Catégorie : Maghreb

  • Le Royaume-Uni doit saisir l’importance stratégique du Maghreb

    Le Royaume-Uni doit saisir l’importance stratégique du Maghreb – Le nord-ouest de l’Afrique offre des possibilités à un pays qui réévalue ses priorités.

    En lisant la presse britannique ces derniers mois, vous n’avez peut-être pas remarqué que le seul gouvernement islamiste encore en place en Afrique du Nord a été chassé du pouvoir par des élections pacifiques et ordonnées au Maroc, ou qu’en Tunisie, la toute première femme Premier ministre a été nommée à la tête d’un gouvernement dans le monde arabe. Vous ne sauriez probablement pas non plus qu’après une série de prises de becs diplomatiques, l’Algérie a fermé son espace aérien aux avions français et menace maintenant de couper l’approvisionnement en gaz de l’Europe via le Maroc.

    Il se passe beaucoup de choses au Maghreb, mais les événements qui se déroulent dans la partie nord-ouest de l’Afrique, essentiellement francophone, sont systématiquement passés sous silence dans les médias britanniques, sauf lorsque des touristes britanniques en quête de soleil nord-africain sont concernés. Les progrès économiques remarquables du Maroc au cours des 20 dernières années ont attiré étonnamment peu d’attention ici. Il en va de même pour les énormes manifestations qui secouent le « géant endormi » de la région, l’Algérie, depuis 2019.

    Les pays du Maghreb, avec une population de près de 100 millions d’habitants à eux deux, constituent l’ »étranger proche » du Royaume-Uni, au-delà de nos voisins immédiats d’Europe occidentale. Ils couvrent une zone géographique plus grande que l’Europe – l’Algérie à elle seule est plus grande que la France, l’Espagne, l’Allemagne, la Pologne, l’Italie et le Royaume-Uni réunis – qui borde le Sahel, l’une des régions les plus pauvres et les plus instables du monde. L’effondrement politique de la Libye en 2011 et la propagation du djihadisme dans les espaces non gouvernés d’Afrique du Nord, ainsi que le défi croissant de la gestion de la migration irrégulière vers le nord en provenance d’Afrique subsaharienne, ont souligné l’importance de maintenir un partenariat étroit avec la région.

    C’est aussi une région au potentiel économique énorme, avec une population jeune de plus en plus intéressée par la Grande-Bretagne. Il existe un appétit, notamment au Maroc et en Tunisie, pour les investissements britanniques, ainsi qu’un intérêt croissant pour l’apprentissage de l’anglais. C’est donc un peu un mystère que la région ait attiré si peu d’attention de la part des gouvernements britanniques successifs. Ayant travaillé au Maghreb en tant que diplomate du Royaume-Uni et de l’Union européenne, j’ai parfois l’impression que les politiciens et les entreprises britanniques considèrent toujours cette région comme une chasse gardée française – une déférence curieuse, nettement absente de l’approche de la France à l’égard des régions d’influence britannique historique.

    Au cours des 20 dernières années, le Maroc a transformé ses infrastructures et son climat des affaires – dépassant un certain nombre de pays européens dans le classement Doing Business de la Banque mondiale – et a investi massivement dans les énergies renouvelables, dont il espère qu’elles fourniront la moitié de son électricité d’ici 2030. Elle s’est progressivement imposée comme un investisseur de premier plan en Afrique. Avec le plus grand port à conteneurs de la Méditerranée à Tanger et l’un des principaux centres financiers d’Afrique à Casablanca, il cherche à tirer parti de sa situation géostratégique entre la Méditerranée orientale et l’Atlantique, et à se positionner comme une « porte d’entrée sur l’Afrique » favorable aux entreprises.

    En revanche, l’impasse persistante en Algérie entre un régime figé et replié sur lui-même et une population frustrée est préoccupante pour la stabilité de la région. Son économie fermée, largement dépendante du pétrole et du gaz, reste le principal obstacle à la construction d’une prospérité durable dans tout le Maghreb. Comme l’ont montré de nombreuses études, l’intégration économique stimulerait la croissance et créerait des emplois pour les Marocains, les Algériens et les Tunisiens qui constituent une proportion importante des migrants irréguliers traversant la Méditerranée à la recherche d’opportunités en Europe. L’absence d’un marché régional est un problème particulier pour la Tunisie, qui reste très fragile, prise entre la guerre civile en Libye et un marché algérien fermé.

    Dans ce contexte, la nomination du diplomate expérimenté Staffan de Mistura comme envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies pour le Sahara occidental est encourageante. Sans un règlement réaliste pour ce territoire contesté que les Marocains considèrent comme une partie intrinsèque de leur pays, il y a peu de chances que le Maghreb se ressaisisse au niveau régional. De Mistura aura du pain sur la planche. Le conflit du Sahara occidental est l’un des conflits les plus insolubles au monde, et il entre dans la mêlée diplomatique à un moment où les relations entre le Maroc et l’Algérie sont au plus bas. Il aura besoin de toute l’aide qu’il peut obtenir, en particulier des membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU et de l’UE, pour progresser.

    Prospect, 28/10/2021

  • Réunion à Nouakchott des chefs d’état-major des 5+5

    Réunion à Nouakchott des chefs d’état-major des 5+5 avec pour ordre du jour l’étude et l’évaluation de la situation sécuritaire et pandémique prévalant en Méditerranée Occidentale

    La 13e réunion des chefs des état-major des armées des pays membres de l’Initiative « 5+5 Défense » s’est tenue mercredi dans la capitale mauritanienne Nouakchott par visioconférence, avec pour ordre du jour l’étude et l’évaluation de la situation sécuritaire et pandémique prévalant en Méditerranée Occidentale, indique un communiqué du ministère de la Défense nationale (MDN).

    « Dans le cadre du plan d’action de l’Initiative «5+5 Défense» au titre de l’année 2021, s’est tenu, ce jour mercredi 27 octobre 2021, par visioconférence à partir de Nouakchott en Mauritanie, la 13e réunion des chefs des état-major des Armées des pays membres de l’Initiative «5+5 Défense», et qui a connu la participation de Hautes Autorités militaires de l’Algérie, l’Espagne, la France, l’Italie, la Libye, Malte, la Mauritanie, le Maroc, le Portugal et la Tunisie », précise la même source.

    « Cette rencontre présidée par le chef d’état-major général des Armées mauritaniennes, le général d’armée Mohamed Bamba Meguett, a vu la participation du général-major Kaidi Mohamed, chef du Département emploi-préparation de l’état-major de l’Armée nationale populaire, en sa qualité de représentant de Monsieur le général de corps d’armée Chanegriha Saïd, chef d’état-major de l’Armée nationale populaire », ajoute le communiqué.

