité et de la stabilité des deux pays». S’exprimant à la clôture des travaux de la 1re session du Comité frontalier algéro-mauritanien, qu’il a coprésidée avec le ministre de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire, Kamel Beldjoud, M. Ould Merzoug a salué «le sérieux» ayant marqué cette session, affirmant que la Mauritanie «œuvrera à appliquer les recommandations et les propositions de cette réunion au service de nos intérêts communs». Il a fait savoir que ce Comité «a recommandé la réalisation de l’intégration économique dans le cadre d’une vision globale au service de la sécurité et de la stabilité des deux pays», ajoutant que les travaux de cette session ont permis «d’évaluer la situation et de tracer les objectifs visant à diversifier les formes du développement dans les zones frontalières, à travers des programmes permettant à la population de ces zones de s’intégrer dans le cadre d’une vision globale de la sécurité, de la stabilité et du bon voisinage».

    A ce propos, il rappelé que ces recommandations étaient intervenues conformément à la volonté des Présidents des deux pays, Abdelmadjid Tebboune et Mohamed Ould Cheikh El-Ghazaouani. M. Beldjoud a indiqué que l’Algérie est déterminée à coopérer avec la Mauritanie à l’effet de concrétiser «ces engagements sur le terrain, conformément aux orientations des autorités des deux pays qui accordent une attention particulière au développement et à la sécurisation de la région frontalière commune, pour subvenir aux besoins des populations».

    Le ministre mauritanien de l’Intérieur visite Djamaâ El-Djazaïr

    Le ministre mauritanien de l’Intérieur et de la Décentralisation, Mohamed Salem Ould Merzouk, a effectué mardi, en marge de sa participation aux travaux de la 1re session du Comité bilatéral frontalier algéro-mauritanien, une visite à Djamaâ El-Djazaïr à Mohmmadia (Alger). Accompagné du ministre de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire, Kamal Beldjoud, et du wali d’Alger, Youcef Cherfa, M. Ould Merzouk a contemplé de près cet édifice religieux et reçu des explications sur l’architecture et la réalisation de cette mosquée. À l’occasion, le ministre mauritanien s’est dit «très impressionné par cette splendide réalisation architecturale», ajoutant que cette œuvre peut jouer un grand rôle dans le monde arabo-islamique.

    Déployée sur une superficie de 30 hectares, cet édifice religieux, scientifique et touristique, dispose de 12 bâtisses complémentaires bâties sur 400 mètres carrés. Érigée au cœur de la capitale sur le territoire de la commune de Mohammadia, Djamaâ El-Djazaïr compte une salle de prière de 20.000 m2 pouvant accueillir jusqu’à 120.000 fidèles. Cette salle se démarque par des colonnes octogonales décorées de marbre et par un grand mihrab (utilisé par l’imam pour diriger les prières) et par les 6 kilomètres d’écritures calligraphiques, dont certaines ont été gravées sur du marbre et de la pierre avec un système de laser, décorant la salle de prière, ainsi que les différents autres espaces du monument. La mosquée, qui compte le plus grand minaret au monde et long de 265 mètres, est la plus grande d’Afrique et la troisième plus grande au monde après Masdjid Al-Haram de La Mecque et Masdjid Al-Nabawi de Médine, et constitue un vrai chef-d’œuvre architectural et religieux multifonctionnel de ces bâtiments alliant modernité et authenticité.

    Djamaâ El-Djazaïr compte également une maison du Coran «Dar E-Qoran», d’une capacité de 1.500 places, dédiée aux étudiants post-gradués algériens et étrangers en sciences islamiques et sciences humaines.

    El Moudjahid, 10/11/2021

    #Algérie #Mauritanie #Libre_échange # Mohamed_Salem_Ould_Merzoug,

  • Maroc-Algérie. Vous êtes méprisable majesté !

    Tags : Maroc, Algérie, Israël – Maroc-Algérie. Vous êtes méprisable majesté !

    Très attendu, surtout en Algérie après le bombardement par missiles d’un convoi de camions algériens qui a provoqué la mort de trois de nos compatriotes la semaine dernière à la frontière entre la Mauritanie et les territoires libérés du Sahara occidental, le discours du roi du Maroc n’a été finalement qu’un chapelet d’arrogance, de mépris, d’indignité et d’inhumanité. Mohamed VI, dont la colonisation du Sahara occidental est une question de vie ou de mort pour son royaume et surtout son trône, a été odieux dans son traditionnel discours annuel célébrant la «Marche Verte», c’est-à-dire l’occupation de force des territoires sahraouis en 1975. Pas une moindre allusion à l’assassinat des trois Algériens par son armée. Comme s’il s’agissait d’un fait divers qui ne mérite pas qu’on s’y attarde !

    On savait cet homme arrogant mais on n’était loin de penser qu’il pouvait, lui qui se prétend «Amir al Mouminine» (commandeur des croyants), être aussi inhumain. A moins qu’il fût dans un état second quand il prononça samedi soir son allocution, le roi M6 a vraiment joué le fou. La moindre des choses à dire aurait été de regretter «l’incident» voire même prétendre que ce n’était pas son armée qui avait commis l’odieux forfait. Mais non, Mohamed VI a préféré zapper cet évènement tragique. Du coup, il envoie un très mauvais message à l’Algérie. Par son attitude hautaine et déshumanisée, ce roi confirme qu’il ne s’élèvera jamais à la noblesse de son titre qui lui commande une autre posture que celle, minable, qu’il a affichée samedi soir.

    En tant qu’État et en tant que peuple, nous autres Algériens avons bien compris son message. Le jeune monarque cherche la guerre pour mettre à exécution les plans machiavéliques de ses mentors sionistes dans la perspective de sulfureux bouleversements géopolitiques en gestation dans leurs laboratoires.

    Forte de son expérience, de son passé glorieux comme acteur de la paix dans le monde, l’Algérie ne doit pas se laisser entraîner dans ce piège de la confrontation par les déclarations (ou les non déclarations plus exactement) de ce roi fantoche. Il faut juste leur opposer un assourdissant silence. Parce que, à un certain niveau d’ignominie, il n y a plus de place à la négociation.

    Mohamed VI restera pour la postérité comme la plus grande menace, pas seulement pour notre région mais aussi pour notre religion. En s’alliant avec l’axe du mal composé de l’entité sioniste, des Etats Unis et des monarchies moyenâgeuses du Golfe, il aura prouvé qu’il était capable du pire pour s’offrir le meilleur.

    Notre pays doit donc ranger ses spasmes de samedi soir dans la case des non évènements. La plus belle femme ne peut donner que ce qu’elle a. Le roi du Maroc aussi. Il est peut-être même plus à plaindre qu’à blâmer !

    Par Imane B.

    L’Est Républicain, 08/11/2021

    #Algérie #Maroc #Israël