    Cette réunion a permis aux délégations participantes « d’étudier et d’évaluer la situation sécuritaire et pandémique prévalant en Méditerranée Occidentale, à travers l’échange d’analyses et d’expériences relatives aux menaces et défis rencontrés par les pays membres de l’initiative «5+5 Défense» », souligne le communiqué.

    Lors de son intervention, le chef du Département emploi-préparation de l’état-major de l’Armée nationale populaire, a souligné « la nécessité de conjuguer et d’intensifier les efforts, dans un esprit de coopération sécuritaire multilatérale, empreint de réalisme et de franchise entre les pays membres de l’Initiative, en vue de faire face, de manière responsable, aux différents défis menaçant notre espace géographique ».

    Il a également tenu à préciser que « l’Algérie, fidèle aux fondements de sa politique extérieure de bon voisinage, demeure entièrement disponible à contribuer à l’effort international et régional de lutte contre la menace terroriste et le crime organisé transfrontalier ».

    Au terme de son intervention, il a insisté sur « l’attachement du Haut Commandement de l’Armée nationale populaire à préserver et à consolider davantage cet important forum de coopération ».

    L’actualité éco, 27/10/2021

  • Zoom sur les défis d’un Maghreb en détresse

    Zoom sur les défis d’un Maghreb en détresse. Il offre un paysage désolant et surtout menaçant, car marqué par nombre de turbulences et d’incertitudes.

    Le Maghreb, notre Maghreb, vit, en ce moment, une situation particulièrement tourmentée. Faisant face à une profonde crise multiforme et multidimensionnelle, il offre un paysage désolant et surtout menaçant, car marqué par nombre de turbulences et d’incertitudes.

    Afin d’attirer l’attention sur la gravité de cette situation, je voudrais jeter la lumière sur les évolutions les plus importantes qui se sont succédé tout au long de l’été dernier, qui a été particulièrement chaud pour l’ensemble des pays maghrébins, tant sur le plan interne que sur le plan bilatéral et régional:

    • Une rupture des relations diplomatiques entre l’Algérie et le Maroc, le 24 août 2021, suivie par la fermeture immédiate le 22 septembre 2021 par l’Algérie de son espace aérien à tous les avions civils et militaires marocains ainsi qu’aux appareils immatriculés au Maroc.

    • Fermeture, d’une manière impromptue, le 8 juillet 2021, de la part du gouvernement d’unité nationale (GNU) libyen des frontières terrestres et aériennes entre la Libye et la Tunisie – officiellement, pour des raisons sanitaires liées à la propagation du coronavirus, mais officieusement pour des motifs sécuritaires. Cette fermeture des frontières a été à l’origine d’une crispation des rapports entre les deux pays qui a prévalu durant plus de deux mois.

    • Un processus de transition politique qui risque de s’effondrer en Libye en raison des difficultés que rencontre l’organisation des élections générales du 24 décembre 2021, ce qui constitue une menace pour le pays de retomber dans la violence, la confusion et l’incertitude. Le vote du Parlement libyen le 21 septembre 2021 d’une motion de censure contre le gouvernement suscite l’inquiétude, car il risque d’aggraver les tensions entre les camps rivaux de l’est et de l’ouest.

    • Outre qu’ils sont tous confrontés, à différents degrés, à des situations politiques et socioéconomiques plus ou moins difficiles, les pays maghrébins continuent à être durement frappés par la pandémie de Covid-19 qui a mis à nu leurs faiblesses structurelles.

    En outre, le Maghreb fait face, dans son environnement africain et euroméditerranéen, à des défis et même à des dangers qui risquent de compliquer sa situation. Outre ses propres tensions, il se trouve entre deux zones de tensions accrues, l’une au nord, en Méditerranée, et l’autre au sud, au Sahel africain.

    Au nord, c’est-à-dire en Méditerranée, il est nécessaire de surveiller avec vigilance les évolutions et les tendances suivantes:

    • la logique de compétition sinon de confrontation qui est en train de s’installer en Méditerranée, notamment avec les nouvelles stratégies de la Russie et de la Turquie dans la région et précisément en Libye…

    • Le fait que le Maghreb est devenu l’objet d’un intérêt, sans cesse croissant, de la part des grands acteurs régionaux et mondiaux. Le jeu des grandes puissances qui cherchent à préserver leurs acquis dans notre région, pour les uns, ou qui veulent s’y positionner, pour les autres, risque de se faire au détriment de nos pays…

    • Le risque d’importation en Méditerranée, de plus en plus, de crises extérieures, notamment venant du golfe et d’Asie avec de nouveaux acteurs régionaux non riverains de la Méditerranée.

    • Les clivages créés par le problème de l’islam politique qui continue à être soutenu par la Turquie et son allié le Qatar, d’une part, et auquel s’opposent frontalement l’Egypte et ses alliés, les Emirats arabes unis et l’Arabie Saoudite, d’autre part.

    • La normalisation des relations entre le Maroc et Israël qui a avivé la tension avec l’Algérie, d’autant plus qu’en contrepartie de son rapprochement avec Tel-Aviv, Rabat a obtenu la reconnaissance par Washington de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental.

    • La volonté du Maroc et d’Israël, selon les dires du ministre marocain des Affaires étrangères, lors de la célébration du premier anniversaire des accords d’Abraham avec les États-Unis et Israël, d’établir un nouvel «ordre régional», dans lequel Israël sera partie prenante plutôt qu’un «outsider dans sa propre région». Et le ministre de préciser que «ce nouvel ordre régional ne doit pas être perçu comme étant contre quelqu’un mais plutôt pour notre bien à tous».

    • Bien qu’il soit incontestable que la stabilité du Maghreb est un impératif pour l’Europe, les Européens ne semblent pas accorder à leurs voisins maghrébins l’intérêt requis et dont ils sont dignes. En effet, l’importance du Maghreb pour eux demeure largement sous-estimée, et ils continuent à ne pas intégrer les pays maghrébins à leur réflexion stratégique globale, comme l’a si bien expliqué Hakim El Karoui. A ce titre, il a pertinemment noté que le plan de relance européen, destiné à assurer la stabilité des membres de l’Union (750 milliards d’euros, la moitié en dons et la moitié en prêts) n’a pas concerné ces pays.

    Quant au sud, c’est-à-dire le Sahel africain, une attention particulière doit être portée aux évolutions suivantes:

    • La multiplication des ingérences extérieures pose de plus en plus un sérieux problème pour la stabilité et la sécurité de la région.

    • L’implication de la société privée Wagner en Afrique, en Libye et en République centrafricaine et surtout la probable signature d’un contrat avec le Mali, constituent des raisons de préoccupation pour certains pays de la région, et surtout pour la France et les pays occidentaux.

    • La disparition soudaine du président tchadien Idriss Deby Itno en avril 2021 et ses conséquences sur son pays et sur le G5 Sahel, pour lequel il s’est tant investi.

    • La montée en puissance des groupes djihadistes dans les pays du Sahel (groupes affiliés à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) ou à l’Etat islamique au grand Sahara (Eigs).

    • La situation difficile sur le plan socioéconomique qui nécessite impérieusement une aide accrue, et un soutien multiforme à la région et à ses pays qui font face à un double défi : la menace sécuritaire et le développement. Le contexte particulièrement difficile dû à la pandémie et à ses conséquences sociales, sanitaires et économiques n’a fait qu’aggraver cette situation.

    • La difficile transition au Mali où la France et la communauté internationale ont fait neuf ans sans résultat, et surtout le fait que Bamako envisage d’avoir recours à la société paramilitaire russe Wagner.

    • La décision du président Emmanuel Macron de réduire la présence militaire française au Mali, de mettre fin à l’opération Barkhane et de procéder au redéploiement des forces françaises au Sahel.

    • La tendance du Maghreb à devenir, de plus en plus, une zone tampon que l’Union européenne cherche à impliquer dans la gestion de la migration africaine vers ses pays.

    Telle est donc la situation complexe et compliquée dont souffre le Maghreb, notre Maghreb. Il va sans dire qu’elle risque de se détériorer encore davantage si rien n’est fait pour y remédier.

    A cet effet, la création d’un contre-courant à toute escalade est une urgence.

    A mon avis, ce sera la tâche des sociétés civiles et des forces de progrès maghrébines qui ont déjà fait preuve de dynamisme ces dernières années.

    Aujourd’hui, plus que jamais, elles sont appelées à être actives et à œuvrer aussi bien individuellement que collectivement, en vue de pousser les pouvoirs politiques dans nos pays à un retour rapide à la raison, à l’apaisement de la tension, à la reprise du dialogue et à la normalisation des relations intermaghrébines en vue d’une relance d’un réel et sincère processus d’intégration qui aidera notre région à sortir de ses difficultés.

    Mohamed Ibrahim Hsairi

    Leaders, 21/10/2021

  • « L’étrange obsession de Macron » pour la Turquie, selon Filiu

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    L’expert du Moyen-Orient Jean-Pierre Filiu a publié dimanche dans le quotidien français « Le Monde », un article de blog intitulé « L’étrange obsession de la France pour la Turquie au Maghreb ».

    L’historien français Filiu a constaté que « le président Macron ne cible que la Turquie dans ses interventions sur le Maghreb, où la Russie et les Émirats arabes unis s’emploient pourtant à saper l’influence française », rappelant des déclarations du Président français Emmanuel Macron sur l’Algérie et la Turquie.

    L’historien a noté qu’il est « légitime » que Macron s’inquiète des campagnes supposées de diffamation contre la France « inspirées par le président Recep Tayyip Erdogan », notamment lors de « la polémique internationale » d’octobre 2020 sur les caricatures contre le prophète Mahomet.

    Déclarant que la visite du président algérien Abdelmadjid Tebboune à Ankara marquera « une sorte d’apogée » des relations entre l’Algérie et la Turquie, Filiu a noté qu’ « à trop se focaliser sur Erdogan, Macron en finit par oublier que c’est plutôt de la Russie et des Émirats arabes unis qu’émanent les plus sérieuses menaces à l’influence française au Maghreb. L’aveuglement du président français au Maghreb découle directement de la politique erronée qu’il a suivie en Libye durant les trois premières années de son mandat ».

    Filiu a affirmé que le soutien de Macron à Khalifa Haftar, l’ex-général à la tête des forces illégitimes de l’est de la Libye, avait provoqué la reprise de la « guerre civile » dans le pays en 2019 et sapé le travail de médiation de l’Organisation des Nations unies (ONU).

    Notant que la France s’était « discrètement » rangée du côté de la Russie, des Émirats arabes unis, de l’Égypte et de l’Arabie saoudite, Filiu a ajouté que « l’offensive de Haftar n’aboutit qu’à jeter le gouvernement de Tripoli dans les bras de la Turquie, dont l’intervention renversa la donne militaire, avec débandade des « mercenaires » russes engagés aux côtés de Haftar ».

    Dans ce contexte, Filiu a attiré l’attention sur le fait que si la France observe les actions et objectifs de la Russie envers le Maghreb avec « tolérance », elle juge les objectifs de la Turquie comme « hostiles ».

    Précisant que Moscou est « de loin » le premier partenaire militaire de l’Algérie, Filiu a noté qu’ »Il est dès lors paradoxal d’entendre le président français dénoncer « le système politico-militaire qui s’est construit sur cette rente mémorielle »anti-française en Algérie sans jamais mentionner la Russie, pourtant le principal allié extérieur d’un tel « système » ».

    « Ce silence est d’autant plus troublant que Macron ne se prive pas de fustiger les autorités maliennes lorsqu’elles envisagent de recourir à des « mercenaires » russes », note encore l’historien français.

    Filiu a déclaré que Macron avait ouvertement exprimé « sa proximité », voire sa « complicité » avec le prince héritier des Émirats arabes unis Mohammed Ben Zayed Al Nahyan.

    Constatant que les réserves de la France envers Abou Dhabi ont disparu après que les Émirats arabes unis ont signé « l’accord de paix » avec Israël en septembre 2020, Filiu a également noté que « c’est oublier que Mohammed Ben Zayed lui-même entretient des relations peu avouables avec des ennemis déclarés de la France, à commencer par le satrape tchétchène Kadyrov ».

    Filiu a estimé que Nahyan « se venge » de la défaite de Haftar en Libye en sabotant « l’expérience démocratique » en Tunisie.

    Arguant que les Émirats arabes unis et l’Égypte ont joué un rôle important dans la décision du président tunisien Kaïs Saïed de « suspendre le processus constitutionnel » dans son pays, Filiu a affirmé que les Émirats arabes unis avaient également contribué à l’escalade des tensions entre l’Algérie et le Maroc.

    « Espérons que la lucidité dont Macron vient de faire preuve envers le régime algérien ne soit pas aussi tardive s’agissant des visées des Émirats arabes unis dans la région. Dans le cas contraire, les relations franco-maghrébines entreront dans une zone de turbulences accrues, dont la Turquie tirera naturellement bénéfice, sans en être pour autant la cause », a encore noté l’historien.

    – Les déclarations de Macron sur l’Algérie et la Turquie

    Dans une déclaration faite le 30 septembre, Macron a estimé que « La construction de l’Algérie comme nation est un phénomène à regarder », le président français posant la question « Est-ce qu’il y avait une nation algérienne avant la colonisation française ? », et d’ajouter « Ça, c’est la question. Il y avait de précédentes colonisations. Moi, je suis fasciné de voir la capacité qu’a la Turquie à faire totalement oublier le rôle qu’elle a joué en Algérie et la domination qu’elle a exercée. Et d’expliquer qu’on est les seuls colonisateurs, c’est génial. Les Algériens y croient ».

    Le président français avait dénoncé ce qu’il avait qualifié d’une « histoire officielle » selon lui « totalement réécrit[e] » et qui ne s’appuie pas sur des « vérités » mais sur « un discours qui, il faut bien le dire, repose sur une haine de la France ».

    Estimant que la nation algérienne s’est construite après 1962 sur une déchirure de mémoire, le président français ajoutait que le problème est présenté comme la France. Macron a annoncé son intention de faire produire des publications en arabe et en berbère contre « la désinformation et la propagande qui seraient faites par les Turcs ainsi que sur ce qu’il qualifie de réécriture de l’histoire du Maghreb.

    Anadolou

  • Analyse: L’alliance Maroc-Israël et les pays d’Afrique du Nord

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    Ce n’est un secret pour personne que la plupart des pays d’Afrique du Nord n’aiment pas Israël. Lorsque l’État juif a été créé en 1948, aucun pays d’Afrique du Nord ne l’a reconnu. Par conséquent, les Juifs vivant en Afrique du Nord – Algérie, Égypte, Libye, Maroc et Tunisie – ont été contraints de fuir ou sont partis de leur plein gré car ils ne se sentaient plus en sécurité. Entre 1948 et le début des années 1970, on estime que quelque huit cent mille Juifs ont été expulsés ou ont quitté leur patrie arabe.

    L’année 2020 a marqué un tournant pour ce triste chapitre de l’histoire. Le 13 août 2020, les Émirats arabes unis (EAU) et Bahreïn ont signé les accords d’Abraham, reconnaissant officiellement l’État d’Israël. D’autres pays à majorité arabe et musulmane ont rapidement suivi le mouvement. Quelques mois plus tard, le 10 décembre 2020, le Maroc a signé un accord de normalisation avec Israël, devenant ainsi le deuxième pays d’Afrique du Nord – après l’Égypte en 1978 avec les accords de Camp David – à reconnaître l’État juif. Israël a également signé un accord avec le Soudan le 23 octobre 2020 dans le cadre de ces accords.

    Si les accords d’Abraham ont rapproché certains pays arabes de l’Occident et d’Israël, ils ont sans aucun doute créé des gouffres avec d’autres. L’accord entre Israël et le Maroc a déclenché une série d’événements en chaîne dans les pays voisins d’Afrique du Nord, qui auront probablement des conséquences durables sur les relations économiques, sécuritaires et sociopolitiques dans la région.

    Israël et le Maroc : plus qu’une relation cordiale

    Les relations entre le Maroc et Israël ont toujours été plus que cordiales. Bien que le Maroc n’ait pas reconnu officiellement Israël avant les accords d’Abraham, il a maintenu des liens informels avec l’État juif et, contrairement à de nombreux autres pays arabes, a autorisé les Israéliens à visiter le pays. Rien qu’en 2020, environ soixante-dix mille Israéliens ont visité le Maroc.

    Le Maroc est l’un des quatre pays de la Ligue arabe à avoir normalisé ses relations avec Israël dans le cadre des accords d’Abraham. Rabat l’aurait fait en partant du principe que les États-Unis reconnaîtraient les revendications du pays sur le Sahara occidental, un territoire contesté que le Maroc et le Front Polisario soutenu par l’Algérie prétendent leur appartenir depuis 1975, date à laquelle l’Espagne s’est retirée du territoire.

    La relation entre le Maroc et Israël a de fortes racines historiques. Le Maroc a abrité la plus grande communauté juive du monde arabe, dont la plupart sont venus d’Espagne après l’expulsion de 1491 par la monarchie catholique espagnole. Après la création de l’État d’Israël en 1948, de nombreux Juifs marocains ont été contraints d’émigrer vers le pays en raison de la montée de l’antisémitisme dans les villes locales du Maroc. Aujourd’hui, Israël abrite environ un million de Juifs marocains et entretient des liens étroits avec le Royaume.

    Comme mentionné précédemment, Israël et le Maroc ont officialisé leur amitié de longue date – bien que cachée – en décembre 2020, lorsqu’ils ont signé un accord de normalisation garantissant « des relations diplomatiques, pacifiques et amicales complètes » sous le patronage des États-Unis. Alors que le Maroc a tenté de minimiser les accords dans son pays, en affirmant qu’une normalisation complète avec Israël n’était pas envisageable, la communauté internationale a perçu la signature des accords autrement. Il était clair dès le départ que les deux pays avaient opéré un rapprochement diplomatique, renforçant les liens bilatéraux et la coopération dans les domaines du commerce, du tourisme et de la défense. Des vols officiels directs entre Tel Aviv et Marrakech ont même débuté. En juillet, les deux pays ont signé un accord officiel sur la cybersécurité afin de partager les informations, la recherche et le développement en matière de cyberguerre. Le 11 août, le ministre israélien des affaires étrangères, Yair Lapid, s’est rendu au Maroc, signalant que son gouvernement place ses relations avec le Maroc en tête de ses priorités.

    Les liens maroco-israéliens et ce qu’ils signifient pour l’Afrique du Nord

    Les réactions à la normalisation du Maroc avec Israël ont été mitigées parmi les autres pays d’Afrique du Nord. L’Algérie n’a pas perdu de temps pour instrumentaliser les accords d’Abraham en utilisant une rhétorique agressive et anti-israélienne pour justifier ses différends avec le Maroc. En décembre 2020, le Premier ministre algérien Abdelaziz Djera a décrié l’accord comme une démarche visant à rapprocher « l’entité sioniste » de la frontière algérienne. Alger a également utilisé l’accord comme bouc émissaire pour expliquer les récents incendies de forêt qui ont dévasté le pays, insistant sur le fait qu’Israël en est à l’origine. Le 25 août, l’Algérie a annoncé sa décision de couper tous les liens diplomatiques avec le Maroc dans le but d’ »éradiquer totalement » le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie, qui est un mouvement terroriste qui « reçoit le soutien et l’aide de parties étrangères… le Maroc et l’entité sioniste », selon Alger.

    En conséquence, l’Algérie a également renforcé son alignement sur la Chine et la Russie. L’Algérie partage des relations bilatérales étroites avec la Russie, notamment en matière de coopération dans le domaine de la défense, et les deux pays se rencontrent régulièrement dans le cadre d’une commission économique conjointe pour discuter des options de partenariat. L’Algérie et la Chine partagent également des liens étroits, comme en témoignent les plans de développement nationaux qu’elle a signés avec la Chine dans le cadre de l’initiative « Belt and Road » pour stimuler l’industrialisation du pays, entre autres. Il n’est pas surprenant qu’ils aient été signés six mois seulement après que le Maroc a officialisé les accords avec Israël. Dans les années à venir, l’Algérie cherchera probablement à resserrer ses liens bilatéraux avec Pékin et Moscou pour contrer ce qu’elle perçoit comme un complot pro-marocain dirigé par l’Occident sur le Sahara occidental via les accords d’Abraham.

    L’Égypte a, sans surprise, répondu positivement à la normalisation des liens entre le Maroc et Israël, ayant déjà une relation tiède avec l’État juif. Cependant, il est difficile de prévoir vers qui le Caire se tournera ensuite. L’Égypte et l’Algérie entretiennent traditionnellement de bonnes relations qui remontent au soutien de l’Égypte au Front de libération nationale algérien pendant sa guerre d’indépendance contre la France entre 1954 et 1962. L’Égypte s’intéresse de près aux événements qui se déroulent dans le pays voisin, la Libye, car elle espère voir l’Armée nationale libyenne du général Khalifa Haftar l’emporter dans le conflit. Elle a récemment trouvé un terrain d’entente avec l’Algérie sur la crise libyenne afin de parvenir à une plus grande « stabilité et sécurité » dans le pays. L’accord du Caire avec Alger au sujet de la Libye pourrait inciter l’Égypte à s’opposer au Maroc dans le but de montrer son soutien à l’Algérie, renforçant ainsi leur alliance, étant donné que l’Égypte a déjà soutenu le Front Polisario au sujet du Sahara occidental contesté. L’empressement du Caire à s’intéresser à l’avenir de la Libye pourrait amener l’Égypte à prendre ses distances par rapport à la reconnaissance par les États-Unis des revendications marocaines sur le Sahara occidental.

    La Tunisie, comme la Libye, est trop occupée à gérer ses problèmes intérieurs pour porter son attention sur les Accords d’Abraham. La Tunisie est confrontée à une crise constitutionnelle potentielle après que le président Kais Saied a annoncé le gel indéfini du parlement fin août et tente de centraliser les pouvoirs entre ses mains. En août, le président égyptien Abdel Fattah al-Sisi a soutenu les actions de Saied, signalant un alignement entre les deux nations d’Afrique du Nord. Il convient de noter que la Tunisie n’a jamais caché sa désapprobation des accords. Par conséquent, un front anti-Maroc composé de l’Algérie, de la Tunisie et de l’Égypte n’est pas à exclure.

    Les liens Maroc-Israël : Quelle sera la suite ?

    Le renforcement actuel des liens entre Israël et le Maroc met en lumière, une fois de plus, à quel point l’équilibre en Afrique du Nord est vraiment tendu. Si la reconnaissance d’Israël s’inscrit dans une stratégie plus large menée par les États-Unis, susceptible d’unir plusieurs pays arabes sous un front commun, la réalité est bien plus complexe. Le Maroc est prêt à renforcer ses liens avec Israël, comme en témoigne l’annonce faite en août de l’ouverture d’une ambassade en Israël, mais il devra également faire face à la tâche ardue d’expliquer aux Palestiniens que le Maroc soutient toujours leur cause. Quoi qu’il en soit, il est clair que le Maroc a l’intention d’accroître son importance stratégique sur la scène mondiale, en particulier en Afrique du Nord, et les accords d’Abraham sont le point de départ idéal.
    Par Karim Mezran et Alissa Pavia

    Karim Mezran est directeur de l’Initiative pour l’Afrique du Nord et membre senior résident du Centre Rafik Hariri et des programmes pour le Moyen-Orient au Conseil de l’Atlantique.

    Alissa Pavia est directrice adjointe de l’Initiative pour l’Afrique du Nord au sein du Centre Rafik Hariri et des Programmes pour le Moyen-Orient du Conseil Atlantique.

    Atlantic Council, 07/10/2021

  • Le Maghreb en ébullition -Analyse-

    Maghreb, Algérie, Maroc, Tunisie, Sahara Occidental, #Maghreb, #Algérie, #Maroc, #Sahara_Occidental, #Tunisie,

    – La crise entre Alger et Rabat, la situation politique et économique précaire en Tunisie, les provocations françaises à l’encontre de l’Algérie… autant d’épisodes qui menacent la stabilité du Maghreb

    Les crises qui secouent les pays du Maghreb arabe se sont multipliées, au cours de la période écoulée, et menacent la stabilité de la région, d’autant plus que ces crises ont des dimensions politique, sécuritaire et économique, avec l’intervention de parties étrangères, telle que la France, dans les conflits en cours dans la région ce qui est de nature à aggraver ces crises.
    Si nous écartons la Libye et la Mauritanie, au vu de des spécificités qui sont les leurs, et que nous focalisons l’attention sur l’Algérie, le Maroc et la Tunisie – noyau dur du Maghreb – la région fait face à des scénarios incertains, dont certains pourraient menacer la stabilité des Etats, si les crises ne sont pas contenues avant qu’elles ne deviennent incontrôlables.

    – Le Sahara occidental : Un dossier épineux

    La crise du Sahara occidental fait partie des épineux dossiers en suspens entre le Maroc, d’une part, et le Front Polisario, appuyé par l’Algérie qui abrite des réfugiés de cette région depuis plusieurs décennies, d’autre part.
    Le Sahara occidental fait l’objet d’un conflit entre le Maroc et le Polisario, depuis 1975, date de la fin de l’occupation espagnole. Rabat propose une autonomie élargie sous sa souveraineté, tandis que le Polisario, soutenu par l’Algérie, appelle à la tenue d’un référendum d’autodétermination.

    Avec l’annonce par l’ancien Président américain, Donald Trump, le 10 décembre 2020, de la reconnaissance par les Etats-Unis d’Amérique de la souveraineté du Maroc sur la région du Sahara occidental, un nouvel épisode d’escarmouches et d’altercations entre le Maroc et le Polisario a été enclenché.

    Même si ces escarmouches paraissent limitées et n’ont pas atteint le stade de la « guerre totale », il n’en demeure pas moins que leur poursuite menacerait la stabilité de la région.

    Le dossier du Sahara occidental a contribué, également, à compliquer la crise entre l’Algérie et le Maroc de manière inédite, au vu des déclarations réciproques. Le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, a évoqué ce sujet au cours de la rencontre virtuelle du Mouvement des non-alignés en Azerbaïdjan, les 13 et 14 juillet dernier, et le délégué permanent du Maroc auprès des Nations Unies, Omar Hellal, a appelé à « l’indépendance du peuple kabyle », en Algérie.

    Parmi les retombées de la déclaration du diplomate marocain figurent les mesures de rétorsion prises par l’Algérie contre le Maroc, s’agissant notamment du rappel de l’ambassadeur, de la rupture des relations diplomatiques, du non-renouvellement du contrat d’acheminement du gaz algérien vers l’Espagne via un oléoduc qui traverse le territoire marocain et l’interdiction faite aux avions marocains de survoler l’espace aérien algérien.

    – L’Espagne et le Maroc : Une relation en dents de scie

    Pas loin de l’Afrique du Nord, les relations entre l’Espagne le Maroc sont marquées par des hauts et des bas.
    En effet, la relation entre les 2 royaumes a été marquée par une tension et une crise sur fond de l’accueil par Madrid, du 21 avril jusqu’au début du mois de juin dernier, du chef du Front Polisario, Brahim Ghai, sous une « fausse identité », sous le motif de recevoir des soins après qu’il a été atteint de la Covid-19. Cet épisode a provoqué l’ire de Rabat qui accuse Ghali d’avoir « commis des crimes de guerre ».

    La crise a connu son point d’orgue lorsque 8 000 migrants clandestins, dont des mineurs, ont afflué, à la mi-mai dernier, du Maroc vers Ceuta (sous administration espagnole), ce qui a été considéré par des responsables espagnols et européens comme étant une tentative de Rabat d’exercer une pression sur Madrid après avoir accueilli Ghai.
    Au mois de juillet dernier, le Chef du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, a nommé José Manuel Albares au poste de ministre des Affaires étrangères à la place de Arancha Gonzalez Laya, pour améliorer les relations avec le Maroc, selon des médias des deux pays.

    Le 20 août dernier, le souverain marocain a déclaré dans un discours télévisé que son pays « aspire à inaugurer une nouvelle phase inédite dans ses relations avec l’Espagne ».

    Le roi Mohammed VI a déclaré à ce propos : « Il est vrai que ces relations ont été marquées, au cours de la récente période, par une crise inédite, qui a secoué fortement la confiance mutuelle et soulevé de nombreuses interrogations sur le destin de nos liens. Toutefois, nous avons travaillé avec la partie espagnole dans le calme, la clarté et la responsabilité ».

    – L’Algérie au cœur de la campagne électorale française

    Le Président français, Emmanuel Macron, a, brusquement, intégré l’Algérie, de manière implicite, dans sa campagne électorale prévue au printemps 2022, lorsqu’il s’est interrogé sur l’existence d’une Nation algérienne avant la colonisation française du pays en 1830.

    Il s’est demandé dans ce cadre : « Existait-il une Nation algérienne avant la colonisation française? ».
    La réaction algérienne ne s’est pas fait attendre. Alger a rappelé son ambassadeur à Paris, convoqué l’ambassadeur français à Alger et fermé son espace aérien aux avions militaires français qui le survolaient pour rallier le Mali dans le cadre de l’opération Barkhane.

    Un communiqué de la Présidence algérienne a été, également, diffusé pour condamner les déclarations de Macron, qualifiés « d’irresponsables et qui constituent une atteinte inacceptable à la mémoire de 5 millions 630 mille martyrs, qui se sont sacrifiés à travers une résistance farouche et courageuse contre la colonisation française de 1830 à 1962 ».
    Macron, qui avait qualifié la colonisation française au cours de sa campagne électorale en 2017, de « crimes contre l’humanité » et qui a été considéré à l’époque par l’ancien et actuel ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, comme « ami » de son pays, a décidé de changer son aire de jeu en lorgnant les voix de l’extrême droite.
    En effet, la montée de l’extrême droite en France a fait que Macron a parié sur ce courant pour remporter un deuxième mandat présidentiel et le plus court chemin pour s’attirer les faveurs de cette tendance demeure de multiplier les restrictions et les attaques contre les immigrants en particulier les Maghrébins.

    La décision de Macron, portant réduction des visas d’entrée pour les Algériens, les Marocains et les Tunisiens s’inscrit également dans le cadre du rapprochement avec les électeurs de l’extrême droite hostiles aux immigrants, bien que le nombre des électeurs français d’origine algérienne s’élève à plus d’un million de personnes, sans oublier les électeurs d’origine marocaine et tunisienne qui ont eu, à leur tour, un rôle décisif dans la montée de Macron au deuxième tour de la Présidentielle en 2017.

    Plus on se rapproche de la date de la présidentielle française d’avril prochain et plus la tension entre Paris et Alger s’accentue, d’autant plus que l’Algérie est devenue, à l’époque du Président Abdelmadjid Tebboune, moins tolérante à l’endroit des dépassements français. On s’attend aussi à ce que l’Algérie annule les réunions bilatérales de haut niveau portant sur la « mémoire commune » entre les deux pays.

    Il est prévu, également, que l’Algérie renforce son alliance avec la Russie au Mali au cours de la prochaine phase, pour endiguer l’influence française dans la région du Sahel.

    Toutefois, nombre d’observateurs estiment que la tension entre Paris et Alger pourrait disparaître si la France élit un nouveau président et ce au vu de l’ampleur et des intérêts communs qui réunissent les deux pays et que les deux parties souhaiteraient préserver.

    – La Tunisie en ébullition

    La Tunisie ne fait pas exception et fait partie intégrante de la situation tendue en Afrique du Nord. En effet, le bastion du Printemps arabe connaît une régression en matière de réalisations engrangées par la Révolution du Jasmin, qui a fait chuter le régime du Président Zine el Abidine Ben Ali en 2011.

    La suspension par le chef de l’Etat des travaux du Parlement, la levée de l’immunité parlementaire dont bénéficiaient les députés, le limogeage du Chef du gouvernement, Hichem Méchichi, la nomination d’une nouvelle cheffe de gouvernement, après la prolongation sine die des mesures d’exception et l’intention de Saïed d’amender la loi électorale selon une nouvelle vision radicalement différente par rapport à ce qui est connu dans plusieurs pays, sont autant d’éléments et de faisceaux « qui laissent prévoir l’abrogation des partis ».

    Cependant, ces mesures d’exception ne font pas l’unanimité parmi le peuple tunisien, scindé en deux parties, une première favorable au Président et une deuxième hostile à ses mesures. Cette division s’est d’ailleurs illustrée à travers les dernières manifestations dans la capitale Tunis.

    Ces mesures sont concomitantes avec une crise financière et économique aiguë, selon le gouverneur de la Banque centrale, Marouane Abassi, laquelle crise, selon ce haut responsable, menace le pays de banqueroute, en particulier après que la dette du pays a atteint 90% de son PIB, à la fin de 2020, alors que ce ratio ne dépassait pas les 43% en 2009.

    Selon le magazine français « Jeune Afrique », le Président Saïed aurait besoin de 2,82 milliards de dollars pour pallier le déficit budgétaire, au moment où les institutions financières mondiales et les bailleurs de fonds internationaux ne semblent pas enclins à octroyer à la Tunisie un nouveau prêt avec garantie américaine, au vu du flou artistique qui caractérise la situation politique et des pressions exercées par Washington pour un retour à la situation antérieure aux mesures prises le 25 juillet dernier.

    Compte tenu de la crise politique aiguë qui secoue le pays, aggravée par une crise économique étouffante, la Tunisie se dirige pour devenir le « Liban du Maghreb arabe », en particulier avec les retombées de la pandémie de la Covid-19 aux plan sanitaire, économique et social.

    Cette ébullition politique, aussi bien en Algérie qu’en Tunisie ou au Maroc se doit d’être contenue, de manière bilatérale ou encore au plan local, pour éviter l’escalade et identifier des solutions raisonnables, tout en privilégiant l’accalmie. A défaut, la région pourrait s’enliser dans des dédales encore plus complexes que les situations qui prévalent actuellement.

    Anadolou, 07/10/2021

  • Maroc-Algérie : quel avenir pour leurs relations ?

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    Les relations diplomatiques entre l’Algérie et le Maroc se sont récemment durcies et leur avenir devient incertain. Dans le même temps, les conditions de vie de la population des pays du Maghreb stagnent malgré les revendications. Le point avec Brahim Oumansour, chercheur associé à l’IRIS.

    Traditionnellement difficiles, les relations entre l’Algérie et le Maroc ont connu une récente dégradation en août avec la rupture de leurs relations diplomatiques, puis avec l’annonce de l’Algérie de fermer son espace aérien à tous les avions marocains. Comment expliquer et analyser cette rupture au regard de l’histoire des relations entre ces deux pays ?

    Les relations entre le Maroc et l’Algérie sont historiquement difficiles et froides. Elles sont caractérisées par une rivalité pour le leadership de la région, mais également par des périodes de tensions. On l’a dans un premier temps vu lors du contentieux territorial qui a mené à l’affrontement entre l’armée algérienne et l’armée royale en 1963 lors de la guerre des Sables (1963-1964). Puis, ces tensions se sont cristallisées autour du conflit du Sahara occidental suite au soutien qu’a apporté Alger au Front Polisario qui revendique l’indépendance du territoire disputé entre le Polisario et le Maroc. Ces tensions se sont enfin traduites par la fermeture des frontières terrestres depuis 1994.

    Cependant, on observe une récente dégradation des relations et une rapide escalade des tensions entre les deux États. Elles sont relatives à plusieurs facteurs. Elles tiennent d’abord à la diplomatie unilatérale adoptée par le roi Mohamed VI sur le dossier du Sahara occidental depuis son retour au sein de l’Union africaine en 2017. Cette diplomatie a notamment permis l’ouverture de consulats par certains pays, tels que les Émirats arabes unis, traduisant ainsi la reconnaissance de la marocanité du Sahara occidental par une voix unilatérale. La reconnaissance de cette souveraineté a par ailleurs été opérée par Donald Trump, durcissant les relations entre Maroc et Algérie. Puis, elle été effectuée de façon conditionnée, par la normalisation des relations entre le Maroc et Israël, moment diplomatique marquant des nouvelles tensions entre Alger et Rabat. L’escalade s’est en outre accélérée ces derniers mois suite à la déclaration du représentant marocain à l’ONU, Omar Hilal, en juillet dernier, en faveur de ce qu’il considère être le droit à l’autodétermination du peuple kabyle, jouant sur les revendications du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK).

    D’autres évènements ont également envenimé les relations entre les deux pays : l’affaire d’espionnage Pegasus, ainsi que les propos tenus par le ministre israélien des Affaires étrangères à l’encontre de l’Algérie lors de sa visite au Maroc les 11 et 12 août derniers. Cette situation a particulièrement suscité la colère des dirigeants algériens, considérant ces propos comme une déclaration ouverte d’hostilité envers l’Algérie, en rupture avec les accords signés lors de la création de l’Union du Maghreb arabe (UMA) prônant des relations de bon voisinage et d’amitié entre les pays du Maghreb.

    Dans la course à l’hégémonie entre ces deux puissances, ces tensions illustrent-elles un tournant pour le rayonnement diplomatique de ces pays ? Quelles réactions de la part de la communauté internationale ?

    Certes, la course à l’hégémonie régionale reste un mobile de taille pour les deux pays. Alger cherche à réaffirmer son poids dans la région après plusieurs années de repli qui avaient laissé la voie ouverte au rayonnement de Rabat aux niveaux régional et international. La stratégie africaine de Rabat lui a permis de développer des relations et des accords commerciaux avec les groupes régionaux comme la CEDEAO et retourner certains États africains en sa faveur sur le dossier du Sahara occidental. Les accords commerciaux avec l’Union européenne intégrant le territoire disputé sont considérés comme un exploit par Rabat tant pour sa revendication de la marocanité du Sahara occidental que sur son positionnement de leader régional. Un activisme diplomatique qui risque d’irriter Alger et relancer la compétition entre les deux voisins.

    Mais les instabilités régionales, en Libye et au Sahel notamment, exercent beaucoup de pression sur les deux pays, et contribuent également à l’escalade des tensions. L’Algérie et le Maroc sont deux pays pivots de la région Maghreb-Sahel considérés comme des partenaires clés par les puissances internationales afin de garantir la stabilité de la région, lutter contre le terrorisme et enrayer le crime organisé. La montée des tensions entre les deux pays pourrait venir ternir le tableau aux yeux de la communauté internationale, ou tout du moins susciter son inquiétude. De fait, ces tensions pourraient entraver la stabilité régionale, déjà très fragile.

    Toutefois, même si Alger a choisi l’escalade en refusant de renouveler le contrat sur le gaz et en fermant son espace aérien, ces mesures se font avec une certaine retenue. Les deux États ont conscience qu’une telle escalade serait mal vue au niveau international. Ils feront donc tout pour éviter de subir la pression de la communauté internationale.

    Entre relations tendues entre le Maroc et l’Algérie, et une démocratie tunisienne de plus en plus étouffée par son président Kaïs Saïed, quel avenir pour la population de ces pays du Maghreb ?

    Les révoltes de 2011 en Tunisie, au Maroc et le récent soulèvement de la population algérienne depuis février 2019, illustrent une évolution au sein de la population maghrébine : elle est en quête de plus de libertés, de démocratie et de justice. Ces revendications apparaissent lors des manifestations, regroupant une jeunesse plus éduquée et ouverte au monde, notamment grâce à Internet et aux réseaux sociaux. Mais, cette évolution de la société maghrébine se heurte à l’immobilisme des politiques en place, d’une élite vieillissante et des systèmes de gestion économique, politique et sociale obsolètes. Effectivement, la réaction des pouvoirs en place se caractérise la plupart du temps par une absence de réponse, ou bien par quelques réformes institutionnelles et constitutionnelles qui n’apportent pas de changement sur le terrain. Les réformes structurelles, politiques et sociales qui pourraient satisfaire les revendications de ces populations ne voient donc pas le jour.

    C’est le cas au Maroc. En effet, malgré les réformes constitutionnelles en réaction au mouvement de février 2011, le roi dirige le pays d’une main de fer, contrôlant la vie politique, économique et sociale du pays. On observe aussi un retournement de situation en Algérie par rapport au début de la mobilisation, avec une montée en puissance d’une politique répressive sur les militants et la presse. Enfin, la Tunisie voit son président Kaïs Saïed concentrer le pouvoir entre ses mains, prenant le risque d’une dérive autoritaire, allant à l’encontre de l’esprit de la révolution tunisienne.

    Ainsi, face aux revendications démocratiques de ces populations, les pouvoirs en place s’accrochent encore au paradigme sécuritaire, ce qui les rend réticents à conduire leur pays respectif à une démocratisation réelle, à des réformes profondes sur le plan politique, économique et social. Le paradigme sécuritaire est également soutenu par les puissances étrangères pour lesquelles prime la stabilité de ces États et de la région. Par extension, cette primauté à la stabilité se fait aux dépens des droits à la liberté, la justice, et au développement. D’autant que la corruption continue de gangréner les différents pays et entrave tout développement.

    Bien sûr, l’instabilité de la région n’encourage pas non plus ces pays à mener des réformes politiques sereines vers une démocratisation. Elle conduit au contraire à pérenniser l’immobilisme politique à l’origine même des différentes crises, y compris économiques et sociales, qui crée un sentiment de désespoir que l’on observe au sein de la population maghrébine et visible dans la montée des flux migratoires. On le voit notamment avec les migrations illégales des boat people : des dizaines de milliers de personnes sont arrivées en Espagne ces derniers mois en plus de l’augmentation des demandes de visas. Ces crispations politiques conjuguées avec la dégradation de la situation économique et sociale de ces pays transforment malheureusement les sociétés maghrébines en une poudrière. Cela suscite ainsi beaucoup d’incertitude et d’inquiétude pour ces pays et pour la région.

    Brahim Oumansour

    IRIS, 07/10/2021

  • Guerre d’influence au Maghreb et repli de la France

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    Un des faits les plus caractéristiques de l’année en cours est le nouvel espace de lutte de sous-sol géopolitique que constitue l’espace maghrébo-sahélien. La crise politique et diplomatique entre l’Algérie et le Maroc à fait que beaucoup de puissances occidentales et eurasiatiques se sont placés à gauche ou à droite, mettant à découvert leurs pions et leurs menées, qui étaient restés jusque-là en retrait.

    Ainsi, à mesure que les mois passent, les événements s’accélèrent et font éclairer la politique en Afrique du Nord d’un jour nouveau. Le grand perdant de cette refonte qui s’accélère est certainement la France. Si elle s’est mis à dos l’Algérie, elle a aussi perdu pied au Mali, au Tchad et en Guinée. Dans ce qu’elle appelait dans un passé récent, ses « zones d’influence », seule la Tunisie lui fait encore la révérence. Les destitutions de chefs d’Etats comme Ibrahim Boubakar Keita, Idris Déby Into et Alpha condé, qui lui étaient proches, ou étaient carrément ses obligés, lui ont fait perdre du terrain et de l’influence.

    L’avènement de la société paramilitaire russe Wagner au Mali a fait perdre à la France officielle le peu de bons sens qui lui restait après la déconvenue des sous-marins et de la volte-face australienne. Le Mali est un pion trop important pour la France pour laisser passer pareil affront ; mais il est pratiquement trop tard pour faire machine arrière.

    Les Etats Unis, la Russie et la Chine seront les prochains acteurs du continent, mais avec plus d’intelligence, se concentrant notamment sur l’économie, principalement. L’Afrique sera un terrain de lutte économique, mais tous les coups seront permis.

    La refonte des zones d’influence et la classification des priorités, annoncées déjà par la Chine, qui a affirmé qu’elle n’acceptera plus dans quelque temps que la monnaie chinoise, sont révélatrices de la chute imminente des Etats Unis au profit des Chinois. Reconfiguration planétaire qui pourrait profiter aux pays émergents, dont l’Algérie.

    La déclaration commune entre Alger et Bamako qui veut que les deux pays ont destin commun est aussi annonciatrice de cette refonte qui s’opère aujourd’hui sous nos yeux.

    L’Express, 07/10/2021

  • El Ghazouani propose sa médiation entre le Maroc et l’Algérie

    El Ghazouani propose sa médiation entre le Maroc et l’Algérie

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    La Mauritanie est prête à jouer le rôle de facilitateur dans la crise qui opposoe le Maroc à l’Algérie si elle sollicitée pour cela, a déclaré le président mauritanien Mohammed Ould Ghazouani citée par l’agence Al-Akhbar.

    Dans un entretien accordé au journal français L’Opinion, Ould El Ghazouani a précisé que la Mauritanie prône une position de neutralité positive par rapport à la question du Sahara Occidental depuis la signature de l’accord de paix du 5 août 1979 qui a mis fin aux hostilités avec le Polisario, ajoute Al Akhbar.

    Le président mauritanien ne croit pas « qu’il y ait une intention ou des indications vers une nouvelle escalade, et nous ne le voulons pas, car la situation aura des effets négatifs sur l’intégration maghrébine, qui souffre déjà de la crise libyenne. »

    Après la rupture des relations, l’Algérie a fermé son espace aérien à l’aviation marocaine et a procédé à plusieurs exercices militaires près de la frontière avec le Maroc.

  • Mauritanie: Le MAE reçoit son homologue algérien à New York

    Mauritanie: Le MAE reçoit son homologue algérien à New York

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    Le ministre des Affaires étrangères, de la Coopération et des mauritaniens de l’extérieur, M. Ismail Ould Cheikh Ahmed,, a rencontré, samedi à New York, en marge des travaux de l’Assemblée générale des Nations Unies, le ministre algérien des Affaires étrangères, M. Ramdane Lamamra.

    La rencontre a été l’occasion pour les deux ministres d’aborder les relations de fraternité et de coopération entre les deux pays et les moyens susceptibles de les renforcer et de les développer conformément aux aspirations des deux peuples frères.

    Les deux parties ont aussi passé en revue un certain nombre de questions d’intérêt commun, exprimant à cette occasion leur satisfaction du niveau des relations privilégiées entre les deux pays frères.

    La rencontre s’est déroulées en présence de SEM Sidi Ould Mohamed Laghdaf, représentant permanent de la Mauritanie aux Nations Unies , M. Mohamed Lemine Moulaye Ely, ambassadeur, directeur général de la coopération multilatérale au ministère des Affaires étrangères, M. Soufiane Meymouni, représentant permanent de l’Algérie auprès des Nations Unies et ses principaux collaborateurs